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12/04/2024 | FRANCE | N°24/02907

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp référé, 12 avril 2024, 24/02907


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies conformes délivrées
le : 12/04/2024
à : - Me J.-M. NOYER
- Mme I. [Y]

Copie exécutoire délivrée
le : 12/04/2024
à : - Me J.-M. NOYER

La Greffière,

Pôle civil de proximité


PCP JCP référé

N° RG 24/02907 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4JZV

N° de MINUTE :
1/2024






ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 12 avril 2024




DEMANDEURS
Monsieur [X] [W], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean-Marc NOYER, Avocat a

u Barreau de PARIS, vestiaire : #G129
Madame [U] [V] épouse [W], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jean-Marc NOYER, Avocat au Barreau de PARIS, vestiaire : #G129


DÉFENDERESSE
...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies conformes délivrées
le : 12/04/2024
à : - Me J.-M. NOYER
- Mme I. [Y]

Copie exécutoire délivrée
le : 12/04/2024
à : - Me J.-M. NOYER

La Greffière,

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/02907 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4JZV

N° de MINUTE :
1/2024

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 12 avril 2024

DEMANDEURS
Monsieur [X] [W], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean-Marc NOYER, Avocat au Barreau de PARIS, vestiaire : #G129
Madame [U] [V] épouse [W], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jean-Marc NOYER, Avocat au Barreau de PARIS, vestiaire : #G129

DÉFENDERESSE
Madame [T] [Y], demeurant [Adresse 2]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Nicole COMBOT, Première Vice-Présidente, Juge des contentieux de la protection
assistée de Madame Nathalie BERTRAND, Greffière

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 25 mars 2024

Décision du 12 avril 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/02907 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4JZV

ORDONNANCE
réputée contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024 par Madame Nicole COMBOT, Première Vice-Présidente, assistée de Madame Nathalie BERTRAND, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V] sont propriétaires dans un immeuble situé à l’angle du [Adresse 2] et du [Adresse 4], au sous-sol d’une cave, au rez-de-chaussée d’un local à usage commercial consistant en une salle de café avec cuisine et WC, qui communique avec la cave par un escalier et, enfin, au premier étage porte gauche d’un appartement de trois pièces à usage d’habitation.

S’étant rendu compte que la porte de l’appartement avait été forcée, Monsieur [X] [W] a déposé plainte le 6 novembre 2023 au commissariat de police du 18ème arrondissement et a fait constater, par commissaire de justice le 12 février 2024, l’occupation des lieux par Madame [T] [Y].

Par acte de commissaire de justice en date du 29 février 2024, Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V] ont fait assigner Madame [T] [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins, sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de voir :
- constater que Madame [T] [Y] est occupante sans droit ni titre des lieux et en conséquence, ordonner, à défaut de départ volontaire, son expulsion immédiate ainsi que celle de tous occupants de son chef, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et si nécessaire avec l’aide de la force publique et d’un serrurier,
- supprimer le délais des articles L.412-1 et L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution,
- ordonner la séquestration des meubles aux frais de Madame [T] [Y],
- condamner Madame [T] [Y] au paiement d'une indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation de 1.800 euros, à compter du 4 novembre 2024,
- condamner Madame [T] [Y] au paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, cette somme incluant la facture de la société KSL GLOBAL SOLUTION d’un montant de 170,50 euros,
- condamner Madame [T] [Y] au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens en ce compris les frais de constat du commissaire de justice du 12 février 2024.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V] font valoir que l'occupation par Madame [T] [Y] de leur logement est constitutive d'une voie

de fait qui leur cause un préjudice matériel et financier important tenant à la dégradation du bien (forçage de la porte d'entrée), à l'impossibilité d’en jouir et à la nécessité de faire procéder aux réparations sollicitées par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble pour supprimer le branchement au réseau d’eau dans les parties communes opéré par les occupants sans droit ni titre de leur bien.

À l’audience du 25 mars 2024 à laquelle l’affaire a été appelée, Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V], représentés par leur conseil, ont sollicité le bénéfice de leur acte introductif d'instance, auquel, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Bien que régulièrement assignée à étude du commissaire de justice, Madame [T] [Y] n'a pas comparu et ne s'est pas faite représenter. Il sera, par conséquent, statué par décision réputée contradictoire à son égard.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le juge statue néanmoins mais ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande d’expulsion en raison de l'occupation illicite du logement

En application de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est la perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

En vertu de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. L'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite auquel il appartient au juge des référés de mettre fin.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats et notamment du constat dressé par Maître [S] le 12 février 2024 que Madame [T] [Y] occupe le logement litigieux, appartenant à Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V], à des

fins d'habitation. En effet, dans son procès-verbal de constat, le commissaire de justice a rencontré sur place Madame [T] [Y] qui lui a indiqué occuper les lieux et que “ tout était en règle ”.

Les demandeurs produisent un contrat de location au terme duquel le logement aurait été donné à bail le 26 octobre 2022 à Madame [T] [Y] par Monsieur [R] [Z], lequel n’est manifestement pas le propriétaire des lieux.

Dès lors, l'occupation des lieux par Madame [T] [Y] est établie, de même que le défaut de tout droit ou titre d'occupation, Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V] n'ayant nullement consenti à une telle occupation.

Il convient donc d’ordonner l’expulsion de Madame [T] [Y], selon les modalités détaillées dans le dispositif de la présente décision.

Le recours à la force publique se révélant une mesure suffisante pour contraindre Madame [T] [Y] à quitter les lieux, il n’y a pas lieu d’ordonner une astreinte, les demandeurs obtenant, par ailleurs, une indemnité d’occupation.

