TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me MIMOUN (C1450)
Me ROY-MASUREL (C1407)
■
18° chambre
2ème section
N° RG 21/03947
N° Portalis 352J-W-B7F-CUAGT
N° MINUTE : 3
Assignation du :
15 Mars 2021
JUGEMENT
rendu le 10 Avril 2024
DEMANDERESSE
S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING (RCS Paris 501 984 264)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Lionel MIMOUN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1450
DÉFENDERESSE
S.C.I. MANHATTAN (RCS Paris 513 655 068)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Mathilde ROY-MASUREL de la S.E.L.A.R.L. RMBF, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1407
Décision du 10 Avril 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/03947 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUAGT
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, statuant en juge unique,
assistée de Henriette DURO, Greffier.
DÉBATS
A l’audience du 07 Février 2024 tenue en audience publique.
Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 10 Avril 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort
_________________
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant un acte sous seing privé en date du 30 novembre 2010, la S.C.I. MANHATTAN a donné à bail à la S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING (ci-après la société ABEROUS CONSULTING) des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 4] à usage de bureaux, pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2011 moyennant le versement d'un loyer annuel de 21.600 euros hors taxes et hors charges.
Se prévalant d'un arriéré locatif, la S.C.I. MANHATTAN a, suivant un acte extrajudiciaire en date du 17 février 2021, signifié à la société ABEROUS CONSULTING un commandement de payer la somme de 33.704,92 euros au titre de la dette locative arrêtée au mois de janvier 2021, celle de 294,95 euros au titre des intérêts prévus contractuellement outre le coût de l'acte, visant la clause résolutoire.
Par acte délivré le 15 mars 2021, la société ABEROUS CONSULTING a fait assigner devant ce tribunal la S.C.I. MANHATTAN notamment en opposition au commandement visant la clause résolutoire délivré le 17 février 2021.
Postérieurement, par acte extrajudiciaire en date du 29 juin 2021, la S.C.I. MATANA venant aux droits de la S.C.I. MANHATTAN a fait signifier à la société ABEROUS CONSULTING un congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction se prévalant du défaut de paiement total ou partiel des loyers et des charges et de retards systématiques dans ce paiement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 avril 2023, la S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING demande au tribunal de :
Vu les dispositions des articles L. 145-41 du code de commerce,
Vu les dispositions des articles 1104 et 2224 du code civil,
- Déclarer irrecevables les demandes de la S.C.I. MANHATTAN bailleur sans droit ni titre pour agir contre la société ABEROUS CONSULTING ;
- Juger prescrite la demande de loyers pour la période de 2012 au 28 février 2016 ;
- Juger que la clause résolutoire insérée au bail est nulle ou "réputée non écrite" ;
- Annuler les refacturations des taxes sur les bureaux émises par la S.C.I. MANHATTAN pour un montant de 9.875,66 euros ;
- Juger le commandement du 17 février 2021 nul et de nul effet faute de précision et clarté du décompte, de la validité de la clause résolutoire et de la mention de loyers prescrits ;
- Débouter le bailleur de toutes ses demandes.
Subsidiairement :
- Juger le commandement délivré de mauvaise foi et le déclarer inopposable au locataire ;
- Débouter le bailleur de toutes ses demandes.
Très subsidiairement, vu l'ancienneté de la location commerciale, si le tribunal estimait le commandement justifié :
- Suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder 24 mois de délai à la société ABEROUS CONSULTING pour s'acquitter de la dette locative en excluant les loyers prescrits de 2012 au 28 février 2016, et en déduisant les 9.875,66 euros payés pour la taxe de bureau, les charges payés sans régularisation ni justificatif pour 16.844 euros ;
- Débouter le bailleur de toutes ses demandes.
