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05/04/2024 | FRANCE | N°18/11404

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 05 avril 2024, 18/11404


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:



19ème chambre civile


N° RG 18/11404

N° MINUTE :


CONDAMNE

Assignation du :
23 Août 2018


GC






JUGEMENT
rendu le 05 Avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [O] [T]
[Adresse 8]
[Localité 5] (SUISSE)

représenté par Maître Sandrine DOREL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P73 et par la SELARL SOREL HUET LAMBERT-MICOUD, avocats plaidant, avocat au barreau de LY

ON




DÉFENDERESSES

BUREAU CENTRAL FRANCAIS
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Marine DEPOIX de la SELARL AKAOUI- DEPOIX- PICARD, avocat au barreau de PARIS, ve...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

19ème chambre civile


N° RG 18/11404

N° MINUTE :

CONDAMNE

Assignation du :
23 Août 2018

GC

JUGEMENT
rendu le 05 Avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [O] [T]
[Adresse 8]
[Localité 5] (SUISSE)

représenté par Maître Sandrine DOREL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P73 et par la SELARL SOREL HUET LAMBERT-MICOUD, avocats plaidant, avocat au barreau de LYON

DÉFENDERESSES

BUREAU CENTRAL FRANCAIS
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Marine DEPOIX de la SELARL AKAOUI- DEPOIX- PICARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0673

Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accident (SUVA)
[Adresse 7]
[Localité 3] (SUISSE)

représentée par Maître Alain TREMOLIERES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0036

Organisme SWICA
Décision du 05 Avril 2024
19ème chambre civile
N° RG 18/11404

[Adresse 9]
[Adresse 6]
[Localité 11] (SUISSE)

non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Géraldine CHABONAT, Juge, statuant en juge unique.

Assistée de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 19 Janvier 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 15 Mars 2024, prorogée au 29 Mars 2024 puis au 05 Avril 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [T], à l’aube de ses 50 ans (pour être né le [Date naissance 2] 1960) et de nationalité suisse, a été victime le 11 septembre 2010, d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué une moto conduite par Monsieur [F] assurée auprès de la société HDI GERLING représentée par le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS (ci-après « BCF »).

Il convient de préciser que Monsieur [T] présentait un état antérieur au niveau des épaules droite et gauche justifiant une acromioplastie et d’une ablation du matériel de synthèse en 2005 et 2006.

Par exploit d’huissier en date du 5 mars 2013, Monsieur [T] a assigné, devant le Juges des référés du Tribunal de Grande Instance de PARIS, le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS en sa qualité de débiteur délégué en France de la HDI DIREKT VERSICHERUNG AG et a sollicité que soit diligentée une expertise médicale ainsi que la somme de 2.000 € à titre d’indemnité provisionnelle.

Par ordonnance en date du 11 juillet 2013, le juge des référés a désigné en qualité d'expert le Docteur [I], et a débouté Monsieur [T] de sa demande de provision.

Le Docteur [I] s’est adjoint le Professeur [L] en qualité de sapiteur en chirurgie orthopédique dans la mesure où se posait la question de l’imputabilité de manifestations douloureuses à l’épaule gauche ayant conduit à un geste chirurgical le 11 juin 2011.

Le Docteur [I] après réception des Dires des parties a déposé son rapport définitif le 23 avril 2015 et a conclu ainsi que suit :

Consolidation 11 novembre 2010
• Préjudices patrimoniaux
• Perte de gains professionnels totale du 11 septembre au 17 octobre 2010
• Perte de gains professionnels à 50% du 18 au 30 octobre 2010

• Préjudices extra-patrimoniaux
• Déficit Temporaire Partiel au taux de 25% du 11 septembre au 17 octobre 2010
• Déficit Temporaire Partiel au taux de 10% du 18 octobre au 11 novembre 2010
Souffrances endurées : 2/7
• Déficit Fonctionnel Permanent : 2%

Monsieur [T] estimant que le Docteur [I] n’avait pas évalué correctement son préjudice a de nouveau assigné le 23 août 2018 le BCF afin de solliciter l’organisation d’une nouvelle mesure d’expertise.

