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07/05/2024 | FRANCE | N°19/13121

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 07 mai 2024, 19/13121


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expédition
exécutoire
délivrée le :
à Maître BROCHE

Copies certifiées conformes
délivrées le :
à Maître BOUJNAH et
Maître MIRO





8ème chambre
1ère section


N° RG 19/13121
N° Portalis 352J-W-B7D-CRDAN


N° MINUTE :


Assignation du :
12 Novembre 2019










JUGEMENT
rendu le 07 Mai 2024


Syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier du [Adresse 3] représenté par son syndic, la

société BELLMAN
[Adresse 6]
[Localité 9]

représenté par Maître Thomas BROCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1159


DÉFENDERESSES

Société LA VIE CLAIRE
[Adresse 5]
[Localité 8]

représentée par M...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expédition
exécutoire
délivrée le :
à Maître BROCHE

Copies certifiées conformes
délivrées le :
à Maître BOUJNAH et
Maître MIRO

8ème chambre
1ère section

N° RG 19/13121
N° Portalis 352J-W-B7D-CRDAN

N° MINUTE :

Assignation du :
12 Novembre 2019

JUGEMENT
rendu le 07 Mai 2024

Syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier du [Adresse 3] représenté par son syndic, la société BELLMAN
[Adresse 6]
[Localité 9]

représenté par Maître Thomas BROCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1159

DÉFENDERESSES

Société LA VIE CLAIRE
[Adresse 5]
[Localité 8]

représentée par Maître Sandra BOUJNAH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1593

Décision du 07 Mai 2024
8ème chambre
1ère section
N° RG 19/13121 - N° Portalis 352J-W-B7D-CRDAN

Société DÉCORASOL
[Adresse 1]
[Localité 11]

représentée par Maître Philippe MIRO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0273

PARTIES INTERVENANTES

Madame [W] [J]
[Adresse 7]
[Localité 2]

Monsieur [X] [I]
[Adresse 3]
[Localité 10]

tous deux représentés par Maître Thomas BROCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1159

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Elyda MEY, Juge
Monsieur Julien FEVRIER, Juge

assistés de Madame Lucie RAGOT, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 08 Février 2024
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L'immeuble sis [Adresse 3] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Au sein de cet immeuble, la SASU Décorasol (ci-après "la société Décorasol") est propriétaire des lots n°1 et 2, donnés à bail commercial à la SA La Vie Claire (ci-après "la Vie Claire") selon acte du 28 septembre 2016, à effet au 1er janvier 2017.

Par lettre simple du 14 février 2017, le syndic de l'immeuble a signalé à la société Décorasol les nuisances causées par le rideau de fer du magasin La Vie Claire, à l'ouverture et au moment des livraisons (entre 2h et 5h du matin), ainsi que le bruit émanant des systèmes de ventilation et/ou climatisation dudit magasin.

Après tentative vaine de rapprochement amiable, lors de l'assemblée générale du 10 juin 2017, les copropriétaires ont donné mandat au syndic afin d'engager toute action judiciaire à l'encontre de La Vie Claire et de la société Décorasol, en raison des nuisances causées à la copropriété du fait de l'exploitation du local.

Par ordonnance du 04 mai 2018, sur saisine du syndicat des copropriétaires, le juge des référés a prononcé une mesure d'expertise judiciaire et a commis M. [V] pour y procéder, lequel a déposé son rapport le 31 juillet 2019.

Par actes d'huissier délivrés les 12 et 13 novembre 2019, le syndicat des copropriétaires a assigné devant la présente juridiction, la société Décorasol et La Vie Claire, afin principalement d'obtenir leur condamnation à réaliser divers travaux préconisés par l'expert judiciaire et à indemniser les préjudices subséquents.

Par conclusions du 20 octobre 2020, M. [X] [I] et Mme [W] [J] sont intervenus volontairement à la procédure.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 21 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires ainsi que M. [I] et Mme [J] (ci-après "les consorts [I]-[J]") demandent au tribunal de :

"Vu les articles 73, 328 et suivants et 771 du code de procédure civile,
Vu l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu l'article 545 du code civil,
Vu l'article 55 du décret du 17 mars 1967,
- Juger M. [X] [I] et Mme [W] [J] recevables et bien fondés en leur intervention volontaire ;
- Entériner les conclusions du rapport d'expertise déposé le 31 juillet 2019 par M. [Y] [V], expert judiciaire ;
- Débouter les sociétés La Vie Claire et Décorasol de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Condamner in solidum les sociétés La Vie Claire et Décorasol à réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire ; lesdits travaux étant contrôlés et validés a posteriori par un expert acoustique inscrit sur les listes de la cour d'appel de Paris aux frais des susnommées ;
- Condamner les mêmes défenderesses à une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
- Condamner in solidum les sociétés La Vie Claire et Décorasol à payer à Mme [J] et M. [I] les sommes suivantes :
44.000 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au mois de novembre 2022,
20.000 euros au titre de la perte de valeur de l'appartement ;
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- Condamner in solidum les sociétés La Vie Claire et Décorasol à payer à Mme [J] et à M. [I] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum les sociétés La Vie Claire et Décorasol à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 3], représenté par son syndic, la société Bellman la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum les sociétés La Vie Claire et Décorasol au paiement des dépens de l'instance, incluant les frais de l'expertise judiciaire."

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 11 novembre 2022, La Vie Claire demande au tribunal de :

"Vu les articles 15, 16, 32, 71, 122, 124, 125, 145, 175, 238, 276, 329, 700, 789, 808 du code de procédure civile,
Vu l'article 771 du code de procédure civile dans sa version antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019,
Vu les articles 606, 1104, 1719 du code civil,
Vu l'article L.231-1 du code du travail,
Vu les articles R.1334-30, R.1334-33 et R.1334-34 du code de la santé publique,
Vu l'article L.112-16 du code de la construction et de l'habitation dans sa version en vigueur du 29 décembre 2019 jusqu'au 1er juillet 2021 remplacé par l'article L.113-8 du code de la construction et de l'habitation,
Vu les articles 9, 15 et 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965,
Vu les articles 17 et 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967,
Vu le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et notamment son article 55,
Vu le rapport d'expertise de M. [Y] [V] déposé le 31 juillet 2019 dans la présente affaire,
Et plus généralement vu les pièces versées aux débats par les parties,
In limine litis
- Juger que le rapport d'expertise de M. [V] déposé le 31 juillet 2019 est entaché de nullité et par voie de conséquence que l'ensemble des actes subséquents, en ce compris "l'assignation au fond après dépôt du rapport d'expertise devant le tribunal de grande instance de Paris " délivrée à la société La Vie Claire le 13 novembre 2019 est également entaché de nullité,
- Annuler l'assignation en référé délivrée les 12 et 22 mars 2018 aux fins notamment de voir ordonner une mesure d'expertise,
- Juger le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son syndic, la SARL Cabinet CSJC, irrecevable en toutes ses prétentions, fins et conclusions,
- Juger M. [X] [I] et Mme [W] [J] irrecevables en toutes leurs prétentions, fins et conclusions,
Et en tout état de cause,
Et notamment à titre principal,

- Débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son syndic, la SARL Cabinet CSJC, de toutes ses prétentions, fins et conclusions,
- Débouter M. [I] et Mme [J], de toutes leurs prétentions, fins et conclusions,
- Débouter la société Décorasol de toutes ses prétentions, fins et conclusions, contraires à celles de la société La Vie Claire,
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son syndic, la SARL Cabinet CSJC, à verser à la société La Vie Claire la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [I] et Mme [J] à verser chacun à la société La Vie Claire la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Décorasol à garantir la société La Vie Claire de toute condamnation mise à sa charge aux termes du présent jugement à intervenir,
- Condamner la société Décorasol à verser à la société La Vie Claire la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son syndic, la SARL Cabinet CSJC, M. [I] et Mme [J] ainsi que la société Décorasol, aux entiers dépens, en ce compris des études acoustiques "ECKEA",
A titre subsidiaire,
- Ordonner la réouverture des débats pour demander à l'Expert, M. [Y] [V], ou à tout autre expert, de répondre au dire n°4 récapitulatif de la société La Vie Claire du 19 juillet 2019, puis à recueillir les dires des parties, avant de conclure aux termes d'un rapport répondant à toutes les missions fixées par l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris en date du 4 mai 2018,
A titre infiniment plus subsidiaire,
- Ramener les réparations et travaux à effectuer du fait de l'action du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son syndic, la SARL Cabinet CSJC, et/ou de M. [I] et de Mme [J] à de plus justes proportions".

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 16 mars 2021 la société Décorasol demande au tribunal de :

"Prendre acte que la société Décorasol s'en rapporte à justice :
sur le nécessité de ces travaux.
quant à l'existence du préjudice de jouissance de M. [I],
Au principal :
- Débouter le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] et M. [I] et Mme [J] de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Décorasol,
Subsidiairement :

- Ramener la réparation du préjudice de jouissance de M. [I] à de plus justes proportions,
- Débouter M. [I] et Mme [J] de leur demande visant à réparer la perte de valeur de l'appartement,
- Condamner la société La Vie Claire à garantir la société Décorasol de toute condamnation mise à sa charge.
- Condamner la société La Vie Claire à payer à la société Décorasol à la somme de 5.000 € ainsi qu'aux entiers dépens".

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 novembre 2022.

L'affaire, appelée à l'audience collégiale du 08 février 2024, a été mise en délibéré au 07 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, aux termes de l'article 768 du code de procédure civile, tel que modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicables aux instances en cours à cette date : "Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées."

Si, aux termes du dispositif de ses dernières écritures, la Vie Claire sollicite de voir "annuler l'assignation en référé délivrée les 12 et 22 mars 2018 aux fins notamment de voir ordonner une mesure d'expertise", elle ne se prévaut, dans le corps de ces mêmes écritures, d'aucun moyen de droit ou de fait au soutien de sa demande.

Au demeurant et en toute hypothèse, le tribunal est saisi de l'instance au fond, par la délivrance des actes précités des 12 et 13 novembre 2019, et le Vie Claire n'explicite ni ne justifie en quoi il serait dès lors compétent pour trancher une demande tendant à l'annulation d'un acte d'assignation délivré en référé, et ne le saisissant donc pas.

Cette demande devra donc être rejetée.

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise

La Vie Claire conclut à la nullité du rapport d'expertise judiciaire, au visa des articles 16 et 276 du code de procédure civile principalement, arguant de ce que l'expert n'a pas respecté le principe du contradictoire ni les droits de la défense, en ne répondant pas au dire n°4 produit par le conseil de La Vie Claire, dans les délais impartis, et en produisant une note de synthèse qui ne correspondait pas à un pré-rapport utile aux parties.

En défense le syndicat des copropriétaires et les consorts [I]-[J] contestent ces moyens de nullité.

Ils arguent de la tardiveté du dire de La Vie Claire, produit au-delà du calendrier fixé par l'expert, et en déduisent que celle-ci est dès lors mal fondée à venir se prévaloir de sa propre turpitude pour solliciter l'annulation du rapport, dont ils affirment par ailleurs qu'il n'est affecté d'aucun vice pouvant, le cas échéant, entraîner sa nullité.

La société Décorasol ne forme aucune observation sur ce point.

***

En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Un rapport d'expertise judiciaire régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties à l'instance constitue un mode de preuve légalement admissible et ne peut être écarté par le juge au seul motif que la mesure n'a pas été réalisée contradictoirement, dès lors qu'il est conforté par d'autres éléments de preuve légalement admissibles.

Aux termes de l'article 276 du code de procédure civile, "L'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.
Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.
Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.
L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées".

L'inobservation des formalités prescrites par l'article 276 du code de procédure civile, ayant un caractère substantiel, n'entraîne la nullité de l'expertise qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité (Cass Com. 18 février 1992).

Sur ce,

Il ressort de l'examen des pièces aux débats et notamment du rapport d'expertise judiciaire communiqué que, contrairement à ce que soutient La Vie Claire, l'expert a répondu au dire n°4 produit par son conseil, daté du 20 juillet 2019.

En page 20 dudit rapport, dans le cadre du paragraphe 7 intitulé "conclusions", l'expert judiciaire mentionne, en un sous-paragraphe 7-1, sa réponse aux "notes récapitulatives ou au dernier dire des parties", en commençant par celui du conseil de La Vie Claire précité.

Si La Vie Claire critique les réponses apportées par l'expert, cela ne saurait suffire à considérer pour autant qu'il a failli à sa mission.

De même, si elle critique le refus de ce dernier de faire droit à sa demande de report de la date fixée pour le dépôt du rapport définitif, elle ne saurait s'en prévaloir utilement dés lors qu'il doit être relevé qu'elle a communiqué le dire litigieux à l'expert le dernier jour fixé pour les observations des parties, à 23h47, soit un horaire inadapté et illustrant une certaine mauvaise foi de la défenderesse.

Concernant la prétendue absence de pré-rapport, il doit être relevé que la note aux parties n°7 était intitulée "document de synthèse", conformément à la mission qui lui avait été confiée par le juge des référés, qui par ailleurs ne mentionnait pas l'obligation d'un tel pré-rapport.

