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12/04/2024 | FRANCE | N°23/10150

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp référé, 12 avril 2024, 23/10150


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies conformes délivrées
le : 12/04/2024
à : - Me A. JAHJAH-OUEIS
- Me B. LE FOYER DE COSTIL

Copie exécutoire délivrée
le : 12/04/2024
à : - Me B. LE FOYER DE COSTIL

La Greffière,

Pôle civil de proximité


PCP JCP référé

N° RG 23/10150 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3UG6

N° de MINUTE :
2/2024






ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 12 avril 2024


DEMANDEUR
Monsieur [D] [J], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Aref J

AHJAH-OUEIS, Avocat au Barreau de PARIS, vestiaire : #C0350


DÉFENDERESSE
Madame [H] [B], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Blandine LE FOYER DE COSTIL, Avocate au Barrea...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies conformes délivrées
le : 12/04/2024
à : - Me A. JAHJAH-OUEIS
- Me B. LE FOYER DE COSTIL

Copie exécutoire délivrée
le : 12/04/2024
à : - Me B. LE FOYER DE COSTIL

La Greffière,

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 23/10150 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3UG6

N° de MINUTE :
2/2024

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 12 avril 2024

DEMANDEUR
Monsieur [D] [J], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Aref JAHJAH-OUEIS, Avocat au Barreau de PARIS, vestiaire : #C0350

DÉFENDERESSE
Madame [H] [B], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Blandine LE FOYER DE COSTIL, Avocate au Barreau de PARIS, vestiaire : C1685, substituée par Me Rachel HARDY, Avocate au Barreau de PARIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Clara SPITZ, Juge, Juge des contentieux de la protection
assistée de Madame Nathalie BERTRAND, Greffière

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 5 mars 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024 par Madame Clara SPITZ, Juge, assistée de Madame Nathalie BERTRAND, Greffière.

Décision du 12 avril 2024
PCP JCP référé - N° RG 23/10150 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3UG6

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance de non conciliation du 30 août 2016, la jouissance du domicile familial situé [Adresse 3] a été attribuée à Madame [H] [B] qui avait formé une demande en divorce contre son époux, Monsieur [D] [O], par requête datée du 11 mars 2016.

Par jugement du 17 décembre 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PARIS a déclaré irrecevable la demande en divorce formée par Madame [H] [B] le 12 décembre 2017 par assignation, compte tenu du fait que les époux étaient déjà divorcés depuis le 15 août 2011 au MAROC et qu'un jugement du 30 août 2017 du tribunal de grande instance de PARIS avait déclaré exécutoire sur le territoire français ce jugement marocain, ayant ainsi autorité de chose jugée depuis le 22 octobre 2017.

La cour d'appel de PARIS a confirmé le jugement du 17 décembre 2020 par arrêt du 23 mars 2023, lequel a été signifié à la partie adverse le 30 mai 2023. Madame [H] [B] s'est pourvue en cassation mais la procédure s'est interrompue suite au décès de Monsieur [D] [O].

Par acte notarié du 10 décembre 2021, Monsieur [D] [O] avait vendu l'appartement à Monsieur [D] [J].

Ce dernier a fait dresser un procès-verbal de constat des conditions d'occupation des lieux les 12 avril 2022, 18 juin 2022, 20 juin 2022 et 21 juin 2022 aux termes duquel le commissaire de justice relève que l'appartement litigieux est occupé par Madame [E] [W], fille de Monsieur [D] [O] et de Madame [H] [B] et que cette dernière demeure [Adresse 1].

Monsieur [D] [J] a alors fait délivrer, le 30 juillet 2022, une sommation de quitter les lieux dans un délai de 8 jours à Madame [E] [W] et lui a adressé une mise en demeure d'avocat de quitter les lieux avant le 15 août 2023, qu'il a également envoyée à Madame [H] [B] par courrier recommandé avec accusé de réception.

