TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Monsieur [Z] [A] ;
Madame [D] [A]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Olivier HASCOET
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 23/02167 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZKNS
N° MINUTE :
4-2024
JUGEMENT
rendu le lundi 29 avril 2024
DEMANDERESSE
S.A. YOUNITED, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Olivier HASCOET, avocat au barreau d’ESSONNE
DÉFENDEURS
Monsieur [Z] [A], demeurant [Adresse 1]
représenté par son épouse Madame [A] [D]
Madame [D] [A] née [C], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie-Laure KESSLER, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 19 décembre 2023
Délibéré du 29 avril 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 29 avril 2024 par Marie-Laure KESSLER, Vice-Présidente assistée de Antonio FILARETO, Greffier
Décision du 29 avril 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/02167 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZKNS
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée le 30 mai 2018, la S.A YOUNITED a consenti à Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] un prêt personnel n°5123123 d’un montant de 7.000 euros, au taux débiteur fixe annuel de 3,70% (TAEG de 3,76%), remboursable en 60 mensualités successives de 127,96 euros, hors assurance facultative.
Suivant une autre offre préalable acceptée le 9 janvier 2019, la S.A YOUNITED a consenti à Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] un prêt personnel n°5974342 d’un montant de 4.000 euros, au taux débiteur fixe annuel de 5,16% (TAEG de 8,75%), remboursable en 60 mensualités successives de 75,77 euros, hors assurance facultative.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 janvier 2021, le prêteur a mis en demeure Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] de lui régler la somme de 266,88 euros au titre du crédit n°5123123.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 janvier 2021, le prêteur a mis en demeure Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] de lui régler la somme de 164,08 euros au titre du crédit n°5974342.
Par courrier du 27 avril 2021, le prêteur a prononcé la déchéance du terme des contrats n°5123123 et n°5974342 et a mis en demeure les débiteurs de lui rembourser l'intégralité des sommes dues au titre de ces deux contrats de prêt.
En l'absence de paiement, la S.A YOUNITED a saisi le juge des contentieux de la protection par voie de requête en injonction de payer et une ordonnance a été rendue le 10 novembre 2022 qui a condamné soliadairement Mme et M. [A] au paiement des sommes suivantes, outre les dépens :
La somme de 3.622,90 euros au titre du crédit n°5123123,La somme de 2.532,44 euros au titre du crédit n°5974342.
Par déclaration du 6 janvier 2023, M. [Z] [A] a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer.
Les parties ont été convoquées par les soins du greffe et l’affaire a été appelée à l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle elle a été renvoyée à l’audience du 19 décembre 2023 à la demande des défendeurs.
A cette audience, la société requérante, représentée par son conseil, sollicite la condamnation solidaire de Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] dans les termes de l’ordonnance du 10 novembre 2022 et ajoute une demande de condamnation des défendeurs à la somme de 400 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Interrogée sur les différentes causes de déchéances des intérêts, la société YOUNITED s’en est remise à justice. Sur la demande de délais de paiement, la banque indique ne pas y être opposée dans la limite de 24 mois.
Mme [D] [A] née [C], présente, et M. [Z] [A], représenté par son épouse, reconnaissent la dette et sollicitent des délais de paiement. Ils exposent qu’ils attendent la vente d’un bien immobilier dont M. [Z] [A] est propriétaire indivis dans le cadre d’une succession. Ils proposent de verser 200 euros par mois pendant 23 mois et le solde le 24ème mois.
L’affaire a été mise en délibéré au 27 février 2024, par mise à disposition au greffe. Le délibéré a été prorogé au 29 avril 2024.
Autorisés à justifier de leur situation financière en cours de délibéré, M. et Mme [A] ont transmis leur dernières fiches de salaire et la taxe d’habitation du bien mis en vente par courrier électronique du 28 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevablité de l’opposition à l’ordonnance à injonction de payer
L’article 1416 du Code de procédure civile prévoit que l’opposition à injonction de payer est formée dans le délai d’un mois qui suit la signification de l’ordonnance. Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible tout ou partie des biens du débiteur.