S'il est exact que ce document de synthèse a été rendu par l'expert le 29 juin 2019, et non à la date du 13 mai précédent comme il l'avait indiqué lors de sa note aux parties n°6, ce retard ne saurait être retenu comme entachant de nullité le rapport définitif dès lors que, comme précédemment relevé, La Vie Claire a pu y répondre dans le cadre de son dire n°4, qui a été pris en compte par l'expert judiciaire.

Enfin et en toute hypothèse, La Vie Claire ne justifie nullement d'un quelconque grief tiré d'une prétendu inobservation par l'expert des formalités substantielles de l'article 276 du code de procédure civile, alors que le rapport critiqué a été soumis au principe du contradictoire dans le cadre de la mise en état, durant laquelle La Vie Claire a produit 3 jeux de conclusions au fond.

La demande de nullité du rapport d'expertise formée par La Vie Claire sera donc rejetée.

Sur la demande de nullité de l'acte d'assignation

La Vie Claire soutient que l'assignation au fond délivrée à son encontre par le syndicat des copropriétaires est entachée de nullité compte tenu de ce qu'il n'est pas justifié d'une autorisation valable donnée au syndic d'agir en justice en ces termes, comme le prévoit l'article 55 du décret du 17 mars 1967.

Elle souligne le caractère imprécis de la résolution 16 votée par l'assemblée générale du 10 juin 2017, et le fait que le procès-verbal la consignant n'est pas signé et n'est accompagné d'aucune feuille de présence, ce qui invalide d'autant plus ladite assemblée et par voie de conséquence la résolution précitée.

Elle forme les mêmes griefs à l'encontre de l'autorisation ratificative votée lors de l'assemblée générale du 1er juillet 2018.

Elle excipe enfin de ce que les locaux qu'elle occupe ne dépendent pas uniquement de l'immeuble sis [Adresse 3] mais concernent également l'immeuble du [Adresse 4], non attrait à la cause, et en déduit que le syndicat des copropriétaires demandeur n'a pas qualité pour solliciter la réalisation de travaux concernant cet immeuble, à les supposer nécessaires.

Les parties demanderesses arguent de ce que La Vie Claire ne peut se prévaloir des termes de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 dès lors qu'elle n'a pas la qualité de copropriétaire, d'une part, et qu'au demeurant l'habilitation donnée au syndic aux fins d'agir en justice a été régularisée par l'assemblée générale du 1er juillet 2021, d'autre part.

La société Décorasol ne forme aucune observation sur ce point.

***

Le deuxième alinéa de l'article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, dans sa version issue du décret n°2019-650 du 27 juin 2019, aux termes duquel seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l'absence d'autorisation du syndic à agir en justice, est applicable aux exceptions de nullité tirées du défaut d'autorisation donnée au syndic pour agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires présentées postérieurement au 29 juin 2019, ce qui est le cas en l'espèce.

Au surplus, l'incident de procédure tirée du défaut d'habilitation du syndic à agir n'est pas une fin de non-recevoir mais une exception de procédure, car le moyen vise un défaut de pouvoir et non un défaut de qualité, de sorte qu'il s'agit d'une irrégularité de fond relevant de la compétence exclusive du juge de la mise en état.

Sur ce,

Compte tenu de ce que la Vie Claire n'a pas la qualité de copropriétaire au sein de l'immeuble en cause, d'une part, et de ce que le moyen tiré du défaut d'habilitation d'agir en justice d'un syndic est une exception de procédure relevant de la compétence exclusive du juge de la mise en état,

d'autre part, La Vie Claire sera déboutée de sa demande tendant à l'annulation de l'acte introductif d'instance, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les griefs allégués en soutien de cette demande, inopérants.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de M. [I] et de Mme [J]

La Vie Claire soutient que les consorts [I]-[J] sont irrecevables en leur intervention volontaire dès lors qu'ils n'établissent pas leur qualité de propriétaire indivis d'un lot au sein de l'immeuble en cause, d'une part, ni ne caractérisent subir un préjudice personnel indépendant de celui subir par la collectivité des copropriétaires, d'autre part.

Les parties demanderesses contestent ce moyen d'irrecevabilité, soutenant que les consorts [I]-[J] ont qualité à agir dès lors qu'ils sont copropriétaires au sein de l'immeuble, et subissent directement les nuisances dénoncées, compte tenu de la localisation de leur appartement situé juste au dessus des locaux exploités par La Vie Claire.

La société Décorasol ne forme aucune observation sur ce point.

***

L'article 66 du code de procédure civile dispose que constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. Lorsqu'elle émane du tiers, l'intervention est volontaire.

L'article suivant précise notamment que la demande incidente doit exposer les prétentions et moyens de la partie qui la forme.

L'article 325 du même code précité dispose en outre que l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

Aux termes de l'article 328 du code susvisé, l'intervention volontaire est principale ou accessoire.

L'article 329 du code de procédure civile dispose que l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

L'article 330 du même code dispose que "L'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
L'intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention".

Le moyen tiré de l'irrecevabilité d'une intervention, au regard des dispositions de l'article 325 du code de procédure civile, ne constitue ni une exception de procédure ni un moyen de défense au fond, mais une fin de non-recevoir, étant rappelé que l'article 122 du code de procédure civile ne dresse pas une liste limitative des fins de non-recevoir.

Pour l'application des articles 31 et 122 du code de procédure civile, l'intérêt à agir s'apprécie au jour de la demande en justice.

Sur ce,

Par conclusions du 20 octobre 2020, les consorts [I]-[J] sont intervenus volontairement à la procédure, soutenant être propriétaires indivis au sein de l'immeuble en cause, d'un appartement situé au premier étage, juste au-dessus des locaux appartenant à la société Décorasol.

Pour autant, alors que la société défenderesse leur conteste cette qualité de copropriétaires en indivision, les consorts [I]-[J] ne produisent pas aux débats leur titre de propriété.

Ils se contentent de communiquer (pièce 16) une procuration établie en leurs noms au profit d'une étude notariée en vue de l'acquisition du lot n°62 au sein de l'immeuble en cause, qui n'est ni datée ni signée de sorte qu'elle est dénuée de toute force probante.

Si le procès-verbal de l'assemblée générale de l'immeuble du [Adresse 3] du 1er juillet 2021 mentionne, en page 2, l'indivision [I] [W] et [X] sur la liste des copropriétaires ayant voté par correspondance, ce seul élément est insuffisant, à lui seul, à établir la qualité de propriétaire des consorts [I]-[J] d'un lot du 1er étage dudit immeuble, dès lors qu'elle est contestée.

