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03/05/2024 | FRANCE | N°20/02927

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Loyers commerciaux, 03 mai 2024, 20/02927


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




Loyers commerciaux

N° RG 20/02927 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CR4MT

N° MINUTE : 3

Assignation du :
04 Mars 2020

Jugement en fixation







JUGEMENT
rendu le 03 Mai 2024

DEMANDEURS

Madame [G] [Z] épouse [I] [J] (usufruitière)
[Adresse 5]
[Localité 7]

Monsieur [K] [I] [J] (nu-propriétaire indivis)
[Adresse 2]
[Localité 12]

Madame [H] [I] [J] épouse [X] (nu-propriétaire indivis)
[Adresse 9]
[Localité 10]

Aucune [U

] [I] [J] (nu-propriétaire indivis)
[Adresse 1]
[Localité 6]

Madame [M] [I] [J] épouse [Y] (nu-propriétaire indivis)
[Adresse 4]
[Localité 7]

Madame [F] [I] [J] (nu-propriétaire indivi...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Loyers commerciaux

N° RG 20/02927 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CR4MT

N° MINUTE : 3

Assignation du :
04 Mars 2020

Jugement en fixation

JUGEMENT
rendu le 03 Mai 2024

DEMANDEURS

Madame [G] [Z] épouse [I] [J] (usufruitière)
[Adresse 5]
[Localité 7]

Monsieur [K] [I] [J] (nu-propriétaire indivis)
[Adresse 2]
[Localité 12]

Madame [H] [I] [J] épouse [X] (nu-propriétaire indivis)
[Adresse 9]
[Localité 10]

Aucune [U] [I] [J] (nu-propriétaire indivis)
[Adresse 1]
[Localité 6]

Madame [M] [I] [J] épouse [Y] (nu-propriétaire indivis)
[Adresse 4]
[Localité 7]

Madame [F] [I] [J] (nu-propriétaire indivis)
[Adresse 3]
[Localité 11]

venants aux droits de Monsieur [T] [I] [J] (décédé), tous représentés par Maître Jacques RAYNALDY de la SCP LEICK RAYNALDY & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0164

DEFENDERESSE

S.A.S. LE MONTCLAIR MONTMARTRE
[Adresse 15]
[Localité 8]

représentée par Me Géraldine ALLARD-KOHN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E2176

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Sabine FORESTIER, Vice-présidente, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;

assistée de Manon PLURIEL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 08 Mars 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 13 janvier 2011, M. [T] [I] [J] a donné à bail commercial en renouvellement à la société MODERN HOTEL, aujourd'hui dénommée société LE MONTCLAIR MONTMARTRE, un local dépendant d'un immeuble situé à [Adresse 15], pour une durée de neuf ans du 1er avril 2010 au 31 mars 2019, l'exercice de l'activité « d'hôtel meublé, de débit de vins et restaurant » et un loyer annuel de 97 892,44 euros hors taxes et hors charges.

Par acte d'huissier de justice signifié le 26 septembre 2018, M. [T] [I] [J] a donné congé à la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er avril 2018 et moyennant un loyer annuel en principal de 200.000 euros.

Selon lettre de son avocat en date du 27 septembre 2018, la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE a accepté le principe du renouvellement du bail à effet au 1er avril 2019 mais notifié son désaccord sur le montant du loyer proposé.

Par mémoire préalable notifié par lettre recommandée avec avis de réception le 25 octobre 2019, M. [T] [I] [J] a sollicité la fixation du prix du loyer annuel du bail renouvelé à la somme de 252.746 euros en principal à compter du 1er avril 2019.

Puis, par acte d’huissier de justice signifié le 4 mars 2020, M. [T] [I] [J] a assigné la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE à comparaître devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement rendu le 5 octobre 2020, le juge des loyers commerciaux a notamment:
- constaté le principe du renouvellement du bail à compter du 1er avril 2019 ;
- dit que les locaux sont monovalents et que le prix du bail renouvelé doit être fixé en application des critères posés par l'article R.145-10 du code de commerce ;
- désigné en qualité d' expert M. [W] [L] en lui donnant notamment pour mission de :
* procéder à l'examen des faits qu'allèguent les parties, notamment en ce qui concerne la nature des travaux réalisés au cours du bail expiré par le preneur,
* rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er avril 2019 au regard des usages observés dans la branche d'activité considérée en application des dispositions des articles L.145-36 et R.145-10 du code de commerce ;
- fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel indexé en principal, outre les charges.

M. [T] [I] [J] est décédé le 20 mars 2022, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [G] [Z] et ses enfants Mme [U] [I] [J], M. [K] [I] [J], Mme [H] [A] [I] [J], Mme [M] [I] [J] et Mme [F] [I] [J] (ci-après les consorts [I] [J]).

L'expert a déposé son rapport le 6 avril 2023.

