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22/04/2024 | FRANCE | N°17/16902

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 22 avril 2024, 17/16902


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :



à
Me LICATA
Me SEIZOVA
Me MEYNARD




9ème chambre 1ère section

N° RG 17/16902 - N° Portalis 352J-W-B7B-CL5CG

N° MINUTE : 2




Assignation du :
11 Octobre 2017









JUGEMENT
rendu le 22 Avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [B] [K]
[Adresse 6]
[Localité 5]

représenté par Maître Gilda LICATA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0838


DÉFEN

DEURS

S.A.S LP PROMOTION en sa qualité de Mandataire Ad’hoc de la SCI LP PROMOTION BEL AIR
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Alexandra SEIZOVA de la SELARL DAFIA & SEIZOVA AVOCATS, avocats au barrea...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

à
Me LICATA
Me SEIZOVA
Me MEYNARD

9ème chambre 1ère section

N° RG 17/16902 - N° Portalis 352J-W-B7B-CL5CG

N° MINUTE : 2

Assignation du :
11 Octobre 2017

JUGEMENT
rendu le 22 Avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [B] [K]
[Adresse 6]
[Localité 5]

représenté par Maître Gilda LICATA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0838

DÉFENDEURS

S.A.S LP PROMOTION en sa qualité de Mandataire Ad’hoc de la SCI LP PROMOTION BEL AIR
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Alexandra SEIZOVA de la SELARL DAFIA & SEIZOVA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1099 et Maître Mathieu SPINAZZE du Cabinet DECKER & Associés, avocats au barreau de Toulouse, avocat plaidant

S.A.S LP PROMOTION en sa qualité d’associés de la SCI LP PROMOTION BEL AIR
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Alexandra SEIZOVA de la SELARL DAFIA & SEIZOVA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1099 et Maître Mathieu SPINAZZE du Cabinet DECKER & Associés, avocats au barreau de Toulouse, avocat plaidant

Monsieur [M] [W]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Alexandra SEIZOVA de la SELARL DAFIA & SEIZOVA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1099 et Maître Mathieu SPINAZZE du Cabinet DECKER & Associés, avocats au barreau de Toulouse, avocat plaidant

Société EXELL FINANCE SAS, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 424 582 823, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0240 et Maître Laura SOULIER de la SCP RSG Avocats, avocats au barreau de Toulouse, avocat plaidant

Société LP PROMOTION BEL AIR représentée par LP PROMOTION
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Alexandra SEIZOVA de la SELARL DAFIA & SEIZOVA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1099 et Maître Mathieu SPINAZZE du Cabinet DECKER & Associés, avocats au barreau de Toulouse, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,
Patrick NAVARRI, Vice-président

assistés de Pierre-Louis MICHALAK, Greffier lors de l’audience et de Chloé DOS SANTOS, Greffière lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 05 Février 2024 tenue en audience publique devant Marine PARNAUDEAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Les parties, ayant toutes été informées par le greffe que la date du délibéré initialement prévue au 27 mai 2024, serait avancée au 22 avril 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [Z] [K] a signé le 2 février 2008 un contrat de réservation pour un appartement de type T2 d'une superficie de 36,27 m² et d'un stationnement, dans la [Adresse 8], sise à [Localité 7], moyennant un prix de 119.844 euros TTC, promu par la SCI LP PROMOTION BEL AIR. Il s'agissait d'un investissement immobilier locatif bénéficiant du régime fiscal de faveur dit "Robien recentré".

La vente en l'état futur d'achèvement a été régularisée le 27 mai 2008, en l'étude de Maître [Y] [L], notaire à [Localité 2], et la livraison du bien a eu lieu le 26 janvier 2009.

Le financement de cette acquisition s'est fait par le moyen d'un prêt souscrit en 8 avril 2008, auprès de la BNP PARIBAS INVEST IMMO, pour un montant de 120.394 euros pour une durée de 27 ans et remboursable au taux annuel révisable de 4,60 % l'an.

La SCI LP PROMOTION BEL AIR a fait l'objet d'une dissolution amiable selon l'assemblée générale en date du 30 juin 2014. Par ordonnance en date du 22 juin 2017, le tribunal de grande instance de Toulouse a nommé la société LP PROMOTION dirigée par son président M. [M] [W], pour la représenter dans la présente procédure.

