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04/04/2024 | FRANCE | N°20/01336

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 2ème section, 04 avril 2024, 20/01336


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E + C.C.C.
délivrées le :
à Me BLANGY (P0399)
Me ROSSI LANDI (D0014)
Me BORÉ (PC19)
C.C.C.
délivrées le :
à Me COUET (B0181)




18° chambre
2ème section

N° RG 20/01336

N° Portalis 352J-W-B7E-CRT3U

N° MINUTE : 8

Assignation du :
03 Février 2020










JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024
DEMANDERESSES

S.A.S. EUNOIA SAS (RCS Paris 820 672 350)
[Adresse 3]
[Localité 7]

S.A.S. GÉNÉRATION

3 SAS (RCS Paris 821 148 186)
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentées par Maître Guillaume COUET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0181


DÉFENDEURS

S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOB...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E + C.C.C.
délivrées le :
à Me BLANGY (P0399)
Me ROSSI LANDI (D0014)
Me BORÉ (PC19)
C.C.C.
délivrées le :
à Me COUET (B0181)

18° chambre
2ème section

N° RG 20/01336

N° Portalis 352J-W-B7E-CRT3U

N° MINUTE : 8

Assignation du :
03 Février 2020

JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024
DEMANDERESSES

S.A.S. EUNOIA SAS (RCS Paris 820 672 350)
[Adresse 3]
[Localité 7]

S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS (RCS Paris 821 148 186)
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentées par Maître Guillaume COUET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0181

DÉFENDEURS

S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER (RCS Paris 820 862 944)
[Adresse 9]
[Localité 5]

représentée par Maître François BLANGY de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0399

Décision du 04 Avril 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 20/01336 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRT3U

S.C.I. SCI ESC 5 (RCS Paris 421 751 744)
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Romain ROSSI LANDI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0014

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 2]
Chez son syndic la S.A.R.L. K G S PRESTIGE
[Adresse 1]
[Localité 6]

représenté par Maître Christophe BORÉ de la S.E.L.A.R.L. A.K.P.R., avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, avocat plaidant, vestiaire #PC19

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lucie FONTANELLA, Vice-présidente
Maïa ESCRIVE, Vice-présidente
Cédric KOSSO-VANLATHEM, Juge

assistés de Henriette DURO, Greffier

DÉBATS

À l’audience du 18 Janvier 2024 tenue en audience publique.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort

Sous la rédaction de [L] [G]

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte notarié en date du 10 janvier 2019, la S.C.I. SCI ESC 5 a donné à bail dérogeant au statut des baux commerciaux à la S.A.S. EUNOIA SAS des locaux situés en rez-de-chaussée constituant les lots n°9 et n°10 d'un immeuble soumis au statut de la copropriété dénommé « [Adresse 2] » sis [Adresse 2] cadastré section AK numéro [Cadastre 8] d'une contenance totale de 7 ares et 73 centiares pour une durée de trois années à effet rétroactif au 1er janvier 2019 afin qu'y soit exercée une activité de production et de vente de parfumerie, cosmétiques et mode, ainsi que de tous produits dérivés, moyennant le versement d'un loyer annuel initial d'un montant de 36.800 euros hors charges et hors taxes et d'une provision annuelle sur charges d'un montant de 1.300 euros payables trimestriellement à terme à échoir.

Par acte sous signature privée en date du 12 janvier 2019, la S.A.S. EUNOIA SAS a consenti une sous-location dérogeant au statut des baux commerciaux portant sur les locaux susvisés à la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS exerçant sous l'enseigne « Le Jardin Retrouvé » à effet rétroactif au 1er janvier 2019 afin qu'y soit exercée une activité identique à celle susmentionnée, moyennant le versement d'un loyer annuel initial d'un montant de 36.800 euros hors charges et hors taxes et d'une provision annuelle sur charges d'un montant de 1.300 euros payables trimestriellement à terme à échoir.

Suivant procès-verbal en date du 18 juin 2019, l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires de l'immeuble a refusé de procéder à la modification des modalités d'accès à la résidence proposée par la S.C.I. SCI ESC 5 tendant à la reprogrammation des horaires d'utilisation des codes d'accès le samedi de 8 heures à 20 heures.

Par lettre recommandée et courriel en date du 13 décembre 2019, la S.A.R.L. K G S PRESTIGE, en sa qualité de syndic de copropriété, a mis en demeure la S.C.I. SCI ESC 5 et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS notamment de faire retirer sous huitaine une pancarte affichée à l'entrée de l'immeuble faisant mention des codes d'accès.

