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29/04/2024 | FRANCE | N°24/00352

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 29 avril 2024, 24/00352


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [O] [D]


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Sébastien MENDES GIL

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 24/00352 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3XGJ

N° MINUTE :
8 JCP






JUGEMENT
rendu le lundi 29 avril 2024


DEMANDERESSE
S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiair

e : #P0173


DÉFENDERESSE
Madame [O] [D], demeurant [Adresse 2]
non comparante, ni représentée


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de l...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [O] [D]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Sébastien MENDES GIL

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/00352 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3XGJ

N° MINUTE :
8 JCP

JUGEMENT
rendu le lundi 29 avril 2024

DEMANDERESSE
S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0173

DÉFENDERESSE
Madame [O] [D], demeurant [Adresse 2]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 26 février 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 29 avril 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 29 avril 2024
PCP JCP fond - N° RG 24/00352 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3XGJ

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 2 juillet 2018, la SA LA BANQUE POSTALE a consenti à Madame [O] [D] un crédit personnel n° 50461647526 d'un montant en capital de 8600 euros remboursable au taux nominal de 4,35% en 52 mensualités de 181,76 euros hors assurance.

Selon offre préalable acceptée le 15 mars 2018, la SA LA BANQUE POSTALE a consenti à Madame [O] [D] un crédit renouvelable n° 60165997788 d'un montant en capital maximum autorité de 3000 euros remboursable au taux débiteur mensuel maximal de 1,05% pour un montant utilisé allant jusqu’à 3000 euros, et au taux annuel maximum révisable de 13,49% (TAEG), par mensualités comprises entre 20 et 115 euros selon le montant utilisé.

Selon offre préalable présentée le 16 juillet 2019, la SA LA BANQUE POSTALE a consenti à Madame [O] [D] un crédit personnel n° 50466578726 d'un montant en capital de 8600 euros remboursable au taux nominal de 4,67% en 60 mensualités de 162,60 euros hors assurance.

Des échéances étant demeurées impayées, la SA LA BANQUE POSTALE a fait assigner Madame [O] [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par acte d'huissier en date du 20 octobre 2023, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- 1612,21 euros au titre du crédit personnel n° 50461647526, avec intérêts contractuels au taux de 4,35 % à compter du 20 février 2023,
- 4420,41 euros au titre du crédit personnel n°50466578726, avec intérêts contractuels au taux de 4,67 % à compter du 26 avril 2023,
- 3240,16 euros au titre du crédit renouvelable n°60165997788, avec intérêts contractuels au taux de 1,05 % l’an à compter du 26 avril 2023,
Avec capitalisation des intérêts,
- 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Au soutien de sa demande, la SA LA BANQUE POSTALE fait valoir que les mensualités d'emprunt n'ont pas été régulièrement payées, ce qui l'a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 20 février 2023 s’agissant du contrat de prêt personnel accepté le 2 juillet 2018, et le 26 avril 2023 s’agissant du contrat de prêt personnel présenté le 19 juillet 2019 et du crédit renouvelable accepté le 15 mars 2018, rendant la totalité des dettes exigibles. Elle précise que les premiers incidents de paiement non régularisé se situent :
- en avril 2022 s’agissant du prêt personnel n° 50461647526,
- le 30 juillet 2022 s’agissant du prêt n° 50466578726,
- en janvier 2022 s’agissant du crédit renouvelable.

A l'audience du 26 février 2024, la SA LA BANQUE POSTALE, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance.

La forclusion, la nullité, la déchéance du droits aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d'assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d'office, le demandeur ayant considéré que le tribunal ne pouvait soulever d’office le moyen tiré du déblocage anticipé des fonds.

Régulièrement assignée selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, Madame [O] [D] n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter. Conformément à l'article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce, Madame [O] [D] n’a pas comparu.

Il sera donc fait application des dispositions précitées.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à des crédits soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l'audience du 11 mars 2020.

L'article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification, de l'absence de forclusion de la créance, de nullité du contrat, de ce que le terme de ce dernier est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion des demandes

L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l’espèce, au regard de l’historique des comptes produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l'échéance du mois d’avril 2022, s’agissant du prêt souscrit le 2 juillet 2018, pour l’échéance de février 2022 s’agissant du prêt proposé le 16 juillet 2019, et pour l’échéance de janvier 2022 s’agissant du crédit renouvelable, de sorte que les demandes effectuées le 20 octobre 2023 ne sont pas atteintes par la forclusion.

