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24/04/2024 | FRANCE | N°23/58871

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 24 avril 2024, 23/58871


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 23/58871 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3INI

AS M N° : 19

Assignation du :
23 et 24 Novembre 2023

[1]

[1] 4 Copies exécutoires
délivrées le:


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 24 avril 2024



par Marie-Hélène PENOT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDEURS

Monsieur [D] [X]
[Adresse 4]
[Adresse 3]
[Localité 9]


Madame

[S] [M]
[Adresse 4]
[Adresse 3]
[Localité 9]

représentés par Me Jacques SEMIONOFF, avocat au barreau de PARIS - #E0760

DEFENDERESSES

S.A.S. JULHÈS
[Adresse 5]
[Localité 9]

rep...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 23/58871 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3INI

AS M N° : 19

Assignation du :
23 et 24 Novembre 2023

[1]

[1] 4 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 24 avril 2024

par Marie-Hélène PENOT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDEURS

Monsieur [D] [X]
[Adresse 4]
[Adresse 3]
[Localité 9]

Madame [S] [M]
[Adresse 4]
[Adresse 3]
[Localité 9]

représentés par Me Jacques SEMIONOFF, avocat au barreau de PARIS - #E0760

DEFENDERESSES

S.A.S. JULHÈS
[Adresse 5]
[Localité 9]

représentée par Maître Frédéric WIZMANE de la SELEURL W Avocats, avocats au barreau de PARIS - #E0223

S.A.S. BRULERIE LANNI
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentée par Me Jacques ADAM, avocat au barreau de PARIS - #D0781

S.A. REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Maître Pierre-emmanuel TROUVIN de la SARL CABINET TROUVIN, avocats au barreau de PARIS - #A0354

DÉBATS

A l’audience du 13 Mars 2024, tenue publiquement, présidée par Marie-Hélène PENOT, Juge, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Le [Adresse 10] est une voie privée débutant au [Adresse 4] et se terminant au [Adresse 3] - [Localité 9], comprenant six corps de bâtiments comportant des logements prolongés, à chaque extrémité, par des locaux commerciaux donnant sur la [Adresse 11] d'un côté et sur le [Adresse 3] de l'autre.

Monsieur [D] [X] et Madame [S] [M] occupent un appartement situé aux cinquième et cinquième étages de l'immeuble sis [Adresse 4] et [Adresse 3] - [Localité 9], donné à bail commercial à Monsieur [X] par la société anonyme MARNEZ, aux droits de laquelle vient désormais la société anonyme REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 8] (ci-après : la RIVP).

La société par actions simplifiée JULHES d'une part, la société par actions simplifiée BRULERIE LANNI d'autre part, exploitent une activité, respectivement, d'épicerie fine et de brûlerie, dans des locaux situés [Adresse 4] - [Localité 9].

Par acte extrajudiciaire délivré les 23 et 24 novembre 2023, Monsieur [X] et Madame [M] ont assigné la société JULHES, la société la société BRULERIE LANNI et la RIVP devant le Président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé, aux fins de voir :
" - DÉCLARER recevable la demande de Monsieur [X] et à Madame [M] visant à faire cesser un trouble manifestement illicite ;
-CONDAMNER conjointement et solidairement les sociétés JULHÈS, BRULERIE LANNI et la RIVP à cesser toutes livraisons et activités de nature à troubler la quiétude des lieux au sein de l"ensemble immobilier [Adresse 4] / [Adresse 3] à [Localité 9] contrevenant aux dispositions du règlement intérieur de l'immeuble et ce, sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
-CONDAMNER conjointement et solidairement les sociétés JULHÈS, BRULERIE LANNI et la RIVP à payer à Monsieur [X] et à Madame [M] une somme de 2000€, sur le fondement des dispositions de l'artic1e 700 du Code de procédure civile ;

-CONDAMNER conjointement et solidairement les sociétés JULHÈS, BRÔLERIE LANNI et la RIVP aux entiers dépens de l'instance ;
-RAPPELER que l'exécution provisoire est de droit. "

A l'audience du 13 mars 2024, Monsieur [X] et Madame [M] soutiennent oralement les prétentions et moyens formulés dans leur assignation, en portant à 3500 euros le quantum de leur demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles. En réponse aux argumentations adverses et par la voix de leur conseil, ils font valoir que Madame [M] a qualité pour agir en tant qu'occupante des locaux pris à bail par Monsieur [X], qu'il est inexact que les sociétés BRULERIE LANNI et JULHES auraient modifié leurs horaires de livraison, qu'en tout état de cause leur bail leur interdit d'encombrer les parties communes du passage et notamment d'y entreposer tout produit dangereux, aucune dérogation n'ayant été obtenue pour le commerce sis [Adresse 4]. Ils ajoutent que la RIVP, avisée de leurs doléances, fait preuve d'inertie. Enfin, ils précisent que les habitants du passage constituent une population fragile, réticente à attester nommément par écrit en des termes défavorables à son bailleur.

