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29/04/2024 | FRANCE | N°19/13529

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 29 avril 2024, 19/13529


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :




9ème chambre 1ère section


N° RG 19/13529 - N° Portalis 352J-W-B7D-CRFD6

N° MINUTE : 2




Assignation du :
20 Novembre 2019









JUGEMENT
rendu le 29 Avril 2024






DEMANDERESSE

S.A. CREDIT LOGEMENT
[Adresse 7]
[Adresse 7]

représentée par Maître Denis LANCEREAU de l’AARPI Cabinet TOCQUEVILLE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R050
>DÉFENDERESSES

S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 6]
[Adresse 6]

représentée par Maître Charlotte MOCHKOVITCH de la SELARL SELARL 2H Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0056

Madame [V] [D]
[Adresse...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

9ème chambre 1ère section

N° RG 19/13529 - N° Portalis 352J-W-B7D-CRFD6

N° MINUTE : 2

Assignation du :
20 Novembre 2019

JUGEMENT
rendu le 29 Avril 2024

DEMANDERESSE

S.A. CREDIT LOGEMENT
[Adresse 7]
[Adresse 7]

représentée par Maître Denis LANCEREAU de l’AARPI Cabinet TOCQUEVILLE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R050

DÉFENDERESSES

S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 6]
[Adresse 6]

représentée par Maître Charlotte MOCHKOVITCH de la SELARL SELARL 2H Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0056

Madame [V] [D]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représentée par Maître François-Xavier BALME, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0533

Décision du 29 Avril 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 19/13529 - N° Portalis 352J-W-B7D-CRFD6

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente
Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente
Patrick NAVARRI, Vice-Président

assistés de Pierre-Louis MICHALAK, Greffier lors des débats et de Chloé DOS SANTOS, Greffière lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 04 Mars 2024 tenue en audience publique devant Marine PARNAUDEAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par offre préalable acceptée le 29 janvier 2013, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE (la banque) a consenti à [V] [D] un prêt immobilier d'un montant de 275.000 euros au taux de 3.60 % l'an, durant 84 mois et à un taux révisable pour le surplus.

Par acte séparé du 7 janvier 2013, la société CRÉDIT LOGEMENT s'est portée caution solidaire pour le remboursement de ce prêt.

[V] [D] a adhéré au contrat d'assurance-groupe Caisse Nationale de Prévoyance souscrit par le prêteur.

Par décision de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 10] du 7 avril 2014, [V] [D] a été déclarée en invalidité catégorie 2.

La société CNP Assurances a mobilisé sa garantie incapacité totale du travail. Elle a réglé entre les mains du prêteur la somme de 6.957,55 euros au titre des cinq échéances allant d'avril 2016 à octobre 2016.

Compte tenu de la défaillance de [V] [D] dans le paiement des échéances du prêt immobilier, la banque a mis en demeure, par courrier recommandé du 28 février 2019, [V] [D] de lui régler la somme de 17 689,58 euros dans un délai de 30 jours, sous peine de déchéance du terme.
Les échéances étant demeurées impayées, la Société Générale en a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé du 15 juillet 2019 et l'a mise en demeure de lui régler la somme de 251.522,39 euros.

Selon quittance subrogative du 6 mars 2019, la société Crédit logement a payé à la banque la somme de 17.692,67 euros correspondant au montant des échéances impayées du prêt immobilier, des mois de décembre 2017 à février 2019 ainsi que des pénalités de retard.
Selon quittance subrogative du 14 octobre 2019, la société Crédit logement a payé à la banque la somme de 235.503,31 euros correspondant au montant des échéances impayées du prêt immobilier, des mois de mars 2019 à juillet 2019, au capital restant dû à la date de déchéance du terme et à des pénalités de retard.

La société CRÉDIT LOGEMENT a mis [V] [D] en demeure, par courrier du 8 octobre 2019, de lui payer la somme de 253.195,98 euros au titre du prêt immobilier.

Faisant valoir que les mises en demeure adressées à [V] [D] étaient demeurées vaines, la société CRÉDIT LOGEMENT l'a fait assigner en paiement, par acte d'huissier du 20 novembre 2019, devant la présente juridiction, au visa de l'article 2305 ancien du code civil.

Par acte d'huissier en date du 08 décembre 2020, [V] [D] a fait assigner en intervention forcée devant le tribunal de céans la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE.

