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12/04/2024 | FRANCE | N°22/10908

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Loyers commerciaux, 12 avril 2024, 22/10908


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




Loyers commerciaux


N° RG 22/10908
N° Portalis 352J-W-B7G-CX3XD


N° MINUTE : 2

Assignation du :
11 Juillet 2022


Jugement de fixation


[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 12 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [X] [Y] [P] [O] veuve [H]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître René-Louis PETRELLI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1160




DEFENDERESSE

S.A.R.L. SARTO MARAIS
[Adresse 2]
[Localité 15]

représentée par Maître Alexandre ALBIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0655





COMPOSITION DU TRIBUNAL

P...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Loyers commerciaux


N° RG 22/10908
N° Portalis 352J-W-B7G-CX3XD

N° MINUTE : 2

Assignation du :
11 Juillet 2022

Jugement de fixation

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 12 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [X] [Y] [P] [O] veuve [H]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître René-Louis PETRELLI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1160

DEFENDERESSE

S.A.R.L. SARTO MARAIS
[Adresse 2]
[Localité 15]

représentée par Maître Alexandre ALBIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0655

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Pauline LESTERLIN, Juge, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;

assistée de Camille BERGER, Greffière

DEBATS

A l’audience du 15 Janvier 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 08 juillet 2013, Monsieur [L] [H] et Madame [X] [O] épouse [H] ont donné à bail à la SARL SDD, aux droits de laquelle vient la SARL SARTO MARAIS par acte de cession de fonds de commerce du 24 septembre 2019, des locaux à usage commercial ayant pour destination exclusive le commerce de " tissus - confection - prêt-à-porter et accessoires ", dépendant d'un immeuble situé [Adresse 7], à [Localité 17], pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 2012, moyennant un loyer initial de 20.000 euros par an, hors taxes, hors charges.

Les locaux comprennent :

- Une boutique sur rue, avec arrière-boutique sur cour,
- Au sous-sol deux caves avec couloir de desserte.

Par un second acte sous seing privé du 08 juillet 2013, Monsieur [L] [H] et Madame [X] [O] épouse [H] ont donné à bail à la SARL SDD, aux droits de laquelle vient la SARL SARTO MARAIS, des locaux à usage commercial ayant pour destination exclusive le commerce de " tissus - confection - prêt-à-porter et accessoires ", dépendant d'un immeuble situé [Adresse 7], à [Localité 17], pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 2012, moyennant un loyer initial de 18.000 euros par an, hors taxes, hors charges.

Les locaux comprennent, au rez-de-chaussée :

- Trois grandes pièces,
- Deux cabinets noirs à droite et à gauche de la porte d'entrée.

À compter du 31 mars 2021, date d'expiration du bail, celui-ci s'est poursuivi par prorogation tacite.

Par deux actes extrajudiciaires du 29 septembre 2021, Madame [X] [O] épouse [H], venant également aux droits de Monsieur [L] [H], a signifié à la société SARTO MARAIS deux congés avec offre de renouvellement pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 2022, proposant la fixation du loyer des baux renouvelés à hauteur de 43.800 euros par an pour la boutique sur rue et à hauteur de 30.000 euros pour le local sur cour, le tout hors taxes, hors charges.

Suite à deux mémoires préalables distincts du 17 mai 2022, reçus le 19 mai 2022, Madame [O] a fait assigner par acte du 11 juillet 2022 à l'adresse du siège social et par acte du 15 juillet 2022 à l'adresse des lieux loués la société SARTO MARAIS devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris, aux fins notamment de voir fixer le montant du loyer des baux à renouveler à la somme de 43.800 euros par an pour la boutique sur rue et à hauteur de 30.000 euros pour le local sur cour, le tout hors taxes, hors charges.