Le 25 juillet 2017, M. [B] [Z] [K] a fait évaluer son bien immobilier qui a été estimé entre 45.000 euros et 50.000 euros.

Par exploits séparés des 11 et 16 octobre 2017, M. [B] [Z] [K] a fait assigner devant la présente juridiction la SAS LP PROMOTION en qualité d'associée de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, la SAS LP PROMOTION en qualité de mandataire ad’hoc de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, M. [M] [W] et la SAS EXELL FINANCE, sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1154 du code civil, en responsabilité pour manquement à leur obligation d'information et de conseil.

Par acte d'huissier du 18 avril 2019, M. [B] [Z] [K] a fait assigner devant la présente juridiction M. [M] [W] en qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, la SAS LP PROMOTION en qualité de mandataire ad hoc de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, et la SAS EXELL FINANCE, sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1154 du code civil, en responsabilité pour manquement à leur obligation d'information et de conseil.

Par ordonnance du 26 octobre 2020, le juge de la mise en état de ce tribunal a ordonné la jonction de ces deux instances.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées le 5 septembre 2023, M. [B] [Z] [K] demande au tribunal, au visa de l'ancien article 1382 du code civil, de l'article 1343-2 du code civil, des articles L.111-1, L.120-1, L.121-1 et L.121-29 anciens du code de la consommation, de :

“- DIRE que l'action de Monsieur [B] [Z] [K] n'a été en mesure de découvrir son préjudice que le 25 février 2017, date à laquelle il a été informé de la perte de valeur de son bien,
- DIRE que l'action de Monsieur [B] [Z] [K] introduite par exploits d'huissiers le 11 et 16 octobre 2017 et le 18 avril 2019, est manifestement recevable et non prescrite,

Et statuant à nouveau :
- DIRE que l'opération présentée à Monsieur [B] [Z] [K] était une opération financière complexe de long terme (i) ayant pour support un bien immobilier géré par un tiers, (ii) intégralement financée par un emprunt remboursé par la perception de loyers, par les réductions d'impôt procurées par le dispositif d'incitation fiscale de Robien Classique avec en complément un effort d'épargne mensuel, (iii) destinée à permettre, suivant la revente du bien au terme de l'engagement de location, le remboursement du prêt contracté et la réalisation d'un capital net supérieur à l'effort d'épargne fourni et donc la constitution d'un capital,
- DIRE que la société EXELL FINANCE est intervenue dans le cadre d'un démarchage pour présenter l'opération à Monsieur [B] [Z] [K] était tenue à son égard à une obligation d'information, à un devoir de conseil et de mise en garde,
- DIRE que dans le cadre de cette opération, les perspectives de valorisation du bien au terme de l'engagement de location revêtaient une importance essentielle pour ne pas dire cruciale dès lors que la possibilité d'atteindre l'objectif assigné à l'opération (la constitution d'un capital) dépendait très étroitement et principalement de la valeur du bien au terme de l'engagement delocation,
- DIRE qu'il appartenait en conséquence à la société EXELL FINANCE de se renseigner sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l'engagement de location pour (i) informer utilement Monsieur [B] [Z] [K] et satisfaire à son obligation d'information, (ii) vérifier que l'opération proposée était adaptée à l'objectif de constitution d'un capital de Monsieur [B] [Z] [K] et satisfaire à son devoir de conseil,
- DIRE qu'en s'abstenant de réaliser la moindre étude sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l'engagement de location et en communiquant à Monsieur [B] [Z] [K] de l'étude financière faisant état de perspectives de valorisation du bien litigieux au terme de l'engagement de location totalement irréalistes et fondées sur des données purement théoriques, la société EXELL FINANCE a manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil,
- DIRE que la société EXELL FINANCE, nécessairement consciente en sa qualité de professionnel des risques qu'elle faisait courir à Monsieur [B] [Z] [K] aurait dû attirer l'attention de Monsieur [B] [Z] [K] sur le caractère purement théorique des informations de l'étude financière relatives aux perspectives de réalisation d'un capital et les risques pour lui à s'engager dans une opération dont la réussite était fondée sur des données purement théoriques,
Qu'à aucun moment, cette mise en garde n'a été opérée, la seule mention du caractère non contractuel de l'étude financière étant parfaitement insuffisante à caractériser une telle mise en garde,
- DIRE que quand bien même Monsieur [B] [Z] [K] n'ignorait pas que l'investissement proposé (comme d'ailleurs tout investissement) comportait une part d'aléa, l'absence d'étude préalable par la société EXELL FINANCE sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l'engagement de location et la communication sans mise en garde d'une information y relative totalement irréaliste, ont conduit Monsieur [B] [Z] [K] à s'exposer à un risque certain ou quasi-certain qui s'est réalisé,
- DIRE que les manquements de la société EXELL FINANCE et de la SCI LP PROMOTION BEL AIR à leur obligation d'information, à leur devoir de conseil et de mise en garde ont privé Monsieur [B] [Z] [K] de la chance d'éviter le risque certain ou quasi certain qui s'est réalisé (i) que la valeur du bien au terme de l'engagement de location ne permet pas de réaliser un capital net supérieur à l'effort d'épargne fourni, (ii) que la valeur du bien au terme de l'engagement de location ne permet même pas de rembourser le solde du capital restant dû auprès de l'établissement ayant financé l'opération litigieuse, (iii) d'avoir ainsi, et pendant de nombreuses années, fourni en vain un important effort d'épargne (sans constituer le moindre capital)

