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25/04/2024 | FRANCE | N°19/13086

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 2ème section, 25 avril 2024, 19/13086


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me MARTIN (P0466)
Me PEREIRA OSOUF (P154)




18° chambre
2ème section


N° RG 19/13086

N° Portalis 352J-W-B7D-CRCVS

N° MINUTE : 2

Assignation du :
18 Octobre 2019





JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024





DEMANDERESSE

Société anonyme de droit espagnol CAIXABANK SA
Siège social : c/[Adresse 6] (ESPAGNE)
Succursale en France : [Adresse 1]

représentée par Maître Fr

ancis MARTIN de la S.E.L.A.R.L. CABINET SABBAH & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0466


DÉFENDERESSE

CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CAR...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me MARTIN (P0466)
Me PEREIRA OSOUF (P154)

18° chambre
2ème section

N° RG 19/13086

N° Portalis 352J-W-B7D-CRCVS

N° MINUTE : 2

Assignation du :
18 Octobre 2019

JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024

DEMANDERESSE

Société anonyme de droit espagnol CAIXABANK SA
Siège social : c/[Adresse 6] (ESPAGNE)
Succursale en France : [Adresse 1]

représentée par Maître Francis MARTIN de la S.E.L.A.R.L. CABINET SABBAH & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0466

DÉFENDERESSE

CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF)
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Paola PEREIRA OSOUF de la S.C.P. ZURFLUH-LEBATTEUX-SIZAIRE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P154

Décision du 25 Avril 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 19/13086 - N° Portalis 352J-W-B7D-CRCVS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lucie FONTANELLA, Vice-présidente
Maïa ESCRIVE, Vice-présidente
Cédric KOSSO-VANLATHEM, Juge

assistés de Henriette DURO, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 01 Février 2024 tenue en audience publique devant Lucie FONTANELLA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort
_________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 09 novembre 2017, la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF) a consenti à la société anonyme de droit espagnol CAIXABANK SA un bail commercial portant sur des locaux à usage de bureau au quatrième étage, outre des places de stationnement en sous-sol, d'un immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 5], pour une durée de neuf années à compter du 15 mars 2017 et moyennant un loyer de 145 870 € HT et HC par an.

En juin 2019, la locataire s'est plainte auprès de la bailleresse d'une panne du système de climatisation réversible installé dans les lieux et de la défaillance de l'entreprise chargée de sa maintenance, puis a mis en place des climatiseurs mobiles dans ses locaux.

Selon procès-verbal d'huissier du 12 juillet 2019, elle a fait constater notamment :
-que la température extérieure sur [Localité 4] était de 23°C, pouvait dans la journée atteindre 26° et était estimée pour les jours à venir entre 27° et 29°C,
-que des climatiseurs mobiles étaient installés dans les lieux mais que leur fonctionnement exigeait l'ouverture des fenêtres sur la largeur de leurs tuyaux d'évacuation de la chaleur, desquels s'écoulait de l'eau de condensation,
-que la chaleur ambiante dans les lieux était significative et ne permettait pas de travailler avec une veste sur le dos,
-que l'on pouvait entendre le bruit et le ronronnement très perceptibles des appareils de climatisation mais également les bruits provenant de l'extérieur, en raison de l'ouverture des fenêtres, étant noté que la [Adresse 7] est située à l'angle avec l'avenue Marceau, où la circulation des véhicules est continue.

Au mois d'août 2019, la locataire, reprochant son inertie à la bailleresse, a sollicité de sa part un planning exact des travaux de remplacement de la climatisation réversible, une franchise de loyer à hauteur de 40%, la prise en charge de travaux de création de bouches d'aération permettant de fermer les fenêtres lors de l'usage des climatiseurs mobiles et l'intervention de son administrateur de biens afin d'évacuer les condensats, ce dans un délai de huit jours.

