TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
Loyers commerciaux
N° RG 21/10226
N° Portalis 352J-W-B7F-CU7XT
N° MINUTE : 5
Assignation du :
29 Juillet 2021
Jugement de fixation
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 05 Avril 2024
DEMANDEUR
Monsieur [H] [J] [K]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Maître Jean-Claude LABORDE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2010
DEFENDERESSE
S.A.S. SAS HAXO BLUN
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Marie-Lise TURPIN, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #P0238
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sabine FORESTIER, Vice-présidente, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;
assistée de Manon PLURIEL, Greffière lors des débats et de Camille BERGER, Greffière lors de la mise à disposition
DEBATS
A l’audience du 07 Février 2024 tenue publiquement
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé, M.[X] [K], a donné à bail commercial à la société HAXO BLUN, en renouvellement de plusieurs baux précédents, un local dépendant d'un immeuble situé [Adresse 4] pour une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2001, l'exercice de l'activité de « négoce d'abrasifs, outillage et machine-outils » et un loyer de 14.913,48 euros hors taxes et hors charges par an.
Par acte d'huissier de justice signifié le 19 octobre 2009, M. [X] [K] a donné congé à la société HAXO BLUN pour le 30 septembre 2010 et lui a offert le renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2010, moyennant un loyer de 35.000 euros hors taxes et hors charges par an.
Monsieur [X] [K] est décédé le 28 novembre 2010.
Par un mémoire notifié le 13 septembre 2012, les ayants droit de M. [X] [K] ont sollicité le déplafonnement du loyer à effet au 1er octobre 2010 et sa fixation à la somme de 97.888 euros.
Selon acte notarié du 18 décembre 2012, M. [H] [K] a été déclaré attributaire des locaux objets du bail et s'est ainsi trouvé aux droits des héritiers de M.[X] [K].
Par jugement du 7 avril 2015, le tribunal de grande instance de PARIS a constaté le renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2010 et moyennant un loyer annuel de 30.000 euros hors taxes et hors charges.
Par acte d'huissier de justice signifié le 29 mars 2019, M. [H] [K] a donné congé à la société HAXO BLUN pour le 30 septembre 2019 et lui a offert le renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2019, moyennant un loyer de 95.555,70 euros hors taxes et hors charges par an.
Par lettre en date du 22 mai 2019, la société HAXO BLUN a accepté le principe du renouvellement du bail commercial mais contesté le montant du loyer demandé.
Par acte d'huissier de justice du 5 janvier 2021, M. [H] [K] a fait signifier à la société HAXO BLUN un mémoire préalable sollicitant la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 95.555,70 euros hors taxes et hors charges par an.
Puis, par acte d’huissier de justice signifié le 29 juillet 2021, M. [H] [K] a assigné la société HAXO BLUN à comparaître devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris.
Par un jugement rendu le 23 novembre 2022, le juge des loyers commerciaux a notamment :
- constaté le renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2019 ;
- désigné en qualité d' expert M. [L] [T] en lui donnant notamment pour mission de :
* procéder à l'examen des faits qu'allèguent les parties, et notamment en ce qui concerne la modification des facteurs locaux de commercialité,
* rechercher la valeur locative des lieux loués au regard des caractéristiques du local, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité, des prix couramment pratiqués dans le voisinage, en retenant tant les valeurs de marché que les valeurs fixées judiciairement, en application des dispositions des articles L.145-33 et R.145-3 à R.145-8 du code de commerce,
* donner son avis sur le montant du loyer plafonné à la date du 1er octobre 2019, suivant les indices applicables en précisant les termes et modalités de calcul ;
- fixé le loyer provisionnel pour la durée de l’instance au montant du loyer contractuel en principal, outre les charges..
L'expert a déposé son rapport le 16 janvier 2023.
Après renvois à la demande des parties, l'affaire a été rappelée à l'audience du juge des loyers commerciaux du 7 février 2024 à laquelle M. [H] [K] et la société HAXO BLUN étaient représentés par leur avocat.