En conséquence,
- CONDAMNER in solidum, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir, la SCI LP PROMOTION BEL AIR représentée par la société LP PROMOTION, en sa qualité de mandataire ad hoc de la SCI LP PROMOTION, la société LP PROMOTION en sa qualité d'associée de la SCI LP PROMOTION, Monsieur [M] [W] en sa qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION à proportion de leurs droits sociaux dans la SCI LP PROMOTION BEL AIR et la société EXELL FINANCE au paiement à Monsieur [B] [Z] [K] de la somme de 80.287 euros au titre de la réparation du préjudice,
- DIRE que les manquements des sociétés EXELL FINANCE et de la SCI LP PROMOTION BEL AIR à leur obligation d'information et à leur devoir de conseil sont aussi pour Monsieur [B] [Z] [K], la cause d'un préjudice moral distinct du préjudice financier causé par le stress lié à la présente procédure initiée pour faire valoir ses droits,
- COMDAMNER, in solidum avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir, la SCI LP PROMOTION BEL AIR représentée par la société LP PROMOTION, en sa qualité de mandataire ad hoc de la SCI LP PROMOTION, la société LP PROMOTION en sa qualité d'associée de la SCI LP PROMOTION, Monsieur [M] [W] en sa qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION à proportion de leurs droits sociaux dans la SCI LP PROMOTION BEL AIR et la société EXELL FINANCE, au paiement à Monsieur [B] [Z] [K] de la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause :
- COMDAMNER, in solidum la SCI LP PROMOTION BEL AIR représentée par la société LP PROMOTION, en sa qualité de mandataire ad hoc de la SCI LP PROMOTION, la société LP PROMOTION en sa qualité d'associée de la SCI LP PROMOTION, Monsieur [M] [W] en sa qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION à proportion de leurs droits sociaux dans la SCI LP PROMOTION BEL AIR et la société EXELL FINANCE , au paiement à Monsieur [B] [Z] [K] de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,
- DIRE infondées les Défendeurs en leur argumentation,
- LES DEBOUTER de toutes leurs demandes fins et conclusions contraires”.

Au soutien de ses prétentions, M. [K] estime que la société EXELL FINANCE a manqué aux obligations d'information et de conseil qui reposent spécifiquement sur elle en sa qualité de conseiller en gestion de patrimoine, en application notamment des articles L. 111-1 du code de la consommation, en se prévalant de l'évolution du nombre de logements à [Localité 7] et d'avis de valeur effectués par des agents immobiliers.