Par conséquent, ils sont pour ce seul motif irrecevables en leur intervention volontaire en leur qualité de copropriétaires.

En revanche il ressort des éléments au débat et n'est au demeurant pas contesté que M. [I] occupe effectivement un appartement du premier étage de la copropriété, situé au-dessus du local exploité par La Vie Claire de sorte que, à supposer les nuisances sonores avérées, il a qualité à agir en réparation de son préjudice lié à l'occupation des lieux.

Sur les demandes principales en réparation matérielle et financière

Se prévalant des constats et conclusions du rapport d'expertise judiciaire, le syndicat des copropriétaires ainsi que M. [I] soutiennent que La Vie Claire, dans le cadre de l'exploitation des locaux qui lui ont été donnés à bail par la société Décorsasol, est à l'origine de nuisances sonores préjudiciables, constitutives de troubles anormaux du voisinage ainsi que des manquements aux obligations du décret applicable en matière de bruits de voisinage, à savoir :

- livraisons nocturnes,
- bruit du rideau métallique de fermeture de la devanture,

- bruit des groupes froid et/ou de climatisation,
- déplacements du transpalette à l'intérieur du magasin.

Ils soutiennent que ces troubles empêchent les occupants de l'immeuble de jouir paisiblement de leur bien au quotidien, et plus particulièrement s'agissant de M. [I] qui vit dans l'appartement situé juste au-dessus du magasin et subit, chaque nuit, des réveils nocturnes en raison des bruits de livraison.

Ils en déduisent que la responsabilité de cette société, en sa qualité de locataire, ainsi que celle de la société Décorasol, en sa qualité de propriétaire des locaux loués, est engagée, au visa des articles 9 de loi du 10 juillet 1965 et de la théorie des troubles anormaux du voisinage ainsi que des termes du contrat de bail les liant, prévoyant que le preneur s'engage à respecter la tranquillité des autres occupants de l'immeuble.

Ils s'estiment fondés à réclamer leur condamnation à faire exécuter les travaux préconisés par l'expert ainsi qu'à indemniser le préjudice de jouissance de M. [I].

Les parties demanderesses rappellent que si la Vie Claire a pu, notamment pendant les opérations expertales, s'engager à faire réaliser des travaux d'amélioration et à mettre en place une autre organisation notamment pour les livraisons, cela n'a jamais été suivi d'effet.

En défense, La Vie Claire critique les opérations expertales, soutenant que l'expert judiciaire a outrepassé sa mission en faisant état de prétendues nuisances qui n'étaient pas visées dans l'acte d'assignation, d'une part, et en portant des appréciations juridiques sur la situation soumise à son examen, d'autre part.

Elle prétend que, contrairement aux conclusions de l'expert judiciaire, les nuisances alléguées sont dues à un plancher très insuffisant et à la vétusté de l'immeuble, ce dont sont seuls responsables le syndicat des copropriétaires, d'une part, ainsi que le bailleur qui a pour obligations d'assurer une jouissance paisible des lieux loués et de prendre en charge les grosses réparations, d'autre part.

Elle souligne en outre l'absence d'élément probant quant à la prétendue violation des prescriptions légales en matière de seuils de bruits.

Elle en déduit l'absence de caractérisation en demande d'un trouble anormal du voisinage, ce d'autant plus au vu de la nature des lieux loués à savoir des locaux commerciaux pouvant par nature être à l'origine de bruits sans qu'ils constituent automatiquement des nuisances excessives, et sollicite le rejet des prétentions indemnitaires des demanderesses, qu'elle estime injustifiées tant dans leur principe que dans leur quantum.

Elle souligne enfin, en réponse à la demande de réalisation de travaux de réfection, que le rideau de fer litigieux a été changé le 5 février 2021, d'une part, et que le système de ventilation/climatisation critiqué se situe au niveau des locaux dépendant de l'immeuble du [Adresse 4],

dont le syndicat des copropriétaires n'est pas partie à la procédure, d'autre part.

A titre subsidiaire, la Vie Claire conclut à une réouverture des débats pour un complément d'expertise.

La société Décorasol critique le quantum du préjudice de jouissance réclamé par les consorts [I]-[J], et conteste tout manquement à ses obligations de bailleresse, rappelant que les travaux de réfection complète des locaux ont été effectués par La Vie Claire et qu'il lui revenait donc de s'assurer de leur conformité, notamment au niveau de l'isolation phonique.

***

Sur la matérialité des nuisances alléguées et les responsabilités engagées

Un trouble anormal de voisinage est constitué dès lors qu'existe une nuisance excédant les inconvénients normaux de la cohabitation dans un immeuble collectif en fonction des circonstances et de la situation des lieux.

L'article 544 du code civil dispose que "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements".

L'article 9 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965 dispose en outre que "chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble."

La mise en œuvre de la responsabilité objective pour troubles anormaux du voisinage suppose la preuve d'une nuisance excédant les inconvénients normaux de la cohabitation dans un immeuble collectif en fonction des circonstances et de la situation des lieux.

Le propriétaire est responsable de plein droit des troubles anormaux de voisinage provenant de son fonds, que ceux-ci aient été causés par son fait ou par celui de personnes avec lesquelles il est lié par contrat, notamment par le preneur de son lot.

Un syndicat des copropriétaires peut agir à l'encontre d'un copropriétaire sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage (ex. : Civ. 3ème, 11 mai 2017, n° 16-14.339, publié au bulletin).

Le tiers lésé, qu'il soit propriétaire ou occupant des lieux, dont la jouissance paisible a été troublée, est recevable à diriger indifféremment son action aussi bien contre l'auteur effectif du trouble que contre le propriétaire des lieux où le trouble a trouvé son origine ou sa cause (ex. : Cour d'appel de Paris, Pôle 1, chambre 2, n° RG 12/08393).

Un syndicat des copropriétaires a qualité à agir en réparation des préjudices personnels ressentis de la même manière par l'ensemble des copropriétaires, prenant ainsi un caractère collectif (ex. : Civ. 3ème, 23 novembre 2017, n° 16-20.805), au titre de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble, en application des dispositions de l'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Selon l'article R.1334-31 du code de la santé publique, "Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité".

L'article R.1334-32 du code de la santé publique précise que "Lorsque le bruit mentionné à l'article R.1334-31 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R.1334-36 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.
Lorsque le bruit mentionné à l'alinéa précédent, perçu à l'intérieur des pièces principales de tout logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d'activités professionnelles, l'atteinte est également caractérisée si l'émergence spectrale de ce bruit, définie à l'article R.1334-34, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article (1).
Toutefois, l'émergence globale et, le cas échéant, l'émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels A si la mesure est effectuée à l'intérieur des pièces principales d'un logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 dB (A) dans les autres cas".