En l’espèce, l’ordonnance d’injonction de payer rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, le 10 novembre 2022, a été signifiée à l’étude d’huissier de justice le 9 décembre 2022. En conséquence, l’opposition formée par M. [Z] [A] par déclaration au greffe le 6 janvier 2023 doit être déclarée recevable, le délai prévu par l’article 1416 du code de procédure civile susvisé n’ayant pas commencé à courir.
Sur la recevabilité de la demande en paiement
Le prêteur dispose, à peine d'irrecevabilité, d'un délai de deux ans pour agir contre l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci dans l'exécution de ses obligations.
Le délai biennal de forclusion court à compter du premier impayé non régularisé. En l'espèce, il résulte de l'historique de compte versé aux débats que l'action en paiement a été engagée moins de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé qui se situe au 4 juin 2020.
La demande en paiement est donc recevable.
Sur la créance du demandeur
Il convient de préciser à titre liminaire que la déchéance du terme est bien acquise, le prêteur ayant envoyé aux emprunteurs une lettre préalable à la déchéance du terme pour les mettre en position de pouvoir régler la situation dans un certain délai et une lettre précisant qu'il était mis fin aux relations contractuelles.
Aux termes de l’article R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
L'article L312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger immédiatement le remboursement du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés et que jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt, outre une indemnité légale de 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
Aux termes de l’article L. 312-12 du code de la consommation, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres permettant à l'emprunteur d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
Le support utilisé par le prêteur à cette fin doit mentionner l'ensemble des informations énumérées par l’article R. 312-2 du même code, présentées conformément à la fiche d’information annexée à cet article (article R. 312-5 dudit code).
Conformément à l'article L. 341-1 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations pré-contractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 312-12 du même code est déchu du droit aux intérêts. Pour échapper à une telle sanction, le prêteur doit ainsi prouver la remise d'une fiche dont la teneur répond aux exigences des articles précités.
Il est constant qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’information et qu’il ne peut se prévaloir d’une clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’information pré-contractuelle normalisée européenne sans verser ce document aux débats. La signature de la mention d’une telle clause ne peut en effet être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l’absence d’élément complémentaire, de prouver l’exécution par le prêteur de son obligation d’information.
En l'espèce, pour chacun des deux prêts personnels, le prêteur produit une fiche d'informations précontractuelle européenne normalisée en matière de crédit aux consommateurs. Cependant, il apparaît que cette fiche n'a pas été signée ni paraphée par les emprunteurs. Dès lors, il est impossible de déterminer si ceux-ci en ont effectivement eu connaissance au jour de la conclusion du contrat.
Par ailleurs, l’article L.312-16 du code de la consommation impose au prêteur de vérifier la solvabilité de l’emprunteur par notamment la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP. Or, en l’espèce, pour chacun des deux contrats, la consultation de FICP produite ne concerne pas les emprunteurs mais M. [E] [B]. Dès lors, la banque ne justifie pas avoir satisfait à son obligation.
Il en résulte que la disposition précitée n’est pas respectée. Dès lors, le prêteur sera déchu de son droit aux intérêts.
Selon l’article L. 341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, l’emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital restant dû après déduction des intérêts réglés à tort, déduction faite des paiements effectués à quelque titre que ce soit. Cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de toute autre somme, notamment de la clause pénale prévue par l’article L. 312-39 du code de la consommation, qu’il convient d’écarter.
La déchéance s’étend également aux primes ou cotisations d’assurances, dont la privation n’apparaît pas excessive au regard des manquements du prêteur à ses obligations qui entachent d’irrégularité le contrat principal dès sa formation. La société de crédit n'établit d’ailleurs pas avoir avancé lesdites primes ou cotisations d’assurance pour le compte de l'emprunteur défaillant et ne peut ainsi prétendre à leur remboursement par ce dernier.
Les sommes dues par le débiteur se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué à son profit et les règlements effectués par ce dernier, tels qu’ils résultent du décompte.
