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25/04/2024 | FRANCE | N°20/02136

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Loyers commerciaux, 25 avril 2024, 20/02136


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




Loyers commerciaux


N° RG 20/02136 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CRYFV


N° MINUTE : 3

Assignation du :
12 Février 2020

Jugement en fixation



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. DYP
[Adresse 2]
[Localité 9]

représentée par Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2306



DEFENDERESSE
<

br>S.A.S. JEAN MICK
[Adresse 1]
[Localité 9]

représentée par Maître Charles-édouard BRAULT de l’AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #J0082




COMPOSITION DU...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Loyers commerciaux


N° RG 20/02136 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CRYFV

N° MINUTE : 3

Assignation du :
12 Février 2020

Jugement en fixation

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. DYP
[Adresse 2]
[Localité 9]

représentée par Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2306

DEFENDERESSE

S.A.S. JEAN MICK
[Adresse 1]
[Localité 9]

représentée par Maître Charles-édouard BRAULT de l’AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #J0082

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe DUTON, Vice-président, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;

assisté de Manon PLURIEL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 25 Janvier 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte sous seing privé en date du 1er mai 2007, la SAS DYP a donné à bail renouvelé à la SAS JEAN MICK un local à usage commercial situé au rez-de-chaussée et au 1er étage dans la cour d'un immeuble sis [Adresse 2], pour une durée de neuf années à effet rétroactivement au 1er juillet 2006 moyennant le versement d'un loyer annuel en principal de 8.760 euros.

La destination du bail est la suivante : " tous commerces d'habillement et d'accessoires, maroquinerie et accessoires, chaussures, radio, électricité, électronique, télévisions, appareils audiovisuels, bijouterie, horlogerie, orfèvrerie et toutes activités se rapportant à ces commerces, notamment fabrication, réparations, entreposage et travaux administratifs à l'exclusion de tout autre commerce ou industrie ".

Par acte d'huissier en date du 29 juin 2018, la SAS JEAN MICK a sollicité de la SAS DYP le renouvellement du bail pour une durée de neuf années à effet au 1er juillet 2018.

La SAS DYP a notifié un mémoire préalable à la SAS JEAN MICK par lettre recommandée avec avis de réception en date du 12 décembre 2019, acceptant le principe de renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2018 mais considérant que le loyer du bail renouvelé doit être déplafonné au titre d'une modification des facteurs locaux de commercialité et fixé à la somme de 20.800 euros.

Par exploit d'huissier en date du 17 février 2020, la SAS DYP a saisi le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 20.820 euros à compter du 1er juillet 2018.

Par jugement avant dire droit en date du 24 septembre 2021, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure, le juge des loyers commerciaux a :
-constaté le principe du renouvellement du bail liant la SAS DYP et la SAS JEAN MICK à compter du 1er juillet 2018 ;
-désigné Monsieur [X] [W] en qualité d'expert aux fins de donner son avis sur la valeur du bail renouvelé ;
-fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel indexé en principal, outre les charges ;
-réservé les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de remplacement d'expert en date du 18 octobre 2021, le juge des loyers commerciaux a désigné Madame [Z] [D] en remplacement de Monsieur [X] [W], ce dernier ayant refusé sa mission au motif que le local avait déjà été expertisé par ses soins à la demande du locataire.

L'expert a déposé son rapport le 25 novembre 2022 concluant à l'application du principe du plafonnement du loyer en renouvellement et à une valeur locative annuelle de 17.500 euros hors taxes et hors charges au 1er juillet 2018.

Dans son dernier mémoire après expertise notifié le 24 janvier 2024, la SAS DYP sollicite la fixation du montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 17.597 euros par an en principal hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2018 et demande la condamnation de la S.A.S JEAN MICK au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, y compris les frais d'expertise.