Selon l'article R.1334-33 du même code, "L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause.
Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier :
1° Six pour une durée inférieure ou égale à 1 minute, la durée de mesure du niveau de bruit ambiant étant étendue à 10 secondes lorsque la durée cumulée d'apparition du bruit particulier est inférieure à 10 secondes ;
2° Cinq pour une durée supérieure à 1 minute et inférieure ou égale à 5 minutes ;
(...)".

Enfin, l'article R.1334-34 du code précité prévoit que "L'émergence spectrale est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant dans une bande d'octave normalisée, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau de bruit résiduel dans la même bande d'octave, constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux mentionnés au deuxième alinéa de l'article R.1334-32, en l'absence du bruit particulier en cause.
Les valeurs limites de l'émergence spectrale sont de 7 dB dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 125 Hz et 250 Hz et de 5 dB dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 500 Hz, 1 000 Hz, 2 000 Hz et 4 000 Hz".

Chacun des responsables d'un même dommage doit par principe être condamné à le réparer en son entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.

Sur ce,

Rappelons, à titre liminaire, que La Vie Claire exploite le local commercial litigieux au rez-de-chaussée de l'immeuble en cause depuis le 1er janvier 2017, et qu'il était auparavant exploité par la société Décorasol, également propriétaire des lieux.

Rappelons également, en réponse aux critiques émises par La Vie Claire consistant à affirmer que l'expert judiciaire aurait dépassé les termes de sa mission, que l'ordonnance de référé du 04 mai 2018 l'ayant désigné lui confiait de "rechercher l'origine, l'étendue et la cause des nuisances" soit une mission très élargie englobant tout type de nuisances, d'une part, et que le tribunal n'est pas lié par les appréciations juridiques d'un expert, d'autre part.

Il ressort de l'examen des éléments produits au débat qu'en décembre 2016, un premier échange de courriels a eu lieu entre M. [I], d'une part, et le gestionnaire de l'immeuble, d'autre part, au sujet des modifications souhaitées pour l'entrée dans les lieux de La Vie Claire, portant notamment sur un changement de ventilation, M. [I] attirant alors l'attention de son interlocuteur en ces termes "il convient de faire très rapidement une étude sur cette grille de ventilation. Ayant l'appartement juste au dessus, je peux confirmer que ça peut être juste impossible d'avoir une ventilation en permanence au dessus de notre chambre ; La société Décorsaol avait déjà oublié d'éteindre le chauffage (qui est posé au dessus de l'entrée) et acoustiquement c'était un enfer" (courriel du 08 décembre 2016).
Puis, à la suite de plusieurs plaintes de copropriétaires, le syndic a écrit à la société Décorasol, propriétaire des lieux, le 14 février 2017, en ces termes :

"(…) nous faisons suite à la récente ouverture du magasin La Vie Claire au rez-de-chaussée de l'immeuble (…) et aux plaintes qui nous sont d'ores et déjà adressées par les résidants (sic).
(…) les membres du conseil syndical nous informent des faits suivants :

- le rideau de fer clôturant la vitrine fait un bruit très important. Il est manipulé à chaque ouverture du magasin ainsi qu'à l'occasion de chaque opération de livraison pour approvisionnement, très tôt le matin (entre 2h30 et 5h00)
- le système de ventilation et/ou de climatisation est activé en permanence et occasionne un bruit sourd permanent.
Nous tenons à vous faire part de l'exaspération des résidants (sic) et leur volonté que ces nuisances cessent sans délai.
Nous vous proposons d'organiser sans délai une réunion sur place".

Par courriel du 03 mars 2017, le syndic a informé les propriétaires et occupants de l'immeuble de la tenue de cette réunion, en présence de M. [C] représentant de La Vie Claire et de M. [T] pour la société Décorasol, et de ce que "nous avons évoqué l'ensemble des nuisances que vous subissez depuis l'ouverture de la boutique et avons envisagé les moyens d'y mettre un terme.
En ce qui concerne les nuisances en provenance de la grille d'évacuation côté [Adresse 14], M. [C] a indiqué que le groupe froid fonctionne en permanence de telle sorte que les réfrigérateurs soient alimentés en continu afin de ne pas rompre la chaîne du froid.
Compte tenu des faits que vous m'avez rapportés et de ces explications, l'origine des nuisances serait donc plutôt située sur le groupe de climatisation, ventilé par les grilles.
Ce groupe est géré par une horloge programmable située dans la boutique. La climatisation s'enclenche à partir de 06h00 et se coupe à 21h00. La mise en fonctionnement de ce système à un moment de la journée où peu de bruit est émis dans la rue cause sans doute la majeure partie de ces troubles.
Afin que ces nuisances soient estompées, un décalage de l'horloge a été effectué hier afin que le système fonctionne entre 08h00 et 20h00.
En ce qui concerne la grille fermant l'entrée du magasin, nous avons pu constater son décalage (causant un important bruit au démarrage et des saccades dans le fonctionnement) et la nécessité de faire procéder à un graissage et à un réglage.
Ces réglages seront effectués aujourd'hui ou demain au plus tard.
En ce qui concerne les livraisons la nuit, M. [C] fait remonter sans délai l'information au service logistique de La Vie Claire pour demander à ce que les livraisons soient assurés plus tard (…).
Cette question est plus délicate à gérer car les livraisons de ce magasin sont incluses dans la tournée du transporteur travaillant avec La Vie Claire (...).
Cette question étant liée à celle du rideau de fer, il conviendra d'observer si les réglages apporteront déjà un confort supplémentaire. (...)".

A la suite de cette réunion, et malgré ce qui en était ressorti, le syndic a dû, par lettre recommandée avec accusé de réception du 09 mai 2017, dont la réception n'est pas rapportée mais pas davantage contestée, mettre en demeure la société Décorasol "d'engager les démarches nécessaires auprès de l'exploitant du fonds de commerce afin qu'il fasse cesser toute nuisance sous 15 jours à réception de la présente et de nous justifier des démarches que vous aurez entreprises", et ce en raison de la persistances des nuisances dénoncées.

En parallèle, au mois de juillet 2017, M. [I] a saisi le bureau d'action contre les nuisances professionnelles de la mairie de [Localité 13], par un formulaire daté du 05 juillet 2017 aux termes duquel il fait état de "bruit de camion - chariot à palettes qui roule sur le sol du magasin - ouverture de grille métallique (parfois 5/6 fois consécutivement) du magasin - frigos qui créent un bruit très violent parfois ; plusieurs fois par semaine - livraison entre minuit et 7h - grille métallique avant 8h".

