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25/04/2024 | FRANCE | N°19/01735

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 1ère section, 25 avril 2024, 19/01735


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expéditions exécutoires délivrées à : Me BLANCHARD #P265, Me HOFFMAN #C610, Me CAVALLO #P100, Me HATTE #D539, Me KOPF #R170, Me CORTESI #P291




3ème chambre
1ère section

N° RG 19/01735
N° Portalis 352J-W-B7D-CO7NB

N° MINUTE :

Assignation du :
16 janvier 2019











JUGEMENT
rendu le 25 avril 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER
[Adresse 7]
[Localité 12]

représentée par Me Julien BLANCHARD

de la SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265

DÉFENDEURS

Société MGA ENTERTAINMENT INC
[Adresse 15]
[Adresse 15] (USA)

Société MGA ENTER...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expéditions exécutoires délivrées à : Me BLANCHARD #P265, Me HOFFMAN #C610, Me CAVALLO #P100, Me HATTE #D539, Me KOPF #R170, Me CORTESI #P291

3ème chambre
1ère section

N° RG 19/01735
N° Portalis 352J-W-B7D-CO7NB

N° MINUTE :

Assignation du :
16 janvier 2019

JUGEMENT
rendu le 25 avril 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER
[Adresse 7]
[Localité 12]

représentée par Me Julien BLANCHARD de la SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265

DÉFENDEURS

Société MGA ENTERTAINMENT INC
[Adresse 15]
[Adresse 15] (USA)

Société MGA ENTERTAINMENT UK LTD
[Adresse 11],
[Adresse 11] (ROYAUME -UNI)

Société MGA ENTERTAINMENT BELGIUM B.V.B.A
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Adresse 16] (BELGIQUE)

Société MGA ENTERTAINMENT HK LTD
[Adresse 17]
[Adresse 17]
[Adresse 17] (HONG -KONG)
S.A.S JELLEJ JOUETS
[Adresse 4]
[Localité 12]

Société MAXI TOYS
[Adresse 14]
[Adresse 14]

représentées par Me Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0610

S.E.L.A.R.L. MJ EST (anciennement dénomée MJM [Y] & ASSOCIES) prise en la personne de Me [T] [Y] et Me [W] [R], en qualité de mandataire judiciaire de la société MAXI TOYS - Intervenante forcée
[Adresse 8]
[Adresse 8]

représentée par Me Sébastien CAVALLO de la SELARL THEMA, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #P0100

S.A.S. SPLASH TOYS
[Adresse 5]
[Adresse 5]

Société SPLASH TOYS LTD
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3] (HONG -KONG)

S.C.P. MANDATEAM, représentée par Me [N] [G], en qualité de liquidateur de la société SPLASH TOYS - Intervenante forcée
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Adresse 13]

représentées par Me Jean-Michel HATTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0539

Maître [B] [Z], en qualité de liquidateur judiciaire de la société TOYS “R”US
[Adresse 2],
[Adresse 2]
[Adresse 2]

S.C.P. [S] & ROUSSELET, en qualité d’administrateur de la société TOYS”R”US
[Adresse 9]
[Adresse 9]

SELARL AJILINK LABIS [O], en qualité d’administrateur judiciaire de la société TOYS “R”US
[Adresse 10]
[Adresse 10]

SELARL C. [E] en qualité de liquidateur judiciaire de la société TOYS”R”US
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Décision du 25 avril 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/01735
N° Portalis 352J-W-B7D-CO7NB

représentés par Me François KOPF de l’AARPI DARROY VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #R170

Société GIOCHI PREZIOSI SPA
[Adresse 18]
[Adresse 18] (ITALIE)

S.A.S.U. GP TOYS FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentées par Me Giulia CORTESI de l’AARPI KERN & WEYL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0291

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 28 novembre 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 28 mars 2024.
Le délibéré a été prorogé au 25 avril 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Louis Vuitton Malletier (la société LV), appartenant au groupe LVMH et spécialisée dans la maroquinerie, le prêt à porter, les accessoires, la joaillerie, l’horlogerie et les parfums, est titulaire de :
- la marque verbale de l’Union européenne « LOUIS VUITTON » n° 15610 déposée le 1er avril 1996 notamment en classe 18, renouvelée en dernier lieu le 23 décembre 2015, pour désigner en particulier les sacs à main.

- la marque figurative de l’Union Européenne n° 009844391 déposée le 28 mars 2011, notamment en classe 18, pour désigner en particulier les sacs à main.

La société de droit américain MGA Entertainment Inc, la société de droit anglais MGA Entertainment UK, et la société de droit belge MGA Entertainment Belgium BVA (les sociétés MGA) sont spécialisées dans la conception et la commercialisation de jouets et jeux à destination des enfants et des adolescents. Leurs produits sont distribués en France par différents revendeurs tels que les sociétés Maxi Toys, GP Toys, Splash-Toys, Toys «R» Us, Jellej Jouets et la société de droit italien Giochi Preziosi Spa. Cette dernière, dont la société GP Toys France est la filiale française, a pour activité la fabrication et la distribution de jouets à destination des enfants. Elle a conclu, le 21 novembre 2018, un contrat de distribution avec la société MGA Entertainment HK Ltd, filiale de droit Hongkongais de la société MGA Entertainment Inc.
En 2018, les sociétés MGA ont lancé une gamme de produits destinée aux enfants de 6 à 12 ans sous la référence « Poopsie Slime Surprise », ayant pour objet la fabrication de « slime », pâte gluante, visqueuse, colorée et malléable, très populaire auprès des enfants depuis 2017. L’un des jeux, le “Poopsie Pooey Puitton Slime” est constitué d’une mallette en plastique reprenant la forme de l’ « émoticône caca » et son dérivé, l’émoji « caca de licorne » et renfermant des ingrédients pour réaliser du « slime ». Ce jouet se présente comme suit :

Ayant découvert la commercialisation de ce produit, dont elle a fait l’acquisition le 28 novembre 2018, dans un magasin à l’enseigne Toys «R» Us, et ayant constaté sa mise en vente sur plusieurs sites marchands tant français qu’étrangers, la société LV a procédé le 18 décembre 2018 à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Splash Toys, considérée comme l’importateur en raison de la mention de son nom sur l’étiquette du produit litigieux. Celle-ci niait toute implication dans la commercialisation de ce produit, qu’elle imputait à la société de droit hongkongais Splash Toys Limited.
La société LV a ensuite fait pratiquer plusieurs saisies-contrefaçons : - le 19 décembre 2018, dans les locaux de la société Toys «R» Us, qui indiquait qu’un plan de cession de ses stocks avait été homologué au bénéfice de la société Jellel Jouets par un jugement du tribunal de commerce d’Evry du 8 octobre 2018,
- le 21 décembre 2018, dans les locaux de la société Jellel Jouets qui déclarait pour fournisseur du produit litigieux la société Splash toys Ltd Hong Kong,

- le 20 décembre 2018 dans les locaux de la société Maxitoys, dont il était découvert que le fournisseur était la société MGA Entertainment Belgium.

Postérieurement à ces opérations de saisie-contrefaçon, la société MGA Entertainment Inc. a, le 2 janvier 2019, engagé devant le Tribunal fédéral de première instance des Etats-Unis - District Central de Californie, une action en déclaration de non-contrefaçon, dont elle a été déboutée. Décision du 25 avril 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/01735
N° Portalis 352J-W-B7D-CO7NB

C’est dans ces conditions qu’estimant que ce jouet portait atteinte à la renommée de sa marque verbale “Louis Vuitton” comme de sa marque figurative et caractérisait des faits de parasitisme, la société LV a, par actes d’huissier des 16, 17 et 18 janvier 2019, fait assigner les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK Ltd, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd, Maxi Toys France, Jellej Jouets, Splash-Toys SAS et Splash-Toys Ltd afin d’obtenir la cessation de ces agissements, ainsi que la réparation du préjudice résultant de ces faits.
La société Toys «R» Us ayant été mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugements du tribunal de commerce d’Evry respectivement en date des 25 juillet 2018 et 31 octobre 2018, la société LV a également appelé en intervention forcée la SCP [S] & Rousselet, prise en la personne de Me [S] et la SELARL Ajilink Labis [O], prise en la personne de Me [O], désignées administrateurs judiciaire de la société Toys «R» Us, ainsi que Me [Z] et la SELARL C. [E], prise en la personne de Me [E], désignés liquidateurs judiciaires. Cette instance a été enrôlée sous le n° RG 19/01735.
Suite à la découverte de nouveaux faits litigieux, la société LV a obtenu, le 20 janvier 2020, l’autorisation de faire pratiquer des saisies-contrefaçon, lesquelles ont été réalisées le 23 janvier suivant dans les locaux de la société GP Toys, ainsi que dans ceux de la société Giochi Preziosi Spa, désignée comme le fournisseur du produit litigieux par la société GP Toys et la société Auchan.
Par actes extrajudiciaires des 17 février et 4 juin 2020, la société demanderesse a fait assigner en contrefaçon de ses marques de l’UE et en concurrence déloyale respectivement la société de droit italien Giochi Preziosi et la société GP Toys, lesquelles ont, par acte d’huissier du 20 novembre 2020, appelé en garantie les sociétés MGA Entertainment HK Ltd et MGA Entertainment Inc. Ces deux procédures, enrôlées respectivement sous les numéros RG 20/02971 et 21/01596, ont été jointes à la présente instance par ordonnance du juge de la mise en état en date du 2 mars 2021.
Par ordonnance du 29 octobre 2020, le juge de la mise en état a enjoint aux sociétés MGA et Maxi Toys France, de communiquer tous documents et informations qu’elles détiennent, concernant la période allant du 1er janvier 2018 au 29 octobre 2020, et portant en particulier sur les noms des fabricants, des distributeurs et grossistes du produit « Pooey Puitton » et sur les quantités fabriquées et exportées vers l’UE, le tout sous astreinte. Des informations communiquées, il ressort que la société Giochi preziosi a acheté à la société MGA Entertainment HK 6.230 produits dont 2.000 ont été distribués sur le territoire français via la société GP Toys.
La société Maxi Toys et la société Splash Toys ayant été mises en liquidation judiciaire respectivement par jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 7 septembre 2020 et du tribunal de commerce d’Evreux du 17 février 2022, la société LV a, par acte d’huissier du 19 mai 2022, appelé en intervention forcée la société Selarl MJM EST, prise en la personne de Mes [Y] et [R], désignée liquidateur judiciaire de la société Maxi Toys et la SCP Mandateam, prise en la personne de Me [G], désignée liquidateur judiciaire de la société Splash Toys.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 avril 2023, la société LV demande au tribunal, au visa du livre VII du code de la propriété intellectuelle et du règlement communautaire n° 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’UE, de : - Juger qu’en assurant l’importation, la promotion et la commercialisation du produit «POOEY PUITTON » sur le territoire de l’Union Européenne, les sociétés Splash Toys, Splash Toys Ltd, MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment Uk Ltd, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainement (HK) Ltd, Maxi Toys France, Jellej Jouets, GP Toys et Giochi Preziosi Spa, ainsi que la société Toys’R US se sont rendues responsables :
* de faits de contrefaçon par atteinte à la renommée des marques de l’Union Européenne n° 15610 et 009844391 appartenant à la société LV;
* d’agissements parasitaires en reprenant sur ce produit des traits caractéristiques des produits de la société LV ;
- Faire interdiction aux défenderesses de poursuivre de tels actes et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard passé un délai de 48 heures à compter de la signification du jugement à intervenir, sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne;
- leur donner injonction, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, 15 jours après le prononcé du jugement à intervenir, d’avoir à organiser le rappel des circuits de distribution de tout produit «POOEY PUITTON» non encore livré au consommateur final, de les regrouper auprès de la société GP Toys en y ajoutant les stocks restant détenus par chaque défenderesse;
- Ordonner dans un délai d’un mois à compter du prononcé du jugement à intervenir et sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard passé ce délai, la destruction de l’ensemble de ces produits sous contrôle d’huissier aux frais des défenderesses supportés in solidum;
- Condamner in solidum les sociétés Splash Toys Ltd, les sociétés MGA, Jellej Jouets, GP Toys et Giochi Preziosi, ainsi que les SCP [S] & Rousselet et SELARL Ajilink Labis [O], prises en leur qualité d’administrateur judiciaire de la société Toys «R» Us, Me [B] [Z] et la SELARL C.[E] pris en leur qualité de liquidateur judiciaire decette société, à verser à la société LV les sommes de :
* 200.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon ;
* 1.000.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice économique subi du fait des actes de contrefaçon ;
* 200.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait des actes de parasitisme ;
- Autoriser la société demanderesse à faire publier le jugement à intervenir, en entier ou par extraits, ou sous forme de résumé, dans divers journaux, revues ou magazines de son choix, dans la limite de trois et aux frais avancés in solidum des défenderesses, à hauteur de 50.000 euros HT pour l’ensemble des publications, avec reproduction du produit en cause ;
- Ordonner aux sociétés Splash Toys, Splash Toys Ltd, MGA, Maxi Toys France, Jellel jouets, GP Toys et Giochi Preziosi, de diffuser, à leurs frais, le dispositif du jugement à intervenir, sous l’intitulé « Publication Judiciaire », avec reproduction du produit en cause, pendant une durée d’un mois, en première page des sites www.splashtoys.com, www.mga.com, www.maxitoys.fr, www.giochipreziosi.fr et www.giochipreziosi.com dans sa partie supérieure, de façon immédiatement visible par le public, dans une taille de caractères d’une valeur au moins égale à 12, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, 24 heures après signification du jugement à intervenir ;
- Condamner in solidum les sociétés Splash Toys Ltd, MGA, Jellel Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi, ainsi que la société Toys «R» Us à lui rembourser les frais de saisie-contrefaçon, de constats d’huissier et de traduction des assignations ;
- Les condamner in solidum à lui verser la somme de 75.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Cande-Blanchard- Ducamp.
- Fixer la créance de la société LV au passif de la société Splash Toys pour les sommes suivantes: * 200.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon ;
* 1.000.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;
* 200.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait des actes de parasitisme ;
* 75.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
- Fixer la créance de la société LV au passif de la société Maxi Toys France aux sommes suivantes :
* 200.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon ;
* 1.000.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;
* 200.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait des actes de parasitisme ;
* 75.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Se réserver la liquidation des astreintes,
- Débouter les défenderesses de l’ensemble de leurs demandes
- Ordonner l’exécution provisoire du jugement.

