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22/04/2024 | FRANCE | N°21/12280

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 22 avril 2024, 21/12280


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :


à
Me Marc BORNHAUSER
DGFIP




9ème chambre 1ère section


N° RG 21/12280 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVHZW

N° MINUTE : 5




Assignation du :
01 Octobre 2021









JUGEMENT
rendu le 22 Avril 2024





DEMANDEURS

Monsieur [Y] [C]
et Madame [O] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]

Tous deux représentés par Maître Marc BORNHAUSER de la SELAR

L CABINET BORNHAUSER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C1522


DÉFENDERESSE

DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]

representé par son Inspecteur

Décision du 22 Avril 20...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

à
Me Marc BORNHAUSER
DGFIP

9ème chambre 1ère section

N° RG 21/12280 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVHZW

N° MINUTE : 5

Assignation du :
01 Octobre 2021

JUGEMENT
rendu le 22 Avril 2024

DEMANDEURS

Monsieur [Y] [C]
et Madame [O] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]

Tous deux représentés par Maître Marc BORNHAUSER de la SELARL CABINET BORNHAUSER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C1522

DÉFENDERESSE

DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]

representé par son Inspecteur

Décision du 22 Avril 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/12280 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVHZW

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente
Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente
Patrick NAVARRI, Vice-Président

assistés de Pierre-Louis MICHALAK, Greffier lors de l’audience et de Chloé DOS SANTOS, Greffière lors de la mise à disposition,

DÉBATS

A l’audience du 12 Février 2024 tenue en audience publique devant Marine PARNAUDEAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné que la décision sera rendue par mise à disposition au greffe le 22 avril 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le procureur de la République de Nice, en exécution d'une demande d'entraide judiciaire faite par les autorités suisses, a fait procéder le 20 janvier 2009 à une perquisition au domicile de M. [U] [K], qui était soupçonné d'avoir soustrait à son ancien employeur, la banque suisse HSBC Private Bank, divers fichiers informatiques, d'où ressortaient les noms de détenteurs de comptes de cet établissement.

Le 9 juillet 2009, le procureur de la République de Nice a transmis à l'administration fiscale les fichiers recueillis sur perquisition, en application de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, qui lui ont été remis aux termes de deux procès-verbaux des 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010.

Le 11 octobre 2021, l'administration fiscale déposait plainte à l'encontre de M. [Y] [C] et son épouse, Mme [O] [C].

Ce dépôt de plainte faisait suite à la communication, par le procureur de la République de Nice, conformément à l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, d'un ensemble de données informatiques dont l'examen laissait supposer que les époux [C] seraient présumés détenir, par l'intermédiaire de deux sociétés (la société BLOOMDALE SA et la société ARCADES 22) situées au Panama, des avoirs en Suisse dans les livres de la banque HSBC Private Bank, filiale suisse de la banque HSBC.

Le procureur de la République autorisait la consultation et la prise de copies par l'administration fiscale dans le cadre de la procédure pénale initiée contre les époux [C], ce droit de communication ayant été exercé le 16 juin 2016.

L'administration fiscale effectuait également à l'égard des époux [C] un contrôle sur pièces au titre de l'impôt sur la fortune pour les années 2007 à 2010.

Le 19 décembre 2017, l'administration fiscale notifiait aux époux [C] une proposition de rectification en matière d'imposition de solidarité sur la fortune au titre des années 2007 à 2010, selon la procédure contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, visant le solde des avoirs détenus à l'étranger et le solde des comptes bancaires en France.

Par courrier du 1er février 2018, M. [C] contestait être redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2007 à 2010 et arguait que son frère, M. [I] [C], était le bénéficiaire et le détenteur des comptes querellés.

Le 20 mars 2018, l'administration fiscale confirmait les rectifications querellées.

L'administration fiscale émettait le 31 mai 2018 un avis de mise en recouvrement pour un montant total de 351.699 euros.

Les époux [C] contestaient les rappels mis à leur charge par une réclamation contentieuse du 28 juin 2018.

Cette réclamation faisait l'objet d'une décision de rejet datée du 30 juillet 2021.