Reprochant à la S.C.I. SCI ESC 5 de leur avoir dissimulé des informations tenant notamment à l'impossibilité pour les tiers d'accéder à l'immeuble le samedi sans être muni des codes d'accès, ce qui les empêchait de pouvoir exploiter leur fonds de commerce à des conditions normales et rentables, la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS lui ont, par lettre recommandée et courriel adressés par l'intermédiaire de leur conseil en date du 24 décembre 2019, notifié leur refus de régler leurs loyers, taxes et charges locatives à compter du 1er janvier 2020, à moins qu'elle ne consente à assumer la charge financière de l'embauche d'un portier permettant à leur clientèle d'accéder aux locaux le samedi.

Devant le refus opposé par la S.C.I. SCI ESC 5 par lettre officielle adressée par l'intermédiaire de son conseil en date du 9 janvier 2020, la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS l'ont, par exploits d'huissier en date du 3 février 2020, fait assigner, ainsi que la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER en sa qualité d'agence immobilière par l'entremise de laquelle les négociations avaient été menées, devant le tribunal judiciaire de Paris en nullité du contrat de bail dérogatoire et en indemnisation de leur préjudice.

Cette instance a été enrôlée sous le numéro de répertoire général RG 20/01336.

Faisant grief à la S.A.S. EUNOIA SAS de ne pas s'être acquittée du montant du loyer et des charges locatives du premier trimestre de l'année 2020, la S.C.I. SCI ESC 5 lui a, par acte d'huissier en date du 10 février 2020, fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail dérogatoire portant sur la somme de 11.430 euros en principal, outre le coût de l'acte d'un montant de 192,82 euros.

Par exploit d'huissier en date du 17 avril 2020, la S.C.I. SCI ESC 5 a fait assigner en intervention forcée le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 2] en garantie.

Cette instance a été enrôlée sous le numéro de répertoire général RG 20/03502.

Par ordonnance contradictoire en date du 19 octobre 2020, le juge de la mise en état a notamment : condamné la S.A.S. EUNOIA SAS à payer à la S.C.I. SCI ESC 5 la somme provisionnelle de 5.000 euros en règlement des loyers et/ou indemnités d'occupation échus au titre des deux premiers trimestres de l'année 2020 ; débouté la S.A.S. EUNOIA SAS de sa demande de communication de documents ; et ordonné la jonction des deux instances enrôlées sous les numéros de répertoire général RG 20/01336 et RG 20/03502.

Postérieurement à l'introduction de la présente instance, la S.C.I. SCI ESC 5 a, par actes d'huissier en date des 26 juin 2020 et 8 janvier 2021 dénoncés respectivement les 3 juillet 2020 et 12 janvier 2021, fait pratiquer, d'une part une saisie-attribution auprès de l'établissement bancaire de la S.A.S. EUNOIA SAS portant sur la somme totale de 9.515,33 euros, et d'autre part une saisie des droits d'associée et des valeurs mobilières de celle-ci auprès de la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS portant sur la somme totale de 50.876,76 euros.

Par jugement contradictoire en date du 10 novembre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a notamment débouté la S.A.S. EUNOIA SAS de ses demandes de caducité et de nullité de la saisie-attribution pratiquée par acte d'huissier en date du 26 juin 2020.

Par jugement contradictoire en date du 29 mars 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a notamment débouté la S.A.S. EUNOIA SAS de ses demandes de nullité et de suspension de la saisie des droits d'associée et des valeurs mobilières pratiquée par acte d'huissier en date du 8 janvier 2021.

Par acte d'huissier en date du 30 juin 2021, la S.C.I. SCI ESC 5 a fait signifier à la S.A.S. EUNOIA SAS un congé pour le 31 décembre 2021.

Par ordonnance contradictoire en date du 22 novembre 2021, le juge de la mise en état a notamment : déclaré la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS irrecevables en leurs demandes tendant à voir suspendre l'exigibilité des loyers pour les années 2020 et 2021 et à interdire à la S.C.I. SCI ESC 5 de procéder à des mesures d'exécution forcée dans l'attente du jugement à intervenir ; et débouté la S.C.I. SCI ESC 5 de ses demandes de provisions formées à l'encontre de la S.A.S. EUNOIA SAS et de la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS.