Dans son mémoire après expertise notifié le 20 février 2023, la SAS JEAN MICK demande, à titre principal, à ce qu'il soit fait application de la règle du plafonnement prévue à l'article L. 145-34 du code de commerce et ainsi, sollicite la fixation du montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 10.402,09 euros par an en principal hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2018, toutes autres clauses, charges et conditions demeurant inchangées sous réserve de celles qui s'avèrent contraires à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, et du réajustement du dépôt de garantie, la condamnation au paiement des intérêts au taux légal sur tous loyers trop perçus, et ce à compter rétroactivement de chacune des échéances contractuelles, et à leur capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil. Subsidiairement, si le tribunal devait écarter la règle du plafonnement et fixer le loyer de renouvellement à la valeur locative, elle sollicite la fixation du montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 14.801 euros par an en principal hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2018. En tout état de cause, elle demande la condamnation de la SAS DYP au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire.

L'audience de plaidoirie s'est tenue le 25 janvier 2024, au cours de laquelle le juge des loyers commerciaux a autorisé la SAS JEAN MICK à produire en cours de délibéré, pour le 31 mars 2024 au plus tard, une note en délibéré au soutien de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable le dernier mémoire après expertise en date du 24 janvier 2024 de la SAS DYP, et la SAS DYP à produire des observations en réponse.

La décision a été mise en délibéré au 25 avril 2024.


MOTIFS DE LA DÉCISION

In limine litis, sur la recevabilité du dernier mémoire après expertise de la SAS DYP

L'article R. 145-23 du Code de commerce dispose en son premier alinéa que les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.

L'article R. 145-26 du code de commerce ajoute que les mémoires sont notifiés par chacune des parties à l'autre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Par note en délibéré en date du 25 janvier 2024, la SAS DYP a, par l'intermédiaire de son Conseil, transmis au juge des loyers commerciaux l'avis de réception de son mémoire après expertise par la SAS JEAN MICK en date du 24 janvier 2024.

Par note en délibéré en date du 31 janvier 2024, la SAS JEAN MICK soutient que le dernier mémoire de la SAS DYP lui a été transmis tardivement, ce qui serait contraire au principe du contradictoire et au surplus, elle relève que, lors de l'audience du 25 janvier 2024, la SAS DYP n'était pas en possession de l'accusé de réception, ce qui entraînerait son irrégularité.

En l'espèce, il convient de relever que le dernier mémoire après expertise de la SAS DYP a été notifié à la SAS JEAN MICK par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, lequel avis est daté du 24 janvier 2024, date antérieure à l'audience, a été transmis dans le cadre d'une note en délibéré en date du 25 janvier 2024 dûment autorisée par le juge des loyers commerciaux à l'audience de plaidoirie qui s'est tenue le même jour.

Par ailleurs, il convient de noter que les modifications apportées par la SAS DYP à son mémoire après expertise, indiquées par des traits de marge, ne sont pas substantielles, de sorte que la S.A.S JEAN MICK a pu en prendre connaissance en temps utile, compte étant tenu de la procédure particulière en matière de loyers qui n'est pas soumise à une ordonnance de clôture.

La SAS DYP justifiant avoir notifié son mémoire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, conformément aux modalités prévues par la loi, il y a lieu de débouter la SAS JEAN MICK de sa prétention et de déclarer recevable le dernier mémoire après expertise de la SAS DYP notifié le 24 janvier 2024.

Sur l'application du principe du plafonnement

Il résulte du jugement avant dire droit qui n'a fait l'objet d'aucun recours que le bail a été renouvelé à compter du 1er juillet 2018.

L'article L. 145-33 du code de commerce dispose que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1)Les caractéristiques du local considéré ;
2)La destination des lieux ;
3)Les obligations respectives des parties ;
4)Les facteurs locaux de commercialité ;
5)Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L'article L. 145-34 du code de commerce institue cependant un plafonnement du loyer en renouvellement auquel il ne peut être dérogé qu'en cas de modification notable de l'un des premiers éléments visés par l'article L. 145-33 du code de commerce.

Il est constant que le bailleur qui demande que le loyer soit déplafonné doit démontrer la modification notable d'un seul des éléments de la valeur locative qui sont, soit les facteurs internes c'est-à-dire les caractéristiques des lieux loués, la destination des lieux et les obligations des parties, soit les facteurs externes c'est-à-dire les facteurs locaux de commercialité, pendant la période écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement. Il doit en outre prouver que la modification notable des facteurs locaux de commercialité présente un intérêt et est de nature à avoir une incidence favorable sur le commerce exploité par le locataire dans les locaux loués.