Par jugement rendu le 19 juin 2020, une nouvelle expertise a été ordonnée et confiée au Docteur [C] à qui le Tribunal demandait tout particulièrement de dire si la lésion de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche ayant conduit à une intervention chirurgicale le 11 juin 2011, lui paraissait, totalement ou partiellement, en lien direct et certain avec l’accident survenu le 11 septembre 2010.

Aux termes du même jugement, le BCF a été condamné à régler au titre de son préjudice matériel à Monsieur [T] la contre-valeur en euros au jour du jugement de la somme de 8.387 francs suisses.

La Caisse d’assurance suisse d’assurance et d’accident (SUVA) est intervenue à l’instance en sa qualité de tiers payeurs, cette dernière lui ayant versé des prestations.

***

Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées le 13 mars 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [T] sollicite du tribunal l’indemnisation de son préjudice sur la base des conclusions de l’expert [C] soit :

Débouter le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS de sa demande de nullité du rapport du Dr [C] et de contre-expertise, et de toutes autres demandes, fins et conclusions.

Liquider le préjudice de Monsieur [T] sur la base des conclusions du Dr [C].

En conséquence,

Condamner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS ès qualité de débiteur délégué en France de la compagnie HDI DIREKT VERSICHERUNG AG à payer à Monsieur [O] [T] au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel une somme de 42.273,40 €.

Dire que les sommes allouées porteront intérêts au double du taux légal depuis le 11 décembre 2010, sur l’indemnité allouée à la victime, incluant la créance de l’organisme social, ces intérêts devront se capitaliser dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du Code Civil.

Condamner encore le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS es qualité de débiteur délégué en FRANCE de la compagnie HDI DIREKT VERSICHERUNG AG à payer à [O] [T] une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC.

Dire la décision intervenir opposable à la SUVA et à la SWICA.

Condamner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS es qualité de débiteur délégué en FRANCE de la compagnie HDI DIREKT VERSICHERUNG AG aux entiers dépens de l’instance, comprenant les frais d’expertise judiciaire s’élevant à 1.932 €.

Ordonner l’exécution provisoire de la décision

***

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 13 mai 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, SUVA sollicite du tribunal :

Vu d’une part les art. 175 et 114 du CPC,

Vu d’autre part les art. 72 à 75 LPGA, en lien avec l’art. 85 du règlement CE 883/2004 et l’annexe II de l’Accord
UE - Suisse du 21 juin 1999,

Et vu le droit à réparation intégrale décidé par jugement du 19 juin 2020,

Rejeter la demande de nullité du rapport du Dr [C]

Condamner le Bureau central français, es qualité de délégataire de la Compagnie allemande HDI Direkt Versicherung AG à payer à la Suva, dans la limite des postes de préjudices correspondants, les sommes suivantes ou leur contre-valeur en euros avec intérêts au taux légal à compter 26.10.2022 at après déduction d’une somme de 8'542,76 € réglée en 2017 (? 13) :

▪ 9'210,95 CHF au titre des frais de traitement
▪ 63'435,45 CHF au titre des indemnités journalières imputables sur la PGPA
▪ 332'476,61 CHF au titre des indemnités journalières et rentes postérieures à la date de consolidation
imputables sur la PGPF, l’incidence professionnelle et le DFP
▪ 8’820 CHF au titre de l’IPAI imputable sur les autres postes de préjudice extra-patrimonial

Condamner Bureau central français à payer à la Suva 3'000 € au titre de l’art. 700 du CPC ainsi qu’aux dépens

***

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 9 mars 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS sollicite du tribunal :

A titre principal :

- ORDONNER le rejet des conclusions du Docteur [C] et PRONONCER la nullité de son rapport,

En conséquence,

- LIQUIDER le préjudice de Monsieur [T] sur les bases du rapport du Docteur [I]

- FIXER le préjudice de Monsieur [T] comme suit :

• Frais médicaux : 1.763,55 CHF déjà réglée à la SUVA
• PGPA : 3.551,85 CHF déjà réglée à la SUVA
• Déficit Fonctionnel Temporaire partiel : 282,75 €
• Déficit Fonctionnel Permanent : 1.800 €
• Souffrances endurées : 1 600.00 €

- CONSTATER qu’après imputation des rentes et de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique, plus aucune somme ne saurait être due à Monsieur [T] au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent,