C'est dans ces conditions que M. [Y] [C] et Mme [O] [C] ont fait assigner l'administration fiscale devant ce tribunal par acte d'huissier du 1er octobre 2021, aux fins de voir prononcer la décharge des impositions mises à leur charge au titre de l'Impôt de solidarité sur la fortune des années 2007 à 2010.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives communiquées par le biais du RPVA le 13 mars 2023, M. [Y] [C] et Mme [O] [C] demandent au tribunal, au visa de l'articles L. 181-0 A du livre des procédures fiscales, des articles 885 A et suivants, 1649 A du code général des impôts et de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- prononcer la décharge des suppléments d'impôt de solidarité sur la fortune mis à la charge des Epoux [C] pour un montant total 351 699 euros ;

A titre subsidiaire :
- prononcer la décharge des droits mis à la charge des Epoux [C] au titre du compte ARCADES 22 pour un montant en base de 26 152,42 euros en 2007, 27 342,88 euros en 2008, 28 573,31 euros en 2009 et 29 683,24 euros en 2010 ;
- limiter les bases d'imposition relative au compte BLOOMDALE à 854 882,9 euros en 2007, 893 865,9 euros en 2008, 934 089,86 euros en 2009 et 970 519,36 euros en 2010 et prononcer la décharge du surplus ;

En tout état de cause :
- mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner l'Etat aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 juin 2023, l'administration fiscale demande au tribunal de :
“-prendre acte du dégrèvement intervenu le 3 juin 2022,
- juger qu'il n'y a plus lieu de statuer à hauteur de 766 euros en droits et 938 euros de pénalités,
- débouter M. et Mme [C] de leurs demandes,
- les condamner aux dépens,
- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile”.

L'ordonnance de clôture était rendue le 16 octobre 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l'exposé complet de leurs moyens.

EXPOSE DES MOTIFS

A titre liminaire, compte tenu du dégrèvement accordé le 3 juin 2022, il n'y a plus lieu de statuer à hauteur de 766 euros en droits et 938 euros au titre des pénalités.

Sur le bien-fondé de l'imposition

Sur le grief tiré du caractère potentiellement erroné des informations utilisées par l'administration fiscale

M. [Y] [C] et Mme [O] [C] font valoir que l'administration fiscale ne pouvait se prévaloir des documents saisis au domicile de M. [U] [K] pour fonder son redressement, compte tenu des difficultés rencontrées lors de la reconstitution des fiches clients et du potentiel risque d'erreur des informations relatées.

Pour asseoir la force probante des pièces sur lesquelles elle se fonde, l'administration fiscale déclare que les fiches de synthèse " BUP" émanent du fichier informatique de la banque HSBC Private Bank qui a fait l'objet d'un vol.

Sur ce,

L'article L. 101 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors en vigueur, dispose que l'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu.

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Les articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme protègent le principe fondamental de la loyauté des preuves, en ce que le mode de preuve ne doit pas être contraire au droit du procès équitable et au droit du respect de la vie privée.

A ce titre, l'administration fiscale est tenue à un devoir de loyauté dans l'obtention des preuves, ce qui implique que les preuves qu'elle utilise ne doivent pas avoir été obtenues par elle de façon illicite ou immorale ni au moyen d'un procédé déloyal, sauf à être déclarées irrecevables et à être ainsi écartées des débats.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les données informatiques contenues dans les "synthèses individuelles code- BUP", initialement versées par l'administration fiscale au soutien de la plainte déposée auprès du procureur de la République, ont été dérobées par M. [U] [K], ancien informaticien salarié de la filiale suisse de la banque HSBC. La licéité de ces fichiers n'est pas contestée par les requérants.

Il n'est pas établi que l'administration fiscale a confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à leur production, le rapprochement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique.

Compte tenu de la conformité de cette communication initiale avec les dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, ainsi qu'il a été précédemment jugé, M. [Y] [C] et Mme [O] [C] échouent à démontrer que l'administration se serait fondée, pour asseoir le redressement querellé, sur des pièces erronées.

Le moyen est rejeté.

Sur la détention d'avoirs à l'étranger

M. et Mme [C] font valoir que l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve qu'ils aient possédé des avoirs à l'étranger dans les livres de la filiale suisse de la banque HSBC, les fichiers et notamment les synthèses individuelles "BUP", étant insuffisants en l'absence d'autres éléments probants, à établir que l'obligation de déclarer des comptes n'a pas été respectée.

L'administration fiscale souligne que M. [Y] [C] et Mme [O] [C] auraient pu solliciter de la banque HSBC une confirmation qu'ils n'y détenaient aucun compte.