Par ordonnance du 21 juin 2021, le juge de la mise en état du tribunal de céans a ordonné la jonction des deux affaires.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives communiquées par le biais du RPVA le 9 mars 2023, la société CRÉDIT LOGEMENT demande au tribunal, sur le fondement de l'article 2305 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige et de l'article L512-2 du code des procédures civiles d'exécution, de :
“- Dire et juger recevable et bien fondée la Société CREDIT LOGEMENT en ses demandes.
- Condamner Madame [V] [D] à payer à la Société CREDIT LOGEMENT la somme de 253.379,56 € en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 14/10/2019, date de la quittance.
- Condamner Madame [V] [D] à payer à la Société CREDIT LOGEMENT la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.
- Déclarer Madame [D] [V] mal fondée en ses demandes fins et conclusions, et l'en débouter.
- Ordonner l'Exécution Provisoire de la décision à intervenir en vertu des dispositions de l'article 515 du CPC.
- Condamner Madame [V] [D] aux entiers frais et dépens en vertu des dispositions de l'article 696 du CPC, outre les frais de l'hypothèque judiciaire provisoire publiée au 1er bureau du service de la publicité foncière de [Localité 9], ainsi que ceux de l'hypothèque judiciaire définitive à régulariser en vertu de la décision à intervenir”.

La société CREDIT LOGEMENT soutient qu'exerçant son action personnelle, [V] [D] ne saurait valablement lui opposer une quelconque exception et invoquer d'éventuelles fautes commises par le prêteur pour échapper à sa condamnation au paiement des sommes dues dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve de sa libération.
Elle rappelle que ni la recevabilité ni le bien-fondé de son action ne sont conditionnés à l'exigibilité de la créance, tout en précisant que la déchéance du terme a été prononcée de manière régulière. Elle souligne également qu'en sa qualité de caution, elle n'est partie ni au contrat de prêt ni au contrat d'assurance, qu'elle n'est soumise à aucune obligation légale ou contractuelle d'information, de conseil ou de mise en garde à l'égard de l'emprunteur et que seule la banque est l'auteur de la déchéance du terme du contrat de prêt. La requérante précise de surcroît que les paiements qu'elle a effectués entre les mains du prêteur, en sa qualité de caution solidaire de l'engagement souscrit par [V] [D], avait pour objet d'éviter le prononcé de la déchéance du terme, que celle-ci a cependant été acquise du fait de la défaillance persistante de l'emprunteur.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives communiquées par le biais du RPVA le 29 décembre 2022, [V] [D] demande au tribunal, sur le fondement de l'article L. 112-4 du code des assurances, des articles 9 et 668 du code de procédure civile, des articles 1104, 1231-1 et 2308 et suivants du code civil, de :

“- Recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de Madame [V] [D] ;

A titre principal :
- Dire et juger la déchéance du terme du contrat de prêt et du contrat d'assurance est nulle et non avenue ;
En conséquence,
- Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à reprendre l'exécution du contrat de prêt de Madame [V] [D] ;
- Dire et juger que l'action de la société CRÉDIT LOGEMENT à l'encontre de Madame [D] est infondée ;
En conséquence,
- Débouter la société CRÉDIT LOGEMENT de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de Madame [D] ;
- Dire et juger la société CRÉDIT LOGEMENT et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ont commis de nombreux manquements à leurs obligations ;
En conséquence,
- Condamner in solidum, ou l'une à la place de l'autre, la société CRÉDIT LOGEMENT et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer à Madame [V] [D] la somme de 251.522,39 euros de dommages et intérêts au titre de la perte d'indemnité d'assurance ;
- Condamner in solidum, ou l'une à la place de l'autre, la société CRÉDIT LOGEMENT et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer à Madame [V] [D] la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts au titre de sa perte de logement ;
- Condamner in solidum, ou l'une à la place de l'autre, la société CRÉDIT LOGEMENT et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer à Madame [V] [D] la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de prêt immobilier ;
- Condamner in solidum, ou l'une à la place de l'autre, la société CRÉDIT LOGEMENT et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer à Madame [V] [D] la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral et d'anxiété.

A titre subsidiaire :
- Condamner la Société Générale à garantir Madame [V] [D] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.

