La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°23/10168

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr fond, 04 avril 2024, 23/10168


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Monsieur [T] [E]


Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Marion LACOME D’ESTALENX

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR fond

N° RG 23/10168 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3UMA

N° MINUTE : 6







JUGEMENT
rendu le 04 avril 2024
DEMANDEURS

Monsieur [N] [W],
[Adresse 2]

comparant en personne assisté de Maître Marion LACOME D’ESTALENX de l’AARPI LACOME D’ESTALENX MARQUIS, avoca

ts au barreau de PARIS,

Madame [Y] [B] épouse [W],
[Adresse 2]

représentée par Maître Marion LACOME D’ESTALENX de l’AARPI LACOME D’ESTALENX MARQUIS, avocats au barreau de PARIS,

...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Monsieur [T] [E]

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Marion LACOME D’ESTALENX

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 23/10168 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3UMA

N° MINUTE : 6

JUGEMENT
rendu le 04 avril 2024
DEMANDEURS

Monsieur [N] [W],
[Adresse 2]

comparant en personne assisté de Maître Marion LACOME D’ESTALENX de l’AARPI LACOME D’ESTALENX MARQUIS, avocats au barreau de PARIS,

Madame [Y] [B] épouse [W],
[Adresse 2]

représentée par Maître Marion LACOME D’ESTALENX de l’AARPI LACOME D’ESTALENX MARQUIS, avocats au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [T] [E],
[Adresse 1]

comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 09 février 2024

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 04 avril 2024 par Romain BRIEC, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS, Greffier
Décision du 04 avril 2024
PCP JCP ACR fond - N° RG 23/10168 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3UMA

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat sous seing privé en date du 4 novembre 2022, Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] ont donné à bail à Monsieur [T] [E] un appartement à usage d’habitation situé au [Adresse 1], pour un loyer mensuel de 2544,80 euros outre 155,20 euros de provision sur charges.

Des loyers étant demeurés impayés, Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] a fait signifier par acte de commissaire de justice un commandement de payer la somme de 8100 euros à titre principal (8291,12-24,83-166,29 à la lecture de l’acte), correspondant à l’arriéré locatif, terme de septembre 2023 inclus et visant la clause résolutoire contractuelle, le 7 septembre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 6 décembre 2023, Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] a fait assigner Monsieur [T] [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- constater le jeu de la clause résolutoire insérée au contrat de bail liant les parties sur le fondement de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 et subsidiairement prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts du preneur,
- ordonner l'expulsion du preneur et de tout occupant de son chef avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin est,
- ordonner le transport et la séquestration des meubles en tel lieu qu'il lui plaira, aux frais et aux risques du défendeur,
- condamner Monsieur [T] [E] à lui payer les loyers et charges impayés au mois de novembre 2023 inclus, soit la somme de 13500 euros, sous réserve des loyers à échoir, avec intérêts légaux à compter de l'assignation, ainsi qu'une indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux d'un montant mensuel égal au montant du loyer et des charges si le bail s'était poursuivi,
- condamner Monsieur [T] [E] à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] expose que plusieurs échéances de loyers sont demeurées impayées malgré un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail délivré le 7 septembre 2023, et ce pendant plus de six semaines.

L’affaire a été appelée et retenue à l'audience du 9 février 2024.

A l'audience, Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W], représentés par leur conseil, ont sollicité le bénéfice de son leur introductif d'instance, et ont actualisé la créance à la somme de 21600 euros, échéance de février 2024 incluse. Ils ont a indiqué que le locataire n’avait procédé à aucun règlement depuis l’assignation. Ils se sont opposés à l’octroi de délais de paiement, de même qu’à une suspension des effets de la clause résolutoire.

Monsieur [T] [E] a comparu en personne et a reconnu le montant de la dette locative. Il a indiqué percevoir 483 euros d’allocation chômage (ce dont il a justifié à l’audience) et que sa compagne a un salaire de 2000 euros. Il a expliqué la dette locative par l’impossibilité de se verser une rémunération depuis la création de son entreprise. Il a en outre produit une copie d’un courrier de congé pour le 4 mars 2024 (sans justifier de l’envoi effectif par courrier avec AR). Il a sollicité d’apurer sa dette par des versements de 800 euros par mois.

Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] ont été autorisés à produire un décompte actualisé au plus tard le 14 février 2024 pour justifier de l’absence de réglement du défendeur depuis l’assignation, tel qu’allégué par eux à l’audience.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera relevé que Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] ont communiqué, par note en délibéré du 12 février 2024, un décompte actualisé faisant état d’une créance locative de 21600 euros, terme de février 2024 inclus.