Aux termes de l'expertise judiciaire, durant laquelle il a été procédé à diverses mesures acoustiques, de façon inopinée et concertée, depuis le 1er étage de l'immeuble, l'expert retient que (page 23 notamment) "il résulte de nos constatations sur les lieux, mesures acoustiques en notre présence permanente suivies des analyses des bruits mesurés dans les appartements situés au dessus du local commercial, l'apparition d'émergences des bruits provenant des activités du local commercial dépassant les valeurs limites admissibles d'émergences de bruit fixées par le décret n°2006-1099 en matière de bruit de voisinage.
Les dépassements d'émergences de bruit ont plusieurs sources d'origine à savoir le fonctionnement du rideau métallique situé à l'entrée de l'enseigne, le roulement de transpalette sur le sol carrelé de la surface commerciale, le bruit du compresseur associé au condenseur/échangeur pour la climatisation et la production de froid.
(…)
Les éléments descriptifs de la gêne produite par les bruits mesurés dans les appartements du 1er étage situés au dessus de la surface commerciale, se caractérisent par :

l'intensité des bruits audibles dans les séjours d'appartement sans qu'il soit nécessaire de porter une attention d'écoute particulière ;
la répétitivité d'apparition des bruits ;
une caractéristique d'audibilité des bruits bien distincte selon les sources de bruit, soit un bruit de roulement (transpalette au sol), un bruit métallique et de grincement (rideaux), un bruit de ronflement (compresseur) ;
des natures de bruit distinctes du bruit ambiant régnant dans les appartements.
(…)
Les dépassements des émergences limites admissibles des bruits particuliers d'activités identifiées comme provenant du local commercial exploité par La Vie Claire constituant un manquement aux prescriptions législatives (sic) vis à vis du décret n°2006-1099 en matière de bruit de voisinage.
(…)".

L'expert judiciaire fait également état, en page 16, de ce que "en regard de la réglementation, vu la réalisation de nouveaux aménagements et activités au rez-de-chaussée de l'immeuble de logements, l'isolement acoustique aux bruits aériens du plancher séparatif entre la surface commerciale et les logements, mesurée de 48 (appartement [U]) et 50 dB (appartement [I]) est très insuffisante au regard de la valeur réglementaire de 58 dB requise entre un local à activité et un logement. Le faible niveau d'isolement acoustique aux bruits aériens du plancher séparatif participe de façon significative à la propagation de l'ensemble des bruits d'activités observés vers les logements.

Les bruits de roulement des transpalettes (livraison et magasin) sur le carrelage dans l'espace de vente superposée dessous les deux logements du rez-de-chaussée résultent du contact de galets de transpalettes en matériaux dur sur le carrelage, la pose d'un revêtement de sol souple adapté au roulement de transpalettes s'imposait au titre des règles de l'art en matière d'acoustique portant sur les bruits d'impacts au sol.
En regard des règles de l'art on observe certaines installations suspendues et fixées en sous face du plafond ne comportant pas de dispositifs anti-vibratiles."

En réponse au dernier dire du conseil de La Vie Claire, l'expert précise notamment que "la propagation des bruits des équipements suspendus en plafond de la surface commerciale, sans dispositif d'isolation contre les vibrations, ne s'arrête pas à la limite fictive de l'aplomb des deux immeubles en copropriété, et se propage dans l'ensemble de la structure de l'immeuble.
Les bruits de livraisons constituent des nuisances alléguées par les copropriétaires dans l'assignation, et implicitement des bruits de roulement de transpalette et autres bruits en lien avec une activité normale de livraison (moteur des camions, bruit de groupes froid des camions, bruits des livreurs).
Le bruit mesuré lors du fonctionnement du rideau métallique du magasin dans les appartements de M. [U] et [I], donne lieu à des dépassements d'émergences limites admissibles par le décret n°2006-1099 en matière de bruit du voisinage.
(…)
Contrairement au terme du présent dire, la mesure du niveau bruit du rideau métallique a été caractérisée sur les lieux, en complément des mesures inopinées, par les mesures contradictoires le 13 novembre 2018 en présence des parties.
(...)
la manœuvre du rideau métallique, montée et descente, est constatée effectuée plusieurs fois tôt le matin, trois séquences de manœuvre du rideau ont été constaté et mesuré lors de la visite inopinée du 29 septembre 2018 entre 7h26 et 7h43 ce qui correspond à une durée accumulée d'apparition entre 1 mn et 5 mn selon la plage du décret n°2006-1099.
Comme l'indique le calcul d'émergence, l'émergence de bruit en niveau global respecte la réglementation, par contre les émergences au niveau spectral ne respectent pas le décret n°2006-1099 dans toutes les fréquences d'octaves les émergences limites fixées par le décret sont dépassées (sic).(…)"

Il s'évince de l'analyse combinée de ces éléments que l'exploitation du local commercial appartenant à la société Décorasol par La Vie Claire a engendré, dès son origine, diverses nuisances sonores liées au fonctionnement du rideau métallique d'ouverture et de fermeture du local, à l'utilisation de charriots type transpalettes, notamment au moment des livraisons de produits, et du fonctionnement du système de ventilation du local.

Si ces nuisances sont, en théorie, la conséquence "classique" de l'exploitation d'un local commercial, auxquelles doivent raisonnablement s'attendre tout occupant d'un logement situé à proximité directe d'un tel local,

il est établi en l'espèce par les mesures acoustiques réalisées lors de l'expertise judiciaire, que ces nuisances ont dépassé les seuils réglementaires de bruit admissibles pour l'exercice d'une activité commerciale, caractérisant l'anormalité du trouble dénoncé par les occupants de l'immeuble en cause, dont principalement M. [I].

L'existence de ces nuisances anormales n'a pas fait l'objet d'une quelconque contestation des sociétés défenderesses dans le cadre des échanges de courriels en 2017, qu'à l'inverse elles ont participé à la réunion organisée sur le sujet en mars 2017 par le syndic de l'immeuble.
Il doit d'ailleurs être relevé que si, à l'issue de cette réunion, il ne peut être reproché aux sociétés défenderesses de ne pas avoir pu modifier le système de livraisons des marchandises, dépendant d'une organisation externe, celles-ci n'ont pas mis en œuvre les solutions qu'elles avaient proposées à l'issue de la rencontre, ce qui illustre une certaine mauvaise foi.

Enfin, si La Vie Claire critique les mesures réalisées par l'expert judiciaire, qui pourtant entraient dans le champ de sa mission, elle ne produit aux débats aucune pièce de nature à les contredire. L'analyse de M. [K] qu'elle verse en pièce jointe de son dire du mois de juillet 2019, et qui remet en cause les mesures acoustiques réalisées, ne saurait suffire à elle seule à contrecarrer les conclusions expertales dès lors qu'elle a été réalisée à sa demande, uniquement "sur pièces", et n'est en toute hypothèse étayée par aucun autre document technique probant.