La créance s'établit donc comme suit :
Prêt n°5123123
capital emprunté : 7.000 eurosmoins les versements réalisés :* antérieurement à la déchéance du terme : 3.971,12 euros
* postérieurement à la déchéance du terme : 0 euros
soit un TOTAL restant dû de 3.028,88 euros au titre du solde du contrat de prêt personnel, sous réserve des versements postérieurs et/ou non pris en compte dans le décompte produit.
Prêt n°5974342
capital emprunté : 4.000 eurosmoins les versements réalisés :* antérieurement à la déchéance du terme : 1.731,64 euros
* postérieurement à la déchéance du terme : 0 euros
soit un TOTAL restant dû de 2.268,36 euros au titre du solde du contrat de prêt personnel, sous réserve des versements postérieurs et/ou non pris en compte dans le décompte produit.
En conséquence, il convient de condamner solidairement Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] à payer à la société requérante la somme totale de 5.297,24 euros au titre du solde des deux contrats de prêt personnels.
Par ailleurs, bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l'article 1231-6 du code civil, à réclamer à l'emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d'intérêt étant en principe majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.
Cependant, le prêteur ayant été déchu de son droit aux intérêts à la suite du non-respect des dispositions du code de la consommation, il convient de dire que, pour s'assurer du caractère effectif et dissuasif de cette sanction, cette somme produira intérêt au taux légal non majoré à compter du 10 novembre 2022, date de l'ordonnance d’injonction de payer.
Sur la demande de délai de paiement
Aux termes de l'article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] sollicitent des délais de paiement et proposent de verser 200 euros par mois.
Au regard des éléments versés au débat concernant la situation financière des époux [A] et la perspective prochaine de réaliser une vente immobilière leur permettant de solder leur dette, il convient de faire droit à la demande et d'accorder aux défendeurs des délais de paiement à hauteur de 200 euros par mois, qui seront honorés selon le dispositif de la présente décision.
Sur les demandes accessoires
Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A], qui succombent, seront condamnés aux dépens de l’instance.
L’équité ne commande pas en revanche de faire droit à la demande formée par la banque au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l'exécution provisoire
Aux termes de l'article 514 du Code de procédure civile, modifié par décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Conformément au II de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, ces dispositions s'appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l'espèce.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DECLARE l’action en paiement de la S.A YOUNITED recevable,
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la S.A YOUNITED au titre du contrat de crédit personnel n°5123123 conclu le 30 mai 2018 avec Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] à compter de la date de conclusion du prêt ;
CONDAMNE solidairement Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] à payer à la S.A YOUNITED la somme de 3.028,88 euros au titre du contrat de crédit avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 10 novembre 2022 ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la S.A YOUNITED au titre du contrat de crédit personnel n°5974342 conclu le 9 janvier 2019 avec Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] à compter de la date de conclusion du prêt ;
CONDAMNE solidairement Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] à payer à la S.A YOUNITED la somme de 2.268,36 euros au titre du contrat de crédit avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 10 novembre 2022 ;
DIT que les sommes versées et non prise en compte dans le décompte viendront en déduction de cette somme ;
AUTORISE Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] à payer leur dette en 24 mensualités, les 23 premières à hauteur de 200 euros chacune et la dernière égale au solde de la dette ;
DIT que ces mensualités devront être payées au plus tard le 15 du mois et ce à partir du mois suivant la signification de la présente décision ;
DIT qu'à défaut du paiement d'une de ces mensualités, la totalité de la somme due deviendra immédiatement exigible 7 jours après l'envoi d'une mise en demeure de payer, par lettre recommandée avec avis de réception, restée infructueuse ;
DIT que les paiements effectués s’imputeront en priorité sur le capital ;
RAPPELLE qu'en cas de mise en place d'une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans la dite procédure ;
DÉBOUTE la S.A YOUNITED de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Mme [D] [A] née [C] et M. [Z] [A] aux dépens de l’instance ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Ainsi jugé et prononcé à Paris le 29 avril 2024.
LE GREFFIERLE JUGE