L'administration fiscale affirme s'être fondée non seulement sur les fiches de synthèse individuelle code " BUP ", résultant des fichiers informatiques pris par M. [K], dont la seule origine illicite n'est pas de nature à fonder un dégrèvement de l'impôt, lesquels fichiers ont été communiqués régulièrement par le procureur de la République en application des dispositions des articles L.81, L.82 C et L.101 du livre des procédures fiscales, mais également sur les éléments recueillis au cours de l'enquête pénale. Elle soutient également que les éléments de la procédure pénale ont démontré que M. [Y] [C] et Mme [O] [C] avait la disposition de 14 comptes ouverts en Suisse auprès de la banque HSBC, soit directement soit par l'intermédiaire de personnes morales. Elle ajoute que la procédure de contrôle a mis en lumière l'utilisation effective des comptes bancaires litigieux au cours de l'année 2007.

Sur ce,

L'article 1649 A deuxième alinéa du code général des impôts dispose que les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger.
Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables.

L'article 344 A de l'annexe III du même code dispose que "les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement " ; que "la déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer" ; qu'"un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident."

L'obligation de déclaration des comptes à l'étranger qui découle du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire, mais aussi sur ceux qu'il a utilisés (CE, 30 décembre 2009, n° 299131).

En application de l'ancien article 885 E du code général des impôts, l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A, ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'elles ont l'administration légale des biens de ceux-ci.

En l'espèce, il résulte de la proposition de rectification des 19 décembre 2017 que pour fonder son redressement, l'administration fiscale s'est fondée d'une part, sur les fiches de synthèse individuelle - code BUP n° 5090133548 et n°5090133549 (pièces 4 et 5 de la défenderesse) - et d'autre part, sur les éléments de l'enquête pénale obtenus à l'occasion de l'exercice de son droit de communication auprès du parquet et du juge d'instruction (les procès-verbaux d'audition n° 11-00153/010 du 13 août 2013, n° 11-000153/014 du 19 août 2013, n° 2011/000153/040 du 17 janvier 2014, n° 2014/000360/061 du 24 avril 2015 et n° 2014/0000360/88 du 27 mai 2015 expressément cités et retranscrits partiellement dans la demande d'informations et dans la proposition de rectification).

Force est de noter que le présent litige porte sur des impositions supplémentaires (ISF) établies dans le cadre d'une procédure d'assiette et non sur des amendes fiscales sanctionnant en application de l'article 1736 du code général des impôts, le défaut de déclaration de comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger.

De plus, il n'est pas contesté que dans les divers courriers adressés aux justiciables, ainsi que dans la proposition de rehaussement d'impôt, l'administration fiscale a rappelé les éléments qui lui ont été transmis par l'autorité judiciaire selon le cadre juridique évoqué plus haut, et a joint le document de synthèse individuel concernant respectivement M. [Y] [C] et Mme [O] [C].

En produisant le document de synthèse individuel, l'administration a transmis à M. [Y] [C] et Mme [O] [C] les éléments les concernant compilés dans cette synthèse individuelle. En effet, et comme il a été rappelé plus haut, ces documents de synthèse ont été établis, ainsi que cela a été retenu par la commission parlementaire, par un simple travail de mise en relation de données brutes figurant sur les divers fichiers volés à la société HSBC Private Bank. L'administration fiscale s'est donc contentée de retranscrire les informations y figurant pour les mettre en lien avec les identités des clients. Ainsi a-t-elle suffisamment motivé sa proposition de rectification ainsi que l'article L. 76 du livre des procédures fiscales lui impose, de surcroît sur des informations émanant de la société HSBC. Il ne peut donc lui être reproché d'avoir procédé par simple affirmation.

Les synthèses individuelles code BUP, produites par l'administration fiscale, mentionnent que sont liés aux contribuables les profils clients suivants :
- un profil client correspondant à une personne morale située au Panama (ARCADES 22) dont M. [C] est le mandataire " attorney A " et associé à quatre comptes bancaires ;
- un profil client correspondant à une personne morale située au Panama (BLOOMDALE SA) dont M. [C] est le bénéficiaire économique et associé à dix comptes bancaires ;
- un profil client correspondant à une personne morale située au Panama (BLOOMDALE SA) dont Mme [C] est le mandataire " attorney C " et associé à dix comptes bancaires.