Aux termes de son assignation, régulièrement signifiée le 11 juillet 2022 à l'adresse du siège social et le 15 juillet 2022 à l'adresse des lieux loués, Madame [O] demande notamment au juge des loyers commerciaux, au visa de l'article 1103 du code civil et des articles L.145-33, L.145-34 et R.145-23 et suivants du code de commerce, de :

" - CONSTATER que les parties considèrent conjointement acquis au 1er avril 2022 au bénéfice de la SARL SARTO MARAIS le renouvellement du bail commercial des locaux commerciaux consistant en une boutique au rez-de-chaussée à gauche de la porte cochère de l'immeuble du [Adresse 7] à [Localité 17], avec arrière-boutique sur cour, et deux caves et un couloir de desserte en sous-sol, originellement consenti par acte sous seing privé par Monsieur et Madame [L] [H] à la Société S.D.D. en date à [Localité 16] du 8 juillet 2013.
- FIXER le loyer des lieux sis à [Localité 17], [Adresse 7] (rez-de-chaussée sur rue et sous-sol), donnés à bail commercial par Madame [X] [H] bailleresse, à la SARL SARTO MARAIS locataire, au prix de 43.800 € par an en principal hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2022, l'ensemble des autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées, à la seule exception de l'indice ILC se substituant à l'indice du cout de la construction afin d'indexation triennale du loyer dans les termes de l'article 20 de la convention locative sous seing privé en date à [Localité 16] date du 8 juillet 2013.
- CONSTATER que les parties considèrent conjointement acquis au 1er avril 2022 au bénéfice de la SARL SARTO MARAIS le renouvellement du bail commercial des locaux commerciaux consistant en, au rez-de-chaussée, dans le bâtiment au fond de la cour de l'immeuble du [Adresse 7] à [Localité 17], trois grandes pièces et deux cabinets noirs à droite et à gauche de la porte d'entrée, originellement consenti par acte sous seing privé par Monsieur et Madame [L] [H] à la Société S.D.D. en date à [Localité 16] du 8 juillet 2013.
- FIXER le loyer des lieux sis à [Localité 17], [Adresse 7] (local en rez-de-chaussée du bâtiment sur cour), donnés à bail commercial par Madame [X] [H] bailleresse, à la SARL SARTO MARAIS, locataire, au prix de 30.000 € par an en principal hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2022, l'ensemble des autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées, à la seule exception de l'indice ILC se substituant à l'indice du cout de la construction afin d'indexation triennale du loyer dans les termes de l'article 20 de la convention locative sous seing privé en date à [Localité 16] date du 8 juillet 2013.
- DEBOUTER la Société SARTO MARAIS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

SUBSIDIAIREMENT :

- DESIGNER tel expert qu'il plaira à Monsieur le Président avec mission de :
En présence des parties, ou celles - ci dument convoquées, et dans le respect du contradictoire,
- se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
- visiter les locaux loués sis à [Localité 17], [Adresse 7], consistant d'une part en :
- au rez-de-chaussée, à gauche de la porte cochère de l'immeuble, une boutique sur rue, avec arrière-boutique sur cour, et au sous-sol deux caves et couloir de desserte,
- au rez-de-chaussée, dans le bâtiment au fond de la cour de l'immeuble du [Adresse 7] à [Localité 17], trois grandes pièces et deux cabinets noirs à droite et à gauche de la porte d'entrée ;
- procéder à l'examen des faits qu'allèguent les parties,
- rechercher la valeur locative des lieux loués sus mentionnés à la date du 1er avril 2022, au regard des prix pratiqués pour des locaux équivalents, en application des dispositions des articles L.145-33 et R.145-3 à R.145-8 du Code de Commerce
- rendre compte du tout et donner son avis motivé,
- entendre les parties en leurs dires et explications,
- dresser un rapport de ses constatations et conclusions,
- DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir qui est de droit en application de l'article 424 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER la Société SARTO MARAIS aux dépens. "

Par jugement du 23 janvier 2023, le juge des loyers commerciaux a :