En tout état de cause :
- Juger l'encaissement frauduleux par la S.C.I. MANHATTAN des sommes dues à la S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING par la S.A.R.L. ACCESS & ASS à hauteur de 2.760 euros ;
- En conséquence, condamner la S.C.I. MANHATTAN à payer à la S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING la somme de 2.760 euros avec intérêt de retard à compter de son encaissement et des dommages et intérêts pour 2.760 euros pour ce détournement frauduleux ;
- Condamner la S.C.I. MANHATTAN à payer les refacturations des taxes sur les bureau émises pour un montant de 9.875,66 euros ;
- Condamner la S.C.I. MANHATTAN à rembourser à la société ABEROUS CONSULTING la somme de 16.844 euros au titre des provisions et charges payées sans justificatif ni régularisation, et 3.242 euros représentant la somme payée par la société ABEROUS CONSULTING pour le changement des radiateurs ;
- Condamner la S.C.I. MANHATTAN à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rappeler que l'exécution provisoire est de droit et l'ordonner sauf si le Tribunal prononçait une condamnation contre la S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING ;
- Ordonner à la S.C.I. MANHATTAN à communiquer sous astreinte de 500 euros par jour de retard, toutes pièces sur la vente des murs à la S.C.I. MATANA.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023, la S.C.I. MANHATTAN demande au tribunal de :
Vu les articles L.145-1 et suivants du code de commerce,
Vu les articles 1134 et 1147 anciens, 1342-10 et 2224 et suivants du code civil,
- Débouter la société ABEROUS CONSULTING de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Ordonner l'expulsion de la société ABEROUS CONSULTING des locaux loués situés au [Adresse 2] ;
- Condamner la société ABEROUS CONSULTING à lui payer les sommes suivantes :
-34.253,54 euros ;
-2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société ABEROUS CONSULTING aux entiers dépens.
* * *
Ainsi que le permet l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
La clôture a été prononcée le 10 mai 2023. L'affaire a été renvoyée pour plaidoiries à l'audience tenue en juge unique du 7 février 2024 et mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la compétence exclusive du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir
En application de l'article 789 du code de procédure civile, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et les fins de non-recevoir.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
Or, en l'espèce, la société ABEROUS CONSULTING n'a pas notifié de conclusions adressées au juge de la mise en état afin qu'il statue sur le défaut de qualité à agir et la prescription de la demande de paiement de loyers pour la période de 2012 au 28 février 2016 qu'elle invoque.
La compétence exclusive du juge de la mise en état a été soulevée à l'audience et les parties ont été invitées à adresser une note en délibéré sur ce point. Seule la S.C.I. MANHATTAN a adressé une note en délibéré aux fins de constater que le juge de la mise en état était seul compétent pour statuer sur ces questions.
Par conséquent, les demandes susvisées sont irrecevables devant le tribunal statuant au fond.
Sur la demande de production de pièces
La société ABEROUS CONSULTING demande que le tribunal ordonne à la S.C.I. MANHATTAN de communiquer sous astreinte de 500 euros par jour de retard toutes pièces sur la vente des murs à la S.C.I. MATANA.
Toutefois, cette demande relève d'une part de la compétence du juge de la mise en état en application de l'article 788 du code de procédure civile. D'autre part, elle ne présente pas d'intérêt pour la solution du litige, étant liée au défaut de qualité à agir allégué et pour lequel le tribunal a indiqué ci-dessus que la fin de non-recevoir pour ce motif était irrecevable.
Sur la validité de la clause résolutoire insérée au bail
La société ABEROUS CONSULTING fait valoir que la clause résolutoire insérée au bail est nulle ou doit être réputée non écrite en ce qu'elle ne permet pas au locataire de régler même postérieurement au délai d'un mois visé dans le commandement les loyers dus.
La S.C.I. MANHATTAN réplique que la demande en nullité de la clause résolutoire est prescrite, cette action devant être exercée dans le délai de prescription biennale édictée par l'article L. 145-60 du code de commerce. Sur le fond, elle fait valoir qu'une clause ne peut être déclarée nulle que si l'une de ses stipulations contrevient à une règle d'ordre public et qu'en l'espèce, la clause litigieuse ne contrevient à aucune règle d'ordre public.
* * *
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application des articles 5 et 768 du code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, le tribunal n'est saisi d'aucune demande de la S.C.I. MANHATTAN aux fins de déclarer irrecevable la demande de la partie demanderesse tendant à voir déclarer nulle ou réputée non écrite la clause résolutoire, qui relèverait en tout état de cause de la compétence exclusive du juge de la mise en état ainsi que rappelé plus haut.
Par conséquent, le tribunal ne se prononcera pas sur la prescription de la demande tendant à voir déclarer nulle ou réputée non écrite la clause résolutoire.
La clause litigieuse insérée dans le bail stipule que : "Il est expressément stipulé qu'à défaut de paiement d'un seul terme ou fraction de terme de loyer ou accessoires à son échéance, ou en cas d'inexécution d'une seule des conditions du bail ou à défaut de paiement des frais de poursuite, et un mois après une mise en demeure ou un commandement resté infructueux, le bail sera résilié de plein droit, même dans le cas de paiement ou d'exécution postérieur à l'expiration de délai ci-dessus. (...)".