En tout état de cause :
- Condamner tout succombant à verser à Madame [D] la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner tout succombant au paiement des entiers dépens, y compris de signification et d'exécution de la présente décision, dont le recouvrement pourra être opéré par Maître François-Xavier BALME, avocat au barreau de Paris, Toque B0533, [Adresse 1], conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile”.

[V] [D] fait tout d'abord valoir que sa demande de nullité de la clause de déchéance du terme du contrat de prêt n'est pas prescrite, le délai de prescription quinquennale ayant commencé à courir le 15 juillet 2019. Elle soutient que la clause de déchéance du terme du contrat de prêt, liée à celle du contrat d'assurance, ne respecte pas le formalisme de l'article L. 112-4 alinéa 2 du code des assurances, en ce que lesdites clauses ne sont pas mentionnées en caractères très apparents. Elle affirme également que la clause de déchéance du terme est abusive en ce qu'elle ne prend pas en compte l'état de santé de l'emprunteur.
Elle précise ensuite que le prêteur a manqué à son devoir d'assistance à la suite de l'invalidité de sa cocontractante en 2014. Elle note que le courrier de déchéance du terme a été adressé à son ancienne adresse alors qu'elle résidait dans son appartement à [Localité 8], que l'avis de réception de ce courrier n'ayant pas été signé, la déchéance du terme du prêt est nulle.
De plus, elle souligne que le 12 décembre 2019, la société CNP Assurances a attesté de la prise en charge des échéances du prêt immobilier au titre de sa garantie incapacité totale de travail.
Elle soutient par ailleurs que le prêteur et la caution ont manqué à leurs obligations d'information, de conseil et de mise en garde à son égard. Elle ajoute que ces fautes lui ont occasionné de nombreux préjudices tant au plan matériel que moral.
[V] [D] affirme enfin que la créance de la caution n'est pas fondée dans son principe, compte tenu de l'irrégularité de la déchéance du terme, que la somme de 16.698,12 euros versée par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE le 28 février 2020 n'a pas été déduite par la caution.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives communiquées par le biais du RPVA le 19 mai 2023, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE demande au tribunal de :

“- Juger valable la déchéance du terme du prêt notifiée le 15 juillet 2019 par la SOCIETE GENERALE à Madame [D] ;

En conséquence,
- Débouter Madame [D] de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions ;
- Débouter Madame [D] de sa demande de reprise par la SOCIETE GENERALE de l'exécution du contrat de prêt ;
- Prendre acte du décompte de créance de la SOCIETE GENERALE notifié le 15 juillet 2019 à Madame [D] ;
- Prendre acte du décompte de créance versé par CREDIT LOGEMENT à la procédure ayant pour objet l'action en recouvrement de la caution contre Madame [D] ;

En conséquence,
- Juger que Madame [D] dispose de l'ensemble des éléments lui permettant d'établir l'intégralité des sommes perçues par la SOCIETE GENERALE de la part de CNP et de CREDIT LOGEMENT en remboursement de son prêt et par conséquent la débouter de sa demande de communication sous astreinte du décompte des sommes versées par la CNP à SOCIETE GENERALE ;

En tout état de cause,
- Débouter Madame [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner Madame [D] aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont le recouvrement pourra être opéré par la SELARL 2H AVOCATS en la personne de Maître Charlotte MOCHKOVITCH, avocat au barreau de Paris, domiciliée [Adresse 3] conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile”.

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE fait valoir qu'en sa qualité de prêteur, elle n'est pas partie au contrat d'assurance litigieux et que l'assureur n'est pas partie à la présente instance. Elle relève que la clause de déchéance du terme du contrat de prêt n'a pas un caractère abusif et qu'une notification par courrier recommandé est contractuellement prévue. Elle soutient aussi que les dispositions du code des assurances ne sont pas opposables au dispensateur de crédit.

Le prêteur affirme que la déchéance du terme du prêt a été prononcée conformément aux stipulations contractuelles, après l'envoi d'une mise en demeure. Elle note également qu'il incombait à [V] [D] de communiquer sa nouvelle adresse postale à la banque - ce dont elle s'est abstenue -, que la banque n'a jamais perçu de l'assureur les sommes correspondant aux échéances impayées d'avril à décembre 2019. La banque déclare, par ailleurs, que la somme de 16.698,12 euros a été reçue le 3 octobre 2019, soit postérieurement au prononcé de la déchéance du terme.