La bailleresse, contestant le manque de réactivité reproché, lui a répondu que les travaux de climatisation ne pouvaient être réalisés dans le bref délai imparti, compte tenu des contraintes techniques et administratives rencontrées (refus d'autorisation des travaux par la mairie pour des raisons esthétiques, recherche d'une solution technique satisfaisante) ainsi que de l'obligation d'effectuer un appel d'offres et de l'imprécision des devis concernant l'emplacement des vitres concernées par la création de bouches d'évacuation des climatiseurs mobiles.

Par acte du 18 octobre 2019, la société anonyme de droit espagnol CAIXABANK SA (ci-après la S.A. CAIXABANK SA) assigné la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF) devant le tribunal de grande instance de PARIS, devenu le tribunal judiciaire de PARIS, sollicitant sa condamnation sous astreinte à réaliser des travaux de remplacement de la climatisation réversible, à lui rembourser partiellement les loyers payés ainsi que le coût des évacuations des condensats et d'une surconsommation d'électricité.

Les parties ont signé un protocole d'accord le 19 avril 2021, prévoyant notamment :
-la réalisation par la bailleresse des travaux de réfection des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation,
-le déménagement temporaire, et aux frais de la bailleresse, de la locataire dans d'autres locaux de l'immeuble mis à sa disposition,
-en contrepartie de cette prise en charge par la bailleresse, la renonciation de la locataire à toute demande de réalisation des travaux de réfection des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, sous réserve de leur réalisation dans un délai raisonnable, la clause précisant qu'" En revanche, le preneur maintient la procédure actuellement pendante et visée en préambule aux fins d'indemnisation dans les termes de son exploit introductif d'instance en date du 19 octobre 2019 ".

Dans ses dernières écritures du 24 juin 2022, la S.A. CAIXABANK SA sollicite du tribunal de :
-débouter la CARMF de toutes ses demandes,
-condamner la CARMF à lui rembourser 50% de ses loyers à compter du 11 juin 2019 sur une période de trois mois par année et 10% du loyer sur les neuf mois restant de l'année jusqu'à la réalisation définitive des travaux de climatisation réversible collective de l'immeuble et sa mise en service,
-condamner la CARMF à lui payer les sommes suivantes :
*540 € HT au titre des évacuations des condensats, augmentés des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,
*402,56 € au titre de la surconsommation d'électricité, augmentés des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,
-condamner la CARMF sous astreinte de 500 € par jour de retard à :
*reprendre les peintures de la porte palière d'accès aux locaux et ses linteaux,
*reprendre les peintures de la porte des WC femmes et ses linteaux,
*reprendre les peintures du linteau gauche de la porte des WC hommes,
*remplacer à l'identique le plan de travail façon mélaminé au dessus du meuble de l'open space,
-condamner la CARMF à lui payer une somme de 8 000 € au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
-d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Dans ses dernières écritures du 29 novembre 2022, la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF) sollicite du tribunal :
-le rejet de toutes les demandes de la S.A. CAIXABANK SA,
-sa condamnation à lui payer une somme de 6 000 € HT au titre de ses frais irrépétibles,
-outre sa condamnation aux entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de son conseil.

Pour un exposé exhaustif des prétentions des parties, le tribunal se réfère expressément à leurs écritures par application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 1er février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de remboursement partiel de loyers et de remboursements de facture d'évacuation de condensats et de surconsommation électrique

La demanderesse, exposant que la bailleresse n'a pas été réactive malgré ses diverses demandes tendant à remédier à la défaillance du système de climatisation, et qu'elle a dû se débrouiller pour installer quelques climatiseurs mobiles, à l'origine de difficultés (nécessité de vidanger les condensats, surconsommation d'électricité, bruit dans les locaux, faible baisse des températures), fait valoir que celle-ci a manqué à son obligation de délivrer des locaux conformes à leur destination de bureaux pouvant accueillir des clients, dans lesquels sont utilisés des ordinateurs, implantés dans un quartier prestigieux et dans un immeuble de standing.

