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30/04/2024 | FRANCE | N°22/12682

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 30 avril 2024, 22/12682


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:





8ème chambre
1ère section


N° RG 22/12682 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CW7D2

N° MINUTE :




Assignation du :
16 Juin 2022







JUGEMENT
rendu le 30 avril 2024



DEMANDEURS

Madame [V] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Monsieur [W] [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentés par Maître Nathalie FINET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0616
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DÉFENDERESSE

S.A.R.L. CABINET [H]
[Adresse 2]
[Localité 3]

non représentée




Décision du 30 avril 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 22/12682 - N° Portalis 352J-W-B7G-CW7D2

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par a...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
1ère section


N° RG 22/12682 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CW7D2

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Juin 2022

JUGEMENT
rendu le 30 avril 2024

DEMANDEURS

Madame [V] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Monsieur [W] [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentés par Maître Nathalie FINET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0616

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. CABINET [H]
[Adresse 2]
[Localité 3]

non représentée

Décision du 30 avril 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 22/12682 - N° Portalis 352J-W-B7G-CW7D2

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Monsieur Julien FEVRIER, Juge, statuant en juge unique,

assisté de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors des débats, et de Madame Justine EDIN, Greffière lors du prononcé.

DÉBATS

A l’audience du 31 janvier 2024
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

L'immeuble situé [Adresse 1] est constitué en copropriété.

Mme [V] [Z] et M. [W] [U] sont copropriétaires dans cet immeuble.

Depuis le 1er juillet 2021, la SARL cabinet [H] a été désignée syndic de l'immeuble.

Soutenant que la société cabinet [H] n'applique pas correctement les tantièmes de charges votés par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble et n'a pas restitué les avances de trésorerie affichées sur les appels de provisions émis par l'ancien syndic, Mme [Z] et M. [U] l'ont assignée devant le tribunal par acte d'huissier de justice du 16 juin 2022.

Dans leur assignation, ils demandent au tribunal, au visa des articles 1227, 1228, 1229 et 1240 du code civil, 1425-1 à 1425-9 du code de procédure civile, de :
- constater que le cabinet [H] n'a pas exécuté l'application des tantièmes de charges applicables depuis le procès-verbal d'assemblée générale votés le 27 juillet 1982 et n'a pas restitué les avances de trésorerie affichées dans les appels de provisions ;
- dire et juger que le cabinet [H] a commis une faute délictuelle à l'égard des demandeurs ;
- condamner en conséquence le cabinet [H] à leur payer la somme de 2.000 € chacun au titre du préjudice subi par eux ;
- prononcer la résiliation du contrat du syndic liant le cabinet [H] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1];
- ordonner au cabinet [H] de leur appliquer les tantièmes de charges conformément à la décision du 27 juillet 1982 et ce à compter du 1er juillet 2021 jusqu'à ce jour en leur adressant les appels de charges rectificatifs pour les 3ème et 4ème trimestres 2021 et les 1er et 2ème trimestres 2022 ;
- ordonner au cabinet [H] de faire apparaître dans chaque appel de fonds la valeur de l'avance de trésorerie correspondante à chacun soit: 265,93 € pour Mme [Z] et 286,86 € pour M. [U] ;
- condamner le cabinet [H], dans le cas où il n'exécuterait pas l'injonction de faire, à une astreinte de 1.000 € par jour à payer tant à M. [U] qu'à Mme [Z], et ce dans un délai de 7 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- dire et juger que le tribunal se réservera de liquider l'astreinte ;
- condamner le cabinet [H] à payer la somme de 2.472 € à chacun d'eux au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le cabinet [H] aux entiers dépens.

*

Bien que régulièrement assignée, la SARL cabinet [H] n'a pas constitué avocat.

