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02/05/2024 | FRANCE | N°19/12409

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ps ctx protection soc 3, 02 mai 2024, 19/12409


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
2 Expéditions délivrées aux avocats en LS le :




PS ctx protection soc 3

N° RG 19/12409 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ4M5

N° MINUTE :


Requête du :

14 Octobre 2019













JUGEMENT
rendu le 02 Mai 2024
DEMANDERESSE

Société [5]
[Adresse 1]
Tour W
[Localité 3]

Représentée par Maître Sophie UETTWILLER, avocat au barreau de PARIS, substituée

par Maître Cynthia CORCEIRO, avocat plaidant


DÉFENDERESSE

ASSURANCE MALADIE DE PARIS DIRECTION CONTENTIEUX ET LUTTE CONTRE LA FRAUDE
POLE CONTENTIEUX GENERAL
[Adresse 4]
[Localité 2]

Repré...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
2 Expéditions délivrées aux avocats en LS le :

PS ctx protection soc 3

N° RG 19/12409 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ4M5

N° MINUTE :

Requête du :

14 Octobre 2019

JUGEMENT
rendu le 02 Mai 2024
DEMANDERESSE

Société [5]
[Adresse 1]
Tour W
[Localité 3]

Représentée par Maître Sophie UETTWILLER, avocat au barreau de PARIS, substituée par Maître Cynthia CORCEIRO, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

ASSURANCE MALADIE DE PARIS DIRECTION CONTENTIEUX ET LUTTE CONTRE LA FRAUDE
POLE CONTENTIEUX GENERAL
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Maître Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mathilde SEZER, Juge
Laurent BARROO, Assesseur
Marion FRANCOIS, Assesseur

assistés de Marie LEFEVRE, Greffière
Décision du 02 Mai 2024
PS ctx protection soc 3
N° RG 19/12409 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ4M5

DEBATS

A l’audience du 13 Mars 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2024.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société [5] est une société de transport aérien.

Monsieur [V] [B] a été embauché courant 1990 par la société précitée en qualité d'agent de fret. Son activité a évolué au fil du temps. Il est devenu « responsable des ventes » courant 2005.

Monsieur [B] a été licencié le 30 novembre 2017.

Le 13 avril 2018, Monsieur [B] a rempli une déclaration de maladie au titre d’un syndrome dépressif. Il a joint à cette déclaration un certificat médical initial établi le 20 décembre 2017 faisant état d’un « syndrome dépressif majeur » et prescrivant des soins pour une durée indéterminée.

Après enquête et avis du service médical concluant que la pathologie déclarée n’était pas visée par un tableau des maladies professionnelles mais susceptible d’entraîner un taux d’incapacité d’au moins 25%, la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) a saisi le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) d’Île-de-France afin qu’il donne son avis sur l’existence d’un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée par Monsieur [B] et ses conditions habituelles de travail.

Le 15 mai 2019, le CRRMP d’Île-de-France a rendu un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée.

Par décision du 20 mai 2019, la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris, liée par l'avis du Comité, a notifiée à l’employeur sa décision de prise en charge de la maladie au titre des risques professionnels.

Le 04 juillet 2019, la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la caisse.

La commission n'ayant pas statué dans le délai réglementaire, elle est réputée avoir rendu une décision implicite de rejet.

Par courrier daté du 14 octobre 2019, reçu au greffe le 15 octobre 2019, la société [5] a formé un recours contentieux à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable devant le du pôle social du tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020.

***

L’affaire a été plaidée à l'audience du 22 février 2021.

Par jugement avant-dire droit en date du 10 mai 2021, le tribunal, au visa des articles L. 461-1 et R. 142-17-2 du code de la sécurité sociale, a désigné le CRRMP de Dijon avant que celui-ci examine de nouveau la situation de Monsieur [B] et sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties.

Le CRRMP a rendu son avis le 4 mai 2023.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 15 novembre 2023 à laquelle l’affaire a été renvoyée au 13 mars 2024.

A l’audience, la société [5], représentée par son conseil, soutenant oralement ses conclusions en défense n°4, visées par le greffe, demande au tribunal de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels.