Elle fait état d'un trouble de jouissance lié à la gêne d'un double déménagement, au fait de supporter de fortes chaleurs de juin à septembre 2019, l'obligeant à reporter des rendez-vous et à gérer le mieux possible la présence de ses salariés sur place, au bruit de la rue et des climatiseurs, au fait de devoir gérer les condensats des appareils de climatisation à la place de la bailleresse, d'avoir été privée de la faculté de gérer elle-même le fonctionnement de la climatisation réversible chaud/froid et d'avoir dû passer par son administrateur de biens pour cela, puis de passer un nouvel été sans climatisation en 2021 et d'avoir dû demander des convecteurs d'appoint en octobre 2021.

La bailleresse réplique que l'état prévisionnel des travaux annexé au bail en vertu de l'article L.145-40-2 du code de commerce prévoyait des travaux sur la climatisation, dont les dysfonctionnements éventuels étaient connus, travaux qui pouvaient être effectués sur la première période triennale, soit jusqu'à fin novembre 2020 et pouvaient être reportés en cas de contrainte technique ou de refus administratif, qu'elle a pris toutes dispositions pour pallier temporairement la défaillance du système de climatisation qui n'a duré que quelques jours, que ses démarches ont été retardées par un refus d'autorisation administrative, la recherche de solution technique, les délais et formalités imposés par le code des marchés publics, et qu'elle a conduit les dossiers et travaux avec célérité malgré la pandémie de covid-19 ainsi qu'un effondrement de la voirie non loin de l'immeuble.

Elle ajoute que la climatisation fonctionnait à l'époque de la prise à bail, que la canicule de l'été 2019 n'a duré que quelques jours, que celle de 2020 a été encore plus courte et celle de 2021 inexistante, qu'elle a supporté le coût de l'installation de climatiseurs mobiles chez la locataire, que le bruit de l'extérieur perçu par les fenêtres ouvertes est conforme à ce qui est admissible, que selon les articles 6, 8 et 12 du bail, la demanderesse a renoncé à solliciter une indemnisation ou une réduction de loyer du fait de la défaillance du système de climatisation, que selon le protocole d'accord du 19 avril 2021, elle a renoncé à toute indemnisation du fait du déménagement, que l'évacuation des condensats est une opération de maintenance mineure à la charge contractuelle du preneur et qu'il n'est pas établi que la surconsommation électrique évoquée est liée aux appareils de climatisation mobiles.

L'article 1217 du code civil dispose que :
"La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
-refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
-poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
-obtenir une réduction du prix ;
-provoquer la résolution du contrat ;
-demander réparation des conséquences de l'inexécution. "

L'article 1231-1 dudit code ajoute :
Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Selon l'article 1719 du même code :
" Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée (...);
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail (...)”
En l'espèce, il n'est pas contesté qu'en vertu de l'article 6 du bail, selon lequel la bailleresse avait la charge du " remplacement des gros équipements en leur entier ou de leurs pièces essentielles (hors maintenance courante, notamment (…) équipements de production d'air chaud et froid ", il incombait à celle-ci de procéder au remplacement du système défectueux.

Il convient de relever que la bailleresse étant tenue d'une obligation de délivrer des locaux conformes à leur destination, mais aussi de les maintenir en cet état, il est indifférent que la climatisation ait fonctionné juste après la prise à bail en 2017 et en 2018.

Il importe peu, également, que, comme elle le soutient, les locaux soient à usage de bureaux sans qu'il soit précisé qu'ils sont climatisés, alors qu'elle a donné à bail des locaux à usage de bureaux situés sous la toiture de l'immeuble et alors équipés d'une climatisation, indispensable à la destination contractuelle d'activités bancaires et d'assurance, comprenant la faculté de recevoir des clients et l'utilisation d'ordinateurs.

La prévision dans le bail de travaux sur le système de climatisation, conformément aux exigences de l'article L.145-40-2 du code de commerce, ne permet aucunement de considérer que la locataire a accepté d'en supporter le dysfonctionnement et d'attendre que la bailleresse procède aux travaux nécessaires.