Après renvois à la demande des parties, l'affaire a été retenue à l'audience du juge des loyers commerciaux du 8 mars 2024 à laquelle les consorts [T] [I] [J] et la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE étaient représentés par leur avocat.
Dans leur dernier mémoire régulièrement notifié, les consorts [T] [I] [J] demandent au juge des loyers commerciaux de :
- prendre acte de ce qu'ils interviennent volontairement dans le cadre de la présente procédure afin de reprendre l’instance interrompue lors du décès de M. [T] [I] [J] ;
- écarter les règles du plafonnement et fixer en principal un loyer sur la base annuelle de 234.715 euros /HT/an, à compter du 1er avril 2019, par an, en principal, pour un bail de neuf ans, les autres clauses et conditions du bail demeurant inchangées ;
- condamner la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE au paiement des intérêts de droit
des arriérés de loyer à compter du 23 octobre 2019, et à la capitalisation desdits intérêts ;
- dire et juger que le nouveau loyer applicable au 1er avril 2019 verra toutefois son exigibilité limitée à la somme de 200.000 euros HT/HC/AN jusqu’au 23 octobre 2019 ;
- en toutes hypothèses le dépôt de garantie devra être réajusté de telle sorte qu’il représente systématiquement six mois de loyer ;
- condamner la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner le bénéfice de l’exécution provisoire ;

- condamner la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE en tous les dépens, en ce compris les frais de l’expertise qui s’élèvent à 4.500 euros TTC.

Dans son dernier mémoire régulièrement notifié, la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE demande au juge des loyers commerciaux de :
A titre liminaire,
- déclarer prescrite toute contestation émanant des consorts [I] [J] :
• visant la lettre de notification par le preneur des travaux projetés, datée du 17 décembre 2012, au titre des articles L 311-1 et suivants du code du tourisme,
• visant la nature et la bonne exécution/réception desdits travaux, lesquels ont été réalisés pour la 1e campagne entre 2012 et 2014 et pour la 2e campagne entre 2016 et 2018 ;
- constater que, dans son mémoire en demande en date du 23 octobre 2019, feu M. [T] [I] [J] a reconnu l’effectivité et la validité de sa notification en acceptant un abattement sur la valeur locative précisément sur ce motif, laquelle acceptation est irrévocable ;
A titre principal,
- fixer à la somme de 91.401 euros/ an HT et HC en principal, hors taxes et hors charges, le loyer dû à compter du 1er avril 2019, pour le renouvellement du bail ;
A titre subsidiaire,
- fixer à la somme de 105.083 euros/ an HT et HC en principal, hors taxes et hors charges, le loyer dû à compter du 1er avril 2019, pour le renouvellement du bail, dans l’hypothèse où le tribunal ne retenait, par extraordinaire, qu’un abattement pour travaux limité à 20 % ;
En tout état de cause,
- dire et juger que le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2019, doit être limité aux sommes suivantes :
• 200.000 euros/an HT et HC pour la période allant du 1er avril 2019 (date de signification du congé) au 22 octobre 2019 ;
• 202.196 euros/an HT et HC à compter du 23 octobre 2019 (date de notification du mémoire en demande de feu M. [T] [I] [J]) jusqu’au 7 février 2024, date d’envoi de la lettre R.A.R. de notification du mémoire récapitulatif intégrant demande formelle de reprise d’instance ;
Subsidiairement, si la juridiction de céans estime que les consorts [I] [J] ont valablement repris l’instance avant la notification de leur dernier mémoire récapitulatif :
• 202.196 euros/an HT et HC à compter du 23 octobre 2019 jusqu’au 10 octobre 2023 ;
- juger irrecevables, comme prescrites, les demandes des bailleurs relatives au non-respect du formalisme de la notification effectuée par le preneur ;
- condamner solidairement les consorts [I] [J] au paiement du trop-versé au titre des loyers, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2019, puis à compter de chaque échéance trimestrielle ;
- ordonner la capitalisation de ces intérêts ;
- condamner solidairement les consorts [I] [J] au paiement d’une somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens, en ceux compris les frais d’expertise.

Les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont exposés dans les motifs du jugement.

L’affaire a été mise en délibéré au 3 mai 2024.

MOTIFS

1- Sur la demande de fixation du montant du loyer du bail renouvelé

Selon l'article L. 145-36 du code de commerce, les éléments permettant de déterminer le prix des baux des terrains, des locaux construits en vue d'une seule utilisation et des locaux à usage exclusif de bureaux sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

L'article R.145-10 du même code dispose que le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.

Dans son précédent jugement du 5 octobre 2020, le juge des loyers commerciaux a jugé que les locaux loués étaient monovalents et que le prix du bail renouvelé devait être fixé selon les modalités susvisées.

Les parties s'accordent sur la fixation du loyer selon la méthode hôtelière actualisée, qui consiste à déterminer la valeur locative par référence à une recette théorique globale hors taxes, issue de données statistiques du marché relatives à des établissements de catégorie comparable du même secteur géographique, à laquelle sont appliqués successivement un abattement pour remises à la clientèle et/ou commissions versées aux sites de réservations, un pourcentage du taux d'occupation estimé prenant en compte la catégorie de l'établissement et son implantation, puis un pourcentage sur recettes déterminé selon la catégorie et les caractéristiques de l'établissement et, le cas échéant, certains abattements pour conditions ou charges exorbitantes du bail ou travaux n'ayant pas fait accession au bailleur. Les recettes annexes sont également valorisées, auxquelles sont appliqués des taux déterminés selon que ces recettes résultent essentiellement de l'outil immobilier ou du travail de l'exploitant. Il s'agit de calculs normatifs obtenus en fonction des capacités de l'établissement et non en fonction des chiffres effectivement réalisés ou taux appliqués.

a) Sur la description des locaux et de leur emplacement

Il ressort du rapport d'expertise, qui n'a pas été contesté sur ce point par les parties, que les locaux loués se situent à [Adresse 14], dans la partie nord du quartier de Montmartre. La [Adresse 18] est une voie secondaire de circulation, à sens unique de circulation, qui s'étend sur près de 550 mètres et qui relie la [Adresse 17] et la [Adresse 16]. Selon l'expert, il s'agit d'un quartier populaire et résidentiel qui connaît un phénomène de « gentrification ». Ce quartier bénéficie d'une desserte satisfaisante par les transports en commun.

