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12/04/2024 | FRANCE | N°23/09937

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp référé, 12 avril 2024, 23/09937


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies conformes délivrées
le : 12/04/2024
à : - Me Ch. PIERRE
- Me I. DELMAS

Copie exécutoire délivrée
le : 12/04/2024
à : - Me Ch. PIERRE

La Greffière,

Pôle civil de proximité


PCP JCP référé

N° RG 23/09937 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TE2

N° de MINUTE :
1/2024






ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 12 avril 2024


DEMANDEUR
Le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1], ayant pour Syndic la Socié

té à Responsabilité Limitée CABINET FABRICE SAULAIS - [Adresse 2]
représentée par Me Christophe PIERRE, Avocat au Barreau de PARIS, vestiaire : #D1846, substitué par Me Hourya MA...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies conformes délivrées
le : 12/04/2024
à : - Me Ch. PIERRE
- Me I. DELMAS

Copie exécutoire délivrée
le : 12/04/2024
à : - Me Ch. PIERRE

La Greffière,

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 23/09937 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TE2

N° de MINUTE :
1/2024

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 12 avril 2024

DEMANDEUR
Le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1], ayant pour Syndic la Société à Responsabilité Limitée CABINET FABRICE SAULAIS - [Adresse 2]
représentée par Me Christophe PIERRE, Avocat au Barreau de PARIS, vestiaire : #D1846, substitué par Me Hourya MAMOUNI, Avocate au Barreau de PARIS

DÉFENDERESSE
Madame [I] [V], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Isabelle DELMAS, Avocate au Barreau de PARIS, vestiaire : #A546

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Clara SPITZ, Juge, Juge des contentieux de la protection
assistée de Madame Nathalie BERTRAND, Greffière

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 5 mars 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024 par Madame Clara SPITZ, Juge, assistée de Madame Nathalie BERTRAND, Greffière.
Décision du 12 avril 2024
PCP JCP référé - N° RG 23/09937 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TE2

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [I] [V] a été employée en contrat de travail à durée indéterminée par le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à compter du 1er octobre 2016 comme gardienne de cet immeuble. En cette qualité, elle bénéficiait d'un logement de fonction situé au rez-de-chaussée, en face du couloir d'entrée.

À la suite d'un entretien qui s'est déroulé le 31 janvier 2023, elle s'est vue notifier sa mise à la retraite par courrier recommandé du 07 février 2023 réceptionné le 09 février 2023, date à compter de laquelle le délai de préavis de 6 mois a commencé à courir.

Un délai supplémentaire lui a été accordé jusqu'au 09 novembre 2023 pour restituer son logement mais elle s'est maintenue dans les lieux.

Par acte de commissaire de justice en date du 11 décembre 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, la société CABINET FABRICE SAULAIS, a fait assigner Madame [I] [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PARIS statuant en référé, aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- son expulsion, ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux litigieux,
- le transport et la séquestration des meubles garnissant le logement dans tel garde-meubles qu'elle désignera ou dans tel autre lieu désigné par le requérant et sans garantie de toute somme qui pourrait lui être due,
- sa condamnation, à titre provisionnel, au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 1.000 euros par mois à compter du 10 août 2023 jusqu'à son départ effectif des lieux,
- sa condamnation au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Lors de l'audience du 05 mars 2024, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], pris en la personne de son syndic et représenté par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance et s'est opposé à l’octroi de tout délai pour quitter les lieux.

Il fait valoir que le maintien dans les lieux, sans droit ni titre, de Madame [I] [V] est constitutif d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du code de procédure civile et se dit ainsi bien-fondé à solliciter son expulsion, outre sa condamnation au paiement d'une indemnité provisionnelle d'occupation.