- Constaté, par l'effet des congés avec offre de renouvellement du 29 septembre 2021, le principe du renouvellement des baux liant les parties, concernant un local sur cour et un local sur rue dépendant d'un immeuble situé [Adresse 7], à [Localité 17], à compter du 1er avril 2022 ;
- Dit que les baux sont renouvelés pour une durée de neuf ans ;
- Avant dire droit pour le surplus, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, ordonné une mesure d'expertise et désigné, en qualité d'expert, Monsieur [D] [V], avec mission de procéder à l'examen des faits qu'allèguent les parties, à savoir l'évolution des facteurs locaux de commercialité et l'évaluation de la valeur locative des locaux donnés à bail, rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er avril 2022 au regard des dispositions des articles L.145-33, L.145-34 et R.145-3 à R.145-8 du code de commerce et de calculer, à titre indicatif, le loyer plafonné des deux locaux à la date du renouvellement.
- Fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel en principal, outre les charges ;
- Réservé les dépens.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 11 septembre 2023.

Aux termes de ses derniers mémoire en ouverture de rapport, régulièrement notifiés, Madame [X] [O] épouse [H] demande au juge des loyers commerciaux de :

Concernant le local sur rue :

- FIXER à 40.420 € par an en principal hors taxes et hors charges le loyer du bail commercial renouvelé pour 9 années à compter du 1er avril 2022 au bénéfice de la SARL SARTO MARAIS des locaux commerciaux consistant en une boutique au rez-de-chaussée à gauche de la porte cochère de l'immeuble du [Adresse 7] à [Localité 17], avec arrière-boutique sur cour, et en sous-sol un couloir de desserte et deux caves, originellement consenti par acte sous seing privé par Monsieur et Madame [L] [H] à la Société S.D.D. en date à [Localité 16] du 8 juillet 2013,
l'ensemble des autres clauses, charges, et conditions du bail demeurant inchangées, à la seule exception de l'indice Indice des Loyers Commerciaux - ILC publié par l'INSEE (Indice du 3ème trimestre 2021), se substituant à l'indice du coût de la construction afin d'indexation triennale du loyer dans les termes de l'article 20 de la convention locative sous seing privé en date à [Localité 16] date du 8 juillet 2013.

Vu l'article 1302-1 du Code Civil,

- CONDAMNER la SARL SARTO MARAIS au paiement des intérêts de retard sur les rappels de loyers échus à compter de la date du renouvellement du bail le 1er avril 2022 et jusqu'à parfait paiement.
- CONDAMNER la SARL SARTO MARAIS à payer à Madame [X] [H] une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du CPC ainsi qu'en tous les dépens comprenant le coût taxé de l'expertise judiciaire.
- DEBOUTER la SARL SARTO MARAIS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Concernant le local sur cour :

- FIXER à 27.760 € par an en principal hors taxes et hors charges le loyer du bail commercial renouvelé pour 9 années à compter du 1er avril 2022 au bénéfice de la SARL SARTO MARAIS des locaux commerciaux consistant au rez-de-chaussée dans le bâtiment au fond de la cour de l'immeuble du [Adresse 7] à [Localité 17], trois grandes pièces et deux cabinets noirs à droite et à gauche de la porte d'entrée, originellement consenti par acte sous seing privé par Monsieur et Madame [L] [H] à la Société S.D.D. en date à [Localité 16] du 8 juillet 2013,
l'ensemble des autres clauses, charges, et conditions du bail demeurant inchangées, à la seule exception de l'indice Indice des Loyers Commerciaux - ILC publié par l'INSEE (Indice du 3ème trimestre 2021), se substituant à l'indice du coût de la construction afin d'indexation triennale du loyer dans les termes de l'article 20 de la convention locative sous seing privé en date à [Localité 16] date du 8 juillet 2013.