L'expert indique que la [Adresse 18] présente une commercialité de quartier, peu dense et disparate. Les établissements cafés, hôtels, restaurants et ceux dédiés aux services et à l'alimentation sont majoritaires. En revanche, l'offre hôtelière n'est pas abondante et l'expert relève sept établissements dans un périmètre de 500 m autour des locaux loués.

Les locaux loués constituent un petit ensemble immobilier composé de deux corps de bâtiments: - l'un sur rue qui présente les caractéristiques de l'époque haussmanienne, élevé sur sous-sol, d'un rez-de-chaussée, de quatre étages droits, un cinquième en léger retrait avec balcon linéaire et un sixième sous brisis en zinc et éclairé par des lucarnes ;
- l'autre en fond de parcelle, exposé exclusivement sur cour, construction très ordinaire en maçonnerie sous enduit peint, élevé d'un rez-de-chaussée et de deux étages droits.

L'établissement a été entièrement rénové en 2013.

L'expert indique qu'en 2019 la capacité d'hébergement était de 40 chambres et 93 personnes.

En 2021, la typologie des chambres était la suivante : 7 chambres simples, 23 chambres double et 10 chambres triple ou quadruple.

La distribution est la suivante :
au rez-de-chaussée
- dans l'immeuble sur rue, une salle de réception et d'accueil des clients, un salon et une salle de petit-déjeuner avec kitchenette attenante (avant travaux : un restaurant avec vitrine et salle de restauration) ;
- dans l'immeuble sur cour, deux chambres ;
aux 1er et 2e étage
six chambres dans l'immeuble sur rue et deux chambres dans l'immeuble sur cour ;
du 3e au 5e étage
six chambres par niveau dans l'immeuble sur rue ;
au 6e étage
quatre chambres dans l'immeuble sur rue ;
au sous-sol
deux sous-sol distincts avec deux réserves, un local technique, une laverie accessible à la clientèle.

Toutes les chambres disposent d'une salle d'eau complète équipée d'un sanitaire et présentent des caractéristiques semblables à l'exception de 20% d'entre elles qui ne sont pas équipées de la climatisation.

L'expert conclut son analyse en précisant que l'hôtel constitue une « auberge de jeunesse » agréable dont les chambres sont équipées simplement conformément au concept, en bon état d'entretien ainsi que les espaces conviviaux, à la décoration fonctionnelle et minimaliste.

b) Sur la recette hôtelière théorique

Les consorts [I] [J] demandent qu'il soit retenu la recette hôtelière théorique annuelle de 1 314 000 euros HT calculée par l'expert.

La société LE MONTCLAIR MONTMARTRE prétend que les prix retenus par l'expert sont trop élevés et se réfère au rapport amiable de M. [V] qu'elle produit et qui retient des prix inférieurs selon des données de référence relatives au hôtels de type économique et limitées au secteur Clichy-La Chapelle-La Villette, avec application des minorations et majorations appliquées par l'expert pour les chambres simples et de grande capacité, soit une recette hôtelière théorique annuelle de 1 341 375 euros.

Sur ce,

A titre liminaire, il est relevé que, bien que cela ne soit pas précisé, la recette théorique de 1 341 375 euros avancée par la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE est une recette TTC de laquelle il convient de soustraire la TVA de 10% en 2018, soit une recette HT de (1 341 375/1,10 =) 1 219 431,82 euros.

L'expert retient une recette théorique annuelle de 1314 000 euros HT qu'il a évaluée selon les prix des nuitées praticables suivants :
Typologie des chambres
Prix des nuités par type de chambre
Nombre de chambres par typologie
Recettes théoriques journalières selon la typologie de chambre
simple
75 euros TTC
7 chambres
525 euros TTC
double
95 euros TTC
23 chambres
2 185 euros TTC
triple ou quadruple
125 euros TTC
10 chambres
1 250 euros TTC
Recette théorique journalière TTC
3 960 euros TTC

soit une recette théorique annuelle de ( 3 960 euros TTC x 365 jours =) 1 445 400 euros TTC et (1 445 400 euros TTC / 1,10 =) 1 314 000 euros HT.

L'expert a tenu compte du concept de type auberge de jeunesse, sans aucun classement, du marché environnant, de la concurrence en place, des références issues des statistiques officielles et du marché hôtelier avant la crise sanitaire compte tenu de la date de renouvellement au 1er avril 2019 en relevant notamment qu'en 2017 et 2018 l'hôtellerie française avait retrouvé une fréquentation quasi similaire à celle qu'elle avait connue avant les attentats de 2015 et 2016, qu'en 2018 les hôtels non classés représentaient près de 12,30% des parts de marché en constituant le type d'établissement le moins répandu dans le parc hôtelier et 7,92 %de la capacité du marché hôtelier en nombre de chambres, et en retenant les données produites par la base OLA KALA privilégiée par la compagnie parisienne des experts en immobilier près la cour d'appel faisant ressortir un prix moyen des nuitées de 86 euros HT au cours des 36 mois précédant la date d'effet du renouvellement.