Dans dernier mémoire régulièrement notifié (mémoire récapitulatif du bailleur après expertise), sur le fondement des articles L.145-33, L. 145-34, R. 145-3 à R. 145-6, R.145-8 et R. 145-23 à R. 145-31 du code de commerce, M. [H] [K] demande au juge des loyers commerciaux de :
A titre principal,
- fixer le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2019 à hauteur de 95.555,70 euros, hors taxes et hors charges, annuel, auquel s'ajoutera l'évolution de l'ICC depuis le 1er octobre 2019 et condamner la société HAXO BLUN au règlement dudit loyer du bail renouvelé ;
- condamner la société HAXO BLUN au règlement des intérêts légaux, majoré de cinq points, à compter du 1er octobre 2019, lesdits intérêts portant eux-mêmes intérêts ;
A titre subisidiaire,
- fixer le loyer du bail renouvelé en tenant compte à tout le moins des adaptations imposées par la loi Pinel et fixer en conséquence ledit loyer du bail renouvelé en tenant compte de la majoration des charges supportées par le bailleur, auquel s'ajoutera l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le 1er novembre 2019 et condamner la société HAXO BLUN au règlement dudit nouveau loyer du bail renouvelé ;
- condamner la société HAXO BLUN au règlement des intérêts légaux, majoré de cinq points, à compter du 1er octobre 2019, lesdits intérêts portant eux-mêmes intérêts ;
En toutes hypothèses,
- rappeler que l'exécution provisoire est de droit ;
- condamner la société HAXO BLUN au paiement d'une somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au remboursement des frais d'expertise pour un montant total de 4.200 euros ;
- condamner la société HAXO BLUN aux entiers dépens.
Dans son dernier mémoire régulièrement notifié (mémoire après expertise n°2), sur le fondement des artlcles L. 145-34, L. 145-33 et L.145-38 du code de commerce, la société HAXO BLUN demande au juge des loyers commerciaux de :
- fixer le loyer du bail renouvelé à effet du 1er octobre 2019 à la somme annuelle plafonnée de 33.941,86 euros hors taxes hors charges en principal, les autres charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées, sauf adaptations de la loi Pinel ;
Subsidiairement, dans l'hypothèse d'un déplafonnement,
- fixer le loyer de renouvellement à une somme qui ne saurait excéder 52.920 euros hors taxes hors charges par an en principal ;
- dire que le loyer sera soumis au lissage du déplafonnement ;
- dire irrecevable et à tout le moins mal fondée la demande d'ajout de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le 1er octobre 2019 ;
En toute hypothèse,
- dire et juger que les intérêts sur les sommes arriérées ne seront dus qu'à compter du jugement à intervenir ;
- débouter M. [H] [K] de ses demandes ;
- condamner M. [H] [K] au paiement de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant la totalité des frais d'expertise.
Les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont exposés dans les motifs du jugement.
L’affaire a été mise en délibéré au 5 avril 2024.
MOTIFS
A titre liminaire, il est rappelé que :
- le juge n’est pas tenu de statuer sur les demandes de « constater » qui ne sont pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais un rappel des moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes ;
- par un précédent jugement du 23 novembre 2022, le juge des loyers commerciaux a constaté le renouvellement du bail liant M. [H] [K] et la société HAXO BLUN pour les locaux situés à [Adresse 4], à compter du 1er octobre 2019.
1- Sur la demande de fixation du montant du loyer du bail renouvelé
1.1. Sur le déplafonnement du loyer
Selon l'article L 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1- les caractéristiques du local concerné ;
2- la destination des lieux ;
3- les obligations respectives des parties ;
4- les facteurs locaux de commercialité ;
5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Les articles R 145-2 à R 145-11 du code de commerce précisent la consistance de ces éléments.
Selon l'article L 145-34 du même code, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
Il est acquis qu'une modification des quatre premiers éléments de la valeur locative peut constituer un motif de déplafonnement d'un loyer renouvelé si elle est notable, survenue au cours du bail expiré et de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur.