Aux termes de l'article R. 145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent de manière durable ou provisoire.

Il est constant que la modification de commercialité d'un secteur suppose corrélativement que les facteurs identifiés aient apporté, au cours du bail expiré, un flux complémentaire de chaland susceptible de profiter objectivement au commerce exercé dans les locaux loués.

En l'espèce, les deux parties sont en désaccord sur l'application du principe du plafonnement du loyer en renouvellement. La SAS DYP invoque comme motif de déplafonnement une modification notable des facteurs locaux de commercialité. La SAS JEAN MICK considère que ce motif ne saurait être retenu pour justifier le déplafonnement du loyer.

Sur la modification des facteurs locaux de commercialité

A titre liminaire, l'expert considère que l'incidence d'une éventuelle modification notable des facteurs locaux de commercialité sur l'activité exercée au sein de locaux situés sur cour sans visibilité ni signalisation ni accès libre depuis la rue serait sans effet.

L'expertise judiciaire énonce en substance ce qui suit :
la baisse de la population du 8ème arrondissement ne peut être de nature à avoir densifié les flux à proximité des locaux ; l'augmentation de la fréquentation de la station de métro Saint-Philippe du Roule, quand bien même elle serait de nature à avoir densifié les flux de chalands au voisinage des locaux sous expertise, demeure sans effet pour une activité exercée dans des locaux situés sur cour sans visibilité ni signalisation ni accès libre depuis la rue ;les constructions nouvelles demeure également sans effet pour des locaux situés sur cour sans visibilité ni signalisation ni accès libre depuis la rue ;le classement de la ZTI " [Adresse 11] " ne présente aucun intérêt pour des locaux situés sur cour quand, de plus, la boutique sur rue n'ouvre ni en soirée ni le dimanche ;la présence d'établissements hôteliers ne peut être prise en considération car ces établissements se situent hors du périmètre d'observation ;l'augmentation de la concurrence dans le périmètre en ce qui concerne l'horlogerie et la bijouterie et joaillerie ne revêt aucun intérêt dès lors que les locaux sont situés sur cour.
La SAS DYP fait valoir que l'activité technique et administrative, notamment la création et fabrication de bijoux, expertise de montres, réparation de montres et bijoux, exercée dans les locaux situés sur cour est indissociable de l'activité de vente exercée dans les locaux sur rue. Elle soutient que les facteurs locaux de commercialité profitent à l'activité entière de la locataire et qu'il convient de procéder à une appréciation globale de leur évolution.

La SAS DYP relève notamment que :
le classement de la rue La Boétie en zone touristique internationale a nécessairement eu pour effet de drainer un flux de chalandise complémentaire qui profite incontestablement à l'activité exercée, dès lors que l'activité exercée dans les locaux sous expertise est interdépendante de celle exercée dans la boutique sur rue et qu'en outre, la clientèle accède aux lieux loués qui sont signalés à l'extérieur par une plaque ;l'augmentation de la fréquentation de la station de métro Saint-Philippe du Roule située à 130 mètres des lieux loués génère incontestablement un flux important de chalandise complémentaire, ce qui est classiquement constitutif d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité selon la jurisprudence citée et a une incidence sur les locaux sous expertise puisque la locataire bénéficie d'une enseigne sur rue signalée à l'extérieur par une plaque ;l'augmentation de la capacité d'accueil des hôtels environnements, de catégorie haut de gamme, n'a pu être que bénéfique pour le commerce étudié qui cible ce type de clientèle ; l'édification de constructions nouvelles dépasse le seuil constitutif d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité, entraînant le déplafonnement du loyer.
La SAS JEAN MICK considère que les locaux sous expertise, situés sur cour et utilisés comme bureaux administratifs et atelier, et la boutique située sur rue font l'objet de deux baux distincts. Ainsi, selon la locataire, l'évolution des facteurs locaux de commercialité ne saurait avoir un quelque impact sur la fixation du loyer du bail renouvelé correspondant aux locaux situés sur cour puisqu'ils ne sont pas soumis à la chalandise et ne bénéficient pas d'un accès direct sur la rue.