Aux termes de ses conclusions oralement soutenues à l'audience, la RIVP entend voir :
" DIRE ET JUGER que Madame [S] [M] est dépourvue de toute qualité à agir au titre de la présente procédure,
- DECLARER son action irrecevable,
- CONSTATER que la RIVP est étrangère aux prétendues nuisances dénoncées par Monsieur [X] et Madame [M] qui résulteraient de l'activité de société JUHLES et de la société BRULERIE LANNI,
- CONSTATER que la RIVP ne saurait pas conséquent être tenue responsable de ces prétendues nuisances,
- CONSTATER que la RIVP bénéficie d'une renonciation à recours en vertu du bail commercial du 10 septembre 1997 en cas de troubles apportés à la jouissance par le fait de tiers, quelle que soit leur qualité,
- CONSTATER que Monsieur [X] et Madame [M] ne rapportent pas la preuve des nuisances dont ils se prévalent et du caractère illicite des faits décrits,
En conséquence
- DIRE ET JUGER qu'en présence de diverses contestations sérieuses, le juge des référés n'est pas compétent,
- DIRE ET JUGER qu'en l'absence de trouble manifestement illicite, le juge des référés n'est pas compétent,
- DEBOUTER Monsieur [X] et Madame [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER Monsieur [D] [X] et Madame [S] [M] au paiement
d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux
entiers dépens de l'instance. "

Aux termes de ses écritures oralement développées à l'audience, la société JULHES entend voir :
" A titre principal,
DIRE n'y avoir lieu à référé ;
DÉBOUTER Monsieur [D] [X] et Madame [S] [M] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions du fait de l'absence de réunions des conditions légales de la
procédure de référé ;
A titre reconventionnel,
CONDAMNER Monsieur [D] [X] et Madame [S] [M] au paiement d'une provision de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
En tout état de cause,
CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [X] et Madame [S] [M] au
paiement de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens "

Aux termes de ses écritures oralement soutenues, la société BRULERIE LANNI entend voir :
"- Débouter Monsieur [X] et Madame [M] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Condamner solidairement Monsieur [X] et Madame [M] au paiement de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. "

Conformément aux dispositions des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l'assignation et aux conclusions sus-visées des parties pour un plus ample exposé des moyens qui y sont contenus.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé que les " demandes " tendant à voir " constater ", " donner acte " ou " dire et juger " ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile et ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une exécution forcée. Ces demandes -qui n'en sont pas et constituent en réalité un résumé des moyens- ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

1.Sur la fin de non-recevoir soulevée par la RIVP

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, une partie ne peut agir en justice, qu'elle soit demanderesse ou défenderesse, que si elle a intérêt et qualité à cette fin.

Le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage s'applique à tous les occupants d'un immeuble, quel que soit le titre de leur occupation (en ce sens : 2e Civ., 17 mars 2005, pourvoi n° 04-11.279, Bull. 2005, II, n° 73).

En l'espèce, il est constant que Madame [M] est occupante du local pris à bail par Monsieur [X] avec lequel elle réside, de sorte que son action est recevable nonobstant son absence de titre d'occupation.

La fin de non-recevoir sera rejetée.

2.Sur les demandes principales formées par Monsieur [X] et Madame [M]

Monsieur [X] et Madame [M] sollicitent la condamnation des sociétés défenderesses sous astreinte à cesser toutes livraisons et activités de nature à troubler la quiétude des lieux au sein de l'ensemble immobilier [Adresse 4] / [Adresse 3] à [Localité 9] contrevenant aux dispositions du règlement intérieur de l'immeuble. Au soutien de leurs prétentions, ils invoquent les dispositions des article 834 et 835 du code de procédure civile,

2.1Sur le moyen tiré de l'existence d'un trouble manifestement illicite

Aux termes de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

La seule méconnaissance d'une réglementation n'est pas suffisante pour caractériser l'illicéité d'un trouble, dont l'anormalité s'apprécie in concreto.

En l'espèce, Monsieur [X] et Madame [M] affirment que les livraisons litigieuses constituent un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage d'une part, contreviennent au règlement intérieur des immeubles de la RIVP d'autre part.