Au soutien de sa demande de déplafonnement M. [H] [K] invoque une modification de la surface du local sans son autorisation, l'exercice par la société HAXO BLUN d'une activité non autorisée par le contrat de bail, une modification des obligations respectives des parties ainsi qu'une modification des facteurs locaux de commercialité.
a) Sur la modification de la surface du local
M. [H] [K] expose que la société HAXO BLUN a décidé d'effectuer des travaux de transformation du local en modifiant notamment le sous-sol et le rez-de-chaussée par la création de surfaces de mezzanine, réserves, escalier d'accès, percements de murs, et ce sans avoir sollicité ni obtenu au préalable son autorisation. Elle considère que les travaux ainsi réalisés sont substantiels et notables puisqu'ils ont créé une surface supplémentaire de 78 m2 et qu'ils constituent une modification suffisante des caractéristiques du local. Elle ajoute qu'ils ont un intérêt certain et indiscutable pour le commerce considéré puisqu'ils ont permis d'augmenter considérablement la surface de stockage.
La société HAXO BLUN considère qu'il n'y a eu aucune modification des caractéristiques du local car les mezzanines sont amovibles et qu'elles ont été installées avant l'année 1992. Elle ajoute que la surface supplémentaire créée de 78 m² ne peut être qualifiée de notable compte tenu de la faible surface pondérée de 23 m² qu'elle représente ainsi que de son affectation au stockage et non pas à la réception du public.
Sur ce,
L'article R.145-3 du code de commerce dispose que les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.
Selon l'article R.145-4 du même code, les caractéristiques propres au local peuvent être affectées par des éléments extrinsèques constitués par des locaux accessoires, des locaux annexes ou des dépendances, donnés en location par le même bailleur et susceptibles d'une utilisation conjointe avec les locaux principaux.
En outre, en vertu de l'article R.145-8, les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
En l'espèce, l'expert considère que les travaux invoqués par M. [H] [K] ne constituent pas un motif de déplafonnement.
Aucune des parties ne conteste l'existence de mezzanines que l'expert décrit comme des « mezzanines d'environ 106 m², divisées en deux zones non communicantes, chacune correctement reliée, dont un bureau mansardée et éclairé zénithalement, le surplus servant de réserve et stockage avec des hauteurs limitées (de 1,90 m à 2,15 m environ) », et qui ne figurent pas dans la description des lieux mentionnée au contrat de bail à effet au 1er octobre 2001.
A la lecture de la description des lieux faite par l'expert et au vu des photographies figurant au rapport ainsi que celles produites par le preneur, il apparaît que les mezzanines sont constituées d'une structure métallique, portées par des poteaux prenant appui sur le sol, avec sol et escalier d'accès métalliques. Lorsqu'il se trouve dans la boutique (aire de vente à droite) et l'arrière-boutique (droite et gauche), l'expert note que la structure et le plafond métallique de la mezzanine sont visibles.
Ainsi les mezzanines sont constituées d'une structure métallique, probablement démontable, qui a été installée dans le volume de la boutique et de l'arrière-boutique et qui fait désormais partie intégrante des lieux. Cependant, il s'agit d'un simple aménagement du local qui n'a pas apporté de modification de la structure, du volume ou de la division des surfaces des locaux loués. Il ne peut donc constituer une modification des caractéristiques du local, au sens de l'article R. 145-3 du code de commerce, justifiant le déplafonnement du loyer.
En revanche, en tant qu'aménagement ayant permis d'adapter le local à l'activité exercée, il s'agit d'une amélioration du local au sens de l'article R. 145-8 du code de commerce. Toutefois, dès lors qu'il n'est ni prouvé ni même allégué par M. [H] [K] qu'il en a assumé la charge, elle ne peut constituer un motif de déplafonnement du loyer.
b) Sur la modification de la destination du local
M. [H] [K] explique que la société HAXO BLUN a exercé dans le local, au moins pour partie, une activité non autorisée de confection de costumes par l'association Paris Carnaval Arsenal et que le siège de cette association a été fixé, un moment au moins, dans les lieux loués.