Vu l'article 1302-1 du Code Civil,
- CONDAMNER la SARL SARTO MARAIS au paiement des intérêts de retard sur les rappels de loyers échus à compter de la date du renouvellement du bail le 1er avril 2022 et jusqu'à parfait paiement.
- CONDAMNER la SARL SARTO MARAIS à payer à Madame [X] [H] une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du CPC ainsi qu'en tous les dépens comprenant le coût taxé de l'expertise judiciaire.
- DEBOUTER la SARL SARTO MARAIS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Aux termes de ses derniers mémoires en ouverture de rapport, régulièrement notifiés, la société SARTO MARAIS demande au juge des loyers commerciaux :

Concernant le local sur rue :

- FIXER à 26.000 € par an en principal hors taxe et hors charge le loyer du bail commercial renouvelé pour 9 années à compter du 1er avril 2022 au bénéfice de la SARL SARTO MARAIS pour le local sur rue situé au [Adresse 7] à [Localité 17], l'ensemble des autres clauses restant les mêmes sauf la substitution de l'indice ILC à l'indice ICC ;

SUBSIDIAIREMENT, pour le cas où il ne serait pas droit à ces demandes :
- FIXER à 31.500 € par an en principal hors taxe et hors charge ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
- FIXER à 35.250 € par an en principal hors taxe et hors charge tel que préconisé par l'expert, Mr [V],
- CONDAMNER Madame [X] [H] à payer à la Société SARTO MARAIS la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 ainsi que les entiers dépens et ce, y compris les frais d'expertise ou à défaut, la moitié des frais d'expertise,
- DEBOUTER Madame [X] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Concernant le local sur cour :

- FIXER à 20.306 € par an en principal hors taxe et hors charge le loyer du bail commercial renouvelé pour 9 années à compter du 1er avril 2022 au bénéfice de la SARL SARTO MARAIS le local sur cour situé au [Adresse 7] à [Localité 17], l'ensemble des autres clauses restant les mêmes sauf la substitution de l'indice ILC à l'indice ICC ;

SUBSIDIAIREMENT, pour le cas où il ne serait pas droit à ces demandes :
- FIXER à 21.120 € par an en principal hors taxe et hors charge tel que préconisé par l'expert, Mr [V],
- CONDAMNER Madame [X] [H] à payer à la Société SARTO MARAIS la somme de 2.500 € au titre de 1'article 700 ainsi que les entiers dépens et ce, y compris les frais d'expertise ou à défaut, la moitié des frais d'expertise
- DEBOUTER Madame [X] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 15 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION


Il résulte du jugement avant dire droit et il n'est pas contesté que les baux ont été renouvelés à compter du 1er avril 2022.

Sur le déplafonnement des loyers renouvelés au 1er avril 2022

En application de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 21 " LOYER DE RENOUVELLEMENT " stipule : " De convention expresse entre les parties, il est stipulé qu'en cas de renouvellement du présent bail, le loyer du bail renouvelé sera fixé :

- à la valeur locative de marché tel que défini ci-après, à la condition expresse que celle-ci soit supérieure au loyer alors en vigueur.
- au même loyer que le loyer contractuel indexé selon les conditions prévues à l'article ci-dessus pour le cas où la valeur locative y serait inférieure.
Les seules valeurs à prendre en considération pour établir la valeur du loyer de renouvellement seront celles résultant des loyers librement négociés entre les parties aux baux servant de référence pour des locaux de boutique située dans le même arrondissement et conclus au cours des trente - six mois précédant la date de renouvellement. ".

En l'espèce, les parties s'accordent sur le fait qu'au dernier jour du bail le 31 mars 2021, le loyer du local commercial sur rue est de 21.479,90 euros et celui du local commercial sur cour est de 19.331,91 euros.

Il convient donc de rechercher la valeur locative actuelle des locaux objets du bail pour déterminer s'il convient de retenir le loyer fixé à la valeur locative de marché ou le loyer contractuel indexé comme loyer renouvelé au 1er avril 2022 pour les deux baux objets du litige.

Sur la description des lieux

L'expert expose que les locaux sur rue sont situés dans un bâtiment à l'angle de la [Adresse 19] et de la [Adresse 20], édifié dans la seconde moitié du XIXème siècle, avec une façade en pierre de taille, en très bon état de ravalement, tandis que les locaux sur cour sont situés dans un bâtiment d'époque antérieure (XVIIème ou XVIIIème siècle) en façade sur la [Adresse 20] avec une façade en maçonnerie enduite et peinte en bon état de ravalement.