Concernant la problématique des sols du local commercial, dont il ressort des éléments techniques précités qu'ils présentent un défaut d'isolation ayant contribué à l'aggravation des nuisances sonores, La Vie Claire succombe à établir en quoi cet élément relèverait de la responsabilité du syndicat des copropriétaires.

Si la question se pose en revanche de savoir si ces travaux d'amélioration de l'isolation des sols relève des obligations de son bailleur, la société Décorasol, ce point concerne leurs relations contractuelles et l'éventuelle garantie de l'une envers l'autre ce qui sera examinée infra, mais ne saurait l'exonérer de sa propre responsabilité en tant qu'occupante des lieux et à l'origine de l'exploitation ayant causé le trouble anormal du voisinage décrit ci-dessus.

Pour le même motif, la responsabilité de la société Décorasol est également engagée dans la survenance dudit trouble, en sa qualité non-contestée de propriétaire du local.

En conclusion, sont donc retenues les responsabilités de La Vie Claire et de la société Décorasol dans la survenance des troubles excédant ceux normaux du voisinage dénoncés par les occupants de l'immeuble sis [Adresse 3].

Etant co-responsables du préjudice, ils seront condamnés in solidum à le réparer.

Compte tenu de ces développements, la demande de La Vie Claire, formée à titre subsidiaire, d'ordonner la réouverture des débats devient sans objet et doit être rejetée.

Sur la réparation des préjudices

Le principe de la réparation intégrale du préjudice subi impose que la personne à l'origine des désordres indemnise celui qui les a subis de l'intégralité de ces préjudices, à les supposer établis.

Il appartient au juge d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence dans son principe (ex. : Civ. 3ème, 25 janvier 2006, n° 04-20.726)

- S'agissant de la demande de réalisation des travaux

Aux termes de leurs dernières écritures, le syndicat des copropriétaires et M. [I] sollicitent la condamnation des défenderesses à "condamner in solidum les sociétés La Vie Claire et Décorasol à réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire ; lesdits travaux étant contrôlés et validés a posteriori par un expert acoustique", et ce sous astreinte.

L'expert judiciaire retient, en pages 23 et 24 de son rapport, que "des principes de préconisations techniques ont été proposés pour solutionner le litige et donné lieu à la présentation par La Vie Claire d'un devis et d'une étude acoustique, soit :

- note acoustique du bureau d'étude "Eckea Acoustique" du 29/04/2019
- devis descriptif et estimatif n°10/2019/250 indice 0 de la société Aramis pour un montant de 51.531,68 € (HT) valeur juin 2019
- devis n°D19489 société " SRA " pour un montant de 2.048 € (HT) juin 2019
- second devis descriptif et estimatif n° n°10/2019/250 indice B de la société Aramis pour un montant de 22.601,79 € (HT) valeur juin 2019
- note acoustique du bureau d'étude "Eckea Acoustique" du 19/07/2019."

Il relève ensuite que "l'étude acoustique n°2 du 19 juillet 2019 doit valider le descriptif technique des devis présentés et assurer une continuité et un suivi dans le cadre de la réalisation des travaux, étant rappelé que l'exigence de résultat après travaux doit être validée par une mesure acoustique réglementaire dans les appartements du 1er étage, mesure du bruit des équipements objets des nuisances sonores alléguées".

Si sur ce point, elle produit au débat une facture datée du 24 mars 2021, avec pour objet "réalisation des travaux du devis 10-202-91 ind.0 du 05/02/2021 - volet roulant LVC [Adresse 12]", rien ne permet de s'assurer que ce changement a été fait dans les règles de l'art et a permis de réduire le bruit d'utilisation de cet équipement, d'une part, et au demeurant ledit changement est insuffisant, à lui seul, à permettre au tribunal de considérer que l'ensemble des travaux préconisés et nécessaires pour faire cesser les troubles ont été dûment effectués,

d'autre part, aucune autre pièce des parties défenderesses n'étant de nature à le justifier.

Si par ailleurs, La Vie Claire se prévaut de ce que le bail commercial, au titre duquel elle exploite le local litigieux, concerne également des locaux appartenant à l'immeuble voisin du [Adresse 4], non attrait à la cause, cet argument est inopérant dès lors qu'il a été retenu, précédemment, que les défenderesses étaient responsables des nuisances sonores dénoncées par les occupants de l'immeuble en cause, de sorte qu'elles doivent y remédier.

Il convient dans ces conditions de faire droit à la demande de condamnation in solidum des sociétés défenderesses à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert, selon les devis proposés par La Vie Claire dans le cadre de la mesure expertale, et de faire contrôler leur réalisation, le tout comme précisé au dispositif.

Compte tenu de l'absence de réalisation spontanée de ces travaux depuis le dépôt du rapport d'expertise et de l'inertie certaine dont les sociétés défenderesses ont fait preuve, il convient d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte pour s'assurer de son effectivité.

- S'agissant de la demande indemnitaire de M. [I]

M. [I] réclame une somme de 44.000 euros en réparation de son trouble de jouissance de lieu de vie, arguant de ce que les nuisances subies, qui altèrent son sommeil, correspondent à une perte de jouissance de moitié de la valeur locative du bien soit 550 euros, sur une durée de 80 mois au jour de la signification de ses dernières conclusions.

Compte tenu des développements précédents et de la caractérisation du trouble anormal du voisinage subi par la copropriété et donc par M. [I], dont il n'est pas contesté qu'il occupe l'un des appartements situés au dessus du local exploité par La Vie Claire, le préjudice de jouissance dont il réclame réparation est caractérisé dans son principe.

Concernant le quantum réclamé à ce titre, le tribunal relève que M. [I] ne produit aux débats aucune pièce venant justifier de la valeur locative du bien ni de l'ampleur de l'atteinte prétendument causée par les nuisances sur la qualité et/ou la durée de son sommeil.

Dans ces conditions, le tribunal estime devoir chiffrer le préjudice de jouissance de M. [I] à la somme de 50 euros mensuels, sur une durée de 80 mois conformément à sa demande, soit 4.000 euros au total.

La Vie Claire et la société Décorsaol sont donc condamnées in solidum à verser à M. [I] à la somme de 4.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, le surplus réclamé à ce titre, injustifié, devant être rejeté.