Dès lors qu'il y a lieu de tenir compte des données relatives aux hôtels non classés et non toutes catégories confondues, de ne pas limiter ces données au seul secteur CLICHY, LA CHAPELLE, LA VILLETTE qui ne correspond pas au secteur MONTMARTRE dans lequel se trouve l'hôtel considéré, de faire une évaluation au 1er avril 2019, date du renouvellement, ce qui exclut de tenir compte de la crise sanitaire postérieure qui n'était pas envisageable et dont les effets étaient inconnus, contrairement à ce qui a été retenu par M. [V] dans le rapport amiable produit par la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE, l'analyse de l'expert doit être retenue.

La recette théorique annuelle est donc fixée à 1 314 000 euros.

c) Sur les recettes annexes

Les consorts [I] [J] soutiennent qu'il y a lieu d'ajouter à la recette théorique la recette des petits-déjeuners ainsi que l'exige selon elle la nouvelle méthode hôtelière et souligne que la somme de 49.000 euros HT évaluée par l'expert correspond à la recette réalisée par la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE.

La société LE MONTCLAIR MONTMARTRE conteste l'intégration de la recette des petits-déjeuners en exposant que l'établissement est un « hostel » dédié à une jeune clientèle internationale au budget modeste qui ne prend pas de petit-déjeuner sur place ou le fait avec ses propres denrées et grâce à la cuisine mise à leur disposition.

Sur ce,

L'expert a étudié deux hypothèses, avec et sans intégration des petits-déjeuners dans la recette théorique. Il a évalué la recette théorique des petits-déjeuners à 49.000 euros HT en considérant qus seul un tiers des clients est susceptible de prendre un petit-déjeuner.

Cependant, eu égard au faible revenu qu'ils génèrent, soit 36.016 euros de recettes et 15.956 euros d'achats au 31 décembre 2018 selon la situation comptable de la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE du 1er janvier au 31 août 2019, à la nature de l'établissement et à sa clientèle, celle-ci n'ayant d'ailleurs aucune obligation à cet égard, d'autant plus que l' hôtel est situé en pleine ville et que d'autres possibilités s'offrent à elle, à l'exiguïté de la salle des petits-déjeuners et à l'équipement sommaire de la cuisine adjacente qui ne paraissent pas permettre de servir tous les clients, il convient de considérer que les recettes des petits-déjeuners sont aléatoires et quc ce service constitue davantage un service rendu à la clientèle qu'une réelle source de revenus.

Dès lors il n'y a pas lieu de les inclure dans la recette théorique.

d) Sur l'abattement pour remises à la clientèle et/ou commissions versées aux sites de réservations

Les consorts [I] [J] ne s'opposent pas à l'application de l'abattement de 5% retenu par l'expert au titre des remises à la clientète et/ou commissions versées aux sites de réservations en soulignant que l'abattement est pratiqué sur la totalité de la recette alors que toutes les nuitées n'entraînent pas une commission.

La société LE MONTCLAIR MONTMARTRE demande que soit retenu un taux de 20% en invoquant les taux de dégradation constatés à [Localité 13] compris entre 15 et 25%, la situation de l'hôtel ainsi que les demandes de sa clientèle jeune qui réserve par des plateformes de réservation et exige les tarifs les plus attractifs.

Sur ce,

L'expert applique à la recette théorique un abattement de 5% afin de tenir compte des remises à la clientète et/ou commissions versées aux sites de réservations, en raison de la modicité des prix pratiqués. Il précise que compte tenu des prix praticables des nuitées une remise moyenne de 10% s'avère justifiée et indique que si l'abattement porte sur la totalité de la recette théorique, certains clients réservent sans intermédiaire et bénéficient de remises accordées par les hôteliers.
Il est d'usage que les réservations réalisées par l'intermédiaire de sociétés spécialisées conduisent au versement de commissions de la part des hôteliers. En outre, ceux-ci peuvent être amenés à accorder à leurs clients des remises sur les prix affichés.

Le taux de 20% sollicité par la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE apparaît trop élevé au regard des prix praticables, étant souligné qu'elle ne justifie pas du montant des commissions versées et des réductions pratiquées. Le principe de la méthode hôtelière actualisée étant de procéder à une évaluation en considération des prix praticables, l'abattement applicable aux hôtels économiques ne peut être que limité. En outre, plus la catégorie de l'hôtel est modeste, plus les remises sur les prix sont modérées.

Ainsi, l''abattement de 5% proposé par l'expert apparaît adapté au regard des prix pratiqués.

Après application de l'abattement, la recette théorique s'élève à (1 314 000 euros x 0,95 =) 1 248 300 euros.

e) Sur le taux d'occupation

Les consorts [I] [J] invoquent que le taux de 80 % retenu par l'expert est le taux minimum à retenir compte tenu de la nature d'auberge de jeunesse de l'hôtel et de sa proximité de l'un des quartiers les plus touristiques de la ville.

La société LE MONTCLAIR MONTMARTRE sollicite l'application d'un taux de 75% en soutenant que la concurrence dans le quartier est importante et que ce taux est davantage conforme aux données mentionnées par l'expert et M. [V] dans son rapport amiable.