2.1.1Sur l'invocation d'un trouble anormal du voisinage

Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, troublant la jouissance de son bien. A défaut, la responsabilité de l'auteur du trouble est engagée, sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'une faute de sa part. La responsabilité du voisin est engagée lorsqu'il génère un trouble anormal, la caractérisation de l'anormalité des nuisances étant parfaitement indépendante tant de la justification du respect des normes et réglementations administratives que de leur éventuelle violation.

En l'espèce, Monsieur [X] et Madame [M] font grief aux sociétés JULHES et BRULERIE LANNI de recevoir des livraisons dès 5h15 du matin et jusqu'en fin d'après-midi, tous les jours y compris le dimanche, occasionnant ainsi un bruit excédant les inconvénients normaux de voisinage. Ils déplorent en outre le dépôt de marchandises dans les parties communes, ainsi que l'entreposage de fûts d'éthanol dans les parties communes du passage et dans les parties privatives de la société JULHES, sous les logements des résidents.

Au soutien de cette affirmation, ils produisent en premier lieu trois constats dressés par Maître [H] [Y], commissaire de justice, le jeudi 15 décembre 2022, le vendredi 17 février 2023 et le vendredi 7 juillet 2023. Ainsi que le soulignent les parties demanderesses, le premier de ces constats relate des opérations de livraison entre 5h40 et 6h45, caractérisées par le stationnement de camions devant l'immeuble au niveau du [Adresse 4], le déchargement de palettes, la circulation de transpalettes, de diables puis de vélos cargos déchargeant des marchandises jusque dans le passage, le commissaire de justice précisant que ces manœuvres génèrent un bruit " conséquent " audible depuis la chambre occupée par Monsieur [X] et Madame [M], fenêtre fermée. Les deux constats ultérieurs relatent des opérations de transport et déchargement de marchandises entre 9h et 10h10 le 17 février 2023 et entre 9h09 et 10h35 le 7 juillet 2023, constatant des flux de personnes et de marchandises entre divers locaux à usage de réserve situés au rez-de-chaussée du [Adresse 10].

Les parties demanderesses produisent, en deuxième lieu, quatre attestations.

En application de l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation produite dans le cadre d'une instance civile contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés, mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles. Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

Or, les attestations versées aux débats par Monsieur [X] et Madame [M] ne respectent aucune des exigences précitées : toutes sont dactylographiées, certaines ne précisent pas la profession de leur auteur, aucune ne précise l'existence d'un éventuel lien de son rédacteur avec l'une des parties, aucune ne mentionne avoir été établie en vue de sa production en justice, le contenu de deux d'entre elles est littéralement identique hormis le nom de leur prétendu auteur, et aucune n'est accompagnée d'un justificatif quelconque de l'identité de son auteur. Ainsi, ces attestations ne présentent pas les garanties suffisantes quant à leur établissement, leur contenu et la compréhension qu'avaient leurs auteurs de leur utilisation en justice, de sorte qu'elles sont dépourvues de valeur probatoire.

En troisième lieu, Monsieur [X] et Madame [M] versent aux débats de nombreux courriers, signalements ou encore dépôts de plainte émanant de Monsieur [X], soient des éléments qui, s'ils corroborent la perception d'une gêne par celui-ci, sont établis sur la seule base de ses déclarations.

Le premier constat établit la réception de livraisons à une heure particulièrement matinale, dans des conditions occasionnant des bruits conséquents très perceptibles depuis la chambre de Monsieur [X] et Madame [M]. Pour autant, la répétition ou la persistance de telles livraisons à un horaire similaire n'est corroborée par aucune autre pièce objective, pas davantage que n'est établie la réception de livraison ou le transport de marchandises durant les week-ends. Par ailleurs, il ressort des attestations datées du mois de décembre 2023 produites par la société JULHES -principalement visée par les doléances formulées par Monsieur [X] auprès de la RIVP et des services de police notamment- que celle-ci a donné pour instruction à deux de ses fournisseurs de ne lui livrer de marchandises qu'après 8 heures du matin, soit un horaire normal parfaitement compatible, durant la semaine, avec le rythme de vie usuel d'un ménage.

Enfin, s'il ressort des constats de commissaire de justice produits par les parties demanderesses que des marchandises sont déposées dans le passage, soit hors des lots privatifs loués par les sociétés JULHES et BRULERIE LANNI, les photographies annexées auxdits constats démontrent qu'à l'issue des opérations de réception et transport, les parties communes du passage sont débarrassées des marchandises litigieuses.