A titre subsidiaire :

- PRONONCER la nullité du rapport du Docteur [C]

- ORDONNER une nouvelle expertise judiciaire

- SURSEOIR à statuer sur la liquidation du préjudice de Monsieur [T]

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, le Tribunal liquidait le préjudice de Monsieur [T] sur les bases du rapport du Docteur [C] :

- FIXER le préjudice de Monsieur [T] comme suit :

• DSA et PGPA : aucune demande car déjà réglées
• Assistance tierce personne : 954.00 €
• Incidence professionnelle : rejet
• Déficit fonctionnel Temporaire : 3.759,15 €.
• Préjudice esthétique temporaire : 150 €
• Souffrances endurées : 3.000 €
• Déficit Fonctionnel Permanent : 9.100 €
• Préjudice d’agrément : rejet

- CONSTATER qu’après imputation des rentes et de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique, plus aucune somme ne saurait être due à Monsieur [T] au titre de l’incidence professionnelle, du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d’agrément.

En tout état de cause :

- DECLARER irrecevables les demandes formulées par la SUVA comme se heurtant au principe de l’autorité de la chose jugée ou à défaut, la DECLARER mal fondée et la DEBOUTER de l’intégralité de ses demandes en tant que dirigées à l’encontre du BCF,

- DEBOUTER Monsieur [T] de sa demande formulée au titre du doublement des intérêts légaux,

- DEBOUTER Monsieur [T] du surplus de ses demandes.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2023.

L’examen de l’affaire a été retenu à l’audience du 19 janvier 2024.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 15 mars 2024 prorogé au 5 avril 2024, prorogée au 29 Mars 2024 puis au 05 Avril 2024.

L’organisme social SWICA bien que régulièrement assigné et n’ayant pas constitué avocat, la présente décision sera déclarée réputée contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rejet des conclusions du rapport d’expertise du Docteur [C].

Le BCF sollicite le rejet des conclusions du rapport du docteur [C] et de voir liquider le préjudice de Monsieur [T] sur les seules bases du rapport du Docteur [I].

A l’appui de sa demande, le BCF fait observer que le Docteur [C] a conclu à une impossibilité de caractériser le lien de causalité entre l’accident litigieux et les lésions tendineuses post-traumatiques présentées par le demandeur comme une aggravation de son état initial et qu’il a dans le même temps conclu à une imputabilité de 50%.

Le BCF estime que le seul fait que l'épaule déjà porteuse d'un état antérieur ait connu une évolution dégénérative après l'accident, alors même qu'il n'a pas été constaté de traumatisme en rapport avec l'accident, n'est pas suffisant pour imputer cette évolution audit accident ce, d'autant plus que les ruptures de coiffe laissent toujours persister des séquelles et finissent systématiquement par s'aggraver.

Cependant, aux termes de l’article 175 du code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

A cet égard, l’article 114 du même code dispose : «Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à la charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité même s’il s’agit d’une irrégularité substantielle et/ou d’ordre public ».

A ce titre, aucune disposition ne sanctionne de la nullité l’inobservation des obligations imposées par l’article 238 au technicien commis.

En l’espèce, force est de constater que si le BCF critique les conclusions expertales, il n’élève aucun moyen tiré des articles du code de procédure civile précités.

Dès lors, le BCF sera débouté de sa demande.

Par ailleurs, les conclusions du 1er expert judiciaire, le Docteur [I], ayant été contestées par Monsieur [T], lequel a sollicité une contre-expertise, qui a donné lieu à la désignation du Docteur [C], il y a lieu de liquider son préjudice sur la base du rapport de ce dernier.

Sur le droit à indemnisation

Le droit de Monsieur [T] à l’indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l’accident de la circulation survenu le 11 septembre 2010 n’est pas contesté et résulte des articles 1 et 2 de la loi du 5 juillet 1985 relative aux victimes d’accidents de la circulation, ainsi que de l’article L124-3 du code des assurances permettant une action directe contre l’assureur.

A cet égard, dès la survenance de l’événement assuré l’assureur est subrogé, jusqu’à concurrence des prestations légales, aux droits de l’assuré et de ses survivants contre tout tiers responsable en application de l’article 72 de la Loi suisse sur la partie générale du droit des assurances sociales.