Madame [I] [V], représentée par son conseil, a déposé des conclusions soutenues oralement aux termes desquelles il est demandé :
- le débouté du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] de sa demande d'expulsion,

- l'octroi d’un délai à hauteur de 08 mois pour quitter les lieux,
- la fixation du montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 450 euros par mois,
- le débouté du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir, au soutien de sa demande de délais pour quitter les lieux, qu'elle est âgée de 77 ans, qu'elle est isolée sur le territoire national, qu'elle a fait une demande de logement social qui n'a pas encore abouti, qu'elle a effectué un recours au titre du DALO et qu'elle a été déclarée prioritaire mais qu'elle n'a pas encore obtenu de réponse favorable et que sa situation financière ne lui permet pas de trouver un logement dans le parc privé. Par ailleurs, elle avance que la superficie de la loge et son état ne justifient pas que le montant de l'indemnité d'occupation sollicitée soit fixé à la somme de 1.000 euros.

La décision a été mise en délibéré au 12 avril 2024, date à laquelle elle a été mise à disposition des parties au greffe du tribunal.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'expulsion en raison de l'occupation illicite du logement

En application de l'article 835 du code de procédure civile, tel que modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article L.7212-1 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail est rompu à l'initiative de l'employeur ne peut être obligé à quitter son logement avant un délai minimum déterminé par décret en Conseil d’État ou sans le paiement d'une indemnité. Le montant de cette indemnité est égal au prix de la location trimestrielle d'un logement équivalent à celui que le salarié occupe et des avantages en nature qu'il perçoit.

Selon l'article R.7212-1 du code du travail, le délai minimum avant lequel, en application de l'article L.7212-1 du même code, le salarié dont le contrat de travail est rompu à l'initiative de l'employeur ne peut être obligé à quitter son logement est de trois mois.

En l’espèce, selon le contrat de travail produit aux débats, un logement de fonction était mis à disposition de Madame [I] [V] pour son habitation personnelle en tant qu’accessoire du contrat de travail.

Du fait de sa mise à la retraite qui lui a été notifiée par courrier

recommandé le 7 février 2023 réceptionné le 09 février 2023 et à défaut d'avoir libéré le logement à l'issue du délai de 6 mois augmenté d'un délai supplémentaire de 03 mois qui lui a été accordé, Madame [I] [V] occupe sans droit ni titre les lieux depuis le 09 novembre 2023, ce qui n’est pas contesté par la défenderesse à l’audience.

L'occupation sans titre d'un immeuble appartenant à autrui constitue un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile.

Il convient par conséquent d’accueillir, dans les termes du dispositif ci-après, la demande d’expulsion.

Il sera rappelé enfin que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l’application relève, en cas de difficulté - laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique -, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l'habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois mois ni supérieure à trois mois.

En l’espèce, Madame [I] [V] justifie de démarches pour trouver un autre logement et établit avoir demandé un logement social depuis 2014. Elle produit, en outre, un extrait de décision du tribunal administratif de PARIS en date du 08 décembre 2023 qui enjoint au préfet d'ÎLE-DE-FRANCE d'assurer son relogement sous astreinte de 200 euros par mois de retard à compter du 1er mars 2024, étant précisé qu'elle avait été reconnue prioritaire pour être relogée lors de la séance du 16 mars 2023 de la commission de médiation de Paris au titre du DALO. Par ailleurs, elle justifie d'une situation financière rendant difficile l’octroi d’un logement dans le parc privé, puisqu'elle perçoit une retraite de 400 euros mensuels environ et elle atteste d'un état de santé précaire.

Madame [I] [V] fait ainsi preuve de bonne volonté pour trouver une solution de relogement et sa situation justifie que lui soit octroyé des délais pour quitter les lieux, à hauteur de 8 mois à compter du prononcé de la décision, soit jusqu'au 08 novembre 2024.

Il sera, par ailleurs, rappelé qu'elle a vocation à bénéficier de la période de trêve hivernale de l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution et du délai légal de deux mois courant à compter du commandement de quitter les lieux de l'article L.412-1 du même code.