La S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS ont restitué les locaux suivant procès-verbal d'état des lieux de sortie en date du 24 décembre 2021.

Enfin, par arrêt contradictoire en date du 10 février 2022, la cour d'appel de Paris a notamment : déclaré la S.A.S. EUNOIA SAS irrecevable en ses demandes nouvelles tendant à voir prononcer la nullité de toute autre voie d'exécution forcée qui pourrait être engagée par la S.C.I. SCI ESC 5 sur le fondement du contrat de bail notarié en date du 10 janvier 2019 ainsi qu'à ordonner la mainlevée de toute procédure d'exécution engagée à son encontre sur ce même fondement ; et confirmé en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en date du 29 mars 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 27 juin 2022, la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS demandent au tribunal, sur le fondement des articles 1104, 1112-1, 1131, 1137, 1138, 1178, 1219, 1220, 1240, 1719 et 1728 du code civil, de :

–à titre principal, prononcer la nullité du contrat de bail conclu par acte notarié en date du 10 janvier 2019 en raison des manœuvres dolosives commises par la S.C.I. SCI ESC 5 et par la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER ;
–en conséquence, condamner in solidum la S.C.I. SCI ESC 5 et la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER à payer à la S.A.S. EUNOIA SAS les sommes suivantes :
•la somme de 9.200 euros en restitution du dépôt de garantie (sauf si ce dernier est restitué à la date du jugement à intervenir) ;
•la somme de 2.069,96 euros en remboursement des frais et honoraires notariés ;
•la somme de 11.208 euros en remboursement des honoraires de négociation de l'agence immobilière ;
•la somme de 29.844,06 euros en remboursement du coût des travaux de réaménagement du local ;
•la somme de 46.980,92 euros en restitution des loyers et charges locatives versés par la S.A.S. EUNOIA SAS à la S.C.I. SCI ESC 5 au cours de l'exécution du contrat ;
–fixer l'indemnité d'occupation due à la S.C.I. SCI ESC 5 pour la totalité de la durée du contrat de bail en date du 10 janvier 2019, soit pour les années 2019, 2020 et 2021, à la somme de 10.000 euros charges incluses ;
–à titre subsidiaire, juger que la S.C.I. SCI ESC 5 et la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER, en raison de leur manquement à leur obligation d'information, leur ont causé un préjudice consistant en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ;
–en conséquence, réduire les loyers dus pour la totalité de la durée du contrat de bail en date du 10 janvier 2019, soit pour les années 2019, 2020 et 2021, à la somme de 15.000 euros charges incluses ;
–condamner in solidum la S.C.I. SCI ESC 5 et la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER à leur payer la somme de 99.302,94 euros à titre de dommages et intérêts ;
–en tout état de cause, débouter la S.C.I. SCI ESC 5, la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER et le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 2] de l'intégralité de leurs demandes formées à leur encontre ;
–prononcer la compensation de leurs dettes et créances avec celles de la S.C.I. SCI ESC 5 et de la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER ;
–condamner in solidum la S.C.I. SCI ESC 5 et la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER à leur payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
–condamner in solidum la S.C.I. SCI ESC 5 et la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER aux dépens ;
–écarter l'exécution provisoire de droit du jugement à intervenir pour le cas où le tribunal devait faire droit aux demandes de la S.C.I. SCI ESC 5 et de la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER.

À l'appui de leurs prétentions, la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS font valoir que la bailleresse et l'agence immobilière leur ont dissimulé, avant la conclusion du contrat de bail, d'une part que les codes d'accès à l'immeuble étaient activés le samedi à partir de 13 heures, empêchant la clientèle d'accéder aux locaux à partir de cet horaire, et d'autre part qu'aucune signalétique extérieure ne pouvait être mise en place, les privant de la possibilité de promouvoir leur activité auprès de la clientèle, ce qui justifie, à titre principal, l'annulation du contrat de bail dérogatoire, la restitution de toutes les sommes versées en exécution de celui-ci, ainsi que la fixation d'une indemnité d'occupation dont le montant doit tenir compte de l'impossibilité d'exploiter le fonds de commerce dans des conditions conformes à la destination contractuelle.