Sur ce,

L'expert retient un taux d'occupation de 80 % compte tenu des statistiques publiées pour la période 2016-2019, des concurrents en présence et de la situation de l'hôtel, à proximité de Montmartre, l'un des sites parisiens les plus visités, qui constitue un atout. Il précise que ce taux est plus ou moins la norme pour cette catégorie d'hôtel.

Il ressort des statistiques de l'INSEE produites par l'expert que le taux d'occupation hôtelier à [Localité 13] et pour les hôtels non classés était de 72,2 % en 2018 et 69,5 % en 2019. Selon la source OLA KALA, privilégiée par la compagnie parisienne des experts en immobilier près la cour d'appel, le taux d'occupation des hôtels économiques était de 71,8% en 2016, 79,5 % en 2017 et 83,1 % en 2018. L'expert souligne l'évolution positive d'une année à l'autre.

Il est en outre rappelé que l'hôtel se trouve dans la partie nord du quartier de Montmartre, dans un quartier où l'offre hôtelière n'est pas importante, l'expert précisant que la majorité des établissements bénéficient d'un emplacement au plus près de la butte Montamartre et relevant sept établissements dans un périmètre de 500 m autour des locaux loués.

Enfin, le quartier bénéficie d'une desserte satisfaisante par les transports en commun ainsi que l'indique l'expert, notamment par la ligne de métro n°12 qui permet de rejoindre rapidement le centre de la ville.

Au vu de ces éléments le taux d'occupation de 80 % retenu par l'expert est satisfaisant.

La recette théorique est ainsi portée à (1 248 300 euros x 0,80 =) 998 640 euros.

f) Sur le pourcentage sur recettes

Les consorts [I] [J] ne contestent pas le taux de 21% retenu par l'expert. Ils soulignent qu'il ne saurait être inférieur compte tenu de la typologie de l'hôtel qui se trouve à la lisière entre les résidences hôtelières et les établissements non classés dont les services hôteliers sont très limités et pour lesquels l'outil immobilier concourt de façon très active à la réalisation du chiffre d'affaires. Ils déclarent que le taux de 17% sollicité par le preneur ne correspond pas à ces éléments et se trouve en nette discordance avec les barêmes de la nouvelle méthode hôtelière.

La société LE MONTCLAIR MONTMARTRE demande l'application d'un taux de 17%. Elle considère que le taux de 21% n'est applicable qu'aux établissements sans autres services annexes à l'offre de logement. Elle soutient que son établissement présente plusieurs services et équipements adaptés à la clientèle et explique qu'il est plus proche d'un hôtel une ou deux étoiles avec prestations hôtelières limitées que d'un hôtel de préfecture ou d'une résidence de tourisme.

Sur ce,

Les parties ne contestent pas l'usage selon lequel le loyer admissible pour l'exploitant est calculé sur la base d'un pourcentage de la recette hébergement théorique réalisable, pourcentage calculé selon plusieurs critères dont, notamment, la catégorie de l'établissement, les caractéristiques immobilières dont l'état global du bien et des chambres, les prestations annexes proposées, la taille des chambres, la dimension des espaces communs. Il est admis que plus l'établissement propose un service et des prestations hôtelières de qualité, moins le taux d'effort sera élevé.

L'expert retient un pourcentage de 21 % compte tenu de l'emplacement de l'hôtel dans [Localité 13] intra-muros et de la forte rotation des clients dans les auberges de jeunesse. Il précise que la méthode hôtelière propose de retenir un pourcentage sur recette de 21 à 25 % en raison de l'évolution du marché dans cette catégorie d'hôtel et des termes de comparaison recensés.

S'agissant d'une auberge de jeunesse qui ne bénéficie d'aucun classement, en bon état d'entretien, dont les chambres sont équipées simplement, avec salle d'eau et sanitaire dans chacune et climatisation dans 80% d'entre elles, avec espaces communs à la décoration fonctionnelle et minimaliste, à prestations modérées (petits-déjeuners) et qui bénéficie d'un bon emplacement, le pourcentage sur recettes de 21% proposé par l'expert est justifié, au contraire du pourcentage de 17% sollicité par la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE qu'il est d'usage d'appliquer aux hôtels de 3 et 4 étoiles.

La recette théorique s'élève ainsi à (998 640 euros HT x 0,21 =) 210 000 euros.

g) Sur les travaux réalisés par le preneur

Les consorts [I] [J] soutiennent qu'il n'y a pas lieu d'appliquer le moindre abattement en raison des travaux qui auraient été réalisés par la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE. Ils exposent que l'article L. 311-4 du code de commerce neutralise la clause d'accession prévue au bail selon laquelle l'accession des travaux doit être reportée en fin de jouissance. Ils invoquent que le formalisme de l'article L. 311-2 du code de commerce n'a pas été respecté par la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE et que celle-ci ne produit aucune facture qui permettrait de s'assurer de la réalisation effective des travaux. Ils en déduisent qu'elle ne peut prétendre à aucune réduction de la valeur locative à raison des travaux réalisés. Ils ajoutent avoir saisi le juge des loyers commerciaux dans le délai fixé à l'article L.145-60 du code de commerce.