Si les époux [C] produisent les courriers échangés entre [I] [C] et la banque HSBC, il apparaît que ces derniers avaient connaissance de l'existence de leurs droits respectifs sur les comptes litigieux dès lors qu'ils justifient les mentions des fichiers en invoquant leur qualité de membre du conseil de famille constitué par Monsieur [I] [C] et chargé de l'administrer en cas de décès ou d'incapacité juridique de ce dernier avant le vingt-cinquième anniversaire de son fils.

Or, cette qualité ne peut s'entendre qu'au regard d'une justification de sa constitution en application du régime se rattachant aux dispositions du code civil. En dépit de l'absence de réalité juridique de sa qualité de mandataire dans le cadre de conseil de famille allégué sans autre objet qu'une interposition, M. [Y] [C] n'apporte aucun éclaircissement sur sa situation permettant d'établir qu'il ne détenait aucun pouvoir sur les comptes litigieux ou à tout le moins établissant avec certitude qu'un autre que lui était bénéficiaire des comptes litigieux. La correspondance entre la banque HSBC Private Bank et M. [I] [C] n'établit pas, en effet, que ce dernier était seul bénéficiaire desdits comptes litigieux.

De même, le fait que M. [Y] [C] ne soit pas intervenu de manière effective dans la gestion desdits fonds - son frère n'étant ni décédé ni affecté d'une incapacité -, est indifférent.
Ainsi, M. [Y] [C] se contentant de souscrire à des déclarations d'impôt sur la fortune portant la mention " néant " et d'alléguer une qualité sans réalité juridique, échoue à démontrer suffisamment qu'il n'était pas co-titulaire des comptes ou à tout le moins détenteur de droits sur ceux-ci alors que les fiches " BUP " reprennent ses informations personnelles à l'égal des autres clients de la banque, outre qu'il apparaissait comme tel dans les fichiers.

En outre, il ressort des éléments de la procédure pénale que les fonds transférés de Suisse sur le compte ouvert dans les livres de la Société Générale, bien qu'ouvert au nom de M. [I] [C], a continué de bénéficier à M. [Y] [C] à des fins personnelles, notamment pour régler les dépenses de la vie courante.

Les numéros d'identification des comptes querellés sont les mêmes que ceux figurant dans les deux propositions de rectification. Il en découle que M. [Y] [C] et Mme [O] [C] avaient parfaitement connaissance des faits qui leur étaient reprochés.

Il ressort de ce document de synthèse individuel que M. [Y] [C] et Mme [O] [C] avaient la disposition de 14 comptes bancaires détenus auprès de la banque suisse HSBC PRIVATE BANK indirectement par l'interposition des sociétés ARCADES 22 et BLOOMDALE SA d'une part, et qu'il y a eu des mouvements sur ces comptes bancaires d'autre part. La simple variation numérique des comptes au cours des années 2005 à 2006 figurant dans chaque synthèse qui n'est pas spécialement contestée, suffit à démontrer qu'ont été portées au débit ou au crédit de chacun des comptes querellés, une ou plusieurs écritures. Ainsi, l'utilisation effective de ces comptes bancaires par M. [Y] [C] et Mme [O] [C] est établie.
Par ailleurs, s'il est établi que le document de synthèse individuelle BUP querellé porte sur les années 2005 à 2007, aucun élément objectif ne démontre la clôture de ces comptes pour les années postérieures. Le moyen tiré de l'absence de preuve de la détention desdits comptes pour les années 2007 à 2010, sera donc écarté.
Ce document fait mention d'un certain nombre d'éléments d'état civil relatifs à l'identité de M. [Y] [C] et Mme [O] [C], comme leurs nom et prénom, date et lieu de naissance ainsi que leur situation maritale. L'ensemble de ces informations correspond parfaitement à la situation personnelle de M. [Y] [C] et Mme [O] [C]. Aucun d'entre eux n'apporte d'indice de nature à établir que cette identité n'aurait pas été la sienne ou qu'elle aurait été usurpée.

Il ressort également des scripts que le profil client correspondant aux éléments d'identité tant de M. [Y] [C] que Mme [O] [C] a été créé au sein des livres de la société HSBC PRIVATE BANK le 2 février 1997.

