TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
■
PRPC JIVAT
N° RG 21/13006
N° Portalis 352J-W-B7F-CVMKP
N° MINUTE :
Saisine du :
14 Avril 2021
JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024
DEMANDERESSES
Madame [J] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 27]
Madame [IM] [JZ]
[Adresse 11]
[Localité 32]
Madame [O] [VR]
[Adresse 6]
[Localité 18]
représentées par Me Victor ZAGURY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0134
DÉFENDEURS
LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS
[Adresse 14]
[Localité 26]
représentée par Me Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0082
Monsieur [H] [KJ] [GY]
détenu : Maison d’arrêt de [Localité 34]
[Adresse 3]
[Localité 34]
représenté par Me Isabelle COUTANT PEYRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0952
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 001/2022/003126 du 28/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
Monsieur [DG] [RV]
détenu : Centre pénitentiaire de [Localité 7]
[Adresse 15]
[Localité 7]
représenté par Me Domitille PHILIPPART, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2616
Monsieur [I] [U]
détenu : Centre pénitentiaire de [Localité 31]
[Adresse 9]
[Localité 31]
défaillant
Monsieur [NU] [K]
détenu : Centre pénitentiaire de [Localité 30]-[Localité 10]
[Adresse 29]
[Adresse 29]
[Localité 10]
défaillant
Monsieur [C] [Z]
détenu : Centre de rétention administrative
CRA DE [Localité 13]
[Localité 13]
défaillant
Monsieur [IH] [L]
[Adresse 19]
[Localité 25]
défaillant
Monsieur [Y] [N]
[Adresse 17]
[Localité 1]
défaillant
Monsieur [R] [RK]
détenu : Maison d’arrêt de [Localité 21]
[Adresse 16]
[Localité 22]
défaillant
Monsieur [P] [W]
[Adresse 8]
[Localité 12]
[Localité 12] (BELGIQUE)
défaillant
Monsieur [A] [SO]
domicilié : chez Mme [SZ] [ZA]
[Adresse 4]
[Localité 21]
défaillant
Décision du 25 Avril 2024
PRPC JIVAT
N° RG 21/13006
N° Portalis 352J-W-B7F-CVMKP
Monsieur [WK] [D] [T]
détenu : Maison centrale de [Localité 36]
[Adresse 28]
[Localité 36]
défaillant
Monsieur [EH] [JO] [G] (Mandat d’arrêt)
domicilié : chez M. et Mme [G]
[Adresse 5]
[Localité 24]
défaillant
Madame [V] [F] (Mandat d’arrêt)
[Adresse 20]
[Localité 23]
défaillante
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sabine BOYER, Vice-Présidente
Emmanuelle GENDRE, Vice-Présidente
Maurice RICHARD, Magistrat à titre temporaire
assistés de Véronique BABUT, Greffier
DEBATS
A l’audience du 29 Février 2024 tenue en audience publique
Après clôture des débats, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2024.
JUGEMENT
- Réputé contradictoire,
- En premier ressort,
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Le 8 janvier 2015, Madame [S] [B], agent de police municipale en fonction à [Localité 33] et âgée de 26 ans, était prise pour cible par des tirs de fusil d’assaut. Transportée à l’hôpital [35], Madame [B] décédait des suites de ses blessures.
Par arrêt du 14 avril 2021, la Cour d’assises spéciale en matière de terrorisme de Paris déclarait recevables les constitutions de partie civile de Messieurs [M] et [E] [X] et de Mesdames [J] [VR] épouse [X], [O] [VR] et [IM] [JZ].
Elle déclarait [H] [KJ] [GY], [VP] [G], [V] [F], [WK] [OE] [LD], [DG] [RV], [R] [RK], [NU] [K], [IH] [L] et [A] [SO] entièrement responsables de leur préjudice.
En conséquence, elle renvoyait l’examen de l’action civile devant la juridiction d’indemnisation des victimes d’attentats terroristes.
Par ordonnance de radiation partielle rendue le 9 décembre 2021, la présente chambre de ce tribunal ordonnait la radiation de l’instance pour Monsieur [M] [X] et Monsieur [E] [X] au motif que ces derniers avaient transigé avec le Fonds de Garantie des victimes d’actes de Terrorisme et d’autres Infractions (ci-après désigné «le FGTI») respectivement le 29 mars 2016 et le 21 mars 2016.
Le FGTI recevait une demande amiable d’indemnisation le 7 janvier 2022 de Madame [J] [VR] épouse [X], Madame [O] [VR] et Madame [IM] [JZ] en relation avec le décès de Madame [S] [B].
Elles sollicitaient du FGTI d’être indemnisées de leur préjudice sans en préciser le quantum.
Par courrier du 7 avril 2022, le FGTI informait le conseil de Madame [J] [VR] épouse [X], Madame [O] [VR] et Madame [IM] [JZ], qu’il n’était pas en mesure de réserver une suite favorable à leur demande, considérant que «l’existence de liens affectifs particulièrement étroits entre [ces dernières] et [S] [B] n'était pas établie».
******
Par conclusions signifiées le 9 novembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Madame [J] [VR] épouse [X], Madame [O] [VR] et Madame [IM] [JZ], demandent au tribunal de condamner le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions à verser :
à Madame [J] [VR] épouse [X] la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice ; à Madame [O] [VR] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice ; à Madame [IM] [JZ] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice.
Par conclusions signifiées le 22 juin 2022, auxquelles il est référé expressément conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [H] [KJ] [GY] demande au tribunal de constater l’irrecevabilité de toutes les demandes d’indemnisation formées contre lui.