Dans leurs conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 5 mai 2023, la société GP Toys France et la société Giochi Preziosi demandent au tribunal, au visa du livre VII du code de la propriété intellectuelle, du règlement UE 2017/1001 du 14 juin 2017 et de l’article 1240 du code civil, de :A titre principal
- Recevoir les sociétés GP Toys France et Giochi Preziosi SPA en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- Juger que les sociétés GP Toys France et Giochi Preziosi n’ont commis aucun acte susceptible de porter atteinte à la renommée des marques de l’Union Européenne n° 15610 et n° 009844391 appartenant à la société LV ;
- Juger que les sociétés GP Toys France et Giochi Preziosi n’ont commis aucun acte d’agissement parasitaire au préjudice de la société LV ;
- Débouter la société LV de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, si leur responsabilité était reconnue par le tribunal :
- Rapporter les condamnations indemnitaires et autres sanctions à de plus justes proportions,
En tout état de cause :
- Juger les sociétés GP Toys France et Giochi Preziosi recevables et bien fondées en leur appel en garantie à l’encontre des sociétés MGA Entertainment INC. et MGA Entertainement (HK) LTD.
- Juger que sociétés MGA devront garantir seules ou in solidum les sociétés GP Toys France et Giochi Preziosi à l'encontre de toutes les sommes, quelle qu’en soit la qualification, auxquelles elles pourraient être condamnées par extraordinaire, de manière provisoire ou définitive,
- Condamner la société LV aux entiers dépens et à leur verser la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions en réponse n°4 notifiées par voie électronique le 6 février 2023, les sociétés MGA et la société Jellej Jouets demandent au tribunal, au visa du livre VII du code de la propriété intellectuelle, du Règlement UE 2017/1001 du 14 juin 2017, de l’article 1240 du code civil, de :
- les Recevoir en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- Dire et juger que les sociétés MGA et Jellel Jouets SAS ne se sont pas rendues coupables d’actes de contrefaçon par atteinte aux marques de renommée de l’UE n°15610 et 009844391 appartenant à la société LV ;
- Dire et juger que les sociétés MGA et Jellel Jouets ne se sont pas rendues coupables d’agissements parasitaires à l’égard de la société LV ;
- Débouter la société LV de l’ensemble de ses demandes,
- Condamner celle-ci aux entiers dépens et à leur verser la somme de 40.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure pénale ;
En tout état de cause :
- Prendre acte de la garantie des sociétés GP Toys, Giochi Prezisi, Maxi Toys France et Jellej Jouets par les sociétés MGA,s’agissant de toutes les éventuelles condamnations mises à leur charge ;
- Débouter la société Splash-Toys de sa demande de garantie.

Dans ses conclusions en réponse n°1 notifiées par voie électronique le 7 décembre 2022, la société SCP Mandateam, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Splash-Toys demande au tribunal, au visa de l’article 9 du règlement européen du 14 juin 2017, l’article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, l’article 96 du code de procédure civile, de :- Déclarer irrecevables les demandes en paiement formulées à l’encontre de la société Splash-Toys ;
- Dire que la société Splash-Toys ne s’est pas rendue coupable de contrefaçon ou d’agissements parasitaires à l’égard de la société LV ;
- Débouter la société LV de l’intégralité de ses demandes formulées à l’encontre de la SCP Mandateam en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Splash-Toys ;
A titre subsidiaire

- Constater que la société Splash-Toys n’a jamais commercialisé le jouet litigieux ;
- Dire que la simple reproduction de la marque « POOEY PUITTON » et du jouet litigieux sur
le site internet de la société Splash-Toys pendant une durée limitée n’a causé aucun préjudice financier ou moral à la société LV ;
- Débouter la société LV de sa demande de fixation d’une créance au passif de la société Splash-Toys, et subsidiairement, fixer cette créance à 1 euro.
- Dire n’y avoir lieu à condamnation de la société Splash-Toys in solidum avec les autres défendeurs ;
A titre très subsidiaire
- Condamner solidairement les sociétés MGA Inc, Ltd et Belgium à la garantir de toute fixation de créance qui serait prononcée au passif de la société Splash-Toys ;
En tout état de cause :
- Condamner tout succombant aux entiers dépens et à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions en réponse n°3 notifiées par voie électronique le 26 mai 2020, la société Splash Toys Ltd demande au tribunal, au visa des articles 9 du règlement européen du 14 juin 2017, L. 717-1 du code de propriété intellectuelle et 96 du code de procédure civile, de:In limine litis
- Se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes formulées à l’encontre de la société Splash-Toys Ltd au profit des juridictions compétentes du territoire de Hong Kong.
Subsidiairement au fond :
- Débouter la société LV de l’intégralité de ses demandes formulées à l’encontre de la société Splash-Toys Ltd.
En tout état de cause :
- Condamner la société LV à verser à la société Splash-toys Ltd la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique du 18 novembre 2022, la société MJ Est, en qualité de mandataire judiciaire de la société Maxi Toys France, demande au tribunal de:- Débouter la société LV de l’ensemble de ses fins, moyens et prétentions, dirigés à l’encontre de la société Maxi Toys France ;
- La condamner à payer à la SELARL MJ EST, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Maxi Toys France, la somme de 30.000 € au visa de l’article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers frais et dépens.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le29 septembre 2020, les sociétés SCP [S] et Rousselet et la société Ajilink Labis [O] en qualité d’Administrateurs judiciaires et Me [B] [Z] et la SELARL C. [E], en qualité de liquidateurs judiciaires de Toys «R» Us demandent au tribunal, au visa des articles L. 622-17 et L. 641-13, L. 622-21, L. 631-12, L. 631-22 et L. 642-1 et L. 641-3 du code de commerce, L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, et du règlement UE 2017/1001 du 14 juin 2017, de :- Mettre hors de cause la SCP [S] & Rousselet, prise en la personne de Maître [C] [S], ès qualités d’administrateur judiciaire de la société Toys «R» Us et la Selarl Ajilink Labis [O], prise en la personne de Me [O], ès qualités d’administrateur judiciaire de la société Toys «R» Us ;
- Mettre hors de cause la Selarl [V] [E], prise en la personne de Me [E], ès qualités de liquidateur de la société Toys «R» Us et Me [B] [Z] ès qualités de liquidateur de la société Toys «R» Us ;
- Débouter la société LV de l’intégralité de ses demandes, moyens et prétentions, en ce compris la demande d’exécution provisoire de tout éventuel jugement à intervenir ;
- Dire et juger que la SCP [S] & Associés et la Selarl Ajilink Labis [O] ès qualités d’administrateurs judiciaires de la société Toys «R» Us, ainsi que Me [B] [Z] et la Selarl C. [E] en qualité de liquidateurs judiciaires de cette société ne sont pas rendus coupables de faits de contrefaçon par atteinte aux marques de renommée de l’UE n°15610 et 009844391 appartenant à la société LV, ni d’agissements parasitaires à l’encontre de LV ;
En tout état de cause :
- Condamner la société LV à payer à la SCP [S] & Associés et à la Selarl Ajilink Labis [O], ès qualités d’administrateur judiciaires de la société Toys «R» Us, ainsi qu’à la Selarl C. [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Toys «R» Us et à Me [B] [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Toys «R» Us, la somme de 3.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
- Débouter la société LV de l’ensemble de ses demandes,
- Condamner la demanderesse aux entiers dépens et à leur payer la somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instruction a été close le 9 mai 2023.
MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’atteinte à la renommée des marques de Louis Vuitton

Moyens des parties

La société LV soutient que la dénomination « Pooey Puitton » ainsi que les motifs figuratifs reproduits sur le produit litigieux tirent indûment profit de la renommée de ses marques et portent préjudice à cette renommée ainsi qu’au caractère distinctif de ces marques. Elle soutient que les sociétés MGA, MJM ès qualité et Jellel Jouets admettent que la renommée des marques en cause n’est pas contestée et qu’en invoquant une parodie de celles-ci les sociétés MGA et GP Toys reconnaissent le lien entre le produit litigieux et ces marques et donc l’atteinte portée à leur renommée. Elle expose que Louis Vuitton est la marque verbale française disposant de la renommée la plus importante à l’égard du public le plus large, de même que sa marque figurative dont le monograme LV est devenu la signature de la Maison Louis Vuitton.
Décision du 25 avril 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/01735
N° Portalis 352J-W-B7D-CO7NB