Les locaux sur rue comprennent un rez-de-chaussée et un sous-sol, la boutique située à gauche de l'entrée du porche présentant un linéaire de façade de 5,60 m intégrant une vitrine et une porte d'accès à gauche, sur une profondeur d'environ 11 m, et un agencement en très bon état (sol en marbre, faux plafond avec éclairage intégré, climatisation réversible). Le sous-sol n'est pas accessible à la clientèle, relié par un escalier intérieur et comprend un palier/ dégagement, un atelier au sol carrelé, avec un faux plafond présentant un éclairage intégré, une salle d'archives, des sanitaires et un débarras. L'expert conclut qu'il s'agit d'un local commercial en très bon état général, la boutique bénéficiant d'un bon effet d'enseigne avec une zone de vente d'un seul tenant, la partie arrière étant néanmoins plus étroite et en longueur et le sous-sol étant correctement relié et aménagé en dépendance.

Les locaux sur cour sont accessibles en passant sous le porche, dont la porte est maintenue constamment fermée, en traversant la cour commune intérieure et en traversant un petit hall commun précédé d'un perron. Ils ne sont donc pas visibles depuis la rue et le porche. Ils s'établissent sur un seul niveau, le rez-de-chaussée, et comprennent une réserve centrale prenant jour par une large baie sur la cour de l'immeuble mitoyen, une réserve droite en large communication avec la précédente et prenant jour par deux baies sur la [Adresse 20] et une réserve gauche, prenant jour par une baie sur la cour du [Adresse 8], ainsi qu'une douche et des WC en emprise dans la dernière réserve. L'expert décrit un ensemble en état d'usage, avec un sol en ciment et parquet, des locaux sans visibilité, sans accessibilité directe par le chaland et sans effet d'enseigne en l'absence de vitrine sur cour, présentant un bon éclairement naturel et une grande hauteur sous plafond (3,90 m).

La société locataire fait valoir que l'expert n'aurait pas effectué la visite des lieux, ce que conteste la bailleresse exposant que l'expert judiciaire a procédé à la visite des lieux comme le démontrent les photographies illustrant son rapport. La société locataire produit également des mesures réalisées par un géomètre expert le 28 juin 2022, contestant les mesures retenues par l'expert pour les locaux sur cour. La société locataire souligne enfin que les locaux sur cour ne sont pas accessibles et visibles depuis la rue.

La bailleresse souligne que les locaux sur cour bénéficient bien d'une visibilité sur la [Adresse 20] en présence de deux grandes fenêtres donnant sur cette rue.

Sur la recherche de la valeur locative de marché au 1er avril 2022

En application de l'article L.145- 33 du code de commerce, la valeur locative est déterminée d'après :

1° Les caractéristiques du local considéré ;
2° La destination des lieux ;
3° Les obligations respectives des parties ;
4° Les facteurs locaux de commercialité ;
5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments.

1.Pour le local sur rue

Sur la surface pondérée

L'expert retient une surface pondérée de 50 m²P, que ne conteste pas la société locataire.

La bailleresse conteste la pondération du rez-de-chaussée, demandant une pondération de 0,90 au lieu de 0,80 en 2ème zone et la réintégration de "l'arrière-boutique " constituée des cabines d'essayage, essentielles à l'activité exercée, dans la 2ème zone, aboutissant dès lors à une pondération de 54,03 m²P.
Il convient de rappeler que la pondération des surfaces est effectuée au regard de la charte de l'expertise et des caractéristiques physiques des locaux et non en fonction de leur affectation par le locataire ; qu'en l'espèce, les cabines d'essayage sont situées à plus de 10 mètres de profondeur de la vitrine et relèvent à ce titre de la 3ème zone du rez-de-chaussée, selon la charte de l'expertise. En revanche, il convient de retenir la fourchette haute du coefficient, à savoir 0,60, au regard de la fonctionnalité de l'espace.

Concernant la 2ème zone, l'expert a retenu à raison une pondération de 0,80, cet espace de vente ne présentant pas d'éclairage naturel et étant plus étroit que la 1ère zone.