Elle soutient tout d’abord, au visa de l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, que la caisse a méconnu le principe du contradictoire au cours de l’instruction de la demande formée par son salarié dès lors qu’elle ne l’a pas informée de sa possibilité de consulter le dossier au moins 10 jours francs avant la décision de la caisse.
En réponse à l’argumentaire de la caisse, elle fait valoir que le jugement du 10 mai 2021 est un jugement avant-dire droit et que le tribunal a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties de sorte qu’elle est recevable à maintenir sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge sur le fondement de la violation du principe du contradictoire.

Sur le fond, elle soutient que les deux avis rendus par les CRRMP ne sont pas suffisamment motivés et soutient que les éléments du dossier ne permettent pas de retenir l’existence d’un lien de causalité entre la pathologie déclarée par Monsieur [B] et ses conditions de travail.

En défense, la caisse, représentée par son conseil, soutenant oralement ses conclusions après avis du second CRRMP demande au tribunal de débouter la société [5] de son recours et de lui déclarer opposable sa décision de prendre en charge la pathologie déclarée par Monsieur [B].

Elle fait valoir que la caisse a bien informé l’employeur, 10 jours francs avant sa décision, de sa possibilité de consulter le dossier et de formuler des observations. Elle admet qu’elle n’est pas en mesure de produire l’accusé réception de son courrier mais fait valoir que l’employeur en a bien eu connaissance puisqu’il a sollicité la transmission du dossier par voie dématérialisée.

Sur le fond, elle fait valoir que les deux CRRMP ont rendu des avis dépourvus de toute ambigüité au terme desquels ils retiennent l’existence d’un lien de causalité entre la pathologie déclarée par le salarié et ses conditions de travail. Elle relève qu’il appartenait à la société, comme elle y était invitée par le jugement du 10 mai 2021, de transmettre au second CRRMP tout élément complémentaire qu’elle estimait de nature à écarter tout lien de causalité avec le travail.

L’affaire a été mise en délibéré au 2 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le respect du principe du contradictoire,

Aux termes de l’article L. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige : « Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13. »

L’article 1353 du code civil dispose que « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

A titre liminaire, il convient de préciser qu’aux termes de ses écritures, la caisse développe un argumentaire, non repris oralement par son conseil, selon lequel le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire était déjà invoqué par l’employeur dans sa requête introductive d’instance au soutien de sa demande principale en inopposabilité et qu’en désignant un second CRRMP le tribunal a fait droit à la demande subsidiaire de la demanderesse et donc nécessairement rejeter la demande d’inopposabilité fondée sur la violation du principe du contradictoire.

Cependant, comme le soutient l’employeur, dans le dispositif de son jugement du 10 mai 2021, le tribunal a, avant-dire droit, désigné un second CRRMP et sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties. Il en découle que le tribunal ne s’est pas prononcé, par décision ayant autorité de chose jugée, sur la violation du principe du contradictoire.

Sur ce, la caisse ne verse aux débats ni le courrier d’information à l’employeur ni la preuve de sa réception. Elle ne saurait en outre, en vertu des dispositions de l’article 1353 du code civil et du principe général selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à lui-même, se contenter de produire un extrait de son propre logiciel faisant état de l’envoi du courrier d’information le 24 septembre 2018 et de la demande de transmission des pièces du dossier par l’employeur et son envoi du 5 octobre 2018 via son serveur « Petra ».

Ainsi, faute pour la caisse de rapporter de manière certaine la preuve qu’elle a bien, avant sa prise de décision, mis le dossier à disposition de l’employeur pendant un délai de 10 jours francs, le tribunal ne peut s’assurer du respect du principe du contradictoire au cours de la procédure d’instruction ce qui justifie que la décision de la caisse soit déclarée inopposable à l’employeur.

La caisse, qui succombe à la présente instance, est condamnée au paiement des dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe,

DECLARE INOPPOSABLE à la société de droit étranger [5], la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de Paris de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels la pathologie (syndrome dépressif sévère) déclarée par son salarié, Monsieur [V] [B] ;

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de Paris au paiement des dépens de l’instance ;

Fait et jugé à Paris, le 2 mai 2024,

La greffièreLa présidente

N° RG 19/12409 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ4M5

EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :

Demandeur : Société [5]

Défendeur : ASSURANCE MALADIE DE PARIS DIRECTION CONTENTIEUX ET LUTTE CONTRE LA FRAUDE

EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :

A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.

P/Le Directeur de Greffe

5ème page et dernière


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ps ctx protection soc 3
Numéro d'arrêt : 19/12409
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-02;19.12409 ?
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