Ainsi, la défaillance prolongée du système de climatisation, à laquelle il n'a été remédié qu'en 2021, suffit à caractériser le manquement de la bailleresse à ses obligations.

La bailleresse ne démontre pas que les difficultés qu'elle a rencontrées pour y procéder (refus d'autorisation administrative, difficultés techniques, etc...) sont de nature à l'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité.

La stipulation de l'article 6 du bail, selon laquelle " Le preneur ne pourra s'opposer à toutes les réparations, reconstructions, surélévations, et travaux quelconques qui seront exécutés sur l'immeuble ou dans ses parties communes et il ne pourra demander aucune indemnité ni diminution de son loyer quelles que soient l'importance et la durée de ces travaux " est une clause dite " de souffrance " de travaux réalisés par le bailleur dans les locaux, qui n'a pas vocation à s'appliquer dans le cas où la locataire se plaindrait des conséquences dommageables d'un défaut de réalisation de travaux dans les lieux et ne peut donc faire obstacle à la demande d'indemnisation de dommages résultant du défaut de réparation du système de climatisation.

En revanche, cette clause permet d'exclure une indemnisation de la locataire pour le trouble lié au déménagement pour les travaux prévus dans le protocole du 19 avril 2021, en ce qu'elle doit " souffrir " le dommage causé par leur réalisation.

La clause (article 8) selon laquelle " Le preneur et ses assureurs renoncent expressément à tous recours et actions quelconques contre le bailleur (…) pour tous accidents ou tous dégâts qui pourraient survenir dans l'immeuble notamment par suite de rupture (…) de ventilation (...) " ne concerne pas le même type de dommages que ceux dont il est présentement demandé réparation.

Enfin, l'article 12 du bail selon lequel " Le bailleur ne pourra, en aucun cas, être tenu responsable soit de l'arrêt, soit du mauvais fonctionnement momentané des équipements techniques " ne s'applique qu'en cas de dysfonctionnement momentané d'un élément d'équipement, et non pour une durée aussi longue que celle du préjudice dont il est demandé réparation.

Il convient en conséquence de juger que la bailleresse est responsable des dommages subis par sa locataire, résultant du défaut de réparation du système de climatisation.

Il ressort notamment des mails échangés entre les parties à compter du 14 juin 2019 et du constat d'huissier du 12 juillet 2019, ainsi que des relevés de température du site d'Info Climat des mois de juin, juillet et août 2019, qu'il a fait très chaud sur cette période, à partir de mi-juin (par exemple, jusqu'à 36,5°C le 29 juin, jusqu'à 42,6°C le 25 juillet et 33,4°C le 27 août), la locataire devant supporter, dans les locaux situés sous la toiture, une chaleur importante et/ou les nuisances liées à l'installation de climatiseurs mobiles nécessitant l'ouverture des fenêtres, ajoutant à la nuisance de la chaleur celle du bruit généré par ces appareils et celui de l'avenue Marceau, qui est très passante.

Ces circonstances permettent de caractériser un important trouble de jouissance des lieux loués à destination de bureaux, particulièrement pour le travail d'employés travaillant en costume, avec des ordinateurs et recevant de la clientèle, justifiant une réduction du loyer de l'ordre de 50% sur deux mois et demi.

Il convient en revanche de constater qu'il n'est pas produit d'autre élément, notamment de preuve des températures estivales en 2020 et 2021, démontrant d'autre trouble lié à l'absence de remplacement par la bailleresse du système de climatisation dans les locaux loués.

S'agissant du défaut de mise en fonctionnement du chauffage, il ressort simplement d'un échange de mails des 08 et 11 octobre 2021 que la bailleresse a dû fournir quatre radiateurs pour y pallier ; il ne peut être déduit de cette seule pièce que la locataire a effectivement subi un trouble de jouissance lié à une trop faible température dans les lieux ou à la présence desdits radiateurs dans ses locaux.