En conclusion, le juge des loyers commerciaux retient une surface pondérée de 50,70 m²P.

Sur le prix unitaire

Conformément aux termes du bail, les seules références dont il sera tenu compte sont " celles résultant des loyers librement négociés entre les parties aux baux servant de référence pour des locaux de boutique située dans le même arrondissement et conclus au cours des trente - six mois précédant la date de renouvellement ".

Aux termes de son rapport, l'expert judiciaire propose des références correspondant à des nouvelles locations hors cession, des nouvelles locations avec cession, des renouvellements amiables et un renouvellement judiciaire, la référence la plus ancienne étant du 1er trimestre 2015 et les références les plus récentes datant du 4ème trimestre 2022. Au regard des références produites, l'expert judiciaire retient un prix unitaire de 750 euros, compte tenu d'une bonne localisation dans le Haut Marais (3ème arrondissement), dans un quartier très central, touristique et correctement desservi, sur une rue de bonne commercialité (sans enseigne majeure) et de la configuration des locaux adaptée à la destination avec une boutique de bel effet d'enseigne offrant une zone de vente d'un seul tenant et un sous-sol correctement relié et aménagé pour accueillir les dépendances.

La bailleresse souligne que les références pouvant être considérées doivent correspondre à la période du 1er avril 2019 au 1er avril 2022, sollicitant l'exclusion des références citées par l'expert soit les deux renouvellements amiables trop anciens, et le renouvellement judiciaire, qui ne correspond pas à un loyer librement négocié, ainsi que la libre cession du local situé [Adresse 5], dont le bail a été conclu en 2015 et est donc trop ancien. La bailleresse conclut donc à un prix unitaire de 796,50 euros/m² et à titre subsidiaire demande que soit retenu le prix unitaire proposé par l'expert judiciaire.

La société locataire demande que soit retenu un prix unitaire de 575 euros, se référant à des références judiciaires trouvées par ses soins et produit à cet effet des annonces de locaux commerciaux issues du site "bureauxlocaux.com" datant du 25 octobre 2022, un avis d'échéance pour un local commercial et un bureau pris à bail par la société Simane, située [Adresse 13], pour un loyer mensuel en principal de 2.386,87 euros, sans précision de la superficie, un acte sous signature privée de renouvellement d'un bail au 1er octobre 2016 situé [Adresse 11] - [Localité 17], un rapport d'expertise relatif à un local commercial situé [Adresse 10] pour un renouvellement au 1er octobre 2018, ayant donné lieu à une fixation judiciaire et un acte sous seing privé du 24 mai 2023, relatif à un renouvellement de bail à effet du 1er juillet 2022, situé [Adresse 6], pour un loyer annuel de 25.000 euros, sans précision de la superficie.

Subsidiairement, la société locataire demande que soit appliqué le prix unitaire proposé par l'expert judiciaire.

Le juge des loyers commerciaux constate que la plupart des éléments produits par le locataire ne sont pas pertinents soit car la superficie pondérée n'est pas précisée, ne permettant pas de connaître le prix unitaire, soit parce que la date de renouvellement est trop ancienne au regard des prescriptions contractuelles liant les parties.

En conséquence, le juge des loyers prendra en considération les annonces produites de locaux commerciaux vacants situés [Adresse 3] - [Localité 12], présentant une superficie de 50 m² pour un prix unitaire de 430 euros /m²/an, ainsi que le local commercial situé [Adresse 18] -[Localité 12], proche du métro Saint-Paul, d'une superficie de 100 m² pour un prix unitaire de 360 euros/m²/an, les autres annonces n'étant pas exploitables en l'absence de précision des surfaces pondérées et des prix unitaires.

Par ailleurs, le juge des loyers commerciaux constate que seule une des références judiciaires citées par Mme [U] [T], expert amiable sollicité par la bailleresse est recevable, les autres étant trop anciennes : une référence relative à une location nouvelle au 1er janvier 2020, située [Adresse 14] pour une surface de 63 m²B et un prix unitaire de 952 euros pour une activité de vente de literie.