La société ABEROUS CONSULTING est défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe de démontrer en droit et en fait, que la stipulation selon laquelle "le bail sera résilié de plein droit, même dans le cas de paiement ou d'exécution postérieur à l'expiration de délai ci-dessus" est contraire à une règle d'ordre public qu'elle ne précise d'ailleurs pas.
Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 17 février 2021
Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Ces dispositions sont d'ordre public et les parties ne peuvent y déroger.
En application de l'article 1353 du code civil, il appartient au bailleur d'apporter la preuve des obligations auxquelles il reproche au preneur d'avoir manqué tandis qu'il incombe à celui-ci de démontrer qu'il les a exécutées.
Le commandement signifié à la société ABEROUS CONSULTING le 17 février 2021 vise la clause résolutoire du contrat de bail commercial et mentionne le délai d'un mois précité.
Il porte sur un arriéré locatif selon décompte joint de 33.704,92 euros arrêté au mois de janvier 2021 inclus, outre 294,95 euros au titre des intérêts prévus contractuellement.
La société ABEROUS CONSULTING conclut que le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré doit être déclaré nul et de nul effet ou inopposable aux motifs qu'il :
- est imprécis,
- a été délivré de mauvaise foi,
- vise des sommes indues.
- Sur l'imprécision
Pour être valable, le commandement de payer doit informer clairement le locataire du manquement qui lui est reproché, et notamment lorsqu'il s'agit du paiement des loyers et des charges, préciser le montant, la cause, la nature et la date d'exigibilité de la somme réclamée.
La société ABEROUS CONSULTING soutient que tel n'est pas le cas au motif que sur le décompte, il n'est pas mentionné le terme "loyer" mais "quittance" sans ventilation entre les loyers et les charges.
La S.C.I MANHATTAN répond que le décompte est tiré d'un logiciel de comptabilité standard édité par Cegid et utilisé par la moitié des experts comptables et un très grand nombre de bailleurs professionnels. Elle conclut que la société ABEROUS CONSULTING peut vérifier chacune des sommes qui lui est réclamée, et n'en conteste d'ailleurs aucune.
Il est inexact d'affirmer comme le soutient la défenderesse que les sommes visées dans le commandement ne sont pas contestées par la locataire puisque cette dernière dénonce la facturation indue de la taxe sur les bureaux à hauteur d'un montant total de 9.387,66 euros, cette taxe ne s'appliquant pas aux bureaux d'une surface inférieure à 100 m² comme le précise l'article 231 ter du code général des impôts. Elle reproche également à la défenderesse d'avoir facturé des charges locatives sans justificatif et sans effectuer de reddition des charges.
La S.C.I. MANHATTAN réplique que la locataire n'est pas débitrice de la taxe sur les bureaux qui ne lui a jamais été refacturée. Concernant les provisions pour charges, elle soutient que la locataire n'a jamais demandé de régularisation comme le prévoit l'article R. 145-36 du code de commerce, les charges étant en réalité largement supérieures à celles facturées.
Or, le décompte joint au commandement ne permet aucunement à la locataire et ce faisant au tribunal de vérifier la nature et le quantum de chacune des échéances appelées, le décompte mentionnant uniquement le terme "quittance" et la date de celui-ci. En particulier et s'agissant de la taxe sur les bureaux, celle-ci n'apparaît pas dans le décompte alors que la locataire produit des avis d'échéance qui la mentionne, notamment en date du 29 février 2020 pour la période de mars 2020 d'un montant total de 3.788,15 euros comprenant la "Taxe bureau" de 1.114,79 euros. Or le décompte fait apparaître "QUITTANCE 03/20" : 3.625,98 et "QUITTANCE 03/20" : 162,17, soit le montant total de l'avis d'échéance pour le mois de mars 2020 comprenant la taxe sur les bureaux dont la S.C.I. MANHATTAN affirme pourtant que la locataire n'est pas débitrice de cette taxe sur les bureaux qu'elle n'aurait jamais refacturé.
Etant inexploitable et compte tenu des contestations bien fondées de la locataire, le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 17 février 2021 sera déclaré nul et de nul effet, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués par la locataire.