Le désagrément lié à la nécessité de se tourner vers l'entreprise chargée par la bailleresse de la gestion de son bien pour régler le chauffage, les thermostats n'étant pas encore habilités, n'est évoquée que ponctuellement dans un mail du 14 décembre 2021, ce qui n'est pas suffisant pour caractériser un trouble de jouissance à ce titre.

Il n'est donc pas justifié d'autre trouble de jouissance que celui constaté de juin à août 2019.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande de réduction de loyer à hauteur de 50% sur deux mois et demi (du 15 juin au 31 août 2019), et de chiffrer l'indemnité lui revenant à ce titre à :
141 470 € (loyer annuel en principal de la partie " bureaux " du bail) ÷ 12 mois x 2,5 mois
= 29 472,91 €, et de rejeter le surplus de la demande à ce titre.

Au soutien de sa demande de remboursement des deux factures d'évacuation des condensats, la locataire produit une facture du 30 septembre 2019 émise par une société PHINÉLEC pour cinq passages pour vidange de bac à climatiseur au cours du mois d'août 2019, d'un montant de 540 € TTC.

Il convient de faire droit à cette demande, étant relevé que cette prestation ne saurait entrer dans la catégorie des frais d'entretien ou de maintenance courante à la charge de la locataire, alors que cette obligation locative ne porte que sur les éléments d'équipement de la chose louée et qu'elle n'aurait pas dû exposer une telle dépense si le système de climatisation des lieux, tel qu'il existait lorsqu'elle a pris en location des locaux, avait fonctionné.

S'agissant, enfin, de la demande d'indemnisation pour surconsommation électrique, force est de constater que si celle-ci est évidente compte tenu de la nécessité d'utiliser des appareils d'appoint dans des pièces à la température élevée et fenêtres ouvertes, la demanderesse ne justifie aucunement du bien-fondé de son calcul puisqu'elle prétend déterminer l'excédent payé par une opération peu fiable, en soustrayant du prix facturé en juillet et septembre 2019 le prix payé en mai 2019, pour une consommation au demeurant bien plus faible qu'en mai 2018, au lieu de procéder à une comparaison des consommation de l'été 2019 avec celles de l'été 2018 (qui restait possible malgré l'absence de relevé de consommation en juin, juillet et août 2018, grâce à un relevé en septembre 2018 permettant de vérifier la consommation de la période).

Dans ces conditions, au vu des factures EDF des 17 mai, 17 juillet et 17 septembre 2019, qui permettent une comparaison des consommations de juin à septembre sur les années 2018 et 2019, et indiquent le prix de l'énergie par kWh, le tribunal peut évaluer la surconsommation de la façon suivante :
*consommation de juin à septembre 2018 : 1 289 (estimation juillet) + 4 543 (relevé septembre) = 5832 kWh
*consommation de juin à septembre 2019 : 1 598 (relevé juin) + 1 920 (relevé juillet)
+ 1 981 (relevé août) + 1 163 (relevé septembre) = 6 662 kWh

Différence de consommation : 6 662 kWh - 5832 kWh = 830 kWh x 0,10 € + TVA 20% = 99,60 €.

Il y a lieu d'allouer une indemnité de 99,60 € à la demanderesse au titre d'une surconsommation électrique et de rejeter le surplus de sa demande à ce titre.

Les sommes allouées au titre du paiement d'une facture de vidange des condensats et d'une surconsommation électrique, qui ont le caractère d'indemnités, ne produiront des intérêts au taux légal qu'à compter de la présente décision, conformément à l'article 1231-7 du code civil, et sans qu'il soit nécessaire de le préciser.

En conséquence, la défenderesse sera condamnée à lui payer :
-une indemnité à titre de réduction de 50% de deux mois de loyers et demi, soit une somme de 29 472,91 €,
-une indemnité de 540 € au titre du paiement d'une facture de vidange des condensats,
-une indemnité de 99,60 € au titre de sa surconsommation électrique.