Par ailleurs, la SAS JEAN MICK soutient, en tant que de besoin, que la classification en ZTI porte essentiellement sur la possibilité pour les commerces d'ouvrir le dimanche et suppose que le secteur jouisse déjà d'une très bonne commercialité, de sorte qu'il est peu probable qu'elle constitue une modification notable des facteurs locaux de commercialité.

Elle souligne que l'augmentation de la fréquentation de la station Saint-Philippe du Roule située à proximité des lieux loués correspond à une tendance à l'échelle de la ville de Paris qui accuse une augmentation générale de la fréquentation de ses transports qui ne saurait constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité.

Enfin, s'agissant de l'implantation et de l'agrandissement de deux hôtels à proximité, la SAS JEAN MICK relève que ces hôtels ne sont pas situés à proximité immédiate des lieux loués, si bien que cela ne saurait être considéré comme une modification locale. Au surplus, elle ajoute que le quartier a toujours connu une forte activité hôtelière, si bien que la modification invoquée par la bailleresse ne saurait être qualifiée de notable.

En l'espèce, la boutique sur rue exploitée par la SAS JEAN MICK fait l'objet d'un bail distinct et d'une procédure distincte en fixation du loyer renouvelé. Sa situation locative ne saurait être confondue avec celle des locaux sous expertise, objet de la présente procédure, correspondant à des locaux situés sur cour, sans visibilité ni signalisation ni accès libre à la clientèle depuis la rue.

Or, si le classement de la rue en ZTI, l'augmentation de la fréquentation de la station de métro située à proximité et l'édification de constructions nouvelles seraient susceptibles, dans d'autres circonstances, de générer un flux de chalandise supplémentaire, ces facteurs n'ont en réalité aucun effet sur l'activité exercée dans des locaux situés sur cour qui ne font l'objet d'aucune signalisation à l'extérieur et ne sont pas librement accessibles à la clientèle depuis la rue.

Il sera retenu que les facteurs locaux de commercialité dont il est discuté ne sont pas susceptibles d'avoir une incidence sur l'activité exercée dans les locaux situés sur cour, s'agissant de bureaux administratifs et d'un atelier de réparation de montres et bijoux, peu important leur éventuelle incidence sur l'activité de vente exercée dans la boutique sur rue, l'appréciation étant in concreto.

Il résulte de ce qui précède que, faute pour la SAS DYP de démontrer la modification notable des facteurs de commercialité invoquée à l'appui de sa demande de déplafonnement du loyer, elle sera déboutée de cette prétention et le loyer du bail renouvelé ne pourra excéder le montant plafonné au 1er juillet 2018, si la valeur locative est supérieure à celui-ci.

Sur le loyer plafond

En application de l'article L. 145-34 du code de commerce, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.

En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.

L'expert fixe le montant du loyer plafonné au 1er juillet 2018 à la somme de 10.402,09 euros HT/HC, sur la base de l'indice des loyers commerciaux (ci-après ILC) devenu l'indice de référence depuis la loi du 18 juin 2014 dite " loi PINEL ", de la façon suivante : (8.760 euros, loyer initial x 111,87ILC (dernier indice connu au 1er juillet 2018, date du renouvellement) / 94,21 ILC (indice correspondant à 12 ans plus tôt).

Aucune des parties ne conteste ce montant pour le loyer plafonné au 1er juillet 2018.

En l'espèce, la durée du bail expiré, du 1er juillet 2006 au 30 juin 2018, est de 12 ans, soit 48 trimestres. Le dernier indice publié à la date du renouvellement est bien celui du 1er trimestre 2018 et l'indice diviseur est celui du 1er trimestre 2006, ce qui n'est pas contesté par les parties.

En conséquence, le loyer plafond sera fixé à la somme de 10.402,09 euros HT/HC.

Sur la valeur locative

L'article L145-7 du code de commerce dispose que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de références. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

Aux termes de l'article R. 145-11 du code de commerce, le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 145-7 sont en ce cas applicables.