Il déplore ainsi avoir acquis un bien immobilier ayant subi une perte de valeur manifeste depuis sa date d'achat, de n'avoir pas réalisé de plus-values au terme de la période de défiscalisation comme évoqué dans la simulation financière alors qu'il appartenait à la société EXELL FINANCE de s'assurer de l'état du marché immobilier. Il souligne que la société EXELL FINANCE n'a fait preuve d'aucune rigueur dans l'élaboration de l'étude financière qu'elle lui a remis, laquelle ne repose pas sur les perspectives objectives et réelles de valorisation du bien au terme de la période de défiscalisation, mais uniquement sur des données purement théoriques et exclusivement avantageuses fondées sur un postulat théorique d'une rentabilité de 20% et de la constitution d'un capital de 49767 euros à l'issue d'une période de neuf ans.

Le demandeur précise également que la société EXELL FINANCE ne lui a pas communiqué les informations relatives aux risques pesant sur l'opération et sur son caractère purement spéculatif.
Selon lui, la SCI LP PROMOTION BEL AIR qui a réalisé la brochure promotionnelle de cet investissement et qui a mandaté la société EXELL FINANCE pour vendre ses produits de défiscalisation est responsable des manquements de son mandataire. Il fait valoir qu'il appartenait à la société EXELL FINANCE de se renseigner et de l'informer sur les perspectives de valorisation du bien au terme de de cette période et ce pour lui permettre de prendre sa décision d'investissement en toute connaissance de cause (obligation d'information), et de vérifier que l'investissement proposé était adapté à son objectif de constitution d'un capital (devoir de conseil).

Il estime que ses demandes ne sont pas prescrites puisque son préjudice, consistant en une perte de chance de ne pas s'engager, dès lors qu'il est dans l'impossibilité de réaliser un capital supérieur à l'effort d'épargne fourni ne lui a été révélé, que le 25 juillet 2017 (date de l'estimation de son bien) en sorte que son action n'est nullement prescrite.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2023, la SAS LP PROMOTION en qualité d'associée de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, la SAS LP PROMOTION en qualité de mandataire ad’hoc de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, M. [M] [W] en qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION BEL AIR demandent au tribunal sur le fondement des articles 1116, 1382, 2222 et 2224 du code civil et des articles 31 et 122 du code de procédure civile, de :

“A Titre Liminaire :
- Ecarter des débats les pièces n° 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140 et 141 de M. [K] pour n'avoir pas été communiquées aux sociétés concluantes,

A Titre Principal :

Statuant sur l'intérêt à agir de M. [K] :
- CONSTATER que la SCI LP PROMOTION BEL AIR n'a pas été valablement assignée,
- DECLARER les demandes formées par M. [K] à l'encontre de la SAS LP PROMOTION, es qualité de mandataire ad'hoc et d'associé de la SCI LP PROMOTION BEL AIR et de M. [M] [W], à titre personnel, irrecevables pour défaut d'intérêt à agir,
- DECLARER les demandes formées par M.[K] à l'encontre de la SAS LP PROMOTION en qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION BEL AIR et à l'encontre de de M.[M] [W] en qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION BEL AIR irrecevables pour défaut d'intérêt à agir,
- DECLARER les demandes formées par M. [K] à l'encontre de la SCI LP PROMOTION BEL AIR représentée par la société LP PROMOTION, en sa qualité de mandataire ad hoc, irrecevables pour défaut d'intérêt à agir,
- DEBOUTER Monsieur [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

Statuant sur la prescription :
- DECLARER les demandes formées par Monsieur [K] à l'encontre de tous les concluants, à savoir la SAS LP PROMOTION, es qualité de mandataire ad'hoc et d'associé de la SCI LP PROMOTION BEL AIR ; de Monsieur [M] [W], à titre personnel et en sa qualité de d'associé, et à l'encontre de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, représentée par SAS LP PROMOTION, irrecevables pour cause de prescription,
- DEBOUTER Monsieur [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