Elle fait valoir que les sociétés MGA reconnaissent elles-mêmes que le public pertinent est constitué des enfants et des adultes réalisant l’achat pour leurs enfants. Elle soutient que l’atteinte à la renommée s’apprécie par référence aux clients de Louis Vuitton et non par rapport aux personnes achetant les produits litigieux ; que le clin d’oeil à la marque Louis Vuitton invoqué par les défenderesses suffit à établir le lien entre le produit litigieux et les marques en cause ; que l’examen de l’existence de ce lien impose de comparer seulement la marque invoquée et le produit litigieux et non celui-ci avec les articles de maroquinerie commercialisés sous la marque Louis Vuitton ; qu’en l’occurrence, le produit litigieux est fortement similaire aux signes Louis Vuitton ; qu’il suffit encore d’établir un simple rapprochement et non un quelconque risque de confusion, en considérant que ce rapprochement est ici volontaire, au regard du clin d’oeil revendiqué ; qu’il est indifférent que le prix et le réseau de distribution du produit litigieux soient très différents.
La société LV expose encore que la circonstance qu’un signe soit perçu par le public concerné comme une décoration ne fait pas en soi obstacle à la protection de la marque renommée ; que le fait d’avoir appelé le produit en cause Pooey Puitton et de le revêtir d’une séquence de motifs floraux a pour but et effet de tirer parti du caractère distinctif et de la renommée exceptionnelle des marques Louis Vuitton ; qu’en revanche, le fait pour les parties d’intervenir sur des marchés différents est sans conséquence ; qu’en employant les termes Pooey Puitton et en reproduisant les signes figuratifs sur un produit en forme de sac empruntant selon les défenderesses au registre scatologique porte un préjudice certain à la renommée des marques de la société LV et à leur image d’excellence, de raffinement et d’exclusivité, ainsi qu’à leur caractère distinctif.
Les sociétés MGA et Jellej Jouets, auxquelles s’associent les sociétés [S], Ajilink, [E] et Me [Z], ès qualités d’administrateurs et liquidateurs judiciaires de la société Toys «R» Us répliquent que les deux conditions cumulatives de mise en oeuvre de la protection de la marque renommée, l’existence d’un lien dans l’esprit du public entre le signe litigieux et celui constituant la marque renommée, d’une part, et la caractérisation d’une atteinte à la renommée, d’autre part, font défaut pour chacune des deux marques de la société LV.
Elles exposent s’agissant de la marque n°15610 « Louis Vuitton » que la référence du produit est Poopsie Pooey Puitton, le produit faisant partie de la gamme Poopsie qu’il convient de prendre en compte dans l’appréciation de l’atteinte alléguée à la marque, de sorte qu’il est nécessaire de comparer les signes en cause Louis Vuitton et Poopsie Pooey Puitton. Elles considèrent que les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles sont trop importantes pour créer un lien dans l’esprit du public de nature à constituer une atteinte à une marque renommée ; que la comparaison des signes et produits concernés ne révèle aucune similarité ; que les produits sont différents car ils n’ont pas la même nature, fnction et destination, la société LV ne fabriquant ni ne commercialisant aucun jeu ou jouet pour enfants, que les modes de distribution sont différents, de même que les prix, que le public ciblé est l’enfant prescripteur d’achat.
Elles contestent avoir tiré profit indûment des marques de la demanderesse, estimant en outre que la société LV ne rapporte la preuve d’aucun préjudice porté au caractère distinctif de la marque Louis Vuitton, faute de démontrer un affaiblissement de ce pouvoir distinctif, comme à la renommée de la marque, en l’absence de démonstration d’une connotation négative ou dégradante associée au produit litigieux. Elles ajoutent que la société LV ne démontre aucune modification du comportement économique de sa clientèle depuis le début de la commercialisation du produit.
Elles soutiennent relativement à la marque figurative n°009844391 que le motif d’arrière plan développé par elles ne saurait évoquer dans l’esprit du public la marque, en l’absence des initiales LV, élément le plus distinctif de la marque revendiquée par la société LV. Elles soulignent que les circuits de distribution, les clientèles et les prix sont totalement différents. Elles font valoir en tout état de cause, qu’aucune atteinte à cette marque n’est démontrée : l’élément des initiales LV entremêlé n’est pas repris et les dessins ornant le produit litigieux sont très différents, en sorte que le caractère distinctif ne peut être atteint ; que de même, les parents verront dans le produit un clin d’oeil à la maison Vuitton et n’en retireront aucune idée de dégradation ; que la société LV ne démontre pas non plus en quoi une atteinte aurait été portée à la renommée de sa marque.
Elles invoquent enfin que le clin d’oeil à la marque LV relève d’une exploitation loyale et conforme aux usages honnêtes en matière commerciale et qu’elles n’ont fait qu’exercer le principe de la liberté d’expression dans un contexte parodique et sans élément dénigrant.
Les sociétés Giochi Preziosi et GP Toys soutiennent, de manière similaire, que la commercialisation du jouet litigieux ne porte pas atteinte à la renommée des marques Louis Vuitton puisqu’il n’existe pas de lien entre le jouet et ces marques dans l’esprit du public pertinent, soit les enfants de 6 à 8 ans, prescripteurs dans l’acte d’achat du jouet, quand bien même les acheteurs sont les parents ; qu’il ne cause en outre aucun préjudice, le jouet litigieux ne pouvant s’analyser tout au plus qu’en une parodie.
Elles font valoir encore que le profit indu n’est pas caractérisé en l’absence de transfert de l’image de la marque ou des caractéristiques projetées par celle-ci vers les produits désignés par le signe identique ou similaire ; que les produits en cause sont en effet dans des secteurs très éloignés ; que les circuits de distribution et le prix du produit sont si différents de celui des produits Vuitton qu’il ne peut être considéré que ledit jouet tire indument profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques LV. Elles ajoutent que la demanderesse ne démontre aucune modification du comportement économique du public pertinent ou un risque sérieux que celui-ci survienne, constitutif d’un ternissement de l’image de ses marques Louis Vuitton, ni une modification de celui du consommateur moyen des produits ou services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, consécutive à l’usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu’une modification se produise dans le futur, constitutif d’une dilution de la marque.
Décision du 25 avril 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/01735
N° Portalis 352J-W-B7D-CO7NB

Elles précisent que si le droit des marques ne reconnaît pas à proprement parler l’exception de parodie, ce phénomène est pris en compte dans la jurisprudence. Elles estiment que si un lien devait être retenu entre le produit et les marques Louis Vuitton, ce qui ne pourrait être que pour une partie des adultes acheteurs du jouet litigieux, ceux-ci ne peuvent que percevoir son caractère parodique.
Partageant la même analyse que les défenderesses sur l’absence de lien entre le produit et les marques LV, la SCP Mandateam, ès qualités, soutient que la situation de la société Splash Toys diffère de celle des autres défendeurs en ce que, grossiste, sa clientèle est celle d’acheteurs professionnels, des centrales d’achat, lesquelles n’ont pu un seul instant imaginer que le jouet était commercialisé par la société LV, de sorte qu’aucune confusion dans l’esprit de cette clientèle ne peut être établie. Elle estime que la société LV ne démontre aucune atteinte au caractère distinctif de la marque ou à sa renommée, d’autant que la société Splash Toys n’a jamais vendu le produit litigieux, ni aucun préjudice moral.
Appréciation du tribunal

Selon l’article 9 du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne :« (...)
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque:
(...)
c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice ». 

L’atteinte aux marques de l’Union européenne jouissant d’une renommée, est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l’article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle rédigé en ces termes : « Constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne ».
1. - sur la renommée de la marque

Interprétant les dispositions en substance identiques de l’article 5 paragraphe 2 de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, qui doivent être interprétées de manière uniforme, avec les disposition du règlement, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE, 14 septembre 1999, General motors corporation, C-375/97) a dit pour droit que pour répondre à la condition relative à la renommée, une marque enregistrée doit être connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle. Dans l’examen de cette condition, le juge national doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir.
Au plan territorial, la dite condition est remplie lorsque la renommée existe dans une partie substantielle du territoire concerné, État membre ou Union (respectivement, CJCE, General motors corporation, précité, point 28 ; et CJCE, 6 octobre 2009, Pago international, C-301/07, point 27).
En l’espèce, les parties défenderesses ne contestent pas la renommée de la marque verbale de l’Union européenne « Louis Vuitton » et de la marque figurative de l’Union européenne correspondant à la variante multicolore du monogramme historique, imaginée par l’artiste japonais [K] [A], dite « Multico ». Cette renommée ressort de l’utilisation systématique des termes « Louis Vuitton » pour identifier les produits commercialisés par la société LV qui correspondent aux produits pour lesquels la marque est enregistrée, sur des supports très variables (les articles eux-mêmes, leur conditionnement, les lieux de vente...), notamment par une publicité notoirement très importante, comme de la grande ancienneté du motif figuratif, précédant l’enregistrement de la marque figurative elle-même, et du succès commercial de ces usages, quoiqu’auprès d’un très petit groupe de clients - les plus aisés -, parmi le public pertinent qui est le grand public, l’ampleur de la communication et la résonnance qui lui a été donnée auprès de celui-ci excédant largement ce seul groupe.
Il y a donc lieu de retenir que les marques en cause, qui sont connues du public le plus large pour les produits et services couverts par elles, jouissent d’une importante renommée dans l’Union européenne.
2. - sur l’atteinte à la marque

La condition de la renommée étant remplie, il convient d’examiner la condition spécifique de la protection de la marque renommée tirée de l’existence d’une atteinte sans juste motif à la marque antérieure. A cet égard, il convient d’observer que plus le caractère distinctif et la renommée de celle-ci seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise (CJCE, General Motors Corporation, C-375/97, précité, point 30).
L’atteinte peut être de trois types : premièrement, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, le préjudice porté à la renommée de cette marque et, troisièmement, le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque  (CJCE, 27 novembre 2008, Intel corporation, C-252/07, point 27).
Une telle atteinte suppose, sans que cela suffise à la caractériser, qu’en raison d’un certain degré de similitude entre les signes, le public concerné effectue un rapprochement entre eux, c’est-à-dire qu’il établisse un lien, même s’il ne les confond pas (CJCE, Intel, précité, points 30 et 32).
L’existence d’un tel lien entre la marque antérieure renommée et la marque postérieure doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels : le degré de similitude entre les signes, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance entre les produits ou services, le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif de la marque, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (CJCE, Intel, précité, points 41 et 42).
La CJUE a précisé aux points 47 à 54 la manière dont ces critères doivent être pondérés : la renommée d’une marque s’apprécie par rapport au public concerné par les produits ou les services pour lesquels cette marque a été enregistrée. Or, il peut s’agir soit du grand public, soit d’un public plus spécialisé (voir arrêt General Motors, précité, point 24). Il peut être distinct, identique ou se chevaucher avec celui de la marque seconde, cette appréciation permettant de déterminer si le public visé par chacune des deux marques peut être confronté à l’autre marque et, en tenant compte de l’ensemble des autres facteurs pertinents du cas d’espèce, établir un lien entre elles.
Ces critères font également partie des facteurs pertinents pour apprécier plus généralement l’existence (ou le risque) d’une atteinte (CJCE, Intel, précité, point 68).
En l’espèce, s’agissant de la marque verbale « Louis Vuitton » n°15610, la comparaison de ce signe doit être faite avec le nom du produit « Pooey Puitton » et non, comme le soutiennent les défenderesses, avec le nom « Poopsie Pooey Puitton » : l’étiquette du produit litigieux fait en effet apparaître de manière nettement différenciée tant dans la couleur que dans la police d’écriture le nom « Pooey Puitton »(en lettres noires) sous celui de Poopsie (en lettres colorées) qui correspond à la gamme de produits enregistrée à titre de marque par la société MGA intertainment Inc. pour désigner des jouets. En outre, la notice de présentation du produit dissocie clairement le nom « Pooey Puitton » du signe « Poopsie » par l’ajout de la mention « TM » derrière chacun d’eux, de sorte que dans l’esprit des concepteurs du produit litigieux « Pooey Puitton » est bien la marque du produit et non un simple référence, ce que corroborent aussi les termes « Pooey Puitton purse » pour décrire le produit sur la notice, contredisant l’allégation d’une mention purement ornementale. Le produit est ainsi commercialisé sous la marque « Poopsie Slime surprise » correspondant au nom de la gamme et sous celle de « Pooey Puitton »correspondant au nom du produit déposé à titre de marque.
Décision du 25 avril 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/01735
N° Portalis 352J-W-B7D-CO7NB