Sur la demande de condamnation au paiement d'une indemnité provisionnelle d'occupation

En application de l'article 835 du code de procédure civile alinéa 2, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'obligation non sérieusement contestable vise aussi bien les créances d'origine contractuelle, quasi contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle, le juge des référés étant cependant tenu de préciser la nature de l'origine de cette créance ou la nature de l'obligation la fondant. Il y a une contestation sérieuse chaque fois que la décision du juge des référés l'obligerait à se prononcer préalablement sur une contestation relative à l'existence d'un droit ou le conduirait à se prononcer sur le fond du litige, par exemple en portant une appréciation sur la validité, la qualification ou l'interprétation d'un acte juridique. Ce dernier apprécie souverainement le montant de la provision à accorder.

Le maintien dans des lieux sans droit ni titre constitue une faute civile de nature quasi délictuelle ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l'espèce, la mise à la retraite de Madame [I] [V] lui a été notifiée par courrier recommandé du 07 février 2023 réceptionné le 09 février 2023 et, en application de l'article L.7212-1 du code du travail, il lui a été laissé un délai de 6 mois, soit jusqu'au 09 août 2023, pour quitter les lieux.

Toutefois, un délai supplémentaire lui a été accordé par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] jusqu'au 09 novembre 2023, tel que cela résulte du courrier qui lui a été adressé le 22 février 2023.

Ainsi, Madame [I] [V] est devenue occupante sans droit ni titre des lieux litigieux à compter du 09 novembre 2023 et sera condamnée à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] une indemnité provisionnelle d'occupation à compter de cette date.

Le demandeur sollicite une provision à hauteur de 1.000 euros par mois au titre de l'indemnité d'occupation.

Il résulte des éléments du dossier et des débats que la loge, située dans le [Localité 3] de [Localité 4], présente une superficie de 14 m². Au regard de ces éléments et compte tenu de l'absence d'éléments de preuve, au soutien des allégations de la défenderesse, relative à l'état de la loge qui ne saurait être rapportés par les photographies produites, le montant de l’indemnité d'occupation mensuelle sera fixé à la somme provisionnelle de 500 euros.

En conséquence, Madame [I] [V] sera condamnée à verser la somme provisionnelle de 500 euros par mois à compter du 09 novembre 2023 jusqu'à la libération effective des lieux.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Madame [I] [V], partie perdante, supportera la charge des dépens de l'instance.

Il ne paraît pas inéquitable compte tenu de la situation économique respective des parties de laisser à la charge du demandeur les frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514-1 du code de procédure civile et ne peut être écartée.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des contentieux de la protection, statuant en référé, publiquement, après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent, vu l'absence de contestation sérieuse,

CONSTATONS que Madame [I] [V] est occupante sans droit ni titre du logement situé [Adresse 1] depuis le 09 novembre 2023,

ACCORDONS à Madame [I] [V] un délai pour quitter les lieux jusqu'au 08 novembre 2024,

DISONS qu'à défaut de départ volontaire dans ce délai, il pourra être procédé à l'expulsion de Madame [I] [V] ainsi que de tous occupants de son chef hors les lieux, avec si besoin le concours de la Force Publique et celui d'un serrurier, deux mois après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux et dans le respect des dispositions de l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution,

RAPPELONS que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

CONDAMNONS Madame [I] [V] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], représenté par son syndic le CABINET FABRICE SAULAIS, une indemnité provisionnelle mensuelle d’occupation d'un montant de 500 euros à compter du 09 novembre 2023 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion),

DÉBOUTONS le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], représenté par son syndic le CABINET FABRICE SAULAIS, de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNONS Madame [I] [V] aux dépens,

RAPPELONS que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits par la Juge et la Greffière susnommées.

La Greffière,La Juge des contentieux de la protection,
Décision du 12 avril 2024
PCP JCP référé - N° RG 23/09937 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TE2


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp référé
Numéro d'arrêt : 23/09937
Date de la décision : 12/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-12;23.09937 ?
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