Elle prétend qu'en sa qualité d'intermédiaire en assurance, elle n'a manqué ni à son devoir d'information et de mise en garde, ni à son devoir d'assistance, qu'elle n'était pas tenue à l'égard de l'emprunteur d'un devoir de conseil, que [V] [D] ne démontre aucune faute de de la banque, qu'elle ne rapporte également pas la preuve des préjudices allégués ni du lien de causalité direct entre ces derniers et une prétendue faute de la banque.

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 11 décembre 2023.

En dépit du délai qui lui a été octroyé par la présente juridiction lors de l'audience de plaidoiries, le conseil de [V] [D] n'a pas déposé son dossier de plaidoirie.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures de la demanderesse quant à l'exposé du surplus de ses prétentions et moyens.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la demande en paiement formée par la caution

Les effets du cautionnement entre le débiteur et la caution sont régis par les articles 2305 et 2306 du code civil qui ouvrent à la caution qui a payé le créancier deux recours distincts qui ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, l'un personnel, l'autre subrogatoire.

Si, dans le cadre du recours subrogatoire, le débiteur poursuivi peut opposer à la caution subrogée les mêmes exceptions et moyens dont il aurait pu disposer contre le créancier originaire, tel n'est pas le cas lorsque la caution exerce son recours personnel.

L'article 2305 ancien du code civil dispose que la caution qui a payé, a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur, que ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais mais que la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.

Toutefois, les intérêts visés par ce texte ne sont pas ceux payés par la caution au créancier mais ceux des sommes versées pour le compte du débiteur principal à compter de ces versements et qu'ils sont dus au taux légal, sauf convention contraire entre la caution et le débiteur.

La preuve du paiement peut être rapportée par tous moyens.

L'article 9 du code de procédure civile expose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Sur la recevabilité de la demande de la caution

En l'espèce, la société CRÉDIT LOGEMENT indique expressément exercer son recours personnel, et non le recours subrogatoire.

Compte tenu de l'inopposabilité des exceptions à la caution par le débiteur principal dans le cadre de la présente instance régie par l'article 2305 du code civil, les demandes présentées par la société Crédit logement seront déclarées recevables.

Sur le bien-fondé de la demande de la caution

Il résulte en l'espèce des diverses pièces versées aux débats et notamment :
- du contrat de prêt d'un montant de 275.000 euros,
- de l'acte de cautionnement,
- du courrier de mise en demeure du 28 février 2019 et du courrier du 15 juillet 2019 par lesquels la banque a informé l'emprunteur qu'elle prononçait la déchéance du terme du prêt d'un montant de 275.000 euros,
- des quittances subrogatives du 6 mars 2019 et du 14 octobre 2019,
- du décompte de sa créance du 15 mai 2020 faisant apparaitre une créance de 237.417,71 euros en principal, 464,03 euros en intérêts et 4.276,86 euros au titre des accessoires,
que [V] [D] est redevable à l'égard de la société CRÉDIT LOGEMENT, prise en sa qualité de caution solidaire, de la somme de 237.417,71 euros au titre du contrat de prêt d'un montant de 275.000 euros, après déduction du versement de la somme de 16.698,12 euros (somme réglée par l'assureur entre les mains de la banque et reversée à la caution).

S'ils courent de plein droit du jour du paiement par la caution, les intérêts moratoires ne peuvent être intégrés au calcul des sommes dues à dernière en principal.

[V] [D] ne rapporte pas la preuve de sa libération.

Elle sera en conséquence condamnée au paiement de la somme de 237.417,71 euros au titre du contrat de prêt immobilier d'un montant de 275.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2019, date de la seconde quittance subrogative.

Sur les demandes reconventionnelles formées par l'emprunteur

- A l'égard de la caution

Faute pour la caution d'être débitrice à l'égard de l'emprunteur d'une obligation d'information, de conseil et de mise en garde, sa responsabilité ne peut être mise en œuvre de ce chef. Les demandes indemnitaires formées par [V] [D] à l'égard de la société Crédit logement seront donc rejetées.

- A l'égard du prêteur

Aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes présentées par [V] [D] n'était soulevée par la banque, il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de ces prétentions.