Conceptuellement, les signes sont différents pour renvoyer au prénom et au nom d’une personne physique s’agissant du signe Louis Vuitton, cependant que le signe Pooey Puitton, dont le premier terme est un terme de fantaisie, n’offre pas de signification claire en soi, si ce n’est que poo en anglais signifie « caca ». Visuellement, en revanche, les signes Louis Vuitton et Pooey Puitton se présentent chacun composés de deux mots pour un total de 5 et 7 lettres respectivement, le second mot du signe Pooey Puitton ne se distinguant en outre que par sa première lettre, P au lieu du V pour Vuitton qui bénéficie d’une renommée mondiale. Phonétiquement, en outre, le signe « Pooey », en 5 lettres comme le terme « Louis », se prononce [Poui], - ce qui ne le différencie que faiblement de « Louis » -, et non pas [Poè] motif pris que le consommateur serait non anglophone. En effet, outre le fait que le produit sera dans une très large mesure acheté par des adultes, adultes comme enfants sont d’autant plus habitués à prononcer les deux lettres « oo » comme le son [ou] et non [o] que de nombreux mots usuels de la langue française comportent ce même phonème, à commencer par les mots « football » ou encore « cookie, fast-food, babyfoot, smoothie,... », de sorte que la prononciation [pou] des trois premières lettres de Pooey Puitton opère un rapprochement immédiat avec le signe Louis Vuitton, sans que l’allitération en « P » y fasse obstacle.
Les signes Louis Vuitton et Pooey Puitton présentent d’autant plus une similitude importante que ce rapprochement, comme le souligne à juste titre la société LV, est présenté par les sociétés MGA comme un clin d’oeil à la marque Louis Vuitton.
S’agissant de la marque figurative n° 009844391, reproduite ci-dessous, composée des initiales LV entrelacées au centre de la marque et entourées de motifs figuratifs floraux disposés en quinconce selon cinq séquences d’alternance formant un ensemble symétrique, sa comparaison avec le signe litigieux, également reproduite ci-dessous, qui se présente sous la forme d’une combinaison aléatoire de cinq motifs dans différentes nuances de couleurs inspirées de celles de l’arc-en-ciel, parmi lesquels trois sont des motifs floraux, révèle une étroite proximité entre les motifs figuratifs floraux, nonobstant leur forme géométrique simple et répandue et l’absence sur le signe litigieux d’un motif composé de lettres ou d’initiales reproduisant ou imitant le monogramme LV. Si celui-ci constitue en effet un élément central de la marque, la reproduction ou l’imitation, en l’absence du monogramme, de tout ou partie des seuls éléments figuratifs qui la composent, suffit, compte tenu de l’exceptionnelle renommée de la marque figurative, à rapprocher les signes en cause, comme en témoigne la campagne d’information de l’administration des Douanes qui illustre son message sur les risques liés à l’achat d’un produit contrefaisant d’une photographie d’un produit imitant la marque figurative en cause sans son monogramme.

Il ressort de la comparaison visuelle de la marque figurative et du motif litigieux que loin d’être un simple élément d’ornementation, en arrière-plan, du produit Pooey Puitton, la similitude de ce motif est suffisamment présente pour rattacher le produit litigieux à la marque de la société Louis Vuitton.
Par ailleurs, il est constant et non contesté par les défenderesses que tant la marque figurative que la marque verbale invoquées par la société LV présentent un très fort caractère distinctif, intrinsèquement, comme en raison de leur usage intensif et constant sur une très longue durée pour des produits bénéficiant d’un important succès commercial et d’image auprès du grand public. La renommée exceptionnelle de chacune de ces deux marques revendiquée par la société demanderesse n’est pas davantage contestée.
Cependant la similitude des signes en conflit et l’intensité de la renommée des marques verbale et figurative de la société Louis Vuitton, outre leur très fort caractère distinctif, ne suffisent pas à eux seuls à justifier du lien de rattachement qui est invoqué par la demanderesse entre la marque renommée et le signe attaqué dans l’esprit des consommateurs concernés. Il doit être tenu compte, à titre de facteurs pertinents, de la nature des produits en cause et de leur degré de proximité ou de dissemblance ainsi que du public concerné.
A cet égard, il ressort de la comparaison des produits en cause pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées que les marques antérieures, verbale et figurative, de la société Louis Vuitton sont enregistrées notamment en classe 18 pour des articles de maroquinerie en cuir Louis Vuitton, en particulier des sacs, cependant que le produit commercialisé par les sociétés MGA est un jouet en plastique rigide appartenant à la classe 28. Certes, le jouet a une forme de sac - « purse » en anglais, ainsi que le produit est qualifié sur sa notice de présentation -, voire de « mallette de rangement », selon les propres termes des défenderesses. Cependant, la nature et la fonction de ce jouet à l’intérieur duquel les accessoires de création de pate à slime sont rangés dans des compartiments, le distinguent nettement de l’article de maroquinerie qui est conçu pour servir de sac à main et sur lequel sont apposées les marques renommées.
La renommée d'une marque s'appréciant par rapport au public concerné par les produits pour lesquels cette marque a été enregistrée, l’atteinte à la renommée des marques Louis Vuitton doit s’apprécier par rapport à la partie significative du grand public, cliente de ces marques.
Quant au public concerné par le produit litigieux, qui est un jouet pour enfants, âgés de 5 à 10 ans selon les sociétés MGA, si celles-ci démontrent que l’enfant a acquis un rôle déterminant dans l’acte d’achat d’un jouet, ce qui en fait un prescripteur d’achats important, les jouets n’en demeurent pas moins achetés par les adultes, comme l’admettent ces sociétés, qu’ils soient ou non les parents. Ces derniers s’avèrent ainsi très impliqués dans l’acte d’achat de jouets, en particulier de Noël, comme le révèle une étude de 2017 du magazine LSA invoquée par la société LV et selon laquelle si 80% des enfants font une liste, seuls un quart des parents achètent exactement les jouets demandés.
Le fait que l’enfant soit le prescripteur principal de l’achat de jouets n’est pas de nature à éluder le fait que des enfants appartenant à la tranche d’âge ciblée par le jouet en cause n’achèteront pas par eux-mêmes un produit à 80 euros, ce que corroborent les études produites par la société GP Toys établissant que les achats sont avant tout destinés aux enfants de l’acheteur dans 36% des actes d’achat et qu’une fois sur cinq seulement le produit est destiné à l’acheteur.
Enfin, les sociétés défenderesses ne peuvent tout à la fois, sans se contredire, soutenir que le produit serait choisi exclusivement par l’enfant en tant que prescripteur et que les signes ont été apposés sur le jouet à des fins parodiques des marques de la demanderesse, ce qui ciblerait les adultes.
Le public pertinent du produit litigieux étant donc composé principalement d’adultes et les sociétés MGA indiquant avoir voulu adresser un clin d’oeil au public constitué, selon elles, non seulement des enfants, mais aussi des « adultes réalisant l’achat pour leurs enfants », il s’en infère que même si les produits sont d’une nature et d’une fonction différentes, les publics concernés par les produits pour lesquels les signes sont en conflit, sont amenés à se recouper.
Enfin, bien que l’existence d’un risque de confusion ne soit pas une condition de la protection de la marque renommée, des extraits de vidéos, notamment d’une « youtubeuse », disponibles sur le site www.youtube.com, produits par la société LV, soulignent la forte évocation de la marque que le jouet induit : « un sac d’un grand couturier, on va dire ça comme ça », « en référence à une célèbre marque de sacs à main de luxe, d’ailleurs tous les petits dessins qu’il y a dessus en sont largement inspirés...regardez cette ressemblance... », « Pooey Puitton, comme si c’était un sac de Louis Vuitton », « un superbe sac (inspiré de Louis Vuitton) en forme de Poopsie », ou encore « ce kit de slime aux allures de sac à main inspiré d’une grande marque ».
Ainsi, et sans qu’il y a ait lieu de prendre en compte les différences très importantes entre les prix et les circuits de distribution respectifs, qui ne sont pas des facteurs pertinents compte tenu de la dimension ironique, voire parodique, du produit litigieux, invoquée par les défenderesses, les signes en conflit apparaissent suffisamment similaires pour que le public concerné par le jouet « Pooey Puitton » de la gamme « Poopsie », c’est-à-dire composé en partie de clients de la société Louis Vuitton, fasse le rapprochement, nonobstant la différence des produits en cause, avec les marques, à la renommée exceptionnelle et jouissant d’un très fort caractère distinctif, de la demanderesse, quand bien même il ne les confond pas.
Ce lien dans l’esprit du public pertinent entre le produit litigieux et les marques de la société LV étant établi, il convient de vérifier si une atteinte est caractérisée, étant rappelé que plus le caractère distinctif et la renommée de celle-ci seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise (CJCE, General Motors Corporation, C-375/97, précité, point 30).
Or, le fait d’avoir appelé le produit litigieux du nom similaire « Pooey Puitton » et de l’avoir revêtu d’une séquence de motifs floraux en alternance, sur fond blanc, similaires aux motifs figuratifs de la marque figurative Louis Vuitton, est de nature à tirer profit indûment de la renommée exceptionnelle et du caractère très fortement distinctif des marques de la société demanderesse, ainsi que le démontrent les extraits de vidéos précités, mais aussi le dépôt, le 23 août 2018, du nom Pooey Puitton à titre de marque de l’Union européenne par la société MGA Entertainment Inc., en ce qu’il révèle de la part de son titulaire la volonté d’en faire un usage à titre commercial.
La différence des secteurs, maroquinerie de luxe d’un côté, jouets de grande distribution de l’autre, ne fait pas obstacle au transfert de renommée ainsi réalisé, dès lors qu’il s’agit bien pour les défenderesses, qui se prévalent d’un clin d’oeil à la marque Louis Vuitton, voire d’une dimension parodique, de tenter de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier auprès du consommateur moyen des produits Pooey Puitton, normalement informé et raisonnablement attentif, c’est-à-dire principalement un adulte qui achète des jouets, du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige des marques Louis Vuitton et d’exploiter sans compensation financière, dans le but purement commercial de faciliter leurs ventes, l’effort commercial déployé par la société LV pour créer et entretenir l’image de celle-ci.
Aucune exception de parodie, propre au droit d'auteur, ne figure dans le Livre VII du code de la propriété intellectuelle. L’analyse que les défenderesses livrent de la position de la société LV sur l’exception de fair ou de parodie dans l’instance qui opposait celle-ci aux sociétés MGA devant les juges californiens, est donc inopérante. De même, détourner les signes Louis Vuitton en un signe ludique ou moqueur pour son titulaire ne saurait traduire une simple dénonciation adressée aux adultes des dérives néfastes de la société de consommation. Il est en effet manifeste et suffisamment établi que cet usage des signes de la société LV ne relève pas d’un usage étranger à la vie des affaires, mais vise à faciliter les ventes du produit litigieux et augmenter le chiffre d’affaires des défenderesses. Le clin d’oeil allégué à Louis Vuitton n’est pas plus conforme aux pratiques honnêtes en matière commerciale : en tirant indument profit de la renommée et du caractère fortement descriptif des marques Louis Vuitton, l’usage de ces signes sur le produit litigieux ne saurait caractériser, par définition, une pratique commerciale loyale.
Il en résulte, en l’absence d’un juste motif, que l’existence d’une atteinte à la renommée des marques de l’Union européenne n° 15610 et n°009844391 est caractérisée, sans qu’il y ait lieu d’examiner l’existence d’un risque de préjudice porté à la renommée ou au caractère distinctif de celles-ci.
3. - Sur la responsabilité des défenderesses