Les mécanismes du recours suisse sont analogues à ceux du droit français en ce qu’il s’exerce poste par poste dans la limite de l’indemnité réparatrice mise à la charge du tiers responsable puisqu’il est de nature subrogatoire, avec transfert de l’action directe avec cette exception que la subrogation intervient dès le fait dommageable, et non au paiement de la prestation, ce qui autorise le recours pour les prestations futures.

Par conséquent, il y a lieu de condamner le BCF à indemniser l’entier préjudice de Monsieur [T].

– PREJUDICES PATRIMONIAUX

- Assistance tierce personne

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l’espèce, Monsieur [T] sollicite la somme de 1.593 € sur la base d’un taux horaire de 18 € tandis que le BCF offre une indemnisation à hauteur de 954 € soit 16 € de l’heure.

Cependant, la demande de Monsieur [T] est adaptée à sa situation s’agissant d’une aide n’ayant pas donné lieu au paiement de charges sociales.

Dès lors, il convient d’indemniser Monsieur [T] aux périodes déterminées par le Docteur [C]  à savoir :

du 5 juin 2011 au 4 août 2011 : 61 jours x 2 H x 18 € = 2.196 €
du 5 août 2011 au 4 novembre 2011 : 13 semaines x 3 H x 18 € = 702 €

Soit un total de 2.898 €

Les séquelles ayant été déclarées imputables à 50% à l’accident survenu le 11 septembre 2010 compte-tenu de son état antérieur, il convient par conséquent de condamner le BCF à verser à Monsieur [T] la somme de 1.449 € (2.898 € /2)

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

En l’espèce, l’expert a relevé que Monsieur [T] a pu poursuivre l’exercice de sa profession de conducteur de bus, mais qu’il lui a été en revanche impossible de reprendre ses activités de mécanicien, cette impossibilité étant en rapport de l’état fonctionnel et douloureux de l’épaule gauche, et à imputer à 50%.

Monsieur [T] sollicite la somme de 30.000 € et après l’application du pourcentage de l’imputabilité de ses séquelles à l’accident la somme de 15.000 €.

Cependant, comme le relève très justement le BCF, force est de constater que l’expert s’est uniquement fondé sur les allégations de Monsieur [T], lesquelles ne sont étayées par aucune pièce versée aux débats.

Il en résulte que le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier et de quantifier par des éléments probants l’incidence professionnelle dont souffre Monsieur [T] en l’absence de bulletins de paie, de ses contrats de travail ou encore de ses avis d’impositions.

Par conséquent, il y a lieu de débouter Monsieur [T] de sa demande.

– PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l’espèce, Monsieur [T] sollicite la somme de 4.973,40 € sur la base d’un taux journalier de 27 € tandis que le BCF offre la somme de 3.759,15 € soit 24 € par jour total de déficit.

Cependant, la demande de Monsieur [T] est conforme à ce qui est usuellement alloué.

Dès lors, il y a lieu de l’indemniser selon le calcul suivant en tenant compte des périodes déterminées par l’expert judiciaire :

DFT 100% : 206 jours x 27 € = 5.562 €, imputable à l’accident à hauteur de 50% soit la somme de 2.781 €.DFT 50% : 61 jours x 27 € x 50% = 823,50 €, imputable pour moitié, soit : 411,75 €DFT 25% : 129 jours x 27 € x 25% = 870,75 €DFT 15% : 208 jours x 27 € x 15% = 842,40 €DFT 10% : 25 jours x 27 € x 10% = 67,50 €
Par conséquent, il y a lieu de condamner le BCF à verser à Monsieur [T] la somme de 4.973,40 €.

A cet égard, il n’y a pas lieu comme le soutient le BCF d’imputer la créance de l’organisme social à savoir SUVA.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis, s’agissant notamment de la coiffe gauche.

L’expert les a cotées à 3/7 ce qui justifie l'allocation de la somme de 3.000 € (après application de la réduction de 50% imputable à l’accident).

Par ailleurs, il n’y a pas lieu comme le soutient le BCF d’imputer la créance de l’organisme social à savoir SUVA.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.

En l’espèce, Monsieur [T] sollicite la somme de tandis que 1.200 € (soit 600 € après imputation de 50%) tandis que le BCF formule une offre à hauteur de 300 € (soit 150 €).