Sur la nullité des contrats de prêt personnel

Sur les délais applicables

En droit européen

 L’article 14 de la Directive n° 2008/48 entrée en vigueur dans les États membres le 11 juin 2010, prévoit que le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours calendaires pour se rétracter dans le cadre du contrat de crédit sans donner de motif (§1) et indique qu’il est sans préjudice des dispositions nationales fixant un délai pendant lequel l’exécution du contrat ne peut commencer (§7).

En droit national

 L’article L.312-19 du code de la consommation prévoit que l’emprunteur dispose d’un délai de quatorze jours calendaires, à compter de son acceptation de l’offre de contrat de crédit, pour se rétracter.

 L’article L.312-25 du code de la consommation prévoit que, pendant un délai de sept jours, à compter de l'acceptation du contrat par l'emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l'emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l'emprunteur au prêteur. 

La règle nationale de l’interdiction de tout paiement pendant un délai de sept jours prévue par l’article L. 312-25 du code de la consommation est permise par l’article 14, § 7 de la Directive n° 2008/48/CE.

 Sur le relevé d’office

 En droit européen

Selon la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans un arrêt en date du 21 avril 2016, C-377/14, Radlinger, point 67 « afin d’assurer la protection voulue par cette directive [2008/48], la situation d’inégalité du consommateur par rapport au professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux parties au contrat, du juge national saisi de tels litiges ».

 Toutefois, dans un arrêt de la même Cour rendu le 9 mars 2023, C-50/22, le juge européen invite à distinguer entre la rétractation après avoir conclu le contrat de crédit (article 14 de la directive, intégrée au droit français à l’article L. 312-19 du code de la consommation) et le délai pendant lequel l’exécution du contrat ne peut pas commencer (article L.312-25 nouveau du même code). L’harmonisation complète et impérative qu’opère la directive 2008/48/CE ne concerne que la première disposition.

 Dès lors, le juge européen, qui admet l’existence d’un délai au cours duquel ne saurait intervenir le déblocage des fonds, indique que le non-respect de ce dernier ne saurait être relevé d’office sur le fondement de la directive 2008/48/CE. Il résulte toutefois de cette dernière décision qu’aucune considération ne saurait faire obstacle au juge de relever d’office le non-respect de cette dernière disposition sur le fondement du droit national, la CJUE ayant précisé que « les règles procédurales nationales régissent le relevé d’office et la sanction, par le juge national, de la violation, par le prêteur, d’une disposition nationale qui prévoit un délai pendant lequel l’exécution du contrat de crédit ne peut commencer ».

En droit national

L’article R. 632-1 du code de la consommation prévoit notamment que « le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. »

Cette disposition prévoit que le juge peut soulever d'office les dispositions du code de la consommation, sans égard à la sanction encourue.

 De même, il résulte d’une jurisprudence constante que l’irrégularité d’une offre de crédit à la consommation en violation des dispositions d’ordre public du code de la consommation peut être relevée d’office par le juge (Cour de cassation - Première chambre civile 22 janvier 2009 / n° 05-20.176).

Or il est constant que lorsque le déblocage des fonds intervient avant le délai de sept jours précité, l’établissement de crédit déroge à une loi qui intéresse l’ordre public (TI [Localité 3], 21 avril 2010).

 La méconnaissance des dispositions de l’article L. 311-14 devenu l'article L.312-25 du code de la consommation est notamment sanctionnée par la nullité du contrat de crédit en vertu de l’article 6 du code civil (Cour de cassation - Première chambre civile 22 janvier 2009 / n° 03-11.775).

 En tout état de cause, la question du pouvoir du juge de relever d’office un moyen d’ordre public doit être résolue conformément à l’objectif poursuivi par les dispositions en cause. Empêcher le juge de sanctionner d’office la violation de dispositions protectrices par le professionnel revient indubitablement à nier la protection légale reconnue au consommateur. Dès lors, permettre au juge de relever d’office la nullité du contrat de prêt concourt à l’efficacité des règles d’ordre public de protection.

 Le principe d’immutabilité du litige, principal obstacle au pouvoir du juge de relever d’office une nullité d’ordre public de protection, oppose au relevé d’office des moyens de droit une double limite : celle de s’en tenir aux faits du dossier et celle de ne pas introduire de nouvelles prétentions dans le litige. Or le contrat dont l’irrégularité est relevée d’office est produit par la partie demanderesse ce dont il résulte que l’élément de fait sur lequel prend appui le moyen de droit relevé d’office est bel et bien dans le débat, de même que la question de la validité d’un contrat semble toujours être implicitement contenue dans la demande d’exécution de celui-ci.