Dès lors, la demande d'expulsion de la S.C.I. MANHATTAN sera rejetée, cette partie ne disposant plus en outre de la qualité pour la demander puisqu'il est acquis, à la lecture du congé avec refus de renouvellement notifié à la société ABEROUS CONSULTING le 29 juin 2021, que la S.C.I. MATANA est venue aux droits de la S.C.I. MANHATTAN.
Sur les autres demandes de la société ABEROUS CONSULTING
La société ABEROUS CONSULTING soutient que la S.C.I. MANHATTAN a :
- encaissé frauduleusement des sommes qui étaient dues à la société ABEROUS CONSULTING par la S.A.R.L. ACCESS & ASS à hauteur de 2.760 euros dont elle sollicite le remboursement, avec intérêt de retard à compter de son encaissement et des dommages et intérêts pour 2.760 euros ;
- refacturé de manière indue des taxes sur les bureaux pour un montant de 9.875,66 euros, dont elle sollicite le remboursement ;
- encaissé la somme de 16.844 euros au titre des provisions et charges payées sans justificatif ni régularisation,
Elle fait valoir en outre que la défenderesse n'a pas remboursé la somme de 3.242 euros exposée pour le changement des radiateurs.
-Sur l'encaissement de sommes dues à la société ABEROUS CONSULTING par la S.A.R.L. ACCESS & ASS
La partie demanderesse expose que les locaux ont été vendus par la S.C.I. MANHATTAN à la S.A.R.L. ACCESS & ASS qui a créé une entité juridique pour cette opération, la S.C.I. MATANA ; que la société ABEROUS CONSULTING est contractuellement liée à la S.A.R.L. ACCESS & ASS par un contrat de mise à disposition ; que le 18 septembre 2020, la S.C.I. MANHATTAN a encaissé la somme de 2.760 euros qui était due par la S.A.R.L. ACCESS & ASS à la société ABEROUS CONSULTING.
La S.C.I. MANHATTAN soutient que l'article 1753 du code civil dispose que le propriétaire dispose d'une action directe envers le sous-locataire en cas de carence du locataire principal dans le cadre du paiement du loyer.
En réponse, la locataire réplique qu'aucun contrat de sous-location n'a été signé avec la S.A.R.L. ACCESS & ASS ainsi que le retient le juge des référés du tribunal de commerce de Paris dans son ordonnance définitive en date du 29 septembre 2021 ; qu'en tout état de cause, l'article 1753 du code civil permet une action directe et non un paiement direct, ce qui suppose au préalable une information de la locataire et une action en justice qui en l'espèce font défaut. Elle souligne qu'alors que la somme de 2.760 euros apparaissait dans le décompte annexé à la mise en demeure adressée par la bailleresse le 6 novembre 2020, elle a ensuite disparu des décomptes ultérieurs, faussant les comptes entre les parties.
La S.C.I. MANHATTAN ne conteste pas avoir encaissé le chèque de 2.760 euros adressé par la S.A.R.L. ACCESS & ASS à la société ABEROUS CONSULTING.
L'article 1753 du code civil invoqué par la défenderesse dispose que le sous-locataire n'est tenu envers le propriétaire que jusqu'à concurrence du prix de sa sous-location dont il peut être débiteur au moment de la saisie, et sans qu'il puisse opposer des paiements faits par anticipation.
Les paiements faits par le sous-locataire, soit en vertu d'une stipulation portée en son bail, soit en conséquence de l'usage des lieux, ne sont pas réputés faits par anticipation.
A cet égard, la société ABEROUS CONSULTING soutient en premier lieu, qu'elle n'est pas liée à la S.A.R.L. ACCESS & ASS par un contrat de sous-location, se fondant sur l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 29 septembre 2021. Or, à la lecture de cette décision, si le juge des référés relève effectivement que "les parties conviennent qu'aucun contrat de sous-location des locaux objets du litige n'a été signé (...)", il retient à la fin du paragraphe que "ces factures et leur règlement régulier attestent de l'existence d'un contrat tacite de sous-location de locaux commerciaux entre les parties". Le moyen invoqué d'absence de sous-location, condition de mise en oeuvre de l'article 1753 du code civil, n'est donc pas fondé.