Force est de constater qu’au regard de la durée très limitée (pendant 2 mois telle qu’évaluée par le Docteur [C]), l’indemnisation de ce poste de préjudice justifie l’allocation de la somme de 800 € soit 400 € après application de l’imputabilité à l’accident à hauteur de 50%.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu comme le soutient le BCF d’imputer la créance de l’organisme social à savoir SUVA.

- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

A cet égard, contrairement à ce que soutient le BCF, la rente d’invalidité servie par la SUVA n’a plus vocation à s’imputer sur ce poste de préjudice.

Monsieur [T] souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 7 % par l’expert et la victime étant âgée de 52 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité calculée selon une valeur du point d’incapacité au regard de l’âge à la consolidation (1.560) et du taux de déficit retenu = 10.920 €.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident et également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités, sous réserve de la production de pièces le justifiant.

En l'espèce, Monsieur [T] sollicite la somme de 2.500 € après réduction de 50 % dû à l’imputabilité partielle des séquelles de l’accident tandis que le BCF conclut au rejet.

Il est constant que le Docteur [C] a retenu l’existence d’un préjudice d’agrément en raison d’une impossibilité de continuer à pratiquer le snowboard, le ski de fond ou la moto,

Cependant, Monsieur [T] ne verse aucune pièce de la pratique de ces sports.

Par conséquent, Monsieur [T] sera débouté de sa demande.

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

Lorsque l'assureur n'est pas informé de la consolidation de l'état de la victime dans les trois mois suivant l'accident, il doit faire une offre d'indemnisation provisionnelle dans un délai de huit mois à compter de l'accident. L'offre définitive doit être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

En l’espèce, l’accident a eu lieu le 11 septembre 2010.

Toutefois, après contre-expertise sollicitée par Monsieur [T], le Docteur [C], dernier expert judiciaire désigné pour évaluer le préjudice corporel de la victime, a fixé la consolidation au 31 mai 2012.

Le rapport d’expertise a été porté à la connaissance du BCF le 11 février 2021.

Une offre ayant été effectuée par voie de conclusions le 21 septembre 2022, il y a lieu de dire que le montant de cette offre, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, produira intérêts au double du taux de l'intérêt légal du 11 juillet 2021 au 21 septembre 2022.

SUR LES DEMANDES DE LA SUVA

Sur la recevabilité des demandes de la SUVA
La SUVA sollicite différentes sommes aux titre des prestations qu’elle a versées à Monsieur [T].

Le BCF s’y oppose que les demandes de la SUVA se heurteraient à l’autorité de la chose jugée conférée par l’article 2052 du code civil.

Le BCF verse à l’appui de son argumentation la quittance régularisée par la SUVA aux termes de laquelle cette dernière a accepté la somme de 8.542,76 € en règlement de sa créance récursoire consécutive aux dommages corporels de Monsieur [T].

Le BCF précise à ce titre que les conclusions du Docteur [I] n’ont jamais été invalidées.

Cependant, force est de constater que contrairement à ce que soutient le BCF, Monsieur [T] ayant sollicité une contre-expertise, les conclusions du Docteur [I] n’ont plus lieu d’être retenues.

Par conséquent, les demandes de la SUVA sont recevables.

Sur le mal-fondé des demandes de la SUVA
Sur les frais de traitement

La SUVA sollicite la somme de 9.210,95 CHS.

A l’appui de sa demande, la SUVA expose qu’elle a versé 2'122,35 CHF dès suites immédiates de l’accident puis 14'176,60 CHF suite à l’opération de Monsieur [T] au printemps 2011 qui selon le Dr [C] est imputable pour moitié à l’accident et pour moitié à un état antérieur soit 7'088,30 CHF pour tenir compte de l’imputabilité partielle.

Le tribunal s’interroge sur la compréhension des calculs opérés par la SUVA, le montant total des prestations selon les chiffres avancés s’élèvent à 16.298,95 CHF alors qu’il est sollicité 9.210,95 CHS.

Par conséquent, il y a lieu de débouter la SUVA de sa demande.

Sur les indemnités journalières avant consolidation

La SUVA sollicite la somme de 63.435,45 CHF.