Sur le recours en garantie de la société Décorasol

La société Décorasol sollicite, à titre subsidiaire, d'être garantie par La Vie Claire, soutenant avoir respecté son obligation de délivrance des lieux loués et se prévalant de ce qu'aux termes du contrat de bail les liant il revenait à La Vie Claire de faire réaliser les travaux nécessaires à une exploitation normale du local mis à sa disposition.
Elle souligne en outre que selon l'expert judiciaire, que les travaux exécutés par sa locataire avant son entrée dans les lieux n'étaient pas conformes aux règles de l'art, ce qui relève de sa seule responsabilité.

La Vie Claire s'y oppose, soutenant que son bailleur a failli à son obligation de délivrance de locaux conformes à leur destination et que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

***

Il est de principe que dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu'à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil s'ils ne sont pas liés contractuellement entre eux ou des articles 1231-1 et suivants du code civil s'ils sont liés contractuellement.

Un co-débiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'entière obligation, ne peut, comme le co-débiteur solidaire, même s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que pour les parts et portion de chacun d'eux, donc sans solidarité.

L'article 1719 du code civil dispose notamment, que le "bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière" de "délivrer au preneur la choses louée".

Aux termes de l'article 1103 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Sur ce,

Le contrat de bail commercial conclu entre La Vie Claire et la société Décorasol le 28 septembre 2016, à effet au 1er janvier 2017, contient en page 14, une clause particulière "travaux" qui prévoit que "le local est loué en l'état, le preneur s'engage à prendre en charge les travaux d'aménagement nécessaires à son activité (…). Le preneur devra réaliser les travaux nécessaires à son activité dans les règles de l'art sous la présence d'un architecte quand ceux-ci touchent au gros œuvre (...)".

En application de cette clause, il n'est pas contesté que La Vie Claire a fait procéder, avant son entrée dans les lieux, à certains travaux d'aménagement dont des travaux de "flocage thermique et phonique" du plafond.

Le bail précité dispose également, en page 4, au paragraphe "entretien", que "les parties rappellent expressément en tant que de besoin que tous les frais de ravalement qu'ils soient imposés par la réglementation existante ou décidés par l'assemblée des copropriétaires seront entièrement à la charge exclusive du bailleur.
Il devra notamment faire entretenir et remplacer, si besoin est, tout ce qui concerne les installations à son usage personnel ainsi que les fermetures et serrures des fenêtres, portes et volets, les glaces, vitres, parquets, carrelages, revêtements de sol, boiseries".

Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions contractuelles que si La Vie Claire avait l'obligation de faire réaliser, avant de démarrer l'exploitation du local, des travaux d'aménagement nécessaires à son activité comprenant des travaux d'adaptation des sols le cas échéant, ce dernier a également pour obligation notamment "d'entretenir les revêtements de sol du local".

Or, la société Décorasol ne prétend ni au demeurant ne justifie de ce que le manque d'isolation phonique des sols du local, notamment lié à la vétusté de l'immeuble, relève de la catégorie des travaux mis à la charge de son preneur ou de sa propre obligation contractuelle précitée.

Surabondamment, le tribunal relève que la société Décorasol ne saurait solliciter utilement une quelconque garantie de sa locataire alors qu'elle ne justifie pas par ailleurs avoir fait le nécessaire auprès de celle-ci pour qu'elle remédie, à son niveau, aux nuisances dénoncées par la copropriété et dont elle était dûment informée, alors que le contrat de bail prévoyait l'obligation faite à La Vie Claire de ne pas troubler la tranquillité des autres occupants de l'immeuble, de sorte qu'elle a, a minima, par cette inertie fautive contribué au dommage.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société Décorasol sera déboutée de sa demande de garantie formée à l'encontre de La Vie Claire, étant rappelé qu'elle ne forme aucune demande tendant à un partage de responsabilité autre que par part virile, fût-ce à titre subsidiaire.

Sur les demandes accessoires

Parties succombantes au litige, La Vie Claire et la société Décorasol doivent être condamnées in solidum aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire, ainsi qu'à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 3.000 euros au syndicat des copropriétaires, d'une part, et à M. [I], d'autre part.

Les demandes formées au même titre par Mme [J] ainsi que par les sociétés défenderesses seront rejetées.

La nature et l'ancienneté du litige commandent d'ordonner l'exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction, et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DEBOUTE La SA Vie Claire de ses demandes de nullité du rapport d'expertise judiciaire et d'annulation des actes d'assignations en référé et au fond,

DECLARE Mme [W] [J] irrecevable en son intervention volontaire,

RECOIT M. [X] [I] en son intervention volontaire,

CONDAMNE in solidum la SA La Vie Claire et la SAS Décorasol à réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire M. [V] aux termes du rapport d'expertise judiciaire du 31 juillet 2019,dans un délai de trois mois suivants la signification du présent jugement, selon :

- le devis descriptif et estimatif n°10/2019/250 indice 0 de la société Aramis pour un montant de 51.531,68 € (HT) valeur juin 2019
- le devis n°D19489 société " SRA " pour un montant de 2.048 € (HT) juin 2019
- le second devis descriptif et estimatif n° n°10/2019/250 indice B de la société Aramis pour un montant de 22.601,79 € (HT) valeur juin 2019,

ORDONNE que la réalisation des travaux énumérés ci-dessus soient contrôlés et validés a posteriori par un professionnel en acoustique de leur choix, et à leurs frais, et avec l'assistance de l'architecte de l'immeuble,

ORDONNE qu'à défaut de réalisation spontanée des travaux dans le délai précité de trois mois suivant la signification de la présente décision décision et en cas de poursuite de l'activité génératrice de trouble anormal du voisinage, leur réalisation et leur contrôle a posteriori seront assortis d'une astreinte provisoire à raison de 500 euros par jour de retard,

DIT que l'astreinte ci-dessus prononcée courra pendant 6 mois et sera, le cas échéant, liquidée par le juge de l'exécution, conformément aux dispositions de l'article L.131-3 du code des procédures civiles d'exécution,

CONDAMNE in solidum la SA La Vie Claire et la SAS Décorsaol à payer à M. [X] [I] à la somme de 4.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

REJETTE le surplus des prétentions indemnitaires de M. [X] [I],

DEBOUTE La SA Vie Claire de sa demande subsidiaire tendant à la réouverture des débats,

DEBOUTE la SAS Decorasol de sa demande de garantie,

CONDAMNE in solidum la SA La Vie Claire et la SAS Décorasol à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la SA La Vie Claire et la SAS Décorasol à payer à M. [X] [I] une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la SA La Vie Claire et la SAS Décorasol aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire,

PRONONCE l'exécution provisoire de la présente décision,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 07 Mai 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 19/13121
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;19.13121 ?
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