Enfin, le juge des loyers commerciaux se réfère aux références proposées par M. [V], expert judiciaire, et après avoir écarté la location nouvelle datant de 2015, les deux références de renouvellement amiables trop anciennes et la référence correspondant à un renouvellement judiciaire, il est observé que les prix unitaires vont de 638 euros/m²P au [Adresse 9] pour une surface pondérée de 62,70 m²P pour une activité d'équipement de la maison, le bail ayant été conclu au 4ème trimestre 2022, jusqu'à 952 euros/m²P au [Adresse 14], pour une surface pondérée de 63 m²P, pour une activité de literie, le bail ayant été conclu au 1er trimestre 2020.

Par conséquent, au regard de ces différentes références, de l'emplacement favorable du local commercial, et des caractéristiques de la boutique, le juge des loyers commerciaux retient un prix unitaire de 775 euros/ m²P.

Sur les correctifs de la valeur locative

L'expert judiciaire retient les abattements forfaitaires suivants :

- Impôt foncier : 3%
- Mise aux normes : 2%
- Assurances de l'immeuble : 1%

Soit un abattement global de 6%, avec lequel la bailleresse est en accord.

La société locataire demande que soit appliqué un abattement forfaitaire de 5% en raison de la prise en charge de la taxe foncière et de l'assurance de l'immeuble ainsi qu'un second abattement de 5% du fait du déplafonnement conventionnel mais également du fait de la restriction de la destination des lieux.

Le juge des loyers commerciaux retient les abattements forfaitaires tels que proposés à juste titre par l'expert judiciaire, le preneur ne justifiant nullement le bien-fondé de ses demandes d'abattements sur d'autres motifs.

Calcul de la valeur locative de marché au 1er avril 2022

La valeur locative de marché du local sur rue au 1er avril 2022 est donc de :

50,70 m²P x 775 euros/m²P - 6% d'abattement forfaitaire = 36.934,95 euros, arrondie à 36.935 euros/ an HT/HC.

La valeur locative de marché étant supérieure au loyer indexé, il convient de fixer, conformément aux dispositions contractuelles liant les parties, le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la valeur locative de marché, soit 36.935 euros/ an HT/HC.

2. Pour le local sur cour

Sur la surface pondérée

L'expert retient la surface réelle, soit 74,90 m², avec laquelle la bailleresse est en accord, soulignant que les locaux sur cour ne font jamais l'objet d'une pondération.

La société locataire ne conteste pas que la surface réelle soit de 74,90 m² mais demande que soit retenue une surface pondérée de 48 m²P, découpant le local en deux zones, une 1ère zone de 41 m² puis une seconde zone, située à plus de 5 m de l'entrée du local, présentant une surface utile de 34 m², pondérée à 27 m²P après application d'un coefficient de 0,80. Au surplus, la société locataire applique une minoration de la surface de 30%, compte tenu de la configuration particulière des locaux, situés sur cour, sans aucune visibilité depuis l'extérieur de l'immeuble.

Le juge des loyers commerciaux observe que ces locaux sur cour jouissent de la même destination que la boutique sur rue mais en revanche, ils ne bénéficient d'aucune visibilité depuis la [Adresse 19], le passage de la porte cochère étant nécessaire, ni depuis la cour, en tout état de cause non accessible aux chalands, ni depuis la [Adresse 20], les deux fenêtres donnant sur cette rue étant situées à près de deux mètres de hauteur par rapport au niveau du trottoir, ne permettant pas dès lors d'exposer de la marchandise ou d'attirer le chaland d'une quelconque manière.

Par conséquent, il n'y a pas lieu d'appliquer la pondération applicable aux boutiques et la surface au réel sera retenue, soit 74,90 m².