Par acte de commissaire de justice en date du 27 novembre 2023, Monsieur [D] [J] a fait assigner Madame [H] [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PARIS, statuant en référé, afin d'obtenir :
- son expulsion, ainsi que celle de tous occupants de son chef, de l’appartement situé [Adresse 3], sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir,
- sa condamnation à payer une indemnité d'occupation de 1.200 euros par mois à compter du 23 mars 2023 jusqu'à la libération totale des lieux et la remise des clés,
sa condamnation à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Lors de l'audience du 05 mars 2024, à laquelle l'affaire a été retenue, Monsieur [D] [J], représenté par son conseil, a déposé des conclusions qu'il a soutenues oralement et aux termes desquelles l’ensemble des demandes formées dans son acte introductif d'instance sont maintenues. Il a précisé que la demande de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation était formée à titre de provision.

Il fait valoir, au visa de l'article 834 du code de procédure civile, que Madame [H] [B] ne dispose d'aucun droit sur l'appartement litigieux depuis le 23 mars 2023, date à laquelle la cour d'appel de PARIS, a confirmé l'irrecevabilité de la demande en divorce qu'elle avait introduite à l'encontre de Monsieur [D] [O], que, pourtant, cet appartement est occupé par sa fille, que, dès lors, cette occupation sans droit ni titre cause un préjudice à Monsieur [D] [J] qui ne peut jouir de son bien et que cette situation ne souffre d’aucune contestation et justifie que soit ordonnée leur expulsion.
Il affirme, en outre, qu'il n'y a aucune opération de liquidation et de partage en cours sur le bien litigieux qui n'est, en tout état de cause, pas un bien commun des anciens époux comme cela a été confirmé par la cour d'appel le 23 mars 2023 mais un bien propre appartenant à Monsieur [D] [O], que, par ailleurs, la défenderesse ne saurait lui opposer la nullité de l'acte de vente plus de deux années après sa réalisation au regard des dispositions de l'article 220-3 du code civil et qu'en tout état de cause, l'ordonnance rendue le 24 janvier 2017 par le juge aux affaires familiales lui interdisant la vente du bien est devenue caduque après l'écoulement d'un délai de 3 ans conformément à l'article 220-1 alinéa 3 du code civil, soit antérieurement au 10 décembre 2021, Monsieur [D] [O] ayant ainsi à bon droit vendu son bien à cette date.

Madame [H] [B], représentée par son conseil le jour de l'audience, a déposé des conclusions soutenues oralement, aux termes desquelles il est demandé :
In limine litis, de :
- surseoir à statuer dans l'attente des opérations de partage du régime matrimonial ayant existé entre elle et Monsieur [D] [O] et dont dépend le bien litigieux,
- écarter les pièces produites par Monsieur [D] [J] concernant la procédure de divorce, sauf à démontrer qu'elles ont été reçues de la part de Monsieur [D] [O],
Sur le fond, de :
- accueillir l'exception de nullité de l'acte de vente signé le 10 décembre 2021,
- en conséquence, débouter le demandeur de l'ensemble de ses demandes,
- condamner le demandeur au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de sa demande de sursis à statuer, Madame [H] [B] fait valoir que les opérations de partage relative à la liquidation du régime matrimonial issu de son mariage avec Monsieur [D] [W]