Sur les caractéristiques des locaux considérés

Selon le rapport d'expertise judiciaire, les locaux commerciaux sont situés [Adresse 2] dans le 8ème arrondissement, dans la partie de cette voie comprise entre la [Adresse 14] et la [Adresse 12], dans un secteur commercial caractérisé par la présence, en pied d'immeubles, de commerces sans notoriété particulière avec une forte représentation de bars, restaurants, incluant les établissements de restauration rapide, ainsi que par la présence d'établissements hôteliers, auxquels s'ajoutent quelques boutiques d'équipement de la personne et de commerces de services, exploités dans l'ensemble par des commerçants indépendants. La [Adresse 15] est une voie secondaire à sens unique et à forte densité de circulation automobile, qui relie l'[Adresse 10] à la [Adresse 13].

La station de métro " Saint-Philippe du Roule " (ligne 9) est distante des lieux loués d'environ 130 mètres. Les arrêts de bus " La Boétie Champs-Élysées " (ligne 32) et " Saint-Philippe du Roule " (ligne 52) sont situés à environ 250 mètres des locaux étudiés. Il est également relevé la présence de parcs de stationnement situés notamment [Adresse 14] et [Adresse 10].

Selon le rapport d'expertise, les lieux loués sont situés dans une construction sur cour élevée d'un rez-de-chaussée et d'un étage droit - façade en maçonnerie peinte sous enduit - ravalement récent. Les locaux sont accessibles depuis la [Adresse 15] par un dégagement en libre accès fermé par une porte donnant accès à la cour de l'immeuble sécurisé par interphone.

Selon le rapport d'expertise, les lieux loués se composent comme suit :

Au rez-de-chaussée, accessible par une porte vitrée à simple vantail à ouverture sécurisée présentant un linéaire de façade de 2,75 mètres environ sur la cour pavée de l'immeuble, situé à gauche de l'entrée de ce dernier :
une pièce à usage de réserve en légère surélévation par rapport au niveau de la cour se développant sur une profondeur de 6,45 mètres environ - murs habillés de fibre de verre peinte - faux-plafond en dalles de fibres avec éclairage par pavés fluo compacts - départ d'escalier vers le 1er étage situé en fond de local - sol parqueté ;un local de petites dimensions à la suite également à usage de réserve - murs habillés de fibre de verre peinte - faux-plafond peint avec éclairage par néons - présence de placards à dimensions - porte d'accès sur courette sol revêtement plastique ;
Au premier étage, accessible depuis le rez-de-chaussée par un escalier en bois lavé d'une largeur de 0,85 mètre environ :
un 1er atelier de configuration relativement rationnelle largement éclairé par 2 fenêtres sur la cour - murs habillés de fibre de verre peinte - faux-plafond en dalles de fibres avec éclairage par pavés fluo compacts - présence de placards à dimensions - sol revêtement plastique ; un 2nd atelier éclairé sur courette par un fenestron de petites dimensions - présence d'un évier inox double bac - murs habillés de fibre de verre peinte - faux-plafond avec éclairage encastré - présence d'une trappe avec accès aux combles - sol revêtement plastique ; un 1er bureau de configuration relativement rationnelle éclairé par une fenêtre sur la cour - murs habillés de fibre de verre peinte - faux-plafond peint avec éclairage par pavés fluo compacts - sol parquet flottant ; un 2nd bureau éclairé par verrière zénithale et par un châssis ouvrant sur courette - murs habillés de fibre de verre peinte - éclairage par rails de spots - parquet flottant ; des sanitaires.
La description matérielle et de situation faite par l'expert résulte des constatations objectives qu'il a pu faire lors de sa visite sur place et n'est pas contestée par les parties.

La surface pondérée du local commercial a été estimée par l'expert à 21,46 m²B.

Les parties ne discutent pas la pondération des locaux établie par l'expert. Il y a donc lieu de retenir une surface pondérée de 21,46 m²B.

Sur les prix pratiqués dans le voisinage

L'expert a recherché des termes de comparaison dans le quartier environnant pour des locaux similaires, parmi des références issues tant du marché que de décisions judiciaires.