L'ensemble de ces éléments corroborent les informations contenues dans la synthèse individuelle code-BUP et les procès-verbaux annexés à la proposition de rectification, documents dont la teneur laissait présumer la détention par M. [Y] [C] et Mme [O] [C] d'avoirs non déclarés en Suisse.

Ainsi, les éléments de preuve rapportés par l'administration fiscale de la détention de comptes bancaires à l'étranger par M. [Y] [C] et Mme [O] [C] non déclarés ne sont, en l'espèce, concrètement combattus par aucun élément susceptible de remettre en cause les informations ainsi consignées dans sa fiche de synthèse individuelle.

Par ailleurs, comme le relève l'administration fiscale, il n'était pas impossible à M. [Y] [C] et Mme [O] [C] de démontrer qu'ils n'étaient pas titulaires de comptes ouverts dans les livres de cette banque, celle-ci pouvant le cas échéant en attester.

Dès lors, M. [Y] [C] et Mme [O] [C] n'apparaissent pas fondés à contester la preuve apportée par l'administration fiscale de leur détention d'avoirs à l'étranger.

Sur l'extension du délai de reprise de l'administration fiscale

M. [Y] [C] et Mme [O] [C] soutiennent subsidiairement que le droit de reprise prévu par les articles L. 188 C et L. 181-0-A du livre des procédures fiscales, est inapplicable au présent litige dès lors qu'aucune instance n'a été initiée en justice et qu'aucune obligation de déclaration du compte ARCADES 22 pesait sur les requérants, la preuve d'une utilisation effective de ce compte par le détenteur d'une procuration, en l'espèce M. [C], n'étant pas rapportée.

Le délai général de reprise, en matière fiscale, est de six ans, ainsi que cela résulte des dispositions de l'article L.186 du livre des procédures fiscales, qui prévoient que lorsqu'il n'est pas expressément prévu de délai de prescription plus court ou plus long, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt. Ce délai s'applique aux procédures de contrôle engagées à compter du 1er juin 2008.

Sur ce,

L'article 1649 A du code général des impôts, dans sa version applicable aux faits, indique que " les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger ", l'article 344 A de l'annexe III de ce code, dans sa version applicable au litige, précisant que " la déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées [ci-dessus] dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident".

L'article L. 181-0-A du livre des procédures fiscales dispose que par exception au premier alinéa de l'article L. 180 et à l'article L. 181, le droit de reprise de l'administration relatif aux impôts et droits qui y sont mentionnés peut s'exercer jusqu'à l'expiration de la dixième année suivant celle du fait générateur de ces impôts ou droits quand ils sont assis sur des biens ou droits mentionnés aux articles 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du code général des impôts, sauf si l'exigibilité des impôts ou droits relatifs aux biens ou droits correspondants a été suffisamment révélée dans le document enregistré ou présenté à la formalité.

Il en est de même pour les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune mentionnés au 2 du I de l'article 885 W du même code à raison de ces mêmes biens ou droits lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles 1649 A, 1649 AA et 1649 AB dudit code n'ont pas été respectées ou que l'exigibilité des droits afférents à ces mêmes biens ou droits n'a pas été suffisamment révélée par la réponse du redevable à la demande de l'administration prévue au a de l'article L. 23 A du présent livre, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures.

Contrairement à ce que soutiennent M. [Y] [C] et Mme [O] [C], il ne résulte aucunement des pièces contenues dans le dossier pénal, que les services fiscaux français auraient eu connaissance dès 2007 des informations relatives aux comptes détenus en Suisse par le requérant, objet des impositions contestées.

De plus, compte tenu de la procédure pénale ouverte à l'égard de M. [K] en Suisse, l'administration fiscale ne pouvait obtenir de la part des autorités suisses dans le cadre de l'assistance administrative, les relevés des comptes bancaires litigieux.

Au surplus, la plainte déposée par l'administration fiscale à l'égard de M. et Mme [C] n'a pas été déclarée irrégulière par l'autorité judiciaire.

Les rehaussements querellés découlent des pièces de la procédure pénale concernant M. [Y] [C] et Mme [O] [C] qui ont notamment mis en lumière la variation du solde mensuel desdits comptes bancaires sur la période allant de 2005 à 2006.

Le délai de reprise a été régulièrement prorogé et les rappels d'impôt de solidarité sur la fortune de 2007 à 2010 notifiés pour la première fois aux intéressés suivant proposition de rectification du 19 décembre 2017 ne sont pas prescrits.