Sur le prix unitaire

L'expert judicaire se réfère à des références significatives de locaux sur cour, se trouvant dans [Localité 16] intramuros, faute de références trouvées [Adresse 19] et retient un prix unitaire de 300 euros/m², par recoupement en partant d'une base boutique estimée à 750 euros/m², à laquelle il applique un coefficient de 0,40, au regard de la bonne localisation des locaux, de leur situation sur cour, en retrait d'environ 16 m de la rue, sans visibilité ni depuis la rue, ni depuis le porche commun, sans accessibilité directe par le chaland et sans vitrine et enfin de la configuration des locaux adaptée à la destination contractuelle avec des pièces bénéficiant d'un éclairement naturel et la présence d'un sanitaire.

La bailleresse souhaite voir retenu un prix unitaire de 394,50 euros/m² et fait valoir que la méthode d'évaluation retenu par l'expert est inappropriée pour un local sur cour faisant l'objet d'un bail autonome et bénéficiant d'une entrée distincte, de deux fenêtres sur rue, avec hauteur de plafond et surtout servant à l'accueil de la clientèle, comme le mentionne le bail, le preneur étant seul responsable que les travaux d'aménagement n'aient pas encore été réalisés.

La société locataire demande que soit retenu un prix unitaire de 375 euros au regard des exemples fournis par la bailleresse et subsidiairement, le prix unitaire de 300 euros/m² retenu par l'expert judiciaire.

Le juge des loyers commerciaux écarte le raisonnement opéré par l'expert judiciaire, faisant application d'une pondération qui n'a pas lieu d'être s'agissant d'un local sur cour autonome et non de la zone 3 d'une boutique et retient le prix unitaire de 375 euros/m², au regard des références citées par l'expert et la bailleresse, de l'emplacement très favorable et de l'agencement des locaux sur cour présentant un potentiel certain, sous réserve des aménagements envisagés par la société locataire.

Sur les correctifs de la valeur locative

L'expert judiciaire retient les abattements forfaitaires suivants :

- Impôt foncier : 3%
- Mise aux normes : 2%
- Assurances de l'immeuble : 1%

Soit un abattement global de 6%, avec lequel la bailleresse est en accord.

La société locataire demande un abattement de 5% en raison de la prise en charge de la taxe foncière et de l'assurance de l'immeuble.

Le juge des loyers commerciaux retient les abattements forfaitaires tels que proposés à juste titre par l'expert judiciaire.

Calcul de la valeur locative de marché au 1er avril 2022

La valeur locative de marché du local sur cour au 1er avril 2022 est donc de :

74,90 m² x 375 euros/m² - 6% = 26.402,25 euros, arrondie à 26.400 euros/ an HT et HC.

La valeur locative de marché étant supérieure au loyer indexé, il convient de fixer, conformément aux dispositions contractuelles liant les parties, le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la valeur locative de marché, soit 26.400 euros/ an HT et HC.

Sur les autres demandes

La substitution des indices se faisant automatiquement par l'effet de la loi, il n'est pas nécessaire de le rappeler au dispositif de la présente décision.

La procédure et l'expertise ont été nécessaires pour fixer les droits respectifs des parties. Il convient en conséquence d'ordonner le partage des dépens, en ce inclus les frais d'expertise.

Compte tenu du partage des dépens ordonné, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit sans qu'il soit nécessaire de le rappeler au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Vu le rapport d'expertise de M. [D] [V] déposé le 11 septembre 2023,

Fixe à 36.935 euros en principal par an à compter du 1er avril 2022 le montant du loyer du bail renouvelé depuis cette date entre Madame [X] [O] épouse [H] et la société SARTO MARAIS pour les locaux situés sur rue, [Adresse 7], à [Localité 17],

Fixe à 26.400 euros en principal par an à compter du 1er avril 2022 le montant du loyer du bail renouvelé depuis cette date entre Madame [X] [O] épouse [H] et la société SARTO MARAIS pour les locaux situés sur cour, [Adresse 7], à [Localité 17],

Dit que courent des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter de la présente décision pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date,

Partage les dépens par moitié entre les parties, qui incluront le coût de l'expertise judiciaire,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Fait et jugé à PARIS, le 12 avril 2024.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. BERGER P. LESTERLIN


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 22/10908
Date de la décision : 12/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-12;22.10908 ?
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