Conformément à l'ancien article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

- Sur le caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée du prêt

Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 applicable au litige, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La Cour de cassation déduit de manière constante des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, et précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. Mais elle admet qu'il puisse être dérogé à l'exigence d'une mise en demeure par une disposition expresse et non équivoque du contrat.

En l'espèce, la clause critiquée par [V] [D] correspond à l'article 12 des conditions générales du contrat de prêt, cette clause porte sur l'objet même du contrat et prévoit l'envoi d'un courrier recommandé à l'emprunteur pour l'informer du prononcé de la déchéance du terme.

En l'absence de dispositions contractuelles, la déchéance du terme du prêt garanti par un contrat d'assurance décès, incapacité temporaire de travail, perte totale et irréversible d'autonomie, n'emporte pas du seul fait de l'exigibilité immédiate de la créance de remboursement l'extinction du contrat d'assurance. La mobilisation de la garantie stipulée dans le contrat d'assurance, préalablement au prononcé de la déchéance du terme du contrat de prêt, en est l'illustration.

Bien que ne prévoyant pas expressément une obligation de motivation de la déchéance du terme, à la charge de la banque, les stipulations contractuelles querellées énumèrent limitativement les cas dans lesquels l'établissement de crédit peut prononcer unilatéralement la déchéance du terme. Il en résulte que cette clause n'est pas de nature à faire naître au profit de l'établissement de crédit un pouvoir discrétionnaire pour résilier le contrat, ni d'ailleurs à le laisser croire puisque la faculté de contestation de l'emprunteur y est expressément rappelée. En outre, contrairement à ce que suggère l'emprunteur, cette clause ne décharge nullement le prêteur de son obligation d'adresser une lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

Il en résulte que les stipulations critiquées, qui visent à prévenir un défaut d'exécution de ses engagements par l'emprunteur, n'ont pas pour objet ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment de l'emprunteur et ne revêtent donc pas un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation.

Il y a lieu de souligner que le réputé non-écrit est la conséquence du caractère abusif d'une stipulation contractuelle et non la nullité de celle-ci.

La demande de nullité de la clause de déchéance du terme, présentée par [V] [D], sera ainsi rejetée.

- Sur l'irrégularité de la déchéance du terme

Si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur à l'une des obligations lui incombant, incluant l'obligation de loyauté lors de la formation du contrat, entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ou pour s'en expliquer.

En l'espèce, il est établi qu'un tel courrier recommandé a été adressé à l'emprunteur le 15 juillet 2019 au [Adresse 4], postérieurement à l'envoi d'un courrier recommandé de mise en demeure, que les avis de réception de chacun de ces courriers recommandés est revenu avec la mention " pli avisé et non réclamé ".

Or, force est d'observer qu'au jour de la conclusion du contrat de prêt, [V] [D] était domiciliée [Adresse 2] et que le bien immobilier, dont l'acquisition était financée par le prêt litigieux, est situé [Adresse 5]. Il est également établi par l'extrait du relevé de compte, afférent au contrat de prêt litigieux, ouvert dans les livres de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE que [V] [D] était domiciliée [Adresse 4] sur la période allant du 1er juillet 2019 au 31 octobre 2019.

De même, il convient de noter que dans la procédure portée devant le juge de l'exécution du tribunal de céans, il résulte du jugement du 13 février 2020, que l'instance a été initiée par [V] [D] par acte d'huissier du 20 décembre 2019 et que son adresse était [Adresse 4].

Il appartenait à [V] [D] de communiquer par courrier recommandé à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE sa nouvelle adresse conformément à l'article 16 des conditions générales du contrat de prêt.

Faute d'avoir procédé à cette diligence, [V] [D] est mal fondée à reprocher à la banque une faute sur ce point.

S'il n'est pas contesté que l'assureur a versé entre les mains du prêteur la somme de 16.698,12 euros le 3 octobre 2019, correspondant aux échéances du 7 avril 2018 au 7 décembre 2018 et 7 janvier 2019 au 7 mars 2019, il y a lieu de relever que ce règlement est intervenu postérieurement au prononcé de la déchéance du terme du contrat de prêt.

Il découle de ce qui précède que la déchéance du terme du contrat de prêt immobilier a été prononcée par la banque conformément aux stipulations contractuelles et à la dernière adresse connue de l'emprunteur.