Moyens des parties

La société LV conclut à la responsabilité des sociétés MGA, Jellej Jouets, GP Toys et Giochi Preziosi, en ce que coauteurs d’un même dommage, elles doivent être condamnées in solidum envers elle à réparer son entier dommage.
S’agissant des sociétés Splash Toys et Splash Toys Ltd, elle soutient que la première a procédé à l’importation du jouet et l’a commercialisé sur son site internet, à minima l’a offert à la vente, cependant que la seconde, filiale de la première, est le fournisseur de la société Toys «R» Us. Elle estime que le tribunal est compétent pour connaître des demandes formées à l’encontre de la société Splash Toys Ltd, de droit hong-kongais, en sa qualité de fournisseur impliqué dans la commercialisation des produits contrefaisants, quand bien même serait-elle étranger. Quant à la société Maxi Toys, elle conteste que celle-ci n’aurait jamais offert à la vente, ni vendu le produit litigieux sur le territoire français.
Par ailleurs, s’agissant de la société Toys «R» Us, elle conteste que les actes de contrefaçon qui sont reprochés n’auraient été commis que postérieurement à la cession des actifs de la société Toys «R» Us au profit de la société Jellej Jouets, aux motifs que des faits ont bien été commis entre l’ouverture de la procédure et la cession des actifs de cette société. Elle rapporte que si un exemplaire du produit a été acheté dans un magasin de la société Toys «R» Us le 28 novembre 2018, soit après l’ouverture de la procédure collective prononcée à l’encontre de cette société le 25 juillet 2018, mais aussi la cession des actifs de celle-ci arrêtée par jugement du 8 octobre 2018 et sa mise en liquidation judiciaire prononcée le 30 octobre 2018, la saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Jellej Jouets a révélé que les produits avaient été achetés à Hong Kong en vue de leur importation, en août et septembre 2018, soit avant la cession des actifs de la société Toys «R» Us. Pour cette raison, elle s’oppose à leur mise hors de cause. Elle fait valoir qu’en ce qu’elle est née postérieurement au jugement d’ouverture, sa créance n’avait pas à être déclarée au passif de la société Toys «R» Us et qu’il s’agit en outre d’une créance utile en ce qu’elle est née régulièrement puisque les produits litigieux ont été importés par Toys «R» Us dans le cadre et pour les besoins de son activité, pendant la période d’observation.
La société Mandateam, ès qualités de liquidateur de la société Splash Toys, oppose les dipositions des articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce aux demandes de condamnation dirigées contre la société Splash Toys, estimant qu’il ne peut être demandé tout au plus que la fixation de la créance au passif de celle-ci. Elle soutient que la société Splash Toys n’a jamais commercialisé, ni offert à la vente, le jouet Pooey Puitton bien qu’il figurât sur son site internet destiné aux professionnels ; que la mention de son nom sur l’étiquette du produit saisi par la société LV est fausse car elle n’a distribué les jouets de la gamme Poopsie de la société MGA que jusqu’en octobre 2018 ; qu’en tout état de cause, les conditions de l’achat réalisé directement dans un magasin Toys «R» Us ne lui sont pas opposables ; que le produit litigieux a été distribué à partir d’octobre 2018 par la société Giochi Preziosi dont le nom figure sur l’étiquette. Contestant toute commercialisation du produit, elle estime n’avoir pas contribué au préjudice économique invoqué par la demanderesse, ni à son entier dommage. Elle considère que le dommage de la société LV n’est qu’éventuellement constitué de la présentation du produit, ce qui le distingue de celui lié aux agissements de commercialisation des autres défendeurs, de sorte qu’elle n’a pas à supporter la fixation de la créance de la société demanderesse aux montants demandés.
La société Splash Toys Ltd oppose l’incompétence du tribunal judiciaire de Paris à son égard, faisant valoir qu’une action en contrefaçon de marque ne pouvant exister que dans les limites territoriales définies par les effets de l’enregistrement de la marque, la présente juridiction n’est pas compétente pour juger d’actes de contrefaçon non rattachables au territoire français. Elle estime que le tribunal compétent pour statuer sur les demandes de la société LV est la juridiction de Hong-Kong, la loi applicable étant celle de ce territoire.
Les sociétés [S], ès qualités, Ajilink, ès qualités, [E], ès qualités, ainsi que Me [Z], ès qualité demandent leur mise hors de cause, en particulier celles des coadministrateurs de la société Toys «R» Us. Elles exposent que la responsabilité des organes de la procédures ne saurait être recherchée dans la mesure où les commandes ont été passées par le débiteur seul ; qu’en outre toute condamnation de Toys «R» Us serait inopposable à la liquidation judiciaire de cette société en tant que créance délictuelle postérieure non-utile et non déclarée à la procédure collective.
La société MJ Est, ès qualités, réplique qu’elle n’est pas titulaire du site internet www.maxitoys.fr, transmis à un tiers. Elle ajoute qu’en tout état de cause, la société demanderesse ne démontre pas que la société Maxi Toys aurait importé, promu et commercialisé le jouet litigieux et pour cause, puisqu’aucun produit Pooey Puitton n’a été trouvé lors des saisies au sein de ses locaux et que les jouets mis en évidence lors de la saisie sont ceux trouvés dans les stocks de la société de droit belge Logitoys, centrale d’achat de Maxi Toys et non partie à la présente instance.
Appréciation du tribunal

a) la société Toys «R» Us

* sur la mise hors de cause des organes de la procédure collective

Par jugement du 25 juillet 2018, le tribunal de commerce d’Evry a prononcé le redressement judiciaire de la société Toys «R» Us. Par jugement du 8 octobre 2018, le tribunal de commerce d’Evry a arrêté un plan de cession des actifs de la société au profit de la société Jellej Jouets, avec effet à compter du jour du jugement, et par jugement du 30 octobre 2018, la société Toys «R» Us a été mise en liquidation judiciaire, Me [B] [Z] et la Selarl [E] [V], prise en la personne de Me [V] [E], étant désignés en qualité de liquidateurs judiciaires, cependant que la SCP [S], prise en la personne de Me [C] [S], et la Selarl Ajilink, prise en la personne de Me [I] [O], étaient maintenus en qualité d’administrateurs judiciaires avec le pouvoir de passer tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession.
La société Toys «R» Us argue au soutien de sa mise hors de cause, de la date d’acquisition du produit référencé « Poopsie Big Slim » dans un magasin à son enseigne, le 28 novembre 2018, soit après sa liquidation judiciaire. Cependant, la société LV justifie que les produits litigieux ont été achetés auprès de la société Splash Toys Ltd, à Hong Kong, en vue de leur importation en France, en plusieurs centaines d’exemplaires, dès le 17 août 2018, puis les 23 août et 4 septembre 2018, ainsi qu’il résulte des pièces comptables saisies lors de la saisie-contrefaçon réalisée le 21 décembre 2018 dans les locaux de la société Jellej Jouets.
Il en résulte que les produits ayant été commandés et importés sur le territoire français avant le jugement arrêtant, le 8 octobre 2018, le plan de cession des actifs de la société Toys «R» Us et après que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire a été prononcée par jugement du 25 juillet 2018, ce qui avait rendu nécessaire la mise en cause par la société LV des administrateurs et mandataires judiciaires désignés, il n’y a pas lieu de mettre hors de cause les organes de la procédure, notamment les SCP [S] et Ajilink en leur qualité d’administrateurs judiciaires à l’époque des faits. En effet, ces derniers étaient investis, au terme du jugement du 25 juillet 2018, d’une mission d’assistance du débiteur pour tous les actes concernant la gestion de l’entreprise, en sorte que ce dernier ne pouvait accomplir seul un acte tel que celui de la passation des commandes du produit litigieux, ce que les défenderesses en tout état de cause ne démontrent pas. Il est également indifférent que le jugement qui a converti la procédure en liquidation judiciaire n’ait maintenu ensuite les administrateurs judiciaires à leurs fonctions que pour passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession.
Les sociétés [S] et Ajilink en leur qualité d’administrateurs judiciaires et la société [V] [E] et Me [Z], en leur qualité de liquidateurs judiciaires, seront donc déboutés de leur demande de mise hors de cause.
** Sur l’opposabilité de la créance de la société Louis Vuitton

Selon les articles L. 622-17, I, du code de commerce, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. En application de l’article L. 622-24 de ce code, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles mentionnées au I de l'article L. 622-17 sont soumises à l’obligation de déclaration au passif auprès du mandataire judiciaire, comme un créancier antérieur. L’article L. 641-13 du même code prévoit de manière similaire qu’en cas de prononcé de la liquidation judiciaire, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l'article L. 622-17 sont payées à leur échéance.
Pour bénéficier du traitement de faveur posé par l’article L. 622-17 précité, le fait générateur de la créance doit être postérieur au jugement d’ouverture et la créance doit être née régulièrement et utile.
En l’espèce, la créance de la société LV est une créance de nature délictuelle, qui a pour fait générateur la faute commise (Com., 16 mars 2010, n° 09-13.937, Com, 20 septembre 2016, pourvoi n° 15-12.724 ; Com., 02-11-2016, n° 14-24.540), en l’occurrence, l’achat des produits contrefaisants et leur importation en France. Il en résulte que cette créance est née postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective. Encore faut-il qu’elle réponde aux critères posés à l’article L.622-17 du code de commerce, c’est à dire, pour les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire - puisque la conversion en liquidation judiciaire n’avait pas encore été prononcée -, qu’elle soit née en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, ou qu’elle soit née pour les besoins du déroulement de la procédure ou pour les besoins de la période d’observation.
Or, la créance de nature délictuelle invoquée par la société LV, qui a subi une atteinte à la renommée de sa marque constitutive de contrefaçon, n’est pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure collective ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, au sens de l'article L. 622-17, I, 1° du code de commerce.
En conséquence, la créance de la société LV ne bénéficiant pas du traitement préférentiel de ce texte, la société demanderesse devait la déclarer au passif de la procédure collective de la société Toys «R» Us, ce qu’elle ne démontre, ni n’allègue, avoir fait. La créance de la société LV est donc inopposable à la société Toys «R» Us et ses demandes dirigées contre les organes de la procédure collective de la société Toys «R» Us sont irrecevables.
b) sur les sociétés Splash Toys et Splash Toys Ltd

* In limine litis, sur la compétence du tribunal à l’égard de la société Splash Toys Ltd :

En application de l’article 771 dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n°2019-1333 du 11 déc. 2019, entré en vigueur le 1er janvier 2020, applicable à la présente instance en ce qu’elle a été introduite les 16 et 17 janvier 2019, les parties sont tenues, à peine d’irrecevabilité, de soulever les exceptions de procédure devant le juge de la mise en état, seul compétent, jusqu'à son dessaisissement, pour statuer sur celles-ci.