 Enfin la non-comparution du demandeur ne saurait constituer un obstacle dans la mesure ou l’article 472 du code de procédure civile n’empêche aucunement le juge de statuer sur le fond mais plus encore impose à ce dernier de ne faire droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

 En conclusion, dès lors que le juge peut relever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application et qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le non-respect de l’article 312-25 dudit code est sanctionné par la nullité du contrat de prêt, le juge peut soulever d’office la nullité du contrat en raison du déblocage des fonds prématuré sous réserve du respect des dispositions de l’article 16 du code civil.

En l’espèce, d’après les documents soumis aux débats, la défenderesse a accepté l’offre de prêt personnel n° 50461647526 le 2 juillet 2018, de sorte qu’aucun paiement, sous quelque forme que ce soit, ne pouvait intervenir avant le 9 juillet 2018 à vingt-quatre heures, soit en pratique le 10 juillet 2018, conformément aux dispositions précitées telles qu’interprétées selon les modalités de computation des délais prévues à l’article 642 du code de procédure civile.

Or, d'après l'historique du dossier versé aux débats, le versement du montant du prêt personnel à l'emprunteur est intervenu le 9 juillet 2018, soit avant l'expiration du délai légal précité, de sorte que le contrat de prêt est nul.

Il y a en conséquence lieu de constater la nullité du contrat de prêt personnel n° 50461647526, et de replacer les parties dans l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion.

La nullité du prêt entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté duquel il convient de déduire les sommes déjà versées au prêteur à quelque titre que ce soit.

Au regard de l’historique du prêt versé aux débats, après imputation sur le capital prêté (8600 euros) de tous les versements effectués à quelque titre que ce soit par Mme [O] [D] (8335.56 euros), il y a lieu de condamner cette dernière à restituer à la banque la somme de 264,44 euros.

S’agissant du contrat de prêt personnel n°50466578726, proposé le 16 juillet 2019, il sera constaté que le contrat de crédit n’est pas daté par la débitrice, de sorte qu’il est impossible de vérifier à quelle date il a été souscrit, et si les conditions prévues à l’article L 312-25 du code de la consommation ont été respectées. En tout état de cause, il apparaît que les fonds ont été débloqués le 23 juillet 2019, soit, compte-tenu de la date d’édition de l’offre, le 16 juillet 2019, de façon prématurée.

Il y a en conséquence lieu de constater la nullité du contrat de prêt personnel n°50466578726, et de replacer les parties dans l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion.

La nullité du prêt entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté duquel il convient de déduire les sommes déjà versées au prêteur à quelque titre que ce soit.

Au regard de l’historique du prêt versé aux débats, après imputation sur le capital prêté (8600 euros) de tous les versements effectués à quelque titre que ce soit par Mme [O] [D] (5896,34 euros), il y a lieu de condamner cette dernière à restituer à la banque la somme de 2703,66 euros.

Enfin, s’agissant du contrat de crédit renouvelable n° 60165997788 accepté le 15 mars 2018, il sera constaté que le déblocage des fonds est postérieur au délai de 7 jours, de sorte que la nullité n’est pas encourue pour ce contrat.

Mme [O] [D] sera donc condamnée à restituer à la banque les sommes de 264,44 et 2703,66 euros au titre du capital emprunté dans le cadre des deux contrats de prêt personnel annulés.

Les deux contrats de prêt personnel ayant été annulés, il n’y a lieu de faire application d’aucune clause pénale.

Le prêteur demeure toutefois fondé à solliciter le paiement des intérêts de retard en vertu de l’article 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier.

Néanmoins, il convient de rappeler que la nullité du contrat est une sanction. Il s'agit, en effet, d'une disposition destinée à protéger la validité du consentement du consommateur et la réalité d’une faculté de rétractation qui ne soit pas altérée par la jouissance immédiate du capital qu'il souhaite emprunter. Il sera au demeurant constaté que les contrats de prêt personnel ne comportent aucun bordereau détachable de rétractation tel que prévu à l’article L 312-21 du code de la consommation, de sorte que la déchéance totale du droit aux intérêts, prévue à l’article L 341-4 du même code, était en tout état de cause encourue pour ces deux contrats.
Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier et de dire que les sommes restant dues en capital au titre de ces crédits porteront intérêts au taux légal sans application de la majoration de 5 points deux mois après la présente décision devenue exécutoire.

Sur la déchéance du terme du contrat de crédit renouvelable

Aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1224 du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu'il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655).

Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l'envoi d'une telle mise en demeure.

En l’espèce, le contrat de prêt renouvelable contient une clause d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement et une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 1025,12 euros précisant le délai de régularisation (de 15 jours) a bien été envoyée le 20 février 2023 ainsi qu'il en ressort de l'avis de recommandé produit (l'avis de réception envoyé à l'adresse figurant au contrat de prêt étant revenu destinataire inconnu à l’adresse).