Par conséquent, la demande de [V] [D] tendant à voir déclarer irrégulière la déchéance du terme du contrat de prêt est rejetée.

- Sur le devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit

Un établissement financier est tenu à l'égard d'un emprunteur d'un devoir de mise en garde, qui lui impose de l'alerter du risque d'endettement né de l'octroi d'un prêt en tenant compte de ses capacités financières, ce sans ingérence dans les affaires de cet emprunteur ; lorsque le client est un emprunteur non averti, il doit s'assurer que le crédit octroyé n'est pas excessif. Il lui importe de rapporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation.

En l'absence de tout risque d'endettement excessif, l'établissement n'est pas tenu d'un devoir de mise en garde de l'emprunteur non averti ; en ce cas, il lui suffit de démontrer que l'engagement pris par l'emprunteur n'est pas disproportionné par rapport à ses ressources et charges et à son patrimoine pour être dispensé de tout devoir de mise en garde.

En l'espèce, il n'est pas contesté que [V] [D] avait la qualité d'emprunteur non averti.

Aucune pièce afférente à la situation matérielle de l'emprunteur au jour de la conclusion du contrat de prêt n'est produite aux débats. La fiche de dialogue n'est également pas produite. La preuve d'un risque d'endettement excessif de l'emprunteur au jour de la conclusion du contrat de prêt n'est pas rapportée.

Par ailleurs, il résulte de l'article 12 des conditions générales du contrat de prêt immobilier que la clause de déchéance du terme du contrat de prêt est rédigée en des termes clairs et transparents et permet à l'emprunteur de mesurer les modalités et les conséquences liées au prononcé de la déchéance du terme s'agissant de l'exigibilité de la créance de la banque.

Force est de relever que le contrat d'assurance n'est pas produit aux débats, que s'il s'agit de la pièce n°2 du conseil de [V] [D], le dossier de plaidoirie de ce dernier n'a pas été communiqué à la présente juridiction et que l'assureur, co-contractant de [V] [D], n'a pas été attrait à la présente instance.

Aucun manquement à son devoir de mise en garde ne saurait donc être reproché à la banque.

- Sur le devoir d'information du prêteur

S'agissant de l'obligation d'information, l'établissement prêteur de fonds doit éclairer l'emprunteur sur les caractéristiques du crédit qu'il consent.

Il appartient à celui qui est tenu à une obligation d'information de faire la preuve de son exécution en application de l'article 1315 ancien du code civil applicable au présent litige.

Force est de constater que dans l'offre de prêt de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, les modalités de financement du projet immobilier de [V] [D] sont expressément détaillées.

De plus, il est constant que [V] [D] a été destinataire de la notice d'information du contrat d'assurance groupe - correspond à sa pièce n°2 - dont l'article 9 a pour objet la prise d'effet et la durée des garanties. Toutefois, cette pièce n'a pas été communiquée à la présente juridiction.

Il n'est également pas contesté que [V] [D] en a accepté les termes et a donné son accord aux conditions ainsi fixées.

Tout contentieux relatif aux décisions des compagnies d'assurances relève de la responsabilité contractuelle et de la qualité d'assureur de la Société CNP Assurances.

Force est de relever que la Société CNP Assurances n'est pas partie à la présente instance. Nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude.

[V] [D] ne rapporte pas la preuve d'un manquement de la banque à son devoir d'information de sorte que ce moyen sera rejeté.

- Sur le devoir de conseil et d'assistance de la banque

Il est constant que l'emprunteur a adhéré au contrat d'assurance de groupe par l'intermédiaire de la banque, souscripteur de ce contrat.

Dans l'hypothèse d'un contrat d'assurance, la banque en sa qualité d'intermédiaire professionnel entre son client et l'assureur, est tenue non seulement d'informer le premier sur les types de police proposés et les garanties correspondantes, de transmettre les documents qu'elle a reçus comme intermédiaire de l'assureur, mais également de donner tous renseignements nécessaires en temps utile à l'emprunteur, qui demande la mise en œuvre de l'assurance.