Ainsi, si les éléments versés aux débats établissent que des livraisons de marchandises ont lieu depuis le [Adresse 4] dans les locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée de la même rue et les réserves accessoires donnant sur le [Adresse 10], il n'est pas démontré que l'intensité des sons perçus et l'encombrement temporaire du passage revêtent un caractère anormal dans un environnement urbain et dense.

S'agissant du stockage de l'éthanol, il n'est pas justifié qu'un tel produit soit entreposé dans les parties communes durant un laps de temps supérieur à celui nécessaire à son acheminement vers la réserve de la société JULHES. Par ailleurs, les parties demanderesses ne détaillent pas la nature du danger qu'elles affirment causé par le stockage d'un tel liquide dans une réserve close.

L'existence d'un trouble anormal du voisinage n'étant pas établi, la demande ne pourra prospérer sur ce fondement.

2.1.2Sur l'invocation du règlement intérieur des immeubles de la RIVP

Le règlement intérieur des immeubles de la RIVP stipule :

" 6 - BRUITS
Le preneur s'engage à :
- ne pas utiliser d'appareils bruyants, dangereux ou incommodes (appareils ménagers, de bricolage, etc.) ;
- régler le niveau acoustique des appareils de diffusion sonore (radio, télévision, chaîne hi-fi, etc.) de manière à ce que les voisins ne soient en aucun cas importunés. Il en sera de même de tout instrument de musique ;
-faire son affaire personnelle à ses risques, périls et frais, sans que le bailleur puisse être inquiété ou recherché, de toutes réclamations faites par les autres occupants ou les tiers, notamment pour les bruits, vibrations ou trépidations causés par le locataire ou par des appareils lui appartenant.
[…]
8 - DEPOTS D'OBJETS
Le preneur s'engage à ne déposer aucun objet dans les parties communes (hall d'entrée, vestibule. paliers, escaliers, couloirs de caves, cours, courettes, jardins y compris les abords des grilles des squares et des immeubles, etc.) ; cette interdiction s'étend aux voitures d'enfants et aux cycles sans moteur qui ne doivent être garés que dans les locaux ou emplacements prévus à cet effet s'il en existe [les cycles à moteur ne peuvent être remisés que dans des emplacements autorisés pour le stationnement des véhicules automobiles).
[...]
14 - SECURITE -INCENDIE
Le preneur s'engage à respecter les règles élémentaires de prévention contre l'incendie :surcharges des installations électriques, emploi inconsidéré de produits inflammables (liquides, colles, etc.}, cuisson d'aliments sans surveillance.
En cas d'absence, il doit fermer tous les robinets d'arrêt et compteurs et laisser les clés du logement à une personne désignée au représentant du bailleur.
Le stockage par le preneur de produits dangereux, toxiques, inflammables, explosifs, de bouteilles de gaz, pneus, batteries, etc. est interdit dans la totalité des parties communes ou privatives des immeubles gérés par la RIVP.
Le preneur s'interdit d'utiliser la ou les cheminées présentes dans son logement, qu'elles soient à foyer ouvert ou fermé, comme moyen de chauffage principal, d'appoint ou d'agrément et ce, quelle que soit la nature du combustible utilisé. "

En l'espèce, Monsieur [X] et Madame [M] invoquent l'engagement de la responsabilité extracontractuelle des sociétés JULHES et BRULERIE LANNI, exposant que celles-ci manquent à leurs obligations contractuelles envers la RIVP. Agissant sur le fondement du trouble manifestement illicite, les parties demanderesses supportent en conséquence la charge de la preuve d'une faute contractuelle manifeste et d'un dommage personnel évident en ayant résulté.

Or, les éléments produits et précédemment détaillés établissent uniquement que des livraisons ont lieu dans le passage, qu'elles génèrent des bruits inhérents au transport de marchandises par l'usage d'engins tels que des transpalettes et qu'elles donnent lieu à la dépose temporaire de marchandises dans les parties communes pendant des durées limitées à leur déchargement puis leur entreposage pérenne dans des locaux à usage de réserve. S'agissant du grief relatif à l'éthanol, les demandeurs ne démontrent pas qu'un tel produit soit à l'évidence un produit " dangereux, toxique, inflammable ou explosif " au sens de l'article 8 du règlement intérieur, ni que le stockage d'une telle substance dans un local situé au rez-de-chaussée leur cause un dommage, en leur qualité d'occupants d'un local situé aux cinquième et sixième étage. A titre surabondant, il convient de relever les demandeurs ne démontrent pas l'opposabilité du règlement intérieur de la RIVP à la société JULHES et à la société BRULERIE LANNI, ladite opposabilité étant au demeurant contredite par les articles 4 .1 et 4.2 des baux dont est titulaire la société JULHES.