La société LE MONTCLAIR MONTMARTRE demande qu'il soit appliqué un abattement de 30% afin de tenir compte de l'ensemble des travaux réalisés entre 2012 et 2014 et, subsidiairement, un abattement de 20% si les travaux relevant du code du tourisme étaient exclus. S'agissant des travaux relevant du code du tourisme, elle invoque que le projet de travaux a été notifié au bailleur par lettre du 17 décembre 2022, lequel a notifié son accord par lettre du 24 janvier 2013. Elle précise que si la notification était entachée d'une irrégularité, le bailleur est de toute façon prescrit pour la contester en application de l'article L.145-60 du code de commerce. Elle indique que l'expert a estimé le coût des travaux réalisés entre janvier 2012 et juin 2014 à la somme globale de 658 909,13 euros au vu de la liste des immobilisations qu'elle a produite. Elle prétend enfin que la production des factures n'est pas exigée pour bénéficier des dispositions du code de tourisme. La société LE MONTCLAIR MONTMARTRE soutient également que l'application des dispositions du code de tourisme n'est pas exclusive de l'application de la clause d'accession prévue au bail et que cette dernière doit s'appliquer pour les travaux ne relevant pas du code du tourisme. Elle précise que selon la liste des immobilisations, les aménagements divers ont représenté 1 889 916,04 euros.

Sur ce,

L'article L. 311-1 du code du tourisme dispose que le propriétaire d'un immeuble dans lequel est exploité un hôtel ne peut s'opposer, nonobstant toute stipulation contraire, à l'exécution des travaux d'équipement et d'amélioration que le locataire, propriétaire du fonds de commerce, réalise à ses frais et sous sa responsabilité lorsque ces travaux concernent :
1° La distribution de l'eau, du gaz et de l'électricité ;
2° L'installation du téléphone, d'appareils récepteurs de radiodiffusion et de télévision ;
3° L'équipement sanitaire ;
4° Le déversement à l'égout ;
5° L'installation du chauffage central ou de distribution d'air chaud ou climatisé ;
6° L'installation d'ascenseurs, monte-charges et monte-plats ;
7° L'aménagement des cuisines et offices ;
8° La construction de piscines,
même si ces travaux doivent entraîner une modification dans la distribution des lieux.

Dans le cas où ceux-ci affectent le gros oeuvre de l'immeuble, ils ne peuvent être entrepris, à défaut d'accord du propriétaire, qu'après avis favorable de commissions dont la composition et le fonctionnement seront fixés par décret pris sur avis du Conseil d'Etat et dans lesquelles seront représentés en nombre égal les hôteliers et les propriétaires d'immeubles.

Selon l'article L. 311-2 du même code, le locataire doit, avant de procéder aux travaux, notifier son intention à son propriétaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Un plan d'exécution et un devis descriptif et estimatif des travaux projetés sont joints à cette notification. Dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 311-1, le propriétaire dispose d'un délai de deux mois pour informer dans la même forme le locataire de son acceptation ou de son refus. Le défaut de réponse est réputé valoir accord.

L'article L. 311-3 précise que pendant la durée du bail en cours et celle du bail renouvelé qui lui fait suite et pour une durée de douze années à compter de l'expiration du délai d'exécution mentionné à l'article L. 311-2, le propriétaire ne peut prétendre à aucune majoration de loyer du fait de l'incorporation à l'immeuble des améliorations résultant de l'exécution des travaux mentionnés à l'article L. 311-1.

Il ressort de l'article L. 311-4 que lors du départ du locataire ou du cessionnaire du droit au bail, les lieux sont restitués au propriétaire dans l'état où ils se trouvent, sans que celui-ci puisse exiger la remise des lieux dans leur état antérieur.

L'article L. 311-5 dispose que les contestations relatives à l'application de la présente section sont jugées conformément aux articles L. 145-56 à L. 145-60 du code de commerce. Celles qui concernent l'exécution des travaux mentionnés à l'article L. 311-1 ne sont pas suspensives de cette exécution.

Selon l'article L. 145-60, toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.

En outre, selon le contrat de bail :
- les réparations locatives, l'entretien ainsi que les travaux relevant de l'article 606 du code civil sont à la charge du preneur ;
- « le bailleur ne devra avoir à sa charge que, les gros travaux qui pourraient devenir nécessaires soit pour la reconstrution partielle ou entière des gos murs, soit pour la consolidation des gros murs dans le cas où la solidité de l'immeuble rendrait les travaux nécessaires » ;
- le bailleur « autorise le preneur à faire tous les changements de distribution et toutes transformations qu'il jugera nécessaire pour l'installation d'un hôtel meublé et d'un débit de vins pourvu que ces travaux ne soient pas de nature à porter atteinte à la solidité de l'immeuble. (...)Ces transformations, décors et embellissement, s'il en est fait, resteront à la fin du bail au bailleur qui ne devra pour cela aucune indemnité et qui pourra, cependant, si bon lui semble exiger que les lieux loués soient rétablis en leur disposition primitive. »

L'expert indique qu'au vu des immobilisations inscrites au bilan, d'un montant de 1 880 516,04 euros pour la période 2011-2019, une première campagne de travaux aurait été réalisée entre janvier 2012 et juin 2014 pour 658 909 euros réglés uniquement par le locataire puis une seconde campagne entre 2016 et 2018. Il s'agirait selon lui d'une rénovation de grande ampleur. Il précise que malgré ses demandes aucune facture des travaux réalisés ne lui a été communiquée alors qu'elles sont nécessaires pour justifier l'abattement. Il déclare ne retenir que les travaux entrant dans le champ d'application de l'article L.311-1 du code du tourisme pour évaluer le montant de l'abattement, en précisant que l'ascenseur n'a pas été réalisé.Il retient un abattement de 20% ou 25% au vu des propositions faites par les parties lors de l'expertise.