Quant au moyen invoqué par la société ABEROUS CONSULTING selon lequel l'article 1753 du code civil permet une action directe du propriétaire à l'encontre du sous-locataire, ce qui suppose une information du débiteur principal et une action en justice, force est de constater que la locataire ajoute des conditions non prévues par la loi. En effet, en application de l'article précité, le créancier peut demander directement au sous-débiteur le paiement de la dette et le recours aux tribunaux n'est nécessaire qu'en cas de refus du sous-débiteur.
Toutefois, dès lors que cette somme n'apparaît plus au crédit du compte locataire dans le décompte annexé au commandement de payer alors qu'elle y était mentionnée dans le décompte joint à la mise en demeure du 6 novembre 2020 et ce sans explications de la S.C.I. MANHATTAN, elle sera déduite des sommes éventuellement dues par la locataire.
Dès lors, la société ABEROUS CONSULTING sera déboutée de sa demande de remboursement de cette somme et de sa prétention corrélative en dommages-intérêts.
- Sur les taxes sur les bureaux
Ainsi que le tribunal l'a retenu plus haut, la société ABEROUS CONSULTING n'est pas redevable de la taxe sur les bureaux, ce que reconnaît la bailleresse. Or, il ressort des avis d'échéance versés aux débats par la locataire datés du 8 mars 2013 au 29 février 2020 qu'une taxe sur les bureaux a été facturée à la société ABEROUS CONSULTING.
La somme de 9.875,66 euros non contestée dans son quantum sera donc déduite des sommes éventuellement dues par la locataire
- Sur le remboursement du coût du changement des radiateurs
La société ABEROUS CONSULTING produit deux factures émises par la société C.D.A. RENOVATION, l'une n°2016-11.109 en date du 22 novembre 2016 d'un montant de 2.442 euros TTC pour le remplacement de trois radiateurs et la prolongation du système de chauffage sur 3 mètres linéaires, l'autre n°2018-09.126 en date du 29 septembre 2018 d'un montant de 798 euros TTC pour le remplacement d'un radiateur et la prolongation du système de chauffage sur 3 mètres linéaires.
La S.C.I. MANHATTAN fait valoir à juste titre que ces travaux sont mis à la charge de la locataire en application du contrat de bail. En effet, le bail stipule en page 3 dans la clause intitulée "Travaux - Aménagements" que "le preneur maintiendra les lieux loués en parfait état d'entretien et devra effectuer, pendant le cours du bail et à ses frais, toutes les réparations qui seraient nécessaires" à l'exception des grosses réparations visées à l'article 606 du code civil à la charge du bailleur.
Dès lors, la société ABEROUS CONSULTING sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de la S.C.I. MANHATTAN en paiement de l'arriéré locatif
La société ABEROUS CONSULTING n'émettant aucunes autres contestations sur la somme réclamée par la S.C.I. MANHATTAN que celles préalablement examinées par le tribunal, elle sera condamnée à verser à la S.C.I. MANHATTAN la somme de 21.617,88 euros (34.253,54 -2.760 - 9.875,66) au titre des loyers et charges restant dus au 31 janvier 2021.
Sur les demandes accessoires
Etant condamnée à payer à la partie adverse un arriéré locatif, la société ABEROUS CONSULTING succombe principalement à l'instance et sera condamnée aux dépens.
En revanche, la présente décision conduit en équité à ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes des parties de ce chef sont rejetées.
Enfin aucun motif ne conduit à écarter l'exécution provisoire de droit.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
DÉCLARE la S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING irrecevable à soulever devant le tribunal statuant au fond, le défaut de qualité à agir et la prescription de la demande de paiement de loyers pour la période de 2012 au 28 février 2016 de la S.C.I. MANHATTAN,
DÉCLARE nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 17 février 2021 par la S.C.I. MANHATTAN à la S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING,
CONDAMNE la S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING à payer à la S.C.I. MANHATTAN la somme de 21.617,88 euros (vingt et un mille six cent dix-sept euros et quatre-vingt-huit centimes) au titre de la dette locative arrêtée au 31 janvier 2021, après déduction de la somme de 2.760 euros versée par la S.A.R.L. ACCESS & ASS et de la somme de 9.875,66 euros facturée au titre de la taxe sur les bureaux,
DÉBOUTE la S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING de toutes ses autres demandes,
DÉBOUTE la S.C.I. MANHATTAN de ses demandes d'expulsion et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la S.A.R.L. ABEROUS CONSULTING aux dépens,
DIT n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.
Fait et jugé à Paris le 10 Avril 2024
Le Greffier Le Président
Henriette DURO Maïa ESCRIVE