La demande de la société Splash Toys Ltd aux fins de voir le tribunal se déclarer incompétent pour connaître des demandes formées par la société LV à son égard, formée devant le tribunal par conclusions notifiées le 10 octobre 2019, constitue une exception de procédure qui relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état, de sorte qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du tribunal de statuer sur cette demande.
**sur les actes reprochés aux sociétés Splash Toys

Selon l’article 9, paragraphe 3, b), c) et e) du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, il peut être interdit « d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe », « d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité » et « d'importer ou d'exporter les produits sous le signe ».
La société LV établit que sur l’étiquette attachée au produit litigieux, dont la société Splash Toys prétend qu’elle est fausse sans l’établir de manière probante, il est indiqué que celui-ci a été importé par la société Splash Toys SAS qui admet avoir en outre créé le code-barres du produit figurant sur l’étiquette dans l’hypothèse avancée par elle où elle se déciderait à le commercialiser. Elle justifie également de la présentation du produit sur le site internet de cette société, ainsi qu’il ressort des constatations de l’huissier de justice dans son procès-verbal du 6 décembre 2019.
Il résulte de ces éléments qu’il est suffisamment établi que la société Splash Toys SAS a importé et à minima fait la publicité sur son site internet du produit litigieux sur le territoire français et que la société Splash Toys Ltd a participé aux actes d’importation et de commercialisation de ce produit par la société Toys «R» Us sur ce territoire, engageant ainsi leur responsabilité envers la société LV.
c) la société Maxi Toys

Cette société soutient n’avoir ni importé, ni offert, ni vendu aucun jouet de la gamme Poopsie Pooey Puitton dans ses magasins. Si elle démontre effectivement que le jouet n’était pas référencé dans le catalogue de Noël, mais figurait dans les stocks de la société Logitoys, société de droit belge et centrale d’achat de la société Maxi Toys, la société LV établit, par le procès-verbal de constat d’huissier du 6 décembre 2018 qu’elle produit, que le jouet Pooey Puitton était offert à la vente sur le site internet www.maxytoys.fr, dont il a été constaté par l’huissier qu’il était édité par la société MaxyToys France SAS, ce qui contredit l’allégation selon laquelle ce site appartenait à la société Logitoys.
En conséquence, la société Maxi Toys France a engagé sa responsabilité envers la société LV.
d) sur les responsabilités

En fabriquant, fournissant et commercialisant le jouet Pooey Puitton, les sociétés MGA, Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi, Maxi Toys, Toys «R» Us, Splash Toys et Splash Toys Ltd sont chacune coauteurs du dommage de la société LV, conséquence de leurs fautes respectives.
Les sociétés MGA, Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi et Splash Toys Ltd seront donc condamnées in solidum envers la demanderesse à le réparer.
En application de l’article L. 622-22 du code de commerce, les instances en cours qui ont repris avec l’intervention volontaire ou forcée des mandataires judiciaires, tendant uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, la société Splash Toys représentée par la société Mandateam, ès qualités, et la société Maxi Toys représentée par la société MJ Est, ès qualités, ne pourront être condamnées, mais seulement voir fixer à leur passif la créance de la demanderesse, sans qu’il y ait lieu toutefois de la limiter comme la première le soutient, dès lors qu’elle ne s’est pas contentée d’une présentation du produit litigieux sur son site internet, mais a participé à son importation. Enfin, s’agissant de la société Toys « R »Us, les demandes de réparation de la société LV sont irrecevables à son encontre.
4. - Sur les demandes non indemnitaires et indemnitaires

Moyens des parties

La société Louis Vuitton Malletier sollicite, outre une mesure d’interdiction et de destruction à l’échelle de l’Union européenne, une indemnisation. Elle s’estime fondée à solliciter des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, la diffusion des articles litigieux étant de nature à ternir ses marques et son image aux yeux du public alors qu’elle figure parmi les maisons françaises de luxe connues dans le monde entier. Elle précise que ce jouet a été l’un des 20 jouets ayant généré le plus de ventes lors du Blackfriday 2018.
Elle invoque également un préjudice économique résultant en particulier de la dévalorisation de ses marques renommées, dans la mesure où il a été donné au produit une visibilité maximale sur internet, générant des vidéos le présentant à un public large auprès duquel il était insisté sur le lien qui pouvait être fait avec les marques Louis Vuitton. Elle ajoute que l’utilisation de ses marques a été massive, les produits étant distribués dans de nombreux magasins de la grande distribution et sur les market places. Elle va donc devoir investir des sommes importantes pour restaurer leur valeur. S’agissant des sociétés MGA, elle chiffre à 88.180 produits le nombre de ceux commercialisés sur le territoire européen et évalue le bénéfice réalisé par elles à 900.000 euros. Elle soutient qu’il doit être tenu compte des bénéfices réalisés au Royaume-Uni dans la mesure où d’une part les produits ont été vendus avant le Brexit survenu le 1er février 2020, d’autre part, la société LV avait déjà engagé son action, enfin l’article 67.1.b) de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni prévoit que les dispositions relatives à la compétence du Règlement UE 2017/1001 s’appliquent aux actions judiciaires intentées avant la fin de la période de transition, le 31 décembre 2020, de sorte que le tribunal de Paris est compétent pour réparer l’intégralité de son préjudice, y compris pour des faits commis au Royaume-Uni. Concernant les sociétés GP Toys, elle soutient que ce sont 2.000 articles qui ont été acquis par la société GP Toys France auprès de la société Giochi Preziosi, laquelle a acheté aux sociétés MGA 6.230 produits, pour un bénéfice de 50.793 euros.
Arguant du caractère disproportionné des demandes de la société LV et d’un préjudice économique inexistant, les sociétés MGA soutiennent que la demanderesse ne démontre aucune conséquence négative résultant de la commercialisation du produit et que l’assiette du calcul du préjudice est erronée. Elles exposent que la société LV n’a été privée d’aucun bénéfice ; que la commercialisation du produit n’a eu aucun impact sur le chiffre d’affaires réalisé par la demanderesse qui a vu la valeur de sa marque augmenter de 15% entre 2019 et 2020, preuve que la marque n’a pas été dépréciée ; qu’elle ne démontre pas l’atteinte à la réputation de ses marques faute d’éléments illustrant la dévalorisation de la marque et l’amoindrissement du caractère distinctif de la marque, ni une modification du comportement économique de sa clientèle à la suite de la diffusion du produit.
Elles estiment que le quantum du préjudice est erroné : le bénéfice réalisé par le groupe Giochi Preziosi doit être déduit du préjudice réclamé à MGA, lequel doit être apprécié en fonction des bénéfices réalisés uniquement dans l’Union européenne, à l’exclusion du Royaume-Uni, de sorte que le bénéfice total de MGA qui contient également ceux réalisés dans ce pays ne peut servir de base de calcul. Le préjudice doit en outre être limité aux bénéfices résultant du packaging du produit et non de son contenu, rappelant que la société LV n’a formulé aucun grief à l’égard de celui-ci. Elles évaluent les coûts de packaging à 36% des coûts totaux du produit, proportion qui devra être reprise dans l’évaluation du préjudice. Elles estiment que le préjudice ne pouvant en réalité être déterminé en fonction des bénéfices réalisés du fait de la vente du produit, le seul moyen d’indemniser de manière proportionnée les préjudices allégués est de fixer une somme forfaitaire en application de l’article L. 716-14, 2° du code de la propriété intellectuelle. Elles font valoir que cet article, en ce qu’il prévoit qu’une telle réparation forfaitaire ne peut être accordée qu’à la condition que la partie lésée en fasse la demande, n’est cependant pas conforme aux dispositions de l’article 13 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 qui admet la possibilité d’évaluer le préjudice de manière forfaitaire dans les cas appropriés. Elles concluent que si le tribunal s’estimait insuffisamment éclairé sur l’interprétation de l’article 13 de la directive précitée, il devra transmettre une question préjudicielle.
La société MJ Est, ès qualités, réplique que la société Maxi Toys a été mise en liquidation judiciaire sans poursuite d’activité, de sorte que les demandes non financières de la société LV sont sans objet, outre qu’elles sont contraires aux dispositions des articles L. 641-3 et L. 641-4 du code de commerce. S’agissant des demandes financières, elle fait valoir que la preuve n’est rapportée ni du principe ni du quantum du préjudice économique ainsi que de celui moral.

Décision du 25 avril 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/01735
N° Portalis 352J-W-B7D-CO7NB

Sollicitant la garantie des sociétés MGA HK Ltd in solidum avec la société MGA Inc. les sociétés GP Toys et Giochi Preziosi concluent à l’absence de caractère dénigrant et humiliant du jouet et en tout état de cause au caractère disproportionné de la demande au titre du préjudice moral. Quant au préjudice économique allégué, elles font valoir que la société LV n’a connu aucune baisse de son chiffre d’affaires et qu’au contraire, son chiffre de vente n’a fait qu’augmenter. Elles ajoutent que la société LV ne démontre aucune modification ou risque de modification du comportement économique de sa clientèle. Elles estiment qu’une condamnation in solidum des défenderesses ferait fi des quantités litigieuses imputables à chacune d’elles, observant que les sociétés MGA sont le fournisseur principal du jouet à hauteur de 88.180 jouets, contre 6.230 acquis par la société Giochi Preziosi, dont 2.000 seulement achetés par la société GP Toys. Elles estiment qu’une condamnation in solidum, à la supposer prononcée, devra en conséquence être limitée, à leur égard, au montant des bénéfices qu’elles ont généré du fait de la vente des produits litigieux. Elles jugent les mesures de publication disproportionnées et non nécessaires concernant le seul jouet litigieux.
Les sociétés [S], ès qualités, Ajilink, ès qualités, [E], ès qualités, ainsi que Me [Z], ès qualité considèrent qu’il ne peut être prononcé une mesure d’interdiction et de publication à leur égard, faisant valoir que la totalité du stock et le nom de domaine de la société Toys «R» Us a été transféré à la société Jellej Jouets le 8 octobre 2018 par le jugement ayant arrêté le plan de cession.
La société Mandateam, ès qualités, fait valoir que la mesure d’arrêt de la vente du jouet est sans objet dès lors qu’elle n’a plus d’activité depuis le 17 mai 2022 et ajoute qu’aucune demande en condamnation à paiement ne pouvant être formée à son encontre, la demande de publication d’une condamnation à paiement est irrecevable à son égard. Quant au préjudice économique, elle soutient que n’ayant jamais commercialisé le produit, elle n’a pu contribuer à celui-ci, de sorte que la société LV doit être déboutée de sa demande de fixation de sa créance pour le quantum demandé.
Appréciation du tribunal

L’article L. 717-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d’une marque de l’Union européenne.
Aux termes des dispositions de l’article L. 716-4-11 du code de la propriété intellectuelle, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.
Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur.