[W] sont en cours et qu'elles sont déterminantes s'agissant du caractère opposable de la vente de l'appartement à laquelle a procédé son ex-époux d'un bien indivis, acquis certes par ce dernier seul mais pendant le mariage soumis au régime de la communauté de biens.
Elle demande également in limine litis que soient écartées les pièces 1 à 3 produites par le demandeur, à savoir ordonnance de non conciliation du 30 août 2016, l'arrêt d'appel du 23 mars 2023 et le procès-verbal de signification, ainsi que la pièce n° 10 correspondant à l'attestation de la CAF de Madame [H] [B].
Sur le fond, la défenderesse sollicite, au visa de l'article 834 du code de procédure civile, le débouté de Monsieur [D] [J] de ses demandes eu égard aux contestations sérieuses auxquelles elles se heurtent. En effet, elle oppose la nullité de la vente intervenue le 10 décembre 2021 au profit du demandeur en violation des dispositions de l’ordonnance du 24 janvier 2017 interdisant à Monsieur [D] [O] de procéder seul à la vente du bien, d'une part, de l'article 215 du code civil interdisant la vente du domicile de la famille où elle résidait encore, d'autre part, et, enfin, de l'article 815-3 de ce même code interdisant la vente d'un bien sans l'accord unanime des indivisaires. Elle rappelle, en effet, que les époux se sont mariés au MAROC sans avoir établi de contrat de mariage, qu'ils ont établi leur premier domicile conjugal en FRANCE désignant ainsi la loi française pour régir leur régime matrimonial, que ce dernier est donc celui de la communauté de biens réduite aux acquêts et que les opérations de liquidation de la communauté n'ayant pas encore eu lieu, son ex-époux ne pouvait procéder seul à la vente du bien indivis.

À l'issue des débats, la décision a été mise à disposition des parties au greffe du tribunal à la date du 12 avril 2024.

MOTIFS

Sur la demande de sursis à statuer, in limine litis

Selon les articles 378 et suivants du code de procédure civile, la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. Le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis (…).

Le sursis à statuer peut être ordonné, en vertu du pouvoir discrétionnaire du juge, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

Madame [H] [B] indique que les opérations de liquidation et de partage de la communauté entre les ex-époux sont en cours et qu'il doit être sursis à statuer considérant que l'issue de ces opérations aura une conséquence sur la validité de la vente du bien selon l'attribution qui en résultera.

Il convient de relever, en premier lieu, que le jugement du 17 décembre 2020 dont se prévaut Monsieur [D] [J] pour s'opposer à cette demande n'a fait que déclarer la demande en divorce

formée par Madame [H] [B] irrecevable et n'a pas statué sur le régime matrimonial applicable se contentant de renvoyer les époux à une liquidation conventionnelle de leurs intérêts patrimoniaux.

Toutefois, si cette question n’apparaît pas tranchée, force est de constater que l'échange de courriels produit par Madame [H] [B] entre Maître BOURNIQUE et les enfants de la défenderesse ont débuté au mois de février 2024, soit postérieurement à l’assignation délivrée par le requérant, que Madame [H] [B] n'en est pas destinataire, que les messages ont effectivement davantage trait à la question de la succession de Monsieur [D] [O] qu'à celle de la liquidation du régime matrimonial et qu'en tout état de cause, aucun calendrier prévisible n'est établi.

Il n'apparaît pas, ainsi, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de faire droit à la demande de sursis à statuer formée par Madame [H] [B] en l'absence de toute visibilité sur la date à laquelle la liquidation sera effective. Celle-ci sera, par conséquent, rejetée.

Sur la demande d'écarter les pièces n°1, 2, 3 et 10 produites par Monsieur [D] [J]

L'article 226-13 du code pénal dispose que la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.

Il résulte de ce texte que la violation du secret professionnel est une infraction qu'il n’appartient qu'au juge pénal de caractériser. Le juge des référés n'a pas compétence pour ce faire et, par conséquent, ne saurait faire droit à la demande formée par Madame [H] [B] d'écarter les pièces litigieuses pour ce motif étant précisé qu'elle-même a produit ces pièces jointes à ses conclusions et qu'elle a déclaré, le jour de l'audience, s'en rapporter à l'appréciation du tribunal concernant cette demande.

Sur la demande d'expulsion et la demande subséquente en condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation à titre provisionnel formée par Monsieur [D] [J]

Il résulte des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le juge du contentieux de la protection peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Il peut également allouer au créancier une provision, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, et prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un

usage prohibé par les lois ou par les règlements. L'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un tel trouble manifestement illicite auquel il appartient au juge des référés de mettre fin.