Il est établi que dans le cadre de sa déclaration de sinistre, la société CNP Assurances a accepté de poursuivre son indemnisation jusqu'au 31 mars 2018, que l'assureur a sollicité auprès de [V] [D], par les courriers datés du 17 avril 2018, 5 décembre 2018, 13 mai 2019 et 16 juillet 2019, la communication de son attestation médicale d'incapacité - invalidité ainsi que le titre du versement de sa pension d'invalidité et à défaut son relevé de compte sur lequel figure le virement de la pension d'invalidité.

Aucune pièce afférente à la régularisation par [V] [D] de sa situation auprès de l'assureur pour assurer la continuité de la mise en œuvre de la garantie n'est produite aux débats.

Force est de relever que [V] [D] ne démontre pas avoir sollicité les conseils et le soutien de l'établissement de crédit, ou de son conseiller bancaire, dans les modalités de déclaration de son sinistre auprès de son assureur afin de voir prendre en charge les échéances de son prêt immobilier.

[V] [D] invoque à tort les dispositions de l'article L. 112-4 alinéa 2 du code des assurances, s'appliquant dans les relations assureur-assuré, à l'égard de la banque laquelle n'est qu'un intermédiaire qui ne saurait être considérée comme responsable de la décision de prise en charge ou non du sinistre.

[V] [D] ne démontre pas plus en quoi la banque ne l'aurait pas suffisamment éclairée sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur et sur les conditions de cette prise en charge.

En conséquence, [V] [D] ne démontre aucun manquement de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à son devoir de conseil et d'assistance envers son client.

Il n'est enfin pas justifié de l'existence d'un lien de causalité direct entre les fautes alléguées et les préjudices revendiqués.

Par conséquent, [V] [D] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Aucune faute n'étant caractérisée à l'endroit de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, la demande de garantie formée à titre subsidiaire par [V] [D] sera dès lors rejetée.

Sur les demandes accessoires

[V] [D], partie perdante, sera condamnée aux dépens par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Les dépens à la charge de [V] [D] ne peuvent comprendre les frais d'inscription d'hypothèques judiciaires provisoire et définitive en ce qu'ils n'entrent pas dans les frais énumérés par l'article 695 du code de procédure civile.

En outre, en application de l'article L.512-2 du code des procédures civiles d'exécution, les frais d'hypothèque judiciaire provisoire sont, à défaut de décision contraire, de droit à la charge du débiteur et à supposer que l'hypothèque judiciaire attachée au présent jugement de condamnation soit confirmée par une inscription définitive, ce qui en l'état n'est pas établi, il en est nécessairement de même des frais d'hypothèque judiciaire définitive.

[V] [D] sera également condamnée à payer une somme de 1 700 euros à la société Crédit logement afin de compenser les frais de justice non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer afin d'assurer la défense judiciaire de ses intérêts, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de rejeter la demande de la Société Générale au titre des frais irrépétibles.

La demande formée par [V] [D] au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

L'article L 313-52 du code de la consommation (ancien L.312-23) précise qu'aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés à l'article L.313-51 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur en cas de défaillance. Les indemnités et coûts mentionnés à l'article L.313-51 (ancien L.312-22) sont constitués par le capital restant dû et les intérêts échus ainsi qu'une indemnité de résiliation (Civ. 1ère, 20 avril 2022, n°20-23.617).

Par conséquent, la demande de capitalisation de la société CRÉDIT LOGEMENT sera rejetée.

L'exécution provisoire est nécessaire, au regard de l'ancienneté de la créance, et compatible avec la nature de l'affaire, s'agissant du paiement d'une somme d'argent.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe de la juridiction, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort :

DECLARE recevable la demande en paiement formée par la société CRÉDIT LOGEMENT ;

CONDAMNE [V] [D] à payer à la société CRÉDIT LOGEMENT la somme de 237.417,71 euros au titre du contrat de prêt immobilier d'un montant de 275.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2019 ;

DÉBOUTE [V] [D] de l'intégralité de ses demandes,

DÉBOUTE la société CRÉDIT LOGEMENT du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE [V] [D] à payer à la société CRÉDIT LOGEMENT la somme de 1 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE [V] [D] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE [V] [D] aux dépens, qui ne comprennent pas les frais d'hypothèque judiciaire provisoire et d'hypothèque judiciaire définitive ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 29 Avril 2024.

LA GREFFIERELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 19/13529
Date de la décision : 29/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-29;19.13529 ?
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