Il convient, compte-tenu des faits retenus, d’interdire aux sociétés MGA, Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi et Splash Toys Ltd, de promouvoir, importer, distribuer et vendre les articles litigieux dans l’Union Européenne, sous une astreinte prononcée dans les termes fixés au dispositif de la décision. Il convient également d’ordonner le rappel des circuits de distribution de tout produit non encore livré, ainsi que la destruction de ces articles, sous le contrôle d’un commissaire de justice et aux frais des deux défenderesses, dans les conditions prévues au dispositif de la décision.
En revanche, il y a lieu d’exclure du champ de cette mesure la société Splash Toys France dont la fin de l’activité a été ordonnée pour le 17 mai 2022 par le jugement de liquidation judiciaire, mais aussi, la société Toys «R» Us, par suite du transfert de la totalité de son stock à la société Jellej Jouets par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 8 octobre 2018 arrêtant le plan de cession et, enfin, la société Maxi Toys, dont la liquidation judiciaire sans poursuite d’activité a été prononcée le 7 septembre 2020 et qui est dépourvue de toute activité depuis lors, rendant sans objet la présente demande.
Par ailleurs, l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Il importe, à titre liminaire, de rappeler que les différents chefs de préjudice listés par l'article précité doivent être considérés distinctement et non cumulativement pour permettre un dédommagement fondé sur une base objective et l'octroi d'une réparation adaptée au préjudice subi du fait de l'atteinte.
En l’espèce, s’agissant en premier lieu des conséquences économiques négatives de la contrefaçon, la société LV, qui justifie pour sa marque Louis Vuitton de la valorisation la plus importante des marques françaises, en croissance de 15% entre 2019 et 2020 comme l’établissent, sans être contredites, les sociétés MGA et Jellej Jouets, ne démontrent pas la perte de valeur subie par les actifs économiques que représentent ses marques, qu’elle allègue, ni l’effort supplémentaire de communication et de publicité qu’elle prétend devoir consentir pour la restauration de cette valeur. La société LV ne justifie donc pas de la perte financière qu’elle dit avoir subie du fait des actes de contrefaçon.
En revanche, en faisant usage dans la vie des affaires de signes similaires aux signes de la demanderesse, les défenderesses ont tiré un profit indû qu’il convient d’évaluer.
La société LV fonde son calcul, s’agissant des sociétés MGA, sur le nombre de 88.180 produits commercialisés sur le territoire européen pour un chiffre d’affaire d’environ 3.500.000 euros et un bénéfice total de 900.000 euros, en ce compris le montant du bénéfice réalisé pour la vente de 6.230 jouets à la société Giochi Preziosi, sans qu’il y ait lieu de retrancher celui du bénéfice réalisé par cette dernière pour la revente de ces 6.230 produits.
C’est également de manière inopérante que les sociétés MGA, se prévalant du principe de territorialité des droits de propriété intellectuelle énoncé à l’article 1er, paragraphe 2 du Règlement 2017/1001 selon lequel l’usage d’une marque de l’Union européenne ne peut être interdit que pour l’ensemble de l’Union, excluent de l’assiette du calcul du bénéfice qu’elles ont réalisé, celui résultant de la vente du produit litigieux sur le territoire du Royaume-Uni, motif pris que le juge français ne pourrait plus, depuis le Brexit, statuer sur des comportements ou préjudices ayant eu lieu en matière de marques sur ce territoire.
Or, il est constant et non contesté que les jouets litigieux ont été vendus en 2018 et 2019 avant que le retrait du Royaume Uni de l’Union européenne soit entré en vigueur le 1er février 2020, de sorte que jusqu’à cette date, les marques de la demanderesse produisaient leurs effets. En outre, l’action a été engagée par la société LV avant le retrait de ce pays de l’Union européenne. Enfin, l’article 67. 1, b) de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni énonce que dans les Etats membres de l’Union, les dispositions relatives à la compétence du Règlement (UE) 2017/1001 s’appliquent en ce qui concerne les actions judiciaires engagées avant la fin de la période de transition, soit avant le 31 décembre 2020, comme c’est le cas en l’espèce. Aussi, et conformément à l’article 126, 1, a) dudit Règlement qui prévoit qu’un tribunal des marques de l’Union européenne est compétent pour statuer sur les faits de contrefaçon commis sur le territoire de tout Etat membre de l’Union, le tribunal retiendra comme assiette de calcul, pour réparer le préjudice subi par la société LV à raison des faits de contrefaçon commis sur le territoire de l’Union dont faisait partie le Royaume-Uni, en ce compris les faits de contrefaçon commis sur le territoire de cet Etat, le bénéfice total des sociétés MGA, en ce compris celui réalisé au Royaume-Uni.
L’indemnisation sous la forme d’une somme forfaitaire ne pouvant être ordonnée par une juridiction qu’à la condition que la victime de la contrefaçon en ait fait, à titre d’alternative, la demande expresse par application de l’article L. 716-4-10, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la société LV sollicitant uniquement une indemnisation au moins égale aux bénéfices réalisés, le moyen tiré de l’absence de conformité de ces dispositions à l’article 13 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 est inopérant et la demande de transmission d’une question préjudicielle, sans objet.
En revanche,dans la mesure où il est constant que les griefs d’atteinte à la renommée des marques Louis Vuitton se limitent au packaging du jouet, cependant que le consommateur achète d’abord le produit pour son contenu, c’est-à-dire un assortiment de « slime », il convient de pondérer les bénéfices de la société MGA pris en compte au titre de l’indemnisation, à un montant qui ne saurait cependant être inférieur au montant des redevances qui auraient été dues si les sociétés MGA avaient demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel elles ont porté atteinte, et que celles-ci ont d’ailleurs évaluées à 10% maximum du chiffre d’affaires réalisé, ce qui correspond, à une somme de 350.000 euros qui sera retenue.
S’agissant des sociétés GP Toys et Giochi Preziosi, il est établi par la société LV et non contesté que les opérations de saisie-contrefaçon réalisées par la société LV ont révélé que 2.000 articles ont été achetés par la société GP Toys à la société Giochi Preziosi, laquelle a acheté 6.230 jouets Pooey Puitton à la société MGA pour un chiffre d’affaires calculé par la société LV à concurrence de la somme de 160.000 euros et des bénéfices d’un montant de 50.793 euros auxquels il conviendra de limiter la condamnation de ces sociétés.
Par ailleurs, la société LV est bien fondée à demander réparation pour le préjudice moral qu’elle subit, dans la mesure où la commercialisation de ce jouet aux thème et discours scatologiques accompagnant sa promotion, classé parmi les 20 jouets ayant généré le plus de vente lors de l’opération commerciale du « Black friday 2018 » et encore offert à la vente pour les fêtes de Noël 2019, cependant que la marque est associée à une image de luxe, d’exclusivité et d’excellence résultant de la qualité irréprochable de ses produits, de la renommée mondiale de la Maison Louis Vuitton, des conditions de vente ultra sélectives de ses produits et de la qualité et de l’importance de ses campagnes de communication, a contribué à sa banalisation, dépréciation et vulgarisation, en même temps que cette commercialisation privait d’efficacité les investissements de promotion entrepris. Il sera alloué en réparation de ce chef de préjudice la somme de 150.000 euros.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient d’allouer à la société LV en réparation de son préjudice économique et moral subi du fait des actes de contrefaçon de sa marque la somme de 550.793 euros. Les sociétés MGA, Jellej Jouets, Splash Toys Ltd seront condamnées in solidum à payer à la société LV en réparation de ce préjudice la somme de 433.293 euros, limitée toutefois à 80.793 euros s’agissant des sociétés GP Toys et Giochi Preziosi tenues in solidum avec ces sociétés.
S’agissant de la société Splash Toys, représentée par la société Mandateam, ès qualités, et de la société Maxi Toys représentée par la SELARL MJ Est, ès qualités, il convient de fixer au passif de chacune de ces sociétés la créance de la société LV à concurrence de la somme de 58.750 euros.
Sur les faits de parasitisme

Moyens des parties

La société LV expose que les défenderesses ont reproduit certains traits caractéristiques des sacs Louis Vuitton, tels que l’aspect de la matière des anses des sacs rendue par la couleur beige, les enchapes de formes hexagonales, les anneaux de liaison avec l’anse, les rivets, les motifs figuratifs de la gamme Monogram Multico, en particulier les yeux présents dans la version du designer japonais [K] [A].
La société GP Toys et la société Giochi Preziosi soutiennent que les caractéristiques invoquées par la société LV sont banales et appartiennent au fond commun de la maroquinerie et que les yeux de l’artiste japonais [A], typiques des dessins animés de type cartoon ou manga, est le seul point commun avec la paire d’yeux du jouet litigieux. Elles ajoutent que pour le public pertinent qui est celui des enfants de 6-8 ans, la présence de ces yeux et de la bouche sur un jouet l’identifie immédiatement comme un jouet de la gamme Poopsie, laquelle propose des accessoires à la forme tridimensionnelle de crotte empilée arrondie sur laquelle est systématiquement reproduite l’expression d’un visage évocateur d’un personnage de cartoon. Elles prétendent que les actes de parasitisme allégués n’ont conféré aucun avantage concurrentiel indû ou profit quelconque. Elles estiment que la société LV n’a pu subir un quelconque trouble moral ou commercial.
Les sociétés MGA, partageant les conclusions de la société GP Toys sur les caractéristiques banales du produit litigieux et sur ses yeux typiques des mangas, présents dans toute la gamme des jouets Poopsie, répliquent que l’exception de parodie s’applique à la demande en parasitisme, qu’elle rend infondée. Elles font valoir que les consommateurs ne peuvent confondre le produit Poopsie, soit une mallette de jouet remplie d’accessoires de licornes, avec un sac Louis Vuitton. Elles estiment que ce sont leurs investissements et leur créativité qui ont fait que le produit séduit les enfants par sa fonction et les jeux qu’il offre, ce qui n’a rien à voir avec la réputation de Louis Vuitton.
La société Mandateam, ès qualités, considère que la société LV échoue à démontrer des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon qu’elle invoque et rappelle qu’elle n’a jamais commercialisé le jouet litigieux.
Appréciation du tribunal