En l'espèce, Monsieur [D] [J] fonde sa demande d'expulsion plus précisément sur l'article 834 du code de procédure civile compte-tenu de l'urgence qu'il indique avoir à récupérer la jouissance de son bien et l'absence de contestation sérieuse.

Madame [H] [B] entend quant à elle soulever des contestations sérieuses relatives notamment à la nullité de la vente. Il convient de rappeler que Madame [H] [B] soulève la nullité de la vente à titre d’exception et que, dès lors, son action n'est pas enfermée dans les délais mentionnés aux article 220-3 et 215 aliéna 3 du code civil.

. Sur la nullité de la vente au regard des dispositions de l'article 220-1 du code civil

L'article 220-1 du code civil dispose que si l'un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts.
Il peut notamment interdire à cet époux de faire, sans le consentement de l'autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles. Il peut aussi interdire le déplacement des meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l'usage personnel à l'un ou à l'autre des conjoints.
La durée des mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans.

Aux termes de l'article 220-3 du même code, l'action en nullité est ouverte à l'époux requérant pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée, si cet acte est sujet à publicité, plus de deux ans après sa publication.

En l'espèce, il est constant que Monsieur [D] [O] a acquis l’appartement litigieux le 10 juillet 2000 et qu'il l'a vendu seul le 10 décembre 2021 à Monsieur [D] [J] qui en a ainsi acquis la propriété.

Or, il n'est pas contesté que le juge aux affaires familiales a rendu une ordonnance le 24 janvier 2017 sur le fondement de l'article 220-1 du code civil interdisant à Monsieur [D] [O] de procéder seul, sans l'accord de son épouse à la vente du bien immobilier.

Toutefois, cette ordonnance, exécutoire immédiatement, est devenue caduque trois ans plus tard soit le 24 janvier 2020 et avant que n'intervienne la vente effective de l'appartement le 10 décembre 2021.

Par conséquent, la nullité de la vente soulevée par Madame [H] [B] au motif qu'elle enfreint les dispositions de l'ordonnance du 24 janvier 2017 ne saurait être qualifiée de sérieuse.

. Sur la nullité de la vente au regard des dispositions de l'article 215 alinéa 3 du code civil

L'article 215 aliéna 3 du code civil dispose que les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation : l'action en nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous.

Le texte susmentionné cesse de s'appliquer à la dissolution du mariage. Autrement dit, L'article 215, alinéa 3, du code civil ne protège le logement familial que pendant le mariage.

En l'espèce, le divorce de Madame [H] [B] et de Monsieur [D] [O] a été prononcé le 15 août 2011 par le tribunal de première instance de TETOUAN. Par jugement du 30 août 2017, le tribunal de grande instance de PARIS l'a déclaré exécutoire sur le territoire français. Il a ainsi acquis l'autorité de chose jugée le 22 octobre 2017, ce qui a conduit le tribunal de grande instance de PARIS à déclarer irrecevable la demande en divorce introduite par Madame [H] [B] par jugement du 17 décembre 2020 et la cour d'appel de PARIS a confirmé cette irrecevabilité par arrêt du 23 mars 2023.

Le mariage est ainsi incontestablement dissout et Madame [H] [B] ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 215 alinéa 3 du code civil.

Au surplus, Madame [H] [B], qui ne conteste pas résider actuellement à une autre adresse, indique que l'appartement vendu constituait le domicile de la famille où elle demeurait à l'époque. Or, il est constant que Monsieur [D] [O] avait quitté le domicile conjugal depuis le divorce prononcé au MAROC, d'une part, et il résulte des pièces versées au débat qu'elle-même n'y habitait déjà vraisemblablement plus lors du prononcé de l'ordonnance du 24 janvier 2017, d'autre part. À cet égard, l'absence de tout action en nullité de sa part, consécutivement à la vente intervenue le 10 décembre 2021 est de nature à corroborer cette hypothèse. Par conséquent, la qualification de logement familial est douteuse.