Échouant à apporter la preuve d'un manquement manifeste des sociétés JULHES et BRULERIE LANNI aux stipulations du règlement intérieur des immeubles de la RIVP, ainsi que du préjudice en résultant pour eux, Monsieur [X] et Madame [M] n'apportent pas la preuve d'un trouble manifestement illicite.

Il n'y a en conséquence pas lieu à référé sur la demande fondée sur l'article 835 du code de procédure civile.

2.2Sur le moyen tiré de l'urgence

Il ressort des termes de l'article 834 du code de procédure civile que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En l'espèce, les pièces versées aux débats établissent que Monsieur [X], titulaire d'un bail commercial à effet au 15 septembre 1997 l'autorisant à résider personnellement dans les lieux loués, formule des doléances relatives au bruit résultant des conditions de livraison des marchandises dans les commerces du [Adresse 10] à tout le moins depuis l'année 2017. Elles démontrent en outre que de multiples réclamations ont été formulées auprès de diverses entités et autorités depuis plusieurs années, sans qu'aucun élément n'établisse l'aggravation des nuisances invoquées.

Dans ces conditions, il n'est pas démontré l'urgence à voir statuer sur la demande.

Il n'y a en conséquence pas lieu à référé sur la demande fondée sur l'article 834 du code de procédure civile.

3.Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formulée par la société JULHES

En application des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un montant maximal de 10 000 euros, ainsi qu'à verser des dommages et intérêts à la partie adverse qui justifie d'un préjudice.

Il est rappelé que le juge des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive.

En l'espèce, la société JULHES qualifie d'abusive la procédure engagée par Monsieur [X] et Madame [M], exposant d'une part que ceux-ci font fi des mesures qu'elle a engagées pour retarder l'horaire de ses livraisons, d'autre part que leurs demandes formées devant le juge des référés sont manifestement infondées.

L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalant au dol.

En l'espèce, Monsieur [X] et Madame [M] succombent en leurs prétentions. Si la société JULHES justifie avoir sollicité de certains de ses fournisseurs qu'ils ne procèdent à des livraisons dans l'immeuble litigieux qu'après 8 heures du matin, les attestations le démontrant sont postérieures à la délivrance de l'assignation et n'établissent pas que de telles instructions aient précédé l'introduction de l'instance.

Par ailleurs, il n'est pas démontré que les parties demanderesses se soient introduites dans les locaux loués par la société JULHES, les clichés photographiques produits pouvant avoir été pris à l'aide d'un zoom.

La société défenderesse ne démontrant pas que l'introduction de la présente procédure procède d'un abus, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts provisionnels.

4.Sur les mesures accessoires

L'article 491 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. Il s'agit d'une obligation, de sorte que toute demande tendant à "réserver" les dépens doit être rejetée. L'article 696 dudit code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Succombant en ses prétentions, Monsieur [X] et Madame [M] supporteront la charge des dépens, la condamnation étant conjointe à défaut de moyen de nature à justifier la solidarité demandée par la société BRULERIE LANNI.

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, 2° et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.

Il est rappelé que la juridiction des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation en application de ces dispositions.

Condamnés aux dépens, Monsieur [X] et Madame [M] seront tenus au paiement d'une indemnité de 2000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par chacune des parties défenderesses.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ,

Rejetons la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre des prétentions de Madame [M] ;

Disons n'y avoir lieu à référé sur les demandes de cessation des livraisons, formulées par Monsieur [X] et Madame [M] ;

Rejetons la demande reconventionnelle de dommages et intérêts provisionnels formulée par la société JULHES ;

Condamnons Monsieur [X] et Madame [M] à payer à la société JULHES la somme de deux mille euros (2000 euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Monsieur [X] et Madame [M] à payer à la société BRULERIE LANNI la somme de deux mille euros (2000 euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Monsieur [X] et Madame [M] à payer à la société REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 8] la somme de deux mille euros (2000 euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Monsieur [X] et Madame [M] aux dépens de l'instance ;

Rappelons que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

Fait à Paris le 24 avril 2024

Le Greffier,Le Président,

Anne-Sophie MORELMarie-Hélène PENOT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/58871
Date de la décision : 24/04/2024
Sens de l'arrêt : Dit n'y avoir lieu à prendre une mesure en raison du défaut de pouvoir

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-24;23.58871 ?
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