*

Il est renvoyé à l'assignation des demandeurs pour l'exposé des moyens de droit et de fait à l'appui de leurs prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 23 novembre 2022 et l'affaire a été plaidée le 31 janvier 2024. La décision a été mise en délibéré au 30 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu l'article 472 du code de procédure civile qui prévoit que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur les demandes principales de Mme [Z] et de M. [U]

A l'appui de leurs demandes principales, Mme [Z] et M. [U] font valoir que :
- le nouveau syndic, le cabinet [H], a décidé de modifier unilatéralement les tantièmes de charges et a annulé les avances de trésorerie affichées sur tous les appels de fonds du syndic précédent ;
- M. [U] a alerté le syndic sur le fait que les millièmes de charges appelés ne correspondaient pas à ceux votés en 1982 et appliqués depuis sans contestation ;
- les millièmes ont été modifiés en 1989 et 2001 ;
- Mme [Z] a également alerté le nouveau syndic et a retranché l'avance de trésorerie mentionnée par l'ancien syndic [X] [K] ;

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8ème chambre 1ère section
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- le syndic lui a répondu qu'il rectifierait les tantièmes après avoir collationné les bases avec le conseil syndical, mais n'a finalement rien fait ;
- ils souhaitent que la valeur de l'avance de trésorerie soit mentionnée sur chaque appel de fonds ;
- conformément à l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est chargé d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale ;
- le syndic engage sa responsabilité vis à vis des copropriétaires en cas d'erreur dans les charges appelées ;
- le syndic est responsable des fautes commises conformément aux règles du mandat et de l'article 1992 du code civil ;
- le syndic engage sa responsabilité délictuelle à l'égard des copropriétaires demandeurs ;
- ils sont bien fondés à solliciter la résiliation du contrat de syndic pour manquement grave sur la base de l'article 1227 du code civil et une somme de 2.000 € au titre de la faute commise.

Sur ce,

Vu l'article 1240 du code civil invoqué et applicable en matière de responsabilité délictuelle.

Vu l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 invoqué qui prévoit que le syndic est chargé d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale.

En l'espèce, les demandeurs versent aux débats le règlement de copropriété de l'immeuble de 1955 qui précise que le lot n° 14 de Mme [Z] se voit attribuer 71/1000èmes et que le lot n° 15 de M. [U] se voit attribuer pour sa part 68/1000èmes.

Ils produisent également une délibération non signée de l'assemblée générale de l'immeuble du 13 février 1959 qui réduit les millièmes du lot n° 14 à 61/1000èmes et ceux du lot n° 15 à 60/1000èmes.

Les demandeurs produisent encore un extrait signé du procès-verbal verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 27 juillet 1982 qui comporte une résolution n° 2 : " révision des millièmes : suite à la mauvaise gestion du cabinet [Y], la proposition du conseil syndical, visant à rétablir une répartition équitable des millièmes (fondée sur la modification votée à l'unanimité en assemblée générale le 13 février 1959), selon tableau ci-joint, est acceptée à l'unanimité. Demande est faite au nouveau syndic, de procéder à l'enregistrement de cette modification ". Le tableau en annexe prévoit pour le lot n° 14 une valeur de 64/1000èmes et pour le lot n° 15 une valeur de 63/1000èmes.

Mme [Z] et M. [U] versent aussi à la procédure le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 28 juin 2005 qui mentionne une résolution n° 13 : " afin de lever toute ambiguïté, il est proposé à l'assemblée de confirmer la distinction qui fut toujours pratiquée dans la copropriété, entre :
- millièmes de copropriété - établis en 1955 (publiés aux hypothèques) et modifiés en 1989 par un passage en 1003ème (publié aux hypothèques en 1991), lesquels apparaissent dans les actes de vente. Le passage en 1004ème voté en 2001 restant, lui, à publier.
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- Et millième de charges, lesquels ont été modifiés une première fois en 1959 puis en 1982 - modification entrée dans les faits depuis lors pour la répartition des charges d'immeubles - sachant qu'en 2004, dans le cadre de la loi SRU n° 2000-1208, une nouvelle grille de tantièmes d'ascenseur a été adoptée.
Et de confirmer la dernière répartition des charges, votée en 1982, en vue de son inscription au fichier des hypothèques, ce qui n'a encore jamais été fait...
Cette résolution est adoptée à la majorité des millièmes de tous les copropriétaires. "

Les demandeurs produisent des appels de charges du syndic cabinet [H] qui démontrent que les charges appelées l'ont été sur la base de la répartition de charges de 1955 et que la ligne " avances trésorerie " est effectivement à 0 €.

Il en ressort que le syndic cabinet [H] n'applique pas la répartition des charges votée en 1982 par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble.

Or, les décisions d'assemblée générale doivent recevoir application tant que leur caractère illicite n'a pas été reconnu par le juge.