La société HAXO BLUN prétend que la modification de la destination susceptible d'entraîner un déplafonnement ne peut s'entendre que d'une modification de la destination au profit d'une activité lucrative. Elle expose de plus que cette modification ayant déjà été invoquée par le bailleur lors du précédent renouvellement à effet au 1er octobre 2010, cette activité, à la supposer avérée aurait été exercée au cours du bail précédent le bail à renouveler et ne peut constituer un motif de déplafonnement dans le cadre de la présente procédure. Elle ajoute que cette supposée activité n'est de toute façon pas susceptible d'avoir une quelconque incidence sur le commerce considéré.
Sur ce,
Selon l'article R.145-5 du code de commerce, la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L. 145-55 et L. 642-7.
En l'espèce, le contrat de bail stipule que les locaux sont exclusivement destinés à l'activité « De négoce d'abrasifs, outillage et machines outils. »
Si M. [H] [K] soutient que la société HAXO BLUN a exercé dans le local une activité non autorisée de confection de costumes par l'association Paris Carnaval Arsenal qui, à la date du 29 mars 2011, occupait la plus grande partie du sous-sol et que le siège de cette association a été fixé, un moment au moins, dans les lieux loués, il n'en rapporte nullement la preuve.
Il indique qu'un constat a été dressé par Maître [I], huissier de justice, mais ne le produit pas.
En outre, dans son rapport, l'expert relève également ce défaut de preuve et indique que lors de la réunion qui s'est tenue sur place le 21 février 2023, il n'a pas constaté de confection de costumes de carnaval.
Dans ces conditions, il ne peut être retenu l'existence d'une modification de la destination du local de nature à entraîner le déplafonnement du loyer.
c) Sur la modification des obligations respectives des parties
M. [H] [K] soutient que le contrat de bail mettait à la charge du preneur les grosses réparations de l'article 606 du code civil, raison pour laquelle le loyer avait été fixé à un faible montant, alors que la loi Pinel du 18 juin 2014 l'a interdit, ce qui constitue une charge supplémentaire pour le bailleur et une modification des obligations respectives des parties dont il convient de tenir compte.
La société HAXO BLUN considère que l'impossibilité de transférer sur le preneur la charge des grosses réparations ne peut constituer un motif de déplafonnement dans la mesure où cette disposition n'est pas applicable au bail en cours, de sorte que la modification ne peut être considérée comme intervenue au cours du bail expiré.
Sur ce,
L'article R.145-8 du code de commerce dispose que du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.
En outre, selon l'article R.145-35 du même code, ne peuvent être imputés au locataire les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux.
Il est rappelé que les dispositions de l'article R.145-35 du code de commerce sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014.
Dès lors, la nouvelle répartition des charges instituée par l'article R.145-35 du code de commerce ne peut pas constituer un motif de déplafonnement car, quelle que soit la date de conclusion du contrat, la modification des obligations des parties n'intervient jamais au cours du bail expiré.
L'aggravation de ses charges au cours du bail expiré invoquée par M. [H] [K] ne peut donc constituer un motif de déplafonnement du loyer.
d) Sur la modification des facteurs locaux de commercialité
M. [H] [K] invoque une modification des facteurs locaux de commercialité tenant à l'évolution du quartier ainsi qu'aux constructions et nouveaux aménagements réalisés à proximité du local. Il indique produire des références de marché, dont certaines relatives à l'activité de négoce-grossiste, qui montrent une évolution des facteurs locaux de commercialité.
La société HAXO BLUN s'en remet au rapport d'expertise qui conclut à l'absence de modification des facteurs locaux de commercialité quel que soit le commerce considéré compte tenu de l'évolution des constructions au cours du bail, de la population résidente, de la fréquentation du métro et des mouvements de commerce, ainsi qu'au rapport amiable qu'elle produit dont la conclusion est concordante à celle de l'expert.
Sur ce,
Selon l'article R.145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
Il est rappelé que le local donné à bail est situé [Adresse 4].