A Titre Subsidiaire :
Si le Tribunal considère que Monsieur [K] justifie d'un intérêt à agir et que ses demandes ne sont pas prescrites :
- METTRE HORS DE CAUSE la SAS LP PROMOTION es qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION BEL AIR,
- METTRE HORS DE CAUSE Monsieur [M] [W], es qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION BEL AIR,
- METTRE HORS DE CAUSE la SCI LP PROMOTION BEL AIR, représentée par SAS LP PROMOTION,
- DIRE ET JUGER que Monsieur [K] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute commise par la SAS LP PROMOTION, Monsieur [W] ou la SCI LP PROMOTION BEL AIR, d'un préjudice et d'un lien de causalité,
- DIRE ET JUGER que la SCI LP PROMOTION BEL AIR n'a commis aucun manquement à son obligation d'information et de conseil,
- DIRE ET JUGER qu'aucune faute ne peut être imputée à la SCI LP PROMOTION BEL AIR,
- DIRE ET JUGER que les demandes indemnitaires formées par Monsieur [K] sont injustifiées et infondées au regard des manquements invoqués,
- DEBOUTER Monsieur [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions comme étant non justes et non fondées,

En Tout Etat de Cause :
- CONDAMNER Monsieur [K] à payer à la SAS LP PROMOTION, es qualité de mandataire ad'hoc de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, à la SAS LP PROMOTION es qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, à Monsieur [M] [W] ainsi qu'à la SCI LP PROMOTION BEL AIR, représentée par la SAS LP PROMOTION es qualité de mandataire ad hoc, la somme de 5.000 €, chacun, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER Monsieur [K] au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Alexandra SEIZOVA, Avocat”.

La SAS LP PROMOTION et M. [W] affirment que M. [K] ne justifie d'aucun intérêt à agir à leur égard, M. [W] ayant été attrait en justice à titre personnel, la SCI LP PROMOTION BEL AIR n'ayant pas été assignée à la présente instance au regard de l'acte introductif d'instance, aucun titre n'ayant été préalablement obtenu contre cette société et aucune faute commise par ladite société n'étant établie.

Les défendeurs estiment aussi que le demandeur est irrecevable en ses prétentions, l'action étant prescrite depuis le 19 juin 2013, le point de départ du délai de prescription se situant au jour de l'acte authentique de vente, soit au 27 mai 2008. Ils relèvent qu'aucun élément ne permet de reporter le point de départ de ce délai sauf à lui conférer un caractère purement potestatif.

Sur le fond, les défendeurs prétendent que le mandat que la SCI LP PROMOTION BEL AIR a confié en sa qualité de promoteur immobilier à un tiers, portait uniquement sur la vente de logements et n'incluait en aucun cas une opération fiscale, de sorte qu'elle ne peut être tenue des éventuels manquements aux obligations de conseil ou d'information sur l'objectif financier recherché par le demandeur. Ils soulignent que la SCI LP PROMOTION BEL AIR n'était pas tenue elle-même d'une obligation de conseil ou d'information à l'égard du demandeur. Ils précisent que cette société n'a aucun lien contractuel avec la société EXELL FINANCE et M. [I] [F]. Enfin, les défendeurs font valoir que M. [B] [Z] [K] ne rapporte pas la preuve qu'au moment l'acquisition du bien, le prix de vente était manifestement surévalué, ce qu'ils contestent au regard des variations du marché immobilier. Les défendeurs affirment que M. [B] [Z] [K] ne justifie d'aucune faute à l'égard des défendeurs, d'aucun préjudice indemnisable et d'aucun lien de causalité si bien que ses prétentions doivent être rejetées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 juin 2023, la société EXELL FINANCE, demande au tribunal, sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile, des articles 1240, 1383 à 1383-3 et 2224 du code civil, de :

“- DIRE ET JUGER que les demandes formulées par M. [B] [K] contre la société EXELL FINANCE sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir,
- DIRE ET JUGER que les demandes formulées par M. [B] [K] sont irrecevables car prescrites,
- PRENDRE ACTE que, s'agissant de la rentabilité locative, M. [B] [K], par aveu judicaire, a reconnu que ses demandes étaient prescrites,
- REJETER, en conséquence, l'intégralité des demandes, fins et conclusions formulées par M. [B] [K],
- CONDAMNER M. [B] [K] à verser à la société EXELL FINANCE la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- CONDAMNER M. [B] [K] à payer à la société EXELL FINANCE la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER M. [B] [K] aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Maître Jean-Didier MEYNARD en application de l'article 699 du code de procédure civile”.