À titre subsidiaire, elles affirment que la réticence dolosive dont elles ont été victimes constitue un manquement de la S.C.I. SCI ESC 5 et de la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER à leur obligation d'information précontractuelle, ce qui justifie l'octroi à leur profit de dommages et intérêts d'un montant équivalent à toutes les sommes versées en exécution du bail ainsi que la réduction du loyer.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 2 février 2022, la S.C.I. SCI ESC 5 sollicite du tribunal, sur le fondement des articles 1137, 1728, 1753 et 1992 du code civil, et des articles 9 et 26 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, de :

–la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
–à titre principal, débouter la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS de l'ensemble de leurs demandes ;
–à titre reconventionnel, condamner in solidum la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS à lui payer la somme de 90.475,54 euros en règlement des loyers, charges locatives et indemnités d'occupation dus au 24 décembre 2021 ;
–dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date d'effet du commandement de payer, soit à compter du 10 mars 2021 (sic) ;
–à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le tribunal jugerait nul le contrat de bail conclu par acte notarié en date du 10 janvier 2019, juger que la S.A.S. EUNOIA SAS est débitrice d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au loyer, et la condamner à lui payer cette indemnité, soit la somme de « xxx » (sic) au 24 décembre 2021 ;
–condamner la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;
–à titre infiniment subsidiaire, condamner le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 2] à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;
–en tout état de cause, condamner in solidum la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
–condamner in solidum la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer en date du 10 février 2019 (sic) et du procès-verbal de constat en date du 8 février 2020, ainsi que les dépens relatifs aux deux ordonnances du juge de la mise en état.

Au soutien de ses demandes, la S.C.I. SCI ESC 5 conteste, à titre principal, avoir commis une quelconque réticence dolosive, faisant observer que les locaux donnés à bail sont situés en fond de cour de l'immeuble, impliquant une visibilité et une accessibilité moindres, ce dont la preneuse avait parfaitement connaissance. Elle ajoute avoir sollicité auprès de l'assemblée générale des copropriétaires la désactivation du digicode le samedi après-midi, ce qui lui a été refusé sans que cela puisse lui être imputable. Elle souligne que sa locataire avait la possibilité de mettre en place une signalétique extérieure, à condition que celle-ci respecte les conditions posées par le règlement de copropriété. Elle fait remarquer que le chiffre d'affaires réalisé par la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS le samedi est supérieur à celui généré lors de chacun des autres jours de la semaine, si bien qu'aucun préjudice n'est caractérisé, ce qui justifie le rejet de l'intégralité des prétentions adverses.

À titre subsidiaire, elle indique que l'indemnité d'occupation qui lui est due en cas d'annulation du contrat de bail doit correspondre au montant du loyer contractuel, lequel tient déjà compte de la moindre visibilité des locaux. Elle précise ne pas avoir été directement en contact avec la S.A.S. EUNOIA SAS préalablement à la conclusion du bail, seule la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER étant en charge des opérations de négociation, ce qui justifie son appel en garantie exercé à l'encontre de cette dernière.

À titre infiniment subsidiaire, elle avance que les griefs invoqués par les demanderesses sont en réalité imputables au syndicat des copropriétaires, lequel a refusé de désactiver le digicode le samedi après-midi et a empêché l'exploitante du fonds de commerce d'apposer des enseignes, de sorte que celui-ci doit être tenu de la garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre.

À titre reconventionnel, et en tout état de cause, elle rappelle que sa locataire a cessé tout versement depuis le 1er janvier 2020, ce qui justifie son action en paiement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 2 juillet 2021, la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER prie le tribunal, sur le fondement de l'article 26 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, et de l'article 1242 du code civil, de :

–dire et juger qu'elle n'a commis aucune réticence dolosive, et partant aucune faute ;
–en conséquence, débouter la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS de l'ensemble de leurs demandes formées à son encontre ;
–débouter la S.C.I. SCI ESC 5 de ses demandes formées à son encontre ;
–condamner la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS, ou tout succombant, à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
–condamner la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS, ou tout succombant, aux dépens, avec distraction au profit de la S.C.P. SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE D'AVOCATS CORDELIER & ASSOCIÉS.

