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29/04/2024 | FRANCE | N°23/06812

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 29 avril 2024, 23/06812


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Monsieur [W] [K]

Copie exécutoire délivrée
le :
à :Maître Céline NETTHAVONGS

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/06812 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2TWB

N° MINUTE :
2 JCP






JUGEMENT
rendu le lundi 29 avril 2024


DEMANDERESSE
S.A. BRED BANQUE POPULAIRE S.A.C.B., dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Céline NETTHAVONGS de l’AARPI RABIER & NETHAVONGS,

avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #C1075

DÉFENDEUR
Monsieur [W] [K], demeurant [Adresse 2]
et ce jour : Chez La société SGI, [Adresse 3]
non comparant, ni représen...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Monsieur [W] [K]

Copie exécutoire délivrée
le :
à :Maître Céline NETTHAVONGS

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/06812 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2TWB

N° MINUTE :
2 JCP

JUGEMENT
rendu le lundi 29 avril 2024

DEMANDERESSE
S.A. BRED BANQUE POPULAIRE S.A.C.B., dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Céline NETTHAVONGS de l’AARPI RABIER & NETHAVONGS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #C1075

DÉFENDEUR
Monsieur [W] [K], demeurant [Adresse 2]
et ce jour : Chez La société SGI, [Adresse 3]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 26 février 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 29 avril 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 29 avril 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/06812 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2TWB

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 11 septembre 2020, la SA BRED Banque Populaire a consenti à M. [W] [K] un crédit personnel d'un montant en capital de 75.000 euros remboursable au taux nominal de 2,30% (soit un TAEG de 2,71%) en 72 mensualités de 1173,69 euros avec assurance.

Des échéances étant demeurées impayées, la SA BRED Banque Populaire a fait assigner M. [W] [K] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par actes de commissaire de justice en date du 2 août 2023, puis en date du 24 janvier 2024, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
75058,53 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 2,30% à compter du 26 juillet 2023, et capitalisation des intérêts,2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Au soutien de sa demande, la SA BRED Banque Populaire fait valoir que les mensualités d'emprunt n'ont pas été régulièrement payées, ce qui l'a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 9 mars 2022, rendant la totalité de la dette exigible. Elle situe le premier incident de paiement non régularisé au 5 août 2021.

Appelée à l'audience du 19 décembre 2023, l'affaire a fait l'objet d’un renvoi aux fins de ré-assignation à l’adresse de l’employeur du défendeur, pour être finalement retenue à l'audience du 26 février 2024.

A l'audience du 26 février 2024, la SA BRED Banque Populaire, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance.

La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d'assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d'office, sans que le demandeur ne présente d'observations supplémentaires sur ces points.

Régulièrement assigné par procès-verbal de recherches infructueuses conformément à l'article 659 du code de procédure civile, M. [W] [K] n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter. Conformément à l'article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 29 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce, M. [W] [K] n’a pas comparu, de sorte qu’il sera fait application des dispositions précitées.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l'audience du 26 février 2024.

L'article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de l'absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion

L'article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.

L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Le délai de forclusion étant un délai de procédure, la règle de computation de l'article 641 du code de procédure civile s'applique, de sorte que le délai expire le jour de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'évènement qui fait courir le délai (Civ 1°,17 mars 1998, 96-15.567).

En l’espèce, au regard des relevés de compte produits par la SA Bred BANQUE POPULAIRE, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l'échéance du 5 août 2021 de sorte que la demande effectuée le 2 août 2023 n’est pas atteinte par la forclusion.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1224 du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu'il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).

Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l'envoi d'une telle mise en demeure (Ccass Civ 1ère, 2 juillet 2014, n° 13-11636), étant précise qu'il n'a pas à justifier de la remise effective de la mise en demeure au débiteur (Ccass 1ère civ, 20 janvier 2021, pourvoi n°19-20.680).

En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article 9).

La SA BRED Banque Populaire produit un courrier de mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 2538,18 euros précisant le délai de régularisation (de 8 jours), daté du 15 février 2022 mais ne justifie pas de son expédition, aucun bordereau d’accusé de réception n’étant versé au dossier.

Il en résulte que faute de preuve de l'envoi de la mise en demeure préalable à la déchéance du terme par la banque, la déchéance du terme n’a pu régulièrement intervenir.