Il ne peut être contesté que des travaux de rénovation de l'hôtel ont été réalisés au cours du bail expiré. Les lettres des 17 décembre 2012 et 24 janvier 2013 produites par la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE , la liste comptable des immobilisations et l'analyse de l'expert qui mentionne une rénovation de grande ampleur le confirment.

En application de l'article L. 311-5 du code du tourisme, le bailleur aurait dû saisir le tribunal de toute contestation relative aux travaux réalisés par le preneur relevant de l'article L. 311-1 du même code dans un délai de deux ans. Au vu des dates de réalisation relevées par l'expert, de janvier 2012 à juin 2014 puis de 2016 à 2018, que les parties ne contestent pas, toute contestation du bailleur à ce sujet, notamment quant à l'envoi de la notification préalable, est prescrite donc irrecevable.

Il convient donc de considérer que le formalisme des dispositions légales ci-dessus a été respecté.

En application des dispositions du code de tourisme rappelées ci-dessus, les consorts [I] [J] ne peuvent prétendre à aucune majoration de loyer du fait de l'incorporation à l'immeuble des améliorations résultant de l'exécution des travaux

En outre, ces dispositions ne sont pas exclusives des stipulations du contrat de bail relatives à l'accession au bailleur des travaux réalisés dans la mesure où l'article L. 311-1 du code du tourisme ne vise qu'une catégorie précise de travaux. En ce qui concerne les travaux qui ne relèvent pas de ces dispositions, l'accession ne peut prendre effet qu'au départ du preneur des locaux loués et les travaux qu'il a réalisés ne peuvent pas être pris en considération lors de l'évaluation du loyer du bail renouvelé.

Par conséquent, il convient d'appliquer un correctif à la valeur locative afin de prendre en compte l'état des locaux avant la réalisation des travaux.

Si la production des factures des travaux réalisés n'est pas exigée, ces documents sont néanmoins utiles afin d'apprécier non seulement la réalité des travaux mais aussi leur nature et leur coût, et de déterminer en conséquence le taux du correctif à appliquer.

A défaut, il peut être tenu compte des documents comptables, comme la liste des immobilisations qui est produite par la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE, dès lors qu'ils sont censés donner des informations sincères et fidèles sur la situation financière de la société, notamment sur ses dépenses.

Il ressort ainsi de la liste des immobilisation de la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE, au sous-compte intitulé Installations générales, agencements, aménagements divers, que du 1er avril 2010, date d'effet du bail expiré, au 31 mars 2019, il a été réalisé pour 1 676 348,90 euros d'aménagements, ce qui confirme la rénovation de grande ampleur dont l'expert fait état. L'évaluation de 1 880 916,04 euros avancée par la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE est inexacte en ce qu'elle représente le cumul des amortissements du 22 juin 2011 au 4 juillet 2019 et non les valeurs d'achat durant le bail expiré. Le montant retenu par l'expert est quant à lui sous évalué dès lors qu'il ne tient compte que des seuls travaux relevant de l'article L. 311-1 du code du tourisme ainsi qu'il l'indique.

En l'état de ces éléments, il convient d'appliquer à la valeur locative un correctif de 30%.

Ainsi la valeur locative s'établit à (210 000 euros x 0,70 =) 147 000 euros.

h) Sur la valorisation de la boutique

Les consorts [I] [J] soutiennent que les locaux comprennent une partie qualifiée de boutique dont la valeur locative doit être évaluée sans application de la méthode hôtelière mais après pondération de la surface et fixation d'un prix unitaire ainsi que l'a fait l'expert dont ils adoptent les conclusions.

La société LE MONTCLAIR MONTMARTRE conteste les conclusions de l'expert et invoque que la méthode hôtelière doit être appliquée à l'ensemble des lieux loués aux motifs que ce prétendu local boutique n'est pas séparé du reste de l'hôtel mais qu'il est utilisé comme réception et salle des petits-déjeuners, que le bail ne fait pas de distinction matérielle ou juridique entre les locaux et que ce local ne dispose d'aucune entrée distincte.

Sur ce,

L'expert indique qu'au pied de l'immeuble et à gauche de l'entrée principale de l'hôtel, une partie du rez-de-chaussée bénéficie d'un accès indépendant sur la rue et avec vitrine qui doit être valorisé compte tenu de la destinsation contractuelle qui autorise l'activité de débit de vins et de restauration. Il précise procéder à l'évaluation de la valeur locative au vu des plans avant travaux. Il retient une surface totale de 46,50 m2 et une surface pondérée de 43 m2B et compte tenu des prix couramment pratiqués dans le voisinage un prix unitaire de 400 euros/m2B soit une valeur locative de 17 000 euros hors taxes et hors charges.