Le moyen est donc rejeté.

Sur le quantum des rehaussements

Les époux [C] font valoir que dans la mesure où les titulaires d'une procuration ne sont pas détenteurs des sommes inscrites sur les comptes litigieux, ces sommes ne pouvaient asseoir une imposition au titre de l'ISF. Ils relèvent également que d'autres personnes sont associées aux comptes de la société BLOOMDALE SA de sorte que la quote-part arrêtée par l'administration fiscale est erronée.

L'administration fiscale affirme que les pièces produites aux débats montrent que les époux [C] avaient la disposition des comptes bancaires litigieux via l'interposition de personnes morales. Elle relève également que la détention individuelle ou la co-détention de compte n'est pas de nature à influer sur la qualification des faits reprochés aux requérants. Elle ajoute qu'à défaut de preuve contraire, les demandeurs étaient présumés co-indivisaires à parts égales des avoirs à l'étranger litigieux avec les autres membres de la famille [C].

Sur ce,

Le 3 juin 2022, l'administration fiscale a procédé à un dégrèvement égal à un tiers de la base imposable concernant les avoirs détenus via la société ARCADES 22, dès lors que Mme [C] n'est titulaire d'aucun droit sur le profil client correspondant à cette personne morale.

Comme exposé dans la proposition de rectification, l'administration fiscale a, à bon droit, déterminé le solde des avoirs imposable à l'ISF pour l'année N au regard du solde connu au 31/12/N-1 auquel ont été additionnés les revenus calculés conformément à l'article 151 du code général des impôts.

Chaque synthèse individuelle, associée au procès-verbal du 13 août 2013, mentionne également que la société BLOOMDALE SA et les profils clients comptent 3 co-indivisaires, entraînant respectivement l'application d'une présomption simple d'une détention d'avoirs à l'étranger à parts égales entre chaque ayant-droit. M. et Mme [C] sont ainsi mal fondés à arguer du défaut de force probante de la fiche de synthèse ou de son imprécision, notamment quant à sa quote-part sur les fonds litigieux, alors qu'il leur incombe de faire la preuve de n'être pas titulaire du compte ou d'une procuration sur ce compte ou celle de n'être propriétaire que d'une partie des sommes y déposées ou celle de l'existence d'autres coindivisaires - preuve qui n'est pas rapportée en l'espèce -, étant précisé que l'article 753 du code général des impôts expose que "tous les titres, sommes ou valeurs existant chez les dépositaires agréés...faisant l'objet de comptes indivis ou collectifs avec solidarité sont considérés, pour la perception des droits de mutation par décès, comme appartenant conjointement aux déposants et dépendant de la succession de chacun d'eux, pour une part virile, sauf preuve contraire réservée tant à l'administration qu'aux redevables, et résultant pour ces derniers soit des énonciations du contrat de dépôt, soit des titres prévus par le 2° de l'article 773".

Dans ces conditions, les éléments produits par l'administration fiscale au soutien de la proposition de rectification permettant d'établir que M. [Y] [C] et Mme [O] [C] entraient dans le champ d'application des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, la preuve de la détention et du montant des avoirs non déclarés à l'étranger est rapportée de manière suffisamment précise pour établir l'assiette d'imposition justifiant la taxation supplémentaire dont M. [Y] [C] et Mme [O] [C] ont fait l'objet.

Par conséquent, M. [Y] [C] et Mme [O] [C] seront déboutés de leur demande de dégrèvement en droits et en pénalités.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Toutefois, aux termes de l'article L. 207 du livre des procédures fiscales, lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, le contribuable ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à des indemnités quelconques, à l'exception des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208.

Aux termes de l'article R.* 207-1, alinéa premier, du même livre, lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, les frais de signification ainsi que, le cas échéant, les frais d'enregistrement du mandat sont remboursés.

M. [Y] [C] et Mme [O] [C] succombant, ils sont condamnés aux dépens.

L'équité commande de rejeter la demande présentée par M. [Y] [C] et Mme [O] [C] au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE M. [Y] [C] et Mme [O] [C] de l'ensemble de leurs demandes ;

DÉBOUTE M. [Y] [C] et Mme [O] [C] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [Y] [C] et Mme [O] [C] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 22 Avril 2024.

LA GREFFIERE,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/12280
Date de la décision : 22/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-22;21.12280 ?
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