Constitue une faute, au sens de l'article 1240 du code civil, qualifiée de parasitisme, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Com., 4 février 2014, n°13-11.044 ; Com., 26 janvier 1999, n° 96-22.457), et qu'il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l'industrie.
Il incombe donc à celui qui impute à un tiers des actes parasitaires de rapporter ce qui est le fruit d'investissements et efforts humains et financiers de sa part, lesquels ne se déduisent pas de la seule longévité et du succès de la commercialisation de l'objet copié ou imité (Com. 5 juillet 2016, n°14-10.108, Bull. 2016, IV, n° 101).
La société LV fait valoir qu’en sus des motifs et signes protégés, le sac Pooey Puitton reproduirait certains traits caractéristiques (la matière des anses, les enchapes, les anneaux, les rivets et la couleur sur fond blanc des motifs figuratifs ainsi que les yeux de la version de la toile monogram multico de l’artiste japonais [A]) des sacs Louis Vuitton, en en tirant un profit indû. Elle se prévaut donc de faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon des marques de l’Union européenne Louis Vuitton.
Il ressort des pièces versées aux débats que le sac Pooey Puitton litigieux reproduit, en sus des motifs et signes protégés de la société Louis Vuitton, l’aspect de la matière des anses d’un grand nombre de sacs de la marque, rendu par l’usage de la couleur beige clair, les enchapes de forme hexagonale avec des rivets et des coutures, la couleur dorée des anneaux assurant la liaison de ces enchapes avec les anses, l’aspect multicoloré des motifs figuratifs sur fond blanc, enfin les yeux imaginés par l’artiste japonais [A] dans le cadre de sa collaboration à une version particulière de la toile Monogram, dite Monogram Multico. En dépit des différences soulignées par les défenderesses entre les yeux imaginés par M. [A] pour Louis Vuitton, qui se répètent de manière symétrique sur la toile pour devenir partie intégrante des motifs et la paire d’yeux reproduite sur le jouet en association avec une bouche pour former les traits du visage, la reprise stylisée, issue de l’univers du dessin animé et du manga, de ce motif, en association avec la reprise de l’aspect multicoloré des motifs figuratifs sur un fond blanc, outre celle des anses, enchapes et rivets, y compris dans leur couleur, caractérisent, en ce que ces éléments sont pris dans leur globalité, une volonté de se placer dans le sillage de la société LV en profitant indûment de celle de ses produits, que des investissements permanents qu’elle consent pour la création, la fabrication et la diffusion de nouvelles gammes.
Loin de l’exclure, l’intention parodique invoquée par les sociétés MGA est une reconnaissance implicite du grief de parasitisme qui lui est fait, peu important que la visée de ces actes soit moqueuse, polémique ou seulement humoristique, comme il est revendiqué en l’espèce, dès lors qu’il s’agit bien de se placer dans le sillage de la demanderesse pour profiter indûment de la renommée de sa marque et de ses produits, fût-ce sur le mode de l’humour ou de la moquerie.
Le fait que les sociétés MGA aient consenti, pour leur part, des investissements importants et fait preuve de créativité dans le produit proposé est sans incidence sur la caractérisation du parasitisme. De même, le fait que des enfants de 6 à 8 ans reconnaissent immédiatement non un sac de la marque Louis Vuitton mais un produit de la gamme Poopsie est inopérant dès lors que le public pertinent est composé des acheteurs du produit, très majoritairement des parents.
Ces faits distincts de parasitisme sont par conséquent établis, dont il s’infère nécessairement un préjudice, générateur d’un trouble commercial, fût-il seulement moral.
Cette faute occasionne à la société LV un préjudice caractérisé par la dépréciation de l’image de ses produits pour lesquels la société demanderesse investit pour les associer à une image de marque. La vulgarisation de l’image du produit qui en résulte sera réparée par l’octroi d’une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Il y a donc lieu de condamner in solidum les sociétés MGA, Jellej Jouets, Splash Toys Ltd, GP Toys et Giochi Preziosi in solidum à payer à la société LV en réparation de ce préjudice la somme de 25.000 euros.
S’agissant de la société Splash Toys, représentée par la société Mandateam, ès qualités, et de la société Maxi Toys représentée par la SELARL MJ Est, ès qualités, il convient de fixer au passif de chacune de ces sociétés la créance de la société LV à concurrence de la somme de 12.500 euros.
Le préjudice subi tant en suite de l’atteinte à la renommée de ses marques qu’en conséquence du parasitisme et du prononcer d’une mesure d’interdiction et de destruction apparaît intégralement réparé par les mesures précitées. Il n’y a pas lieu d’ordonner, en sus, une mesure d’affichage de la présente décision dans divers journaux et sur les sites internet des sociétés concernées.
Sur la garantie des sociétés MGA

Les sociétés GP Toys et Giochi Preziosi étant condamnées à réparer le préjudice de la société LV, les sociétés MGA seront donc condamnées à les garantir de toutes les condamnations, ainsi qu’elles s’y sont engagées devant le tribunal, outre la société Splash Toys qui justifie de sa qualité de distributeur des jouets des sociétés MGA, cependant que les sociétés Jellej Jouets et Maxi Toys ne formulent aucune demande en ce sens.
Il y a donc lieu de condamner les sociétés MGA à garantir les sociétés GP Toys et Giochi Preziosi de leurs condamnations, ainsi que la société Splash Toys de la fixation à son passif d’une créance de la société LV.
Sur les autres demandes

Les défendeurs, qui succombent, sont condamnés in solidum aux dépens de l’instance, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Supportant les dépens, les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi et Splash Toys Ltd seront condamnées in solidum à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 50.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, incluant les frais exposés pour les procès-verbaux de constat.
Les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets, GP Toys et Giochi Preziosi seront déboutées de leur demande formée à l’encontre de la société LV sur ce même fondement.
L'équité commande de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile de la société Louis Vuitton Malletier formées à l’encontre de la société Splash Toys, représentée par la SCP Mandateam, en sa qualité de liquidateur judiciaire et de la société Maxi Toys, représentée par la SEL SELARL MJ Est, en sa qualité de mandataire judiciaire et de condamner la société LV à payer à la SCP [S] & Rousselet, prise en la personne de Me [S], la SELARL Ajilink Labis [O], prise en la personne de Me [O], chacune en leur qualité d’administrateur judiciaire de la société Toys «R» Us, ainsi qu’à Me [Z] et la SELARL C. [E], prise en la personne de Me [E], en leur qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 2.000 euros chacun.
Aucune circonstance ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit dont est assortie la présente décision conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

DIT qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du tribunal de connaître des demandes formées par la société Louis Vuitton Malletier à l’encontre de la société Splash Toys Ltd ;

DÉBOUTE de leur demande de mise hors de cause la SCP [S] & Rousselet, prise en la personne de Me [S] et la SELARL Ajilink Labis [O], prise en la personne de Me [O], chacune en leur qualité d’administrateur judiciaire de la société Toys «R» Us, ainsi que Me [Z] et la SELARL C. [E], prise en la personne de Me [E], en leur qualité de liquidateur judiciaire ;

DÉCLARE irrecevables les demandes de la société Louis Vuitton Malletier à l’encontre de la SCP [S] & Rousselet, prise en la personne de Me [S], de la SELARL Ajilink Labis [O], prise en la personne de Me [O], chacune en leur qualité d’administrateur judiciaire de la société Toys «R» Us, et à l’encontre de Me [Z] et de la SELARL C. [E], prise en la personne de Me [E], chacun en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société Toys «R» Us ;

FAIT INTERDICTION aux sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi et Splash Toys Ltd, d’importer, promouvoir et vendre sur le territoire de l’Union Européenne les articles objets des procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 18, 19, 20 et 21 décembre 2018, 23 janvier 2020, reproduisant les marques de l’Union Européenne n°15628 et 9844391 appartenant à la société Louis Vuitton Malletier, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard courant pendant un délai d’un an à l’issue d’un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement ;

ORDONNE aux sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi et Splash Toys Ltd, dans le délai de 15 jours à compter de la signification du jugement, de rappeler des circuits de distribution tout produit « Pooey Puitton » non encore livré au consommateur final et de les regrouper auprès de la société GP Toys, outre les stocks détenus par chacune de ces parties défenderesses ;

ORDONNE aux sociétés sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi et Splash Toys Ltd, de détruire l’ensemble des articles précités sous le contrôle d’un commissaire de justice, à leurs frais in solidum, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision ;

DIT qu’à défaut d’avoir procédé à ladite destruction dans le délai imparti, les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi et Splash Toys Ltd, seront redevables d’une astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard à compter d’un délai de deux mois suivant la signification de la présente décision et courant pendant un délai de six mois;

CONDAMNE in solidum les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets et Splash Toys Ltd, à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 433.293 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

DIT que les sociétés GP Toys et Giochi Preziosi sont tenues in solidum avec les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets et Splash Toys Ltd dans la limite de la somme de 80.793 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

FIXE la créance de la société Louis Vuitton Malletier au passif de la société Splash Toys, représentée par la SCP Mandateam, en sa qualité de liquidateur judiciaire, à la somme de 58.750 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

FIXE la créance de la société Louis Vuitton Malletier au passif de la société Maxi Toys, représentée par la SELARL MJ Est, prise en la personne de Mes [Y] et [R], désignée mandataire judiciaire, à la somme de 58.750 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

DÉBOUTE les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets, de leur demande aux fins de transmission d’une question préjudicielle, devenue sans objet ;

CONDAMNE in solidum les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi, Splash Toys Ltd, à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de parasitisme ;

FIXE la créance de la société Louis Vuitton Malletier au passif de la société Splash Toys, représentée par la SCP Mandateam, en sa qualité de liquidateur judiciaire, à la somme de 12.500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de parasitisme ;

FIXE la créance de la société Louis Vuitton Malletier au passif de la société Maxi Toys, représentée par la SELARL MJ Est, prise en la personne de Mes [Y] et [R], désignée mandataire judiciaire, à la somme de 12.500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de parasitisme ;

CONDAMNE les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd à garantir les sociétés GP Toys et Giochi Preziosi de leurs condamnations ;

CONDAMNE les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd à garantir la société Splash Toys des montants fixés à son passif ;

DIT n’y avoir lieu à prononcer une mesure d’affichage de la présente décision ;

CONDAMNE in solidum les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd, Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi et Splash Toys Ltd in solidum aux dépens de l’instance, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd, Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi et Splash Toys Ltd de leur demande d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum les sociétés MGA Entertainment Inc, MGA Entertainment UK, MGA Entertainment Belgium BVBA, MGA Entertainment HK Ltd , Jellej Jouets, GP Toys, Giochi Preziosi et Splash Toys Ltd à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 50.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, incluant les frais exposés pour les procès-verbaux de constat ;

REJETTE les demandes formées par la société Louis Vuitton Malletier sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l’encontre de la société Splash Toys, représentée par la SCP Mandateam, en sa qualité de liquidateur judiciaire et de la société Maxi Toys, représentée par la SEL SELARL MJ Est, en sa qualité de mandataire judiciaire ;

CONDAMNE la société Louis Vuitton Malletier à payer à la SCP [S] & Rousselet, prise en la personne de Me [S], la SELARL Ajilink Labis [O], prise en la personne de Me [O], chacune en leur qualité d’administrateur judiciaire de la société Toys «R» Us, ainsi qu’à Me [Z] et à la SELARL C. [E], prise en la personne de Me [E], en leur qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 2.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes, plus amples et contraires ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Fait et jugé à Paris le 25 avril 2024

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE
Caroline REBOULAnne-Claire LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 19/01735
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-25;19.01735 ?
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