L'expert indique que la rue de Charenton est une longue voie du 12ème arrondissement qui relie la place de la Bastille à la porte de Charenton. Les locaux sont établis dans la portion de la rue comprise entre l'avenue Ledru Rollin et le boulevard Diderot, à proximité immédiate du carrefour avec les rues de Prague et Abel.
Après avoir étudié les constructions achevées au cours du bail, l'évolution de la population résidente, la fréquentation du métro et les mouvements de commerce, l'expert en conclut qu'il n'y a pas eu de modification notable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail écoulé.
L'expert relève en effet que dans un rayon élargi de 500 m, le commerce considéré ayant un rayon de chalandise supérieur à celui des commerces de proximité, le nombre de constructions neuves de logements, bureaux, commerces, locaux et autres constructions (766 au total) ainsi que de changements de destination (14 au total) est très insuffisant pour un apport notable de clientèle. Il indique en outre que dans un rayon de chalandise de 500 m autour du local donné à bail, la population résidente a baissé de 7,12% et que la population des 11ème et 12ème arrondissement a également diminué (- 5,34 % pour le 11ème arrondissement et - 2,84 % pour le 12ème arrondissement). L'expert ajoute que si la station de métro la plus proche des lieux loués, la station [5], a connu une hausse de sa fréquentation, rien ne permet de retenir que les utilisateurs fréquenteront le local loué qui se trouve dans un quartier moins attractif et éloigné de 400 m, ce qui rend cette hausse sans incidence pour l'activité exercée. L'expert précise également que dans l'environnement immédiat du local loué, la commercialité, qui est très largement dominée par les indépendants et qui est constituée d'enseignes peu nombreuses qui se maintiennent, n'a pas connu d'évolution notable. Enfin, l'expert note qu'à supposer qu'il soit retenue une évoluation notable des facteurs locaux de commercialité, elle serait sans incidence pour l'activité de commerce de « négoce d'abrasifs, outillage et machine-outils » exercée par le preneur puisque celle-ci s'adresse exclusivement à une clientèle de professionnels qui dépasse largement le quartier et provient de [Localité 6], d'Ile de France et même de certains départements du Nord et de l'Est.
M. [H] [K] ne produit aucun élément qui contredirait l'étude de l'expert.
En outre, il n'explique pas en quoi les « références de marché » qu'il invoque traduirait une modification des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré.
Enfin, la société HAXO BLUN produit une étude réalisée par la société VERON EXPERTISE & ASSOCIES qui confirme l'analyse de l'expert en ce qu'elle estime également qu'il n'y a eu au cours du bail expiré aucune modification des facteurs locaux de commercialité pour quelque commerce que ce soit compte tenu de l'évolution négative (- 2,61%) de la population du quartier dans lequel se trouve le local et des deux quartiers voisins ainsi que de l'évolution négative de l'ensemble de la population parisienne (- 2,01 %), de la stabilité de la fréquentation de la station de métro [5] (+ 0,1%), de la faiblesse des constructions nouvelles ou assimilées dans un rayon de 400 m autour du local loué et de la faible évolution de la commercialité du secteur, des commerces indépendants ayant remplacé des commerces indépendants et un certain nombre de commerce étant vacant.
A défaut de moyens et éléments contraires, et compte tenu des analyses concordantes des experts, il doit être retenu qu'il n'y a eu, au cours du bail expiré, aucune modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence favorable sur l'activité de la société HAXO BLUN.
*****
Aucune modification notable des éléments de la valeur locative ne pouvant être retenue, le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2019 ne peut être déplafonné et doit être fixé selon la variation de l'indice des loyers commerciaux.
Par conséquent, la demande de M. [H] [K] de fixation du montant du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2019 à la somme de 95.555,70 euros, hors taxes et hors charges, par an sera rejetée.