Par conséquent, la nullité de la vente qui serait survenue au mépris des dispositions de l'article 215 alinéa 3 du code civil, non applicable en l'espèce, ne saurait caractériser une contestation sérieuse.

. Sur l'inopposabilité de la vente au regard des dispositions de l'article 815-3 du code civil

L'article 815-3 du code civil dispose que le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;
2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;
3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;

4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.

Il résulte des articles 1401 et suivants du code civil qu'à défaut de contrat de mariage, le régime matrimonial est celui de la communauté réduite aux acquêts dans lequel un bien acquis par l'un des époux durant le mariage est la propriété de la communauté, à moins qu'il soit prouvé qu'il lui est propre.

En l'espèce, Madame [H] [B] soutient que la loi applicable au mariage qu'elle a contracté avec Monsieur [D] [O] le 06 octobre 1979 au MAROC, au regard des règles de droit international privé et en l'absence de toute convention applicable eu égard à la date du mariage, est la loi française en ce que les époux ont fixé leur premier domicile en FRANCE. Elle en déduit que le régime matrimonial qui régissait son union avec Monsieur [D] [O] est celui de la communauté réduite aux acquêts, en l'absence d’une mention relative à un quelconque contrat de mariage sur l'extrait d'acte de mariage et en dépit du fait que la loi marocaine ne connaît que la séparation de bien comme organisation matrimoniale. Par conséquent, elle fait valoir que la vente d'un bien commun à laquelle il a procédé le 10 juin 2021 ne peut lui être opposable alors que la communauté n'était pas encore liquidée.

Les documents produits par Madame [H] [B] au soutien de ces allégations, tendent à établir que le premier domicile du couple était effectivement en FRANCE où Monsieur [D] [O] a fait refaire son passeport avant même de se marier, où Madame [H] [B] réside depuis 1981 et où le premier enfant du couple est né en 1982. Au demeurant, cette affirmation n'est pas contestée en défense.

Dès lors, la contestation formée par Madame [H] [B] quant à la loi applicable au régime matrimonial des anciens époux apparaît sérieuse, indépendamment des mentions qui figurent sur l'acte de vente du bien litigieux au profit de Monsieur [D] [O] et il n'appartient pas au juge des référés de la trancher en déterminant laquelle des lois française ou marocaine est effectivement applicable alors que la liquidation n'a pas encore été effectuée.

Par conséquent, non-lieu à référé sera prononcé s'agissant des demandes formées par Monsieur [D] [J] d’expulsion et de condamnation de Madame [H] [B] au paiement d'une indemnité d'occupation. Les parties seront renvoyées à mieux se pourvoir sur le fond.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [D] [J], partie perdante, sera condamné au paiement des dépens de l'instance, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité et la solution du litige commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l'article 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont assorties de plein droit de l'exécution provisoire, laquelle ne peut être écartée en matière de référé.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des contentieux de la protection, statuant en référé après débats en audience publique, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTONS Madame [H] [B] de sa demande in limine litis de sursis à statuer,

DÉBOUTONS Madame [H] [B] de sa demande tendant à écarter des débats les pièces 1, 2, 3 et 10 produites par Monsieur [D] [J],

CONSTATONS que la demande de Monsieur [D] [J] se heurte à une contestation sérieuse,

DISONS n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par Monsieur [D] [J] en expulsion de Madame [H] [B] du logement situé [Adresse 3] et en condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation à titre provisionnel,

RENVOYONS les parties à mieux se pourvoir,

CONDAMNONS Monsieur [D] [J] aux dépens de l'instance,

DISONS n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits, et signé par la Juge et la Greffière susnommées.

La Greffière, La Juge,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp référé
Numéro d'arrêt : 23/10150
Date de la décision : 12/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-12;23.10150 ?
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