Total = 29 472,91 € + 540 € + 99,60 € = 30 112,51 €.

Sur la demande de condamnation à effectuer des travaux de réparation de peintures et d'un plan de travail

La locataire réclame par ailleurs la condamnation de la bailleresse à réaliser des travaux de reprise de peintures et d'un plan mélaminé de travail qui présentent des éclatements, expliquant qu'elle a constaté ces dégradations lors de sa réintégration dans les lieux loués, après que la propriétaire y a réalisé les travaux de CVC.

La défenderesse réplique que cette demande n'est pas justifié, faisant valoir qu'il n'est pas établi que les dégradations évoquées, dans des locaux déjà à l'état d'usage avant les travaux, sont liées aux travaux qu'elle a réalisés, qu'en outre, les peintures du palier vont faire l'objet d'une rénovation globale des parties communes et que le plan de travail a déjà été réparé.

Le tribunal constate toutefois que les dégradations évoquées, telles que décrites dans un constat d'huissier du 21 décembre 2021, n'avaient pas été relevées dans le constat d'huissier du 19 mai 2021, réalisé préventivement par l'entreprise chargée des travaux avant leur commencement, alors que, s'agissant d'éclatements de peinture et de mélamine, caractéristiques de coups et non d'une usure plus ordinaire, l'auteur du constat n'aurait pas manqué d'en faire mention s'ils étaient déjà existants.

En outre, il ressort d'un échange de courriels entre la bailleresse et la locataire début septembre 2021, que la bailleresse n'avait pas, à l'époque, contesté que les dégradations de la porte palière et du plan de travail, notamment, étaient imputables aux travaux qu'elle avait fait réaliser dans les lieux.

N'étant pas justifié de la réparation du plan de travail et de la réfection de la peinture de la porte d'entrée, évoquées par la bailleresse, il convient de la condamner à l'exécution de tous travaux de reprise demandés par la locataire et d'assortir cette condamnation d'une astreinte dont les modalités seront fixées dans le dispositif du jugement.

Sur les demandes accessoires

La défenderesse, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'instance ainsi qu'à payer une somme à la demanderesse au titre de ses frais irrépétibles qu'il convient de fixer, compte tenu de la teneur du présent jugement, à 4 000 €.

L'exécution provisoire de la présente décision, compatible avec la nature de l'affaire et nécessaire compte tenu de son ancienneté, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

CONDAMNE la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF) à payer à la société anonyme de droit espagnol CAIXABANK SA une indemnité de trente-mille-cent-douze euros et cinquante-et-un centimes (30 112,51 €) au titre de son préjudice de jouissance, de paiement d'une facture de vidange des condensats et de sa surconsommation électrique,

ORDONNE à la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF) de procéder aux travaux suivants, dans les locaux loués par la société anonyme de droit espagnol CAIXABANK SA, sis [Adresse 1] à [Localité 5] :
*reprise des peintures de la porte palière d'accès aux locaux et de ses linteaux,
*reprise des peintures de la porte des WC des femmes et de ses linteaux,
*reprise des peintures du linteau gauche de la porte des WC des hommes,
*remplacement à l'identique du plan de travail façon mélaminé au dessus du meuble de l'open space,
Ce, dans un délai de deux (2) mois suivant la signification de la présente décision et, passé ce délai, sous astreinte de cinq-cents euros (500 €) par jour de retard pendant soixante (60) jours,

CONDAMNE la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF) aux dépens de l'instance ainsi qu'à payer à la société anonyme de droit espagnol CAIXABANK SA une somme de quatre-mille euros (4 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF) de ses demandes,

REJETTE le surplus des demandes de la société anonyme de droit espagnol CAIXABANK SA,

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 25 Avril 2024

Le GreffierLe Président
Henriette DUROLucie FONTANELLA


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 19/13086
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-25;19.13086 ?
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