S’agissant des meubles, il y a seulement lieu de prévoir qu’en cas d’expulsion, les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du code des procédures civiles d'exécution, qui permettent d’en régler le sort et il n’y a pas lieu de prévoir d’autres dispositions lesquelles ne sont pas à ce jour nécessaires et ne sont justifiées par aucun litige actuel.

Sur la demande de suppression du délai de deux mois prévu par l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution

L'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement de quitter les lieux, sans préjudice des dispositions des articles L.412-3 à L.412-7 du même code. Ce délai ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate que les personnes dont l'expulsion est ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.

En l’espèce, le commissaire de justice a constaté dans son procès-verbal du 12 février 2024 que la porte avait été forcée et que la serrure posée légèrement de travers était récente. Les traces de forçage sont nombreuses et manifestes et ont été dissimulées par endroit par la pose de tasseaux.

Madame [T] [Y] étant entrée dans les locaux par voie de fait, le délai de deux mois prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution n'a pas vocation à s'appliquer.

Sur la demande de suppression du bénéfice de la trêve hivernale

Aux termes de l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3 du même code, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.

En l’espèce, en raison de la voie de fait commise pour s’introduire dans les lieux, il y a lieu de supprimer le bénéfice de la trêve hivernale.
Sur la provision au titre de l'indemnité d'occupation
Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peut accorder une provision au créancier.
L'obligation non sérieusement contestable vise aussi bien les créances d'origine contractuelle, quasi contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle, le juge des référés étant cependant tenu de préciser la nature de l'origine de cette créance ou la nature de l'obligation la fondant. Il y a une contestation sérieuse chaque fois que la décision du juge des référés l'obligerait à se prononcer préalablement sur une contestation relative à l'existence d'un droit ou le conduirait à se prononcer sur le fond du litige, par exemple en portant une appréciation sur la validité, la qualification ou l'interprétation d'un acte juridique. Ce dernier apprécie souverainement le montant de la provision à accorder.
Le maintien dans des lieux, sans droit ni titre, constitue une faute civile de nature quasi délictuelle ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.
En l’espèce, afin de préserver les intérêts de Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V], il convient de dire que Madame [T] [Y] sera redevable, à leur égard, d'une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 4 novembre 2023, date à laquelle la présence de Madame [T] [Y] dans les lieux litigieux est établie par la production à cette date entre les mains de Monsieur [X] [W] d’un contrat de bail sur lequel figure le nom de Madame [T] [Y] et ce, jusqu'à libération effective des lieux.

Compte tenu, d'une part, des caractéristiques des lieux occupés (trois pièces), de sa localisation, ([Localité 1], dans le secteur de [Localité 5]), de la simulation de location des propriétaires, mais aussi du fait que le bien est inhabitable depuis deux ans, les conduites de gaz, d’eau et les radiateurs ayant été arrachés par les anciens locataires qui ont été expulsés, selon les déclarations de Monsieur [X] [W] dans son dépôt de plainte du 6 novembre 2023, et enfin de la nécessité de rendre dissuasive l'occupation tout en compensant le préjudice subi par les demandeurs, l'indemnité d'occupation peut être fixée à 1.200 euros par mois. Madame [T] [Y] sera ainsi condamnée au paiement de cette somme à titre provisionnel.
Sur les dommages et intérêts
En application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile alinéa 2, le juge des contentieux de la protection, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier.
En l’espèce, Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V] sollicitent la condamnation de Madame [T] [Y] à leur payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Cette demande de condamnation définitive qui n’est pas formée à titre provisionnel, excéde les pouvoirs du juge des référés.

Sur les demandes accessoires

Madame [T] [Y], partie perdante, supportera la charge des dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile, qui comprendront notamment le coût du constat de commissaire de justice du 12 février 2024.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des demandeurs les frais exposés par eux dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1.500 euros leur sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des contentieux de la protection, statuant en référé, publiquement, après débats en audience publique, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, prononcée par mise à disposition au greffe,

Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent, vu l’existence d’un trouble manifestement illicite et l'absence de contestation sérieuse,

Constatons que Madame [T] [Y] est occupante sans droit ni titre du logement situé au premier étage porte gauche de immeuble à l’angle des [Adresse 2] et [Adresse 4] ;

Ordonnons, en conséquence, à Madame [T] [Y] de libérer les lieux immédiatement à compter de la signification de la présente ordonnance ;

Disons qu’à défaut pour Madame [T] [Y] d’avoir volontairement libéré les lieux, Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V] pourront faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, conformément à l'article L.411-1 du code des procédures civiles d'exécution, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

Précisons que les dispositions de l’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution relatives à la trêve hivernale n'ont pas lieu à s'appliquer, de même que le délai de deux mois de l’article L.412-1 du même code ;

Déboutons Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V] de leur demande d'astreinte ;

Rappelons que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamnons Madame [T] [Y] à verser à Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V] une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle d'un montant de 1.200 euros à compter du 4 novembre 2023 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion) ;

Disons que la demande de dommages et intérêts de Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V] excéde les pouvoirs du juge des référés ;

Condamnons Madame [T] [Y] à verser à Monsieur [X] [W] et son épouse Madame [U] [V] une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Madame [T] [Y] aux dépens, qui comprendront notamment le coût du constat du commissaire de justice du 12 février 2024 ;

Rappelons que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits, et signé par la Juge et la Greffière susnommées.

La Greffière,La Première Vice-Présidente,
Décision du 12 avril 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/02907 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4JZV


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp référé
Numéro d'arrêt : 24/02907
Date de la décision : 12/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-12;24.02907 ?
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