Par dernières écritures récapitulatives régulièrement signifiées le 6 février 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le FGTI demande au tribunal de :
JUGER Madame [J] [VR] épouse [X], Madame [O] [VR] et Madame [IM] [JZ] irrecevables et à tout le moins mal fondées en leurs demandes ;DÉBOUTER Madame [J] [VR] épouse [X], Madame [O] [VR] et Madame [IM] [JZ] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;LAISSER les dépens à la charge du Trésor public.
******
Messieurs [VP] [G], [V] [F], [WK] [OE] [T], [R] [RK], [NU] [K], [IH] [L], [A] [SO], [P] [W], [Y] [N], [C] [Z] et [I] [U], régulièrement assignés, n’ayant pas constitués avocat, le présent jugement étant susceptible d’appel, il sera statué par jugement réputé contradictoire.
L’ordonnance de clôture était rendue le 9 novembre 2023.
L’audience de plaidoiries se tenait le 29 février 2024 et la décision était mise en délibéré au 25 avril 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le droit à indemnisation
L’article L126-1 du code des assurances issues de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice dispose que :
“Les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, seront indemnisés dans les conditions définies aux articles L422-1 à L422-33.”
Selon l’article 421-1 du code pénal, “constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes et notamment les atteintes volontaires à la vie, les atteintes à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration”.
Au-delà de la qualité de victime directe, il est à ce jour parfaitement admis par les décisions judiciaires qu’en plus des ayants droits d’une victime d’acte de terrorisme, toute personne proche et justifiant d’un lien affectif fort et constant avec la victime décédée peut être indemnisée au titre de son préjudice d’affection. Ce principe est conforme aux principes généraux de l’indemnisation des victimes indirectes pour le préjudice d’affection qui est défini comme le préjudice moral subi par certains proches à la suite du décès de la victime directe.
Les proches spécifiquement concernés sont les conjoints, les ascendants, descendants et fratries. Au-delà, compte tenu des liens affectifs, des cas particuliers peuvent être pris en compte.
Il s’agit donc pour les requérants de démontrer qu’ils entretenaient avec la victime un lien affectif spécifique, constant et singulier, allant au-delà d’un lien d’affection ordinaire, et que leur préjudice moral est en lien direct et certain avec les décès et blessures des victimes de l’attentat.
En l’espèce, il n’est pas contesté que Madame [S] [B] est une victime directe de l’attentat commis contre sa personne le 8 janvier 2015 au cours duquel elle est décédée.
Madame [J] [VR] épouse [X], sa belle-mère, Madame [O] [VR] et Madame [IM] [JZ], les filles de cette dernière, sollicitent d’être reconnues en tant que victimes indirectes de ces faits compte tenu des liens de famille qu’elles entretenaient avec la victime.
L’existence d’un lien affectif spécifique est contestée par le FGTI, qui indique que les requérantes n’ont aucun lien de parenté avec la victime et n’ont pas la qualité d’ayant-droit et qu’elles ne démontrent pas qu’elles entretenaient avec Madame [S] [B] un lien affectif spécifique, constant et singulier, allant au-delà d’un lien d’affection ordinaire.
Il soutient que leur demande est donc irrecevable.
Les requérantes ont versé plusieurs pièces, à savoir l’acte de naissance de [S] [B], l’acte d’état civil du mariage entre Madame [J] [VR] et Monsieur [M] [X] le 25 juin 2020, le détail des remboursements de soins pour la journée du 30 décembre 2002 pour Monsieur [E] [X] au nom de son père, les bulletins de paie de Monsieur [M] [X] de juillet 2005 et du 30 mars 2007, les cartes d’identité de Monsieur [M] [X] et de Madame [J] [VR], l’acte de naissance de Madame [O] [VR] accompagné de sa carte d’identité, l’extrait du livret de famille attestant de la naissance de Madame [IM] [JZ] accompagné de son passeport et les deux photographies de [S] conservées par Monsieur et Madame [X].
Cependant, ces pièces ne démontrent pas suffisamment l’existence de leur lien affectif avec la victime, et ce, d’autant que Madame [S] [B] vivait en Martinique avec sa mère, et que les requérantes vivaient à [Localité 32] en métropole. De plus, lorsque Madame [J] [VR] épouse [X] a débuté une relation sentimentale avec le père de la victime en 1996, Madame [S] [B] avait huit ans, Madame [O] [VR] douze ans et Madame [IM] [JZ] en avait vingt. Ainsi, les requérantes n’ont pas grandi avec la victime depuis leur naissance et dans le même foyer, et ne produisent à ce sujet aucune photo de famille, aucune lettre ou échanges de message qui démontreraient l’existence d’un lien de proximité affective.
Par ailleurs, il résulte du dossier que la victime avait mis de la distance avec son père à compter de l’année 2005, et donc par conséquent avec sa famille paternelle en général, laquelle n’a pas été autorisée à se rendre aux funérailles.
Ainsi, l’existence d’un préjudice moral des parties en demande n’est pas établi et les demandes de Madame [J] [VR] épouse [X], Madame [O] [VR] et Madame [IM] [JZ] seront rejetées.
La demande étant rejetée, les requérantes supporteront la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
DÉBOUTE Madame [J] [VR] épouse [X], Madame [O] [VR] et Madame [IM] [JZ] de leurs demandes au titre de l’indemnisation de leurs préjudices subis du fait du décès de Madame [S] [B] victime directe d’un attentat terroriste ;
CONDAMNE Madame [J] [VR] épouse [X], Madame [O] [VR] et Madame [IM] [JZ] aux dépens de l’instance ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
Fait et jugé à Paris le 25 Avril 2024
Le GreffierLa Présidente