Il ressort du rapport de l'expert et de la photographie de la façade de l'immeuble, ainsi que du rapport de M. [V] réalisé à la demande de la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE, qu'à gauche de l'entrée principale de l'hôtel qui présente une première devanture, il existe une boutique qui présente une seconde devanture et qui bénéficie d'un accès direct à la rue.

Si le contrat de bail ne mentionne pas expressément l'existence de ce local, il demeure que selon l'expert ainsi que M. [V], il peut y être exercé l'activité de restaurant et débit de boissons autorisée par le contrat de bail.

Il est de principe que les caractéristiques du local s'apprécient en considération des possibilités d' utilisation et d' affectation des surfaces et non de l'usage effectif qui en est fait par le preneur, le bailleur ne devant en effet subir aucun préjudice du fait de l'utilisation choisie par le preneur.

Ainsi, dès lors qu'il peut être exercé dans ce local une activité de restaurant et débit de boissons, indépendante de l'activité d'hébergement hôtelier grâce à l'accès direct sur la rue, il doit être procédé à une valorisation indépendante de cette surface selon sa valeur locative.
L'évaluation de l'expert sur la base d'une surface totale de 46,50 m2, une surface pondérée de 43 m2B, un prix unitaire de 400 euros/m2B compte tenu des prix couramment pratiqués dans le voisinage, soit une valeur locative de 17 000 euros hors taxes et hors charges, doit être retenue.

Par conséquent, la valeur locative est évaluée à (147 000 euros + 17 000 euros=) 164 000 euros.

i) Sur l'impôt foncier

Les parties s'accordent sur le principe de la déduction de la taxe foncière, les consorts [I] [J] procédant à une déduction de 2 285 euros ainsi que l'a fait l'expert alors que la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE sollicite une déduction de 4 373 euros.

Sur ce,

Il ressort en outre de l'article R. 145-35 du code de commerce que peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement.

Il est acquis que si le contrat de bail peut valablement mettre la taxe foncière à la charge du preneur, il demeure qu'elle incombe légalement au bailleur et que son transfert au preneur doit donc être pris en compte dans l'appréciation de la valeur locative.

En l'espèce, il doit être tenu compte dans l'appréciation de la valeur locative de la stipulation du contrat de bail selon laquelle le preneur remboursera au bailleur la taxe foncière.

Selon l'avis d'imposition 2022 produit, la taxe foncière s'élève à ( 3 226 - 941 euros de taxe sur les ordures ménagères =) 2 285 euros.

La valeur locative s'établit ainsi à (164 000 - 2 285 =) 161 715 euros.

*****

Au 1er avril 2019, la valeur locative des locaux loués s'élevant à 161 175 euros, le montant annuel du loyer du bail renouvelé sera fixé à 161 175 euros, hors charges et hors taxes.

Ce loyer étant inférieur à ceux demandés par M. [T] [I] [J] puis les consorts [I] [J] préalablement à l'instance puis durant l'instance, il sera dû dès le 1er avril 2019.

En application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil, des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 4 mars 2020, date de l'assignation, puis au fur et à mesure des échéances échues et, en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts dus pour une année entière doivent être capitalisés.

2- Sur la demande de condamnation au paiement du trop-perçu de loyer et la demande de réajustement du dépôt de garantie

Il n'appartient pas au juge des loyers commerciaux de condamner le bailleur au remboursement d'un éventuel trop-perçu de loyer ni d'ordonner le réajustement du dépôt de garantie, sa compétence étant strictement limitée à la fixation du loyer renouvelé ou révisé en application de l'article R.145-23 du code de commerce.

Les demandes en ce sens de la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE et des consorts [I] [J] seront donc rejetées.

3- Sur les demandes accessoires
La procédure et l’expertise ayant été nécessaires pour fixer les droits respectifs des parties, il convient d’ordonner le partage des dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.
Compte tenu du partage des dépens ordonné, les demandes des parties formées en application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire dès lors qu'elle est de droit.

PAR CES MOTIFS

le juge des loyers commerciaux, statuant après débats publics, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande de Mme [G] [Z], Mme [U] [I] [J], M. [K] [I] [J], Mme [H] [A] [I] [J], Mme [M] [I] [J] et Mme [F] [I] [J] relative au non-respect de la notification préalable aux travaux ;

Fixe à la somme de 161.175 euros, hors charges et hors taxes, à compter du 1er avril 2019, le loyer annuel du bail renouvelé entre Mme [G] [Z], Mme [U] [I] [J], M. [K] [I] [J], Mme [H] [A] [I] [J], Mme [M] [I] [J] et Mme [F] [I] [J], d'une part, et la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE, d'autre part, pour les locaux situés à à [Adresse 15] ;

Dit qu’ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer dû, à compter du 4 mars 2020 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus postérieurement à cette date, avec capitalisation pour les intérêts échus et dus au moins pour une année entière ;

Rejette la demande de la société LE MONTCLAIR MONTMARTRE relative au remboursement d'un éventuel trop-perçu de loyer ;

Rejette la demande de Mme [G] [Z], Mme [U] [I] [J], M. [K] [I] [J], Mme [H] [A] [I] [J], Mme [M] [I] [J] et Mme [F] [I] [J] relative au réajustement du dépôt de garantie ;

Partage les dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties ;

Rejette les demandes des parties formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 3 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente
M. PLURIELS. FORESTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 20/02927
Date de la décision : 03/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-03;20.02927 ?
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