Faute de demande subsidiaire en résolution judiciaire du contrat, le prêteur ne peut solliciter le capital restant dû ni l’indemnité de 8% du capital restant dû, celle-ci n’étant pas exigible, mais uniquement les échéances impayées.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment :
la fiche d'information précontractuelle -FIPEN- (article L.312-12 du code de la consommation) mentionnant l'ensemble des informations énumérées par l'article R312-2 (annexe I) du code de la consommation) à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L.341-1), étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information et que la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'information précontractuelle normalisée européenne, ne peut être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l'absence d'élément complémentaire et notamment de la production de la FIPEN, de prouver l'exécution par le prêteur de son obligation d'information (Ccass Civ 1ère 5 juin 2019 n° 17-27.066, 8 avril 2021 19-20890),la notice d'assurance comportant les conditions générales (article L.312-29 à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L.341-4) étant précisé également que la preuve de la remise de la notice et de sa conformité ne sauraient résulter d’une simple clause pré-imprimée selon laquelle l’emprunteur reconnaît la remise, une telle clause ne constitue qu’un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents, et étant rappelé que la synthèse des garanties ne répond pas à l'exigence légale, le fonctionnement des garanties et les cas particuliers n'y figurant pas ; si l'assurance est obligatoire pour obtenir le financement, l'offre préalable rappelle que l'emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l'assureur de son choix : si l'assurance est facultative, l'offre préalable rappelle les modalités suivant lesquelles l'emprunteur peut ne pas y adhérer ;la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- (article L.312-16) à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (article L.341-2), étant précisé que cette consultation doit avoir été effectuée avant la remise des fonds, et préciser son résultat,la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur au moyen nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L.312-16), à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, étant précisé que le prêteur ne doit pas s’arrêter aux seules déclarations de l’emprunteur compilées dans la « fiche dialogue » mais effectuer ses propres vérifications et solliciter des pièces justificatives (au minimum la production de relevés bancaires et d’un avis d’imposition) et être ensuite en mesure de les produire devant la juridiction saisie de son action en paiement,la justification de la fourniture à l'emprunteur des explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirant son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement (article L.312-14), à peine de déchéance du droit aux intérêts totale ou partielle (article L.341-2), étant précisé que la cause de reconnaissance de l'emprunteur de la réception des explications adéquates est abusive en ce que par sa rédaction abstraite et générale, elle ne permet pas d'apprécier le caractère personnalisé des explications fournies à l'emprunteur (avis CCA n°13-01 du 6 juin 2013),la mention du taux effectif global (TAEG) dans l'encadré (R312-10), et le montant total dû par l'emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit, toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux étant mentionnées, un taux erroné ou une absence de taux entraînant la déchéance du droit aux intérêts,
Ces différents éléments ont été produits, de sorte qu'aucune déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est encourue.

Sur le montant de la créance

En ce que la déchéance du terme n'est pas régulièrement acquise, le débiteur ne pourra être condamné qu'à régler les échéances impayées.

En l'espèce, jusqu'au présent jugement, 33 mensualités n’ont pas été payées, représentant au total la somme de 38731,77 euros.

M. [W] [K] sera ainsi condamné à payer à la SA BRED Banque Populaire la somme de 38731,77 euros, avec intérêts à taux contractuel à compter du présent jugement.

Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation des intérêts, dit encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l'article L.312-38 du code de la consommation rappelle qu'aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L.312-39 et L.312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

La demande de capitalisation sera par conséquent rejetée, et les condamnations ne pourront porter que sur les seules sommes précédemment fixées.

Sur les demandes accessoires

Le défendeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA BRED Banque Populaire les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 500 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les conditions de prononcé régulier de la déchéance du terme du prêt personnel du 11 septembre 2020 de 75.000 euros accordé par la SA BRED Banque Populaire à M. [W] [K] ne sont pas réunies ;

CONDAMNE M. [W] [K] à verser à la SA BRED Banque Populaire la somme 38731,77 au titre des échéances impayées entre le 5 août 2021 et le présent jugement avec intérêts au taux contractuel de 2,30% portant sur la somme de 38731,77 euros à compter du présent jugement;

REJETTE la demande de capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE M. [W] [K] à verser à la SA BRED Banque Populaire la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [W] [K] aux dépens ;

REJETTE le surplus des demandes ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le greffier,Le juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/06812
Date de la décision : 29/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-29;23.06812 ?
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