Il en résulte :
un loyer judiciaire de 650 euros par m²B, au 1er janvier 2016 pour un restaurant situé au [Adresse 6] ;
un loyer de renouvellement amiable de 1.100 euros par m²B, au 1er janvier 2018, pour une galerie d'art située au [Adresse 4] ;
des loyers pour lesquels il a été versé un droit au bail de 640 euros par m²B, au 15 mai 2017 pour un établissement de restauration rapide situé au [Adresse 8] ; de 810 euros par m²B, au 1er novembre 2017 pour un bar à salades situé au [Adresse 7] ; de 871 euros par m²B, au 1er janvier 2018 pour un commerce de luminaires située au [Adresse 3] ; de 1.281 euros par m²B, au 1er janvier 2016 pour une agence immobilière située au [Adresse 4].

L'expert propose des loyers de locations nouvelles de huit commerces distincts allant de 726 euros le m²B au 2ème trimestre 2016 pour une retoucherie située au [Adresse 2] dans une boutique dépendante du même immeuble que les locaux sous expertise à 1535 euros le m²B pour une activité de prêt-à-porter situé au [Adresse 5], au 2ème trimestre 2017.

L'expert retient un prix unitaire de 820 euros/m²B et une valeur locative avant abattement de 17.597 euros, arrondie à 17.500 euros.

Sur la valeur locative avant abattement

Compte tenu de leur distance par rapport aux locaux sous expertise (entre moins de 350 mètres, et jusqu'à 500 mètres), il y a lieu de considérer les référence produites comme des prix couramment pratiqués dans le voisinage, au sens du 5° de l'article L145-33 du code de commerce.

Pour apprécier la valeur locative des locaux sous expertise, l'expert indique avoir pris en compte aussi bien les éléments favorables à savoir la situation géographique du local qui est bénéfique pour une activité " d'atelier de fabrication et de réparation en matière de bijouterie-horlogerie " dépendant d'un secteur central de la capitale fréquenté essentiellement à l'heure du déjeuner par la population salariée qui occupe les bureaux environnant, la [Adresse 15] faisant partie intégrante du Quartier Central des Affaires (QCA), ainsi que par la population touristique, la configuration relativement rationnelle des surfaces et la destination particulièrement large du bail considéré, que les éléments défavorables comme la répartition des surfaces sur deux niveaux reliés.

La bailleresse sollicite également que le prix unitaire soit fixé à 820 euros/m²B et, de même, une valeur locative de 17.597 euros.

En revanche, la locataire estime que l'expert, en retenant un prix unitaire de 820 euros/m²B a proposé un prix unitaire situé dans la fourchette haute des prix pratiqués, alors que les références données par le bailleur se situeraient entre 750 euros/m²B et 857 euros/m²B et que le prix unitaire d'un local dépendant du même immeuble est de 726 euros/m²B. La locataire préconise donc de retenir un prix unitaire de 726 euros/m²B.

En l'espèce, les références locatives données par l'expert indiquent des prix unitaires allant de 640 euros/m²B à 1535 euros/m²B contrairement à ce que soutient la locataire.

En revanche, il convient de noter, contrairement à ce que préconise le rapport d'expertise, que, même si les caractéristiques structurelles des lieux sont différentes et que la destination contractuelle est limitée aux " retouches de tous vêtements ", la référence de 726 euros/m²B afférente au local commercial situé dans le même immeuble est en partie transposable aux locaux sous expertise, dès lors qu'elle correspond également à une boutique dépourvue d'accès depuis la rue dont l'accès s'effectue depuis le hall d'entrée de l'immeuble. Les autres références citées par l'expert et la bailleresse correspondent uniquement à des locaux sur rue, qui bénéficient d'un certain nombre de facteurs locaux de commercialité dont ne peut se prévaloir le local sous expertise situé sur cour.

Il y a lieu, aux fins d'apprécier au mieux la situation géographique du bien par rapport à l'activité exercée (quartier central des affaires et zone touristique), les caractéristiques du local (configuration relativement rationnelle des surfaces), son emplacement sur cour sans signalisation à l'extérieur ni libre accès à la clientèle depuis la rue, ainsi que les termes du bail (large énumération d'activités autorisées), de retenir un prix unitaire de 750 euros/m²B.

En conséquence, la valeur locative annuelle avant abattement sera fixée à 16.095 euros (750 euros le m²B x 21,46 m²B = 16.095 euros).