Sur la recevabilité de l'action

Une copie de l’assignation a été notifiée à la préfecture de Paris par la voie électronique le 7 septembre 2023, soit plus de six semaines avant l’audience du 9 février 2024, conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

L’action est donc recevable.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail

L’une des obligations essentielles du preneur d'un contrat de bail est celle du paiement des loyers aux termes convenus en application de l'article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution d'un contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En matière de bail, l'article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l'espèce, le bail conclu le 4 novembre 2022 contient une clause résolutoire et un commandement de payer visant cette clause a été signifié le 7 septembre 2023, pour la somme en principal de 8100 euros. Ce commandement rappelle la mention que le locataire dispose d'un délai de six semaines pour payer sa dette, comporte le décompte de la dette et l'avertissement qu'à défaut de paiement ou d'avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s'expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d'expulsion, outre la mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département aux fins de solliciter une aide financière et de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil. Il est ainsi régulier en sa forme.

Il correspond par ailleurs bien à une dette justifiée à hauteur du montant des loyers échus et impayés (voir ci-après au titre de la demande en paiement) et est ainsi valable.

Ce commandement est enfin demeuré infructueux pendant plus de six semaines, de sorte qu’il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies à la date du 23 octobre 2023.

Si, en application de l'article 24 V et VII de la loi du 6 juillet 1989 le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, au locataire en situation de régler sa dette locative et qui aurait repris le paiement du loyer courant (cette dernière condition peut cependant être écartée à la demande du locataire ou du bailleur), lesquels suspendent les effets de la clause résolutoire, en l'espèce, Monsieur [T] [E] ne démontre pas être en capacité de régler sa dette locative de façon échelonnée. Ses ressources mensuelles sont faibles et il ne justifie pas de celles de sa compagne. Il sera relevé par ailleurs qu'aucun paiement des loyers n'est intervenu depuis plusieurs mois et que la dette locative ne cesse de s'aggraver. Dans ces conditions, il convient de le débouter de sa demande de délais. Les bailleurs se sont en outre opposés à l’audience à une suspension éventuelle de la clause résolutoire.

Monsieur [T] [E] étant sans droit ni titre depuis le 23 octobre 2023, il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Il sera fait application du délai de deux mois prévu par les dispositions des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Il sera rappelé enfin que lesort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.

Sur la demande en paiement au titre de l'arriéré locatif et de l'indemnité d'occupation

Monsieur [T] [E] est redevable des loyers impayés jusqu'à la date de résiliation du bail en application des articles 1103 et 1217 du code civil. Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l'espèce, Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] produisent un décompte démontrant que Monsieur [T] [E] reste leur devoir la somme de 21600 euros à la date du 12 février 2024, cette somme correspondant à l'arriéré des loyers impayés et aux indemnités d'occupation échues à cette date.

Pour la somme au principal, Monsieur [T] [E] n’apporte aucun élément de nature à contester le principe ni le montant de la dette, qu’il reconnaît d’ailleurs à l’audience. Il sera donc condamné au paiement de la somme de 21600 euros, avec les intérêts au taux légal sur la somme de 8100 euros à compter de la délivrance du commandement de payer, et à compter de la présente décision pour le surplus conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

Monsieur [T] [E] sera aussi condamné au paiement d'une indemnité mensuelle d’occupation pour la période courant du 13 février 2024 à la date de la libération effective et définitive des lieux, égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [T] [E], partie perdante, supportera la charge des dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du bailleur les frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1000 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 4 novembre 2022 entre Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] et Monsieur [T] [E] concernant l’appartement à usage d’habitation, situé au [Adresse 1] sont réunies à la date du 23 octobre 2023 ;

DEBOUTE Monsieur [T] [E] de sa demande de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire ;

ORDONNE en conséquence à Monsieur [T] [E] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement ;

DIT qu’à défaut pour Monsieur [T] [E] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] pourront, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, conformément à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

DIT n’y avoir lieu à ordonner l'enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place et rappelle que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

CONDAMNE Monsieur [T] [E] à verser à Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] la somme de 21600 euros (décompte arrêté au 12 février 2024, incluant la mensualité de février 2024), correspondant à l'arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation, avec les intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2023 sur la somme de 8100 euros et à compter de la présente décision pour le surplus ;

CONDAMNE Monsieur [T] [E] à verser à Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] une indemnité mensuelle d’occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi (soit à ce jour 2700 euros), à compter du 13 février 2024 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion) ;

CONDAMNE Monsieur [T] [E] à verser à Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [B] épouse [W] une somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE Monsieur [T] [E] aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le juge des contentieux de la protection et le greffier susnommés.

Le greffier, Le juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr fond
Numéro d'arrêt : 23/10168
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;23.10168 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award