La société EXELL FINANCE fait tout d'abord valoir que la SCI LP PROMOTION BEL AIR, constructeur et promoteur de la [Adresse 8] a confié à la société INSTITUT FRANÇAIS POUR L'INVESTISSEMENT (IFPI), devenue AKTIF + - dont M. [I] [F] est salarié, le soin de commercialiser les lots de ladite résidence. Elle précise ensuite que la société IFPI a sous-mandaté aux sociétés EXELL FINANCE et GPI FINANCE le soin de conseiller l'acquisition de ces lots auprès d'investisseurs. Elle souligne que seule la société GPI FINANCE a prodigué des conseils à M. [K] et a perçu la commission contractuellement prévue. Elle affirme, par ailleurs, qu'elle a prêté son simulateur à la société GPI FINANCES ce qui est confirmé par le dirigeant de la société IFPI. Etant étrangère à l'investissement querellé, elle soutient que M. [K] est dépourvu d'un intérêt à agir à son endroit.

Elle soutient également que l'action de M. [B] [Z] [K] est prescrite, le point de départ du délai de prescription commençant à courir à compter de la signature de l'acte notarié de vente du 27 mai 2008. La défenderesse relève que reporter le point de départ du délai de prescription de cette action en justice à la date de l'estimation du bien, a un caractère artificiel et est source d'insécurité juridique.

Enfin, la société EXELL FINANCE prétend que M. [B] [Z] [K] l'a attraite abusivement en justice alors qu'il savait pertinemment qu'elle était étrangère à l'investissement litigieux, que l'action du demandeur s'inscrit dans un mouvement concerté de plusieurs acquéreurs d'une grande ampleur, puisque neuf assignations ont été délivrées à son encontre en même temps depuis le 5 juin 2015, que cette faute lui cause un préjudice notoire consistant à subir des tracas procéduraux.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 octobre 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures de la demanderesse quant à l'exposé du surplus de ses prétentions et moyens.

MOTIFS

1.Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action indemnitaire de M. [K]

Aux termes de l'article 2224 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Conformément à l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008 “les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure”.

La prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Ainsi, le dommage résultant d'un manquement à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil consistant en la perte de la chance de ne pas contracter, se manifeste dès la conclusion du contrat envisagé, à moins que celui qui se plaint de ce manquement ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage.

Dans le cas présent, M. [B] [Z] [K] fait valoir que le dommage est essentiellement constitué par l'absence de toute information et vérification par la société EXELL FINANCE de la valeur réelle du bien immobilier lors de son acquisition et de l'absence d'information sur l'état du marché immobilier à [Localité 7]. Cette société aurait manqué, par suite, à son devoir d'information et de conseil pour n'avoir pas mis en exergue les risques de dévalorisation de cet immeuble consécutifs à l'essor des constructions sur cette commune.

Il convient toutefois d'observer que la démarche consistant à faire procéder à l'évaluation par une agence immobilière du bien acquis ne procède que de la seule volonté de l'acquéreur. Aussi, la date de communication à M. [B] [Z] [K] du prix de son bien immobilier ne saurait constituer la date à laquelle il a connu les faits lui permettant d'exercer son action indemnitaire, et par là de reporter le point de départ du délai de prescription, sauf à conférer à ce délai un caractère purement potestatif.

Or, au jour de la vente de l'immeuble, M. [K] disposait de tous les éléments lui permettant d'en apprécier les caractéristiques et sa valeur.

Il appartient aux acquéreurs potentiels d'immeuble de procéder à quelques vérifications, en dehors des avantages fiscaux, lorsqu'ils font une acquisition immobilière. Il paraît, en effet, nécessaire pour tout acquéreur potentiel de vérifier le prix moyen d'achat au mètre carré d'immeubles présentant des caractéristiques similaires sur la commune, étant relevé que ces informations sont facilement accessibles au public. Le demandeur ne justifie pas qu'il en aurait été empêché.