En l'absence de régularisation dans le délai, ainsi qu'il en ressort de l'historique de compte, la SA LA BANQUE POSTALE a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

La SA LA BANQUE POSTALE demande à bénéficier des intérêts au taux contractuel.

Il lui appartient donc de démontrer, conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, que la formation du contrat et son exécution sont conformes aux dispositions d'ordre public du code de la consommation.

Il résulte de l'article L 341-4 du code de la consommation que sous réserve des dispositions du second alinéa, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi que, pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts.

L'article L 312-21 du même code dispose ainsi qu'afin de permettre l'exercice du droit de rétractation mentionné à l'article L. 312-19, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.

En l'espèce, aucun bordereau de rétractation n'est versé au débat.

En ces conditions le prêteur ne peut qu'être déchu totalement du droit aux intérêts pour le crédit renouvelable.

Sur le montant de la créance

Aux termes de l'article L.341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l'espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.

Au regard de l'historique du prêt renouvelable , il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la SA LA BANQUE POSTALE à hauteur de la somme de 2011,44 euros (8801,44 euros utilisés – 6790 euros remboursés).

Il sera par ailleurs rappelé qu'en application de l'article 1152 devenu 1231-5 du code civil, le juge peut réduire d'office le montant de la clause pénale par le juge si elle est manifestement excessive. En l'espèce, la limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts rend manifestement excessive la clause pénale de 8% du capital du à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt, laquelle sera réduite à 1 euro.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l'espèce, le créancier sollicite que la somme due au titre du crédit renouvelable porte intérêt au taux annuel de 1,05% de sorte que les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points sont supérieurs aux taux dont il est sollicité l’application par la banque créancière.

Cette somme portera donc intérêts au taux de 1,05% l’an à compter de la mise en demeure du 20 février 2023, sans qu’il y ait lieu de faire application des dispositions de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, qui seront écartées, la sanction devant conserver son caractère dissuasif.

Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation des intérêts, dit encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l'article L.312-38 du code de la consommation rappelle qu'aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L.312-39 et L.312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

La demande de capitalisation sera par conséquent rejetée, et les condamnations ne pourront porter que sur les seules sommes précédemment fixées.

Sur les demandes accessoires

Le défendeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA LA BANQUE POSTALE les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 500 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire et apparaissant nécessaire compte tenu de l'ancienneté de la créance, sera ordonnée en application de l'article 515 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

ANNULE le contrat de prêt personnel n° 50461647526 conclu entre la SA LA BANQUE POSTALE et Madame [O] [D] le 2 juillet 2018 d'un montant en capital de 8600 euros;

DIT n’y avoir lieu à indemnité de 8%, le contrat de prêt personnel n° 50461647526 étant nul,

CONDAMNE Madame [O] [D] à payer à la SA LA BANQUE POSTALE la somme de 264,44 euros suite à l'annulation du prêt ° 50461647526, due après imputation des versements sur le capital prêté, avec intérêts à taux légal à compter du présent jugement,

ÉCARTE l'application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier ;

ANNULE le contrat de prêt personnel n° 50466578726 proposé par la SA LA BANQUE POSTALE à Madame [O] [D] le 16 juillet 2019 d'un montant en capital de 8600 euros;

DIT n’y avoir lieu à indemnité de 8%, le contrat de prêt personnel n° 50466578726 étant nul,

CONDAMNE Madame [O] [D] à payer à la SA LA BANQUE POSTALE la somme de 2704,66 euros suite à l'annulation du prêt ° 50466578726, due après imputation des versements sur le capital prêté, avec intérêts à taux légal à compter du présent jugement,

ÉCARTE l'application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier ;

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA LA BANQUE POSTALE au titre du crédit renouvelable souscrit par Madame [O] [D] le 15 mars 2018, à compter de cette date ;

CONDAMNE en conséquence Madame [O] [D] à verser à la SA LA BANQUE POSTALE la somme de 2012,44 euros au titre du capital restant dû au titre du contrat de crédit renouvelable souscrit le 15 mars 2018, et de l’indemnité légale de retard, réduite à 1 euro, avec intérêts au taux annuel de 1.05% l’an à compter du 20 février 2023,

ÉCARTE l'application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier ;

DEBOUTE la SA LA BANQUE POSTALE de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE Madame [O] [D] à verser à la SA LA BANQUE POSTALE la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [O] [D] aux dépens ;

REJETTE le surplus des demandes ;

ORDONNE l'exécution provisoire.

Le greffier Le juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 24/00352
Date de la décision : 29/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-29;24.00352 ?
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