A cet égard, la SUVA expose que Monsieur [T] ne verse aucun bulletin de salaire et d’avis d’imposition, ce qui est une première problématique.

Par ailleurs, force est de constater d’une part qu’à l’appui de sa demande, la SUVA verse aux débats le contrat de travail de Monsieur [T] dont il faudrait faire la répartition entre la rémunération brut et sa rémunération nette.

Il n’appartient pas à la présente juridiction de faire les calculs au regard de la fiscalité suisse.

De plus, aux termes de l’ordonnance de [Localité 10] signée au mois d’août 1539 par le roi de France François Ier, il convient de faire usage de la langue française, notamment dans le mode de preuve.

Or, les contrats de travail de Monsieur [T] sont rédigés en langue allemande.

Par conséquent, il y a lieu de débouter la SUVA de sa demande.

Sur la demande au titre des indemnités journalières et rentes postérieures

La SUVA sollicite la somme de 332.476,61 CHF après capitalisation selon le barème de la gazette du Palais sans préciser le taux d’intérêts.

A l’appui de sa demande, la SUVA expose qu’elle a versé 5'577,80 CHF d’indemnités journalières et a reconnu à Monsieur [T] le droit à une rente d’invalidité viagère (art. 19 LAA) de 895,15 CHF depuis le 1er août 2013 par décision du 17 novembre 2015.

Cependant, force est de constater qu’aux termes de son bordereau de prestations, ces chiffres ne se retrouvent pas.

Par ailleurs, ainsi qu’il a été jugé ci-avant, que Monsieur [T] ne justifiant pas de sa situation professionnelle, de sorte qu’il n’a pas été fait droit à ses demandes, notamment s’agissant de l’incidence professionnelle.

Par conséquent, il y a également lieu de débouter la SUVA de sa demande.

Sur la demande au titre de l’atteinte à l’intégrité

La SUVA sollicite la somme de 8.820 CHF.

La SUVA indique elle-même dans ses conclusions qu’ils ont été évalués par l’intéressé à 11.230 CHF.

La présente judication estime nébuleuse la demande de la SUVA, il convient donc de l’en débouter.

Sur l’article 700 et les dépens

Il y a lieu de condamner le BCF à verser à Monsieur [T] la somme de 2.500 € au titre des dispositions du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Sandrine DOOREL pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

L'ancienneté de l'accident justifie que soit ordonnée l'exécution provisoire sollicitée à concurrence des deux tiers des indemnités allouées en capital à et en totalité en ce qui concerne la rente les indemnités allouées à Monsieur [T], celles relative à l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Il y a lieu de débouter la SUVA de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DIT que le droit à indemnisation de Monsieur [O] [T] des suites de l’accident de la circulation survenu le 11 septembre 2010 est entier,

DÉBOUTE le BUREAU CONTRAL FRANÇAIS de sa demande d’expertise,

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à Monsieur [O] [T] à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, en réparation des préjudices suivants :

Assistance tierce personne : 1.449 €Déficit fonctionnel temporaire : 4.973,40 €Souffrances endurées : 3.000 €Préjudice esthétique temporaire : 400 €Déficit fonctionnel permanent :10.920 €
DÉBOUTE Monsieur [O] [T] de ses demandes formulées au titre de l’incidence professionnelle et du préjudice d’agrément,

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à Monsieur [O] [T] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 11 juillet 2021 et jusqu’au 21 septembre 2022,

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à verser à Monsieur [O] [T] la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le BUREAU CONTRAL FRANÇAIS aux dépens dont distraction au profit de Me Sandrine DOREL pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

DIT que l'exécution provisoire du présent jugement est limité aux des deux tiers des indemnités allouées au titre du préjudice corporel ;

CONSTATE que l’exécution provisoire est de droit en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

DÉCLARE recevables les demandes de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accident,

DÉCLARE mal-fondées les demandes de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accident et l’en déboute,

DÉBOUTE la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accident de ses demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

DÉCLARE le présent jugement commun à l’organisme social SWICA,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Fait et jugé à Paris le 05 Avril 2024

Le GreffierLa Présidente
Célestine BLIEZGéraldine CHABONAT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/11404
Date de la décision : 05/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-05;18.11404 ?
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