Sur l'abattement et les majorations

Aux termes du premier alinéa de l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Sur l'abattement au titre des clauses exorbitantes

L'expert préconise de fixer l'abattement au titre de la mise en charge des travaux prescrits par les autorités administratives au taux de 3%, estimant que les jurisprudences citées par la locataire sont trop éloignées du cas d'espèce et qu'un taux de 3% correspondant à la " réalité économique " de la situation.

La bailleresse demande à ce que la valeur locative retenue soit la valeur locative avant abattement, ne faisant application d'aucun abattement sur la valeur brute. Elle ne conteste toutefois pas l'application d'une minoration de 3% pour mise à la charge des travaux prescrits par les autorités administratives.

La locataire considère insuffisant l'abattement de 3% proposé par l'expert au titre des travaux mis à sa charge prescrits par les autorités administratives, considérant, en se fondant sur neuf décisions de jurisprudence, qu'il doit être retenu un abattement de 5% à ce titre.

En l'espèce, la clause relative aux charges et conditions insérée au contrat de bail transfère au preneur la charge des " travaux qui pourraient être prescrits par les autorités administratives eu égard au commerce exercé ". Par ailleurs, il est convenu que le preneur, s'agissant des locaux, se doit " de les rendre en fin de bail en bon état de réparation ". L'absence de précision sur la nature des réparations exigées en fin de bail rend la clause exorbitante. Ces transferts justifient l'abattement de 3% proposé par l'expert.

Sur la majoration au titre de l'étendue de la destination

L'expert propose une majoration de 3% de la valeur locative au titre de l'étendue de la destination contractuelle des locaux et considère que cette majoration représentant la somme de 1.298 euros par an, reste " symbolique " au regard de l'avantage conféré.

La bailleresse n'émet aucune observation sur la majoration proposée au titre de l'étendue de la destination contractuelle des locaux.

La locataire considère qu'une majoration de 3% est excessive soulignant que la destination prévue au bail n'est pas particulièrement large comme le serait la destination " tous commerces ". Par ailleurs, elle soutient que si la destination prévue au bail est assez large, elle a dû adapter les locaux, non accessibles au public, à l'activité d'atelier et de bureau.

En l'espèce, force est de constater que la destination prévue au bail est particulièrement large, puisque même si elle ne se limite pas à la destination générale " tous commerces " comme le soutient la locataire, elle vise néanmoins de façon suffisamment large " tous commerces d'habillement et d'accessoires, maroquinerie et accessoires, chaussures, radio, électricité, électronique, télévisions, appareils audiovisuels, bijouterie, horlogerie, orfèvrerie et toutes activités se rapportant à ces commerces, notamment fabrication, réparations, entreposage et travaux administratifs à l'exclusion de tout autre commerce et industrie ". Une majoration de 3% à ce titre paraît justifiée.

Dès lors, la minoration de 3% au titre des travaux de mise en conformité et de remise en bon état de réparation en fin de bail et la majoration de 3% en raison de la destination particulièrement large prévue au bail se compensent.

La valeur locative doit donc être fixée à 16.095 euros annuels en principal, correspondant à la valeur locative brute.

La valeur locative annuelle étant supérieure au loyer plafond, il convient de fixer le loyer renouvelé au loyer plafond, soit à la somme de 10.402,09 euros HT/HC.

Sur les dépens et les frais d'expertise

La procédure et l'expertise ont été nécessaires pour fixer les droits respectifs des parties. Il convient en conséquence d'ordonner le partage des dépens, en ce inclus les frais d'expertise.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu du partage des dépens ordonné, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'exécution provisoire

Il est nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire d'ordonner l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Vu le rapport d'expertise de Madame [Z] [D],

Déclare recevable le dernier mémoire après expertise de la SAS DYP notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 24 janvier 2024,

Fixe à 10.402,09 euros en principal par an à compter du 1er juillet 2018 le montant du loyer du bail renouvelé (depuis cette date) entre la SAS DYP et la SAS JEAN MICK pour les locaux situés [Adresse 2] toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Partage les dépens par moitié entre les parties, qui incluront le coût de l'expertise judiciaire,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

Fait et jugé à Paris le 25 Avril 2024

La GreffièreLe Président
M. PLURIELJ-C. DUTON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 20/02136
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-25;20.02136 ?
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