L'article 13 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que le règlement de copropriété et les modifications qui peuvent lui être apportées ne sont opposables aux ayants cause à titre particulier des copropriétaires qu'à dater de leur publication au fichier immobilier. Ainsi, en ce qui concerne les copropriétaires ayant participé aux délibérations, le règlement leur est de plein droit opposable qu'il ait été ou non publié.

La lecture du procès-verbal de l'assemblée du 28 juin 2005 permet de conclure que les demandeurs étaient déjà copropriétaires lors de cette assemblée ayant confirmé la répartition des charges. La publication de la décision au fichier immobilier n'a donc aucun effet à leur égard.

En refusant d'appliquer les décisions de l'assemblée générale des copropriétaires aux demandeurs sans s'en expliquer et ce malgré leurs protestations écrites, le syndic cabinet [H] a commis une faute délictuelle.

En refusant de s'expliquer sur la disparition des avances de trésorerie mentionnées sur les appels de charges, le syndic cabinet [H] a également commis une seconde faute délictuelle.

S'agissant du préjudice invoqué, les demandeurs ne démontrent pas suffisamment leur préjudice financier alors qu'il résulte de leurs courriers versés aux débats qu'ils ont procédé unilatéralement à la retenue des sommes litigieuses.

En revanche, la légèreté avec laquelle le syndic cabinet [H] a traité leurs demandes permet de fixer leur préjudice moral à la somme de 300€ pour chacun.

Le défendeur sera condamné à leur verser cette somme.

Décision du 30 avril 2024
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La résiliation du contrat de syndic conclu entre le défendeur et le syndicat des copropriétaires ne peut être prononcée dès lors que ce dernier n'est pas partie à la procédure et en outre ne peut être demandé que par l'une des parties au contrat sur la base de l'article 1227 du code civil.

Cette demande de résiliation du contrat de syndic sera donc rejetée.

Le cabinet [H] sera condamné à appliquer aux demandeurs les tantièmes de charges résultant de la décision de l'assemblée générale du 27 juillet 1982 à compter du 1er juillet 2021 et à leur adresser des appels de charges rectifiés pour les 3ème et 4ème trimestres 2021 et 1er et 2ème trimestres 2022, le tout sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard au bénéfice de chacun en cas de non-respect de ces obligations et à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement.

Le tribunal ne se réserve pas la liquidation de l'astreinte.

L'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 invoqué par les demandeurs ne prévoit pas l'obligation pour le syndic de faire apparaître sur chaque appel de charges la valeur de l'avance de trésorerie de chaque copropriétaire. La demande à ce titre sera rejetée. Il appartient néanmoins au syndic, s'il mentionne une valeur au titre de l'avance de trésorerie, de faire état d'une somme exacte. A défaut, il engage sa responsabilité civile.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Le cabinet [H], partie perdante, supportera les dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Le cabinet [H] sera condamné à verser à chacun des demandeurs une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile (ces derniers ayant le même conseil).

En application des articles 514 et 515 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue d'office ou à la demande d'une partie.

En l'espèce, il n'y a pas lieu de suspendre l'exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE la SARL cabinet [H] à verser à Mme [V] [Z] et à M. [W] [U] une somme de 300 € à chacun à titre de dommages-intérêts pour faute ;

REJETTE la demande de résiliation judiciaire du contrat de syndic ;

CONDAMNE la SARL cabinet [H] à appliquer à Mme [V] [Z] et à M. [W] [U] les tantièmes de charges résultant de la décision de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] du 27 juillet 1982 à compter du 1er juillet 2021 et à leur adresser des appels de charges rectifiés pour les 3ème et 4ème trimestres 2021 et 1er et 2ème trimestres 2022, le tout sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard au bénéfice de chacun en cas de non-respect de ces obligations et à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement ;

NE SE RESERVE PAS la liquidation de l'astreinte ;

REJETTE la demande de mention sur les appels de charges de la valeur de l'avance de trésorerie ;

CONDAMNE la SARL cabinet [H] à verser à Mme [V] [Z] et à M. [W] [U] une somme de 1.000 € à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL cabinet [H] aux dépens ;

DIT n'y avoir lieu à suspendre l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 30 avril 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/12682
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;22.12682 ?
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