Si M. [B] [Z] [K] s'était renseigné, avant de conclure la vente, sur le prix moyen du mètre carré pour des immeubles de caractéristiques similaires à [Localité 7], il aurait alors pu détecter l'éventuelle surévaluation du prix au mètre carré et du prix du bien et de la perte de rentabilité de son investissement dont il se plaint, laquelle, au surplus, n'est d'ailleurs pas démontrée dans le cas présent. Il y a lieu de souligner que le grief tenant à la rentabilité de l'investissement litigieux ne résulte pas d'un défaut d'information sur la valeur locative du bien ou sur l'avantage fiscal escomptés. A cet égard, le demandeur qui se garde de produire une estimation de la valeur de ce bien à l'époque de son acquisition, verse à la procédure un avis de valeur qui démontre que neuf ans après la conclusion du contrat de vente, la valeur de son appartement oscillait entre 45000 euros et 50000 euros. Cette évaluation est postérieure de plusieurs années à l'achat litigieux et ne peut être déterminante dès lors que cette valeur dépend d'aléas liés à l'évolution du marché inhérent à tout achat immobilier et à la conjoncture économique.

Il ressort donc de ces constatations que M. [B] [Z] [K] aurait dû connaître, dès l'acte notarié de vente, les faits qu'ils reprochent à la société EXELL FINANCE et aux autres défendeurs au soutien de son action en réparation.

La prescription, qui a par conséquent commencé à courir le 27 mai 2008 et expiré le 19 juin 2013, était donc acquise les 11 et 16 octobre 2017, jours de la délivrance de l'assignation et le 18 avril 2019, date de la délivrance de l'assignation en intervention forcée.

M. [B] [Z] [K] sera par conséquent déclaré irrecevable en ses demandes en réparation de la perte de chance de n'avoir pas contracté au regard des informations et conseils portant sur la valeur du bien au jour de son acquisition et sur la rentabilité de son investissement dont il n'aurait pas été destinataire.

2.Sur la demande reconventionnelle de la société EXELL FINANCE

Il appartient à celui qui se plaint d'un dommage de démontrer non seulement son existence mais également son étendue.

En l'espèce, la multiplication de procès dont se prévaut la société EXELL FINANCE n'est pas le fait et n'est pas directement imputable à M. [B] [Z] [K], qui n'a introduit qu'une seule instance à l'encontre de la société EXELL FINANCE. Il ne peut donc être tenu responsable des nombreuses assignations reçues par la société EXELL FINANCE.

La société EXELL FINANCE estime également que M. [B] [Z] [K] a engagé une action judiciaire en sachant que son cocontractant était la société GPI FINANCE et par conséquent de façon totalement abusive.

L'exercice d'une action en justice ne peut constituer une faute qu'en cas d'abus.

En d'autres termes, l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

La société EXELL FINANCE ne rapporte pas la preuve d'un abus de la part de M. [B] [Z] [K] dans l'exercice de son action, qui ne saurait résulter de sa prescription ou du défaut d'intérêt à agir ou encore de son seul caractère infondé, ainsi qu'elle le soutient.

Elle sera par conséquent déboutée de sa demande reconventionnelle.

3.Sur les demandes accessoires

Succombant à l'instance, M. [B] [Z] [K] sera condamné aux dépens, qui seront distraits selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Compte tenu de la forte diminution de la valeur du bien immobilier litigieux, il est conforme au principe d'équité de ne pas faire droit aux demandes d'article 700 du Code de procédure civile des défendeurs.

Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, susceptible d'appel, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE M. [B] [Z] [K] irrecevable en toutes ses demandes ;

DÉBOUTE la société EXELL FINANCE de sa demande de dommages-intérêts ;

DEBOUTE M. [B] [Z] [K] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société EXELL FINANCE de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SAS LP PROMOTION, es qualité de mandataire ad hoc de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, la SAS LP PROMOTION es qualité d'associé de la SCI LP PROMOTION BEL AIR, Monsieur [M] [W] ainsi que la SCI LP PROMOTION BEL AIR, représentée par la SAS LP PROMOTION es qualité de mandataire ad’hoc, de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [B] [Z] [K] aux dépens ;

AUTORISE Maître Alexandra SEIZOVA, avocat, et Maître Jean-Didier MEYNARD avocat, à recouvrer directement contre M. [B] [Z] [K] ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 22 Avril 2024.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 17/16902
Date de la décision : 22/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-22;17.16902 ?
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