1.2. Sur le montant du loyer plafonné
M. [H] [K] expose que le loyer doit être fixé en tenant compte de la majoration des charges qu'il supporte, et ce qu'il y ait ou non déplafonnement, en soutenant qu'il avait été fixé à un montant réduit afin de tenir compte de l'imputation des grosses réparations au preneur et que le maintenir à ce montant permettrait à celui-ci de bénéficier d'un loyer qui ne correspondrait à aucune réalité de marché.
La société HAXO BLUN soutient que M. [H] [K] ne rapporte pas la preuve de ces déclarations et indique que la clause de transfert au preneur des grosses réparations de l'article 606 du code civil n'est plus applicable depuis le renouvellement du 1er octobre 2019.
Sur ce,
En application de l'article L. 145-34 du code de commerce dont les dispositions ont été rappelées dans les développements précédents, et à défaut de déplafonnement du loyer, le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2019 doit être calculé selon la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux.
Dès lors, le loyer s'établit ainsi :
30.000 (loyer initial) x 115,21 (dernier indice publié au 1er octobre 2019 soit celui du 2ème trimestre 2019) /101,83 ( indice publié neuf ans plus tôt, soit celui du 2ème trimestre 2010)
= 33.941,86 euros.
Par conséquent, la demande de M. [H] [K] de fixation du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2019 en tenant compte de la majoration des charges qu'il supporte sera rejetée et le loyer sera fixé à la somme de 33.941,86 euros, hors taxes et hors charges, par an.
1.3. Sur la demande d'ajout de l'évolution de l'indice des loyers commerciaux
M. [H] [K] demande que l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le 1er octobre 2019 soit ajoutée au montant du loyer fixé.
La société HAXO BLUN s'oppose à sa demande en soulignant qu'elle n'est pas juridiquement fondée et qu'en l'absence de clause d'indexation dans le contrat de bail, la procédure de révision prévue à l'article L.145-38 du code de commerce aurait dû être mise en oeuvre, avec application de l'indice ILC ou ILAT, ce qui n'a pas été fait.
Sur ce,
Selon l'article L. 145-38 du code de commerce, la demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision.
De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.
M. [H] [K] ne motive pas sa demande.
Or, il apparaît que le contrat de bail ne stipule aucune clause d'indexation et que la procédure de révision prévue par les dispositions légales précitées n'a pas été appliquée.
Dans ces conditions, la demande de M. [H] [K] sera rejetée.
2- Sur les demandes accessoires
En application des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil, les intérêts au taux légal sur l’éventuel arriéré de loyer seront dus par la société HAXO BLUN à compter du 29 juillet 2021, date de l’assignation, pour les loyers échus avant cette date, et à compter de chaque échéance pour les loyers échus postérieurement à cette date, avec capitalisation pour les intérêts échus et dus au moins pour une année entière.
Enfin, en vertu de l'article 696 du code de procédure civile, la procédure et l’expertise ayant été nécessaires pour fixer les droits respectifs des parties, il convient en conséquence d’ordonner le partage des dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties.
Compte tenu du partage des dépens ordonné, il n’y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des loyers commerciaux, statuant après débats publics, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,
Rejette la demande de M. [H] [K] de fixation du montant du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2019 à la somme de 95.555,70 euros, hors taxes et hors charges, par an ;
Rejette la demande de M. [H] [K] de fixation du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2019 en tenant compte de la majoration des charges qu'il supporte ;
Fixe à la somme de 33.941,86 euros, hors charges et hors taxes, à compter du 1er octobre 2019, le loyer annuel du bail renouvelé entre M. [H] [K] et la société HAXO BLUN pour les locaux situés à [Adresse 4] ;
Rejette la demande de M. [H] [K] d'ajout de l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le 1er octobre 2019 au montant du loyer fixé ;
Dit que les intérêts au taux légal sur l’éventuel arriéré de loyer seront dus par la société HAXO BLUN à compter du 29 juillet 2021 pour les loyers échus avant cette date, et à compter de chaque échéance pour les loyers échus postérieurement à cette date, avec capitalisation pour les intérêts échus et dus au moins pour une année entière ;
Partage les dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à PARIS, le 05 avril 2024.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. BERGER S. FORESTIER