La S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER dément avoir commis de quelconques manœuvres dolosives, soulignant que le règlement de copropriété a été remis à la S.A.S. EUNOIA SAS préalablement à la conclusion du contrat de bail, de sorte qu'aucune information n'a été dissimulée à celle-ci. Elle objecte également que les préjudices allégués par les demanderesses ne sont nullement caractérisés.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 9 décembre 2020, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 2] représenté par son syndic en exercice la S.A.R.L. K G S PRESTIGE requiert le tribunal, sur le fondement des articles 26 et 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, de :

–à titre principal, déclarer la S.C.I. SCI ESC 5 irrecevable en son appel en garantie exercé à son encontre ;
–à titre subsidiaire, déclarer la S.C.I. SCI ESC 5 mal fondée en son appel en garantie exercé à son encontre ;
–en conséquence, débouter la S.C.I. SCI ESC 5 de toutes ses demandes formées à son encontre ;
–en tout état de cause, condamner la S.C.I. SCI ESC 5 à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
–condamner la S.C.I. SCI ESC 5 aux dépens de l'action en garantie.

À titre principal, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 2] soulève une fin de non-recevoir de l'appel en garantie exercé à son encontre par la bailleresse, expliquant que les résolutions adoptées par l'assemblée générale des copropriétaires n'ont fait l'objet d'aucun recours dans les délais légaux, si bien que leur validité et leur régularité ne peuvent plus être remises en cause.

À titre subsidiaire, il explique que d'une part, il appartenait à la S.C.I. SCI ESC 5 de procéder à l'installation d'un interphone ou vidéophone permettant à la clientèle de sa locataire d'accéder à l'immeuble le samedi, et que d'autre part, l'affichage d'une signalétique extérieure n'était nullement interdit, mais devait être mis en place en respectant les énonciations du règlement de copropriété, de sorte que n'ayant lui-même commis aucune faute, l'appel en garantie formé à son encontre ne peut prospérer.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du juge de la mise en état en date du 28 novembre 2022.

L'affaire a été retenue à l'audience collégiale de plaidoirie du 18 janvier 2024, et la décision mise en délibéré au 4 avril 2024, les parties en ayant été avisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action principale en nullité du contrat de bail

Sur la demande de nullité du bail sur le fondement de la réticence dolosive

Aux termes des dispositions des deux premiers alinéas de l'article 1128 du code civil, est nécessaire à la validité d'un contrat : 1°) le consentement des parties.

En outre, en application des dispositions de l'article 1130 du même code, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En vertu des dispositions de l'article 1131 dudit code, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

Selon les dispositions des deux premiers alinéas de l'article 1137 de ce code, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Enfin, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 1178 du code susvisé, un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

En l'espèce, la clause intitulée « CHARGES ET CONDITIONS » insérée au contrat de bail dérogatoire en date du 10 janvier 2019 conclu entre la S.C.I. SCI ESC 5 et la S.A.S. EUNOIA SAS stipule : « Enseignes. Le "Preneur" pourra installer une enseigne extérieure portant son nom commercial et la nature de son commerce. Cette enseigne pourra être apposée sur la ou les façades sous réserve du respect de la réglementation applicable en la matière, que cette réglementation soit d'origine légale ou conventionnelle et notamment concernant le règlement de copropriété et sous réserve d'une autorisation préalable du BAILLEUR pour quelqu'enseigne que ce soit. [...] Le PRENEUR reconnaît avoir reçu dès avant ce jour une copie du règlement de copropriété et en avoir parfaite connaissance » (pièce n°1 en demande, pages 3 et 9).

De plus, il est établi que par courriel en date du 31 octobre 2018, la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER a indiqué à la S.A.S. EUNOIA SAS : « Bonjour Monsieur, je me suis entretenu avec le propriétaire du local qui a examiné avec attention votre candidature. [...] J'ai pu évoquer les autres points à clarifier par ailleurs : [...] la signalétique en extérieur : au même titre que le club de yoga, vous y avez le droit » (pièce n°6 en demande).

Par courriel en date du 9 novembre 2018, l'agence immobilière a également mentionné à la future locataire : « Vous trouverez en pièce jointe le règlement de copropriété. C'est en page 29 qu'est abordée la question des plaques et enseignes » (pièce n°18 de la S.C.I.).

De fait, le chapitre II intitulé « USAGE DES PARTIES PRIVATIVES » du titre I de la deuxième partie de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété de l'immeuble en cause prévoit : « Enseignes. Plaques. - Toute installation d'enseigne, réclame, panneau ou affiche quelconque sur la façade du bâtiment est strictement interdite. Toutefois : [...] b) Les locaux à usage commercial situés sur cour ne pourront apposer aucune enseigne sur la façade. Ils pourront seulement mentionner leur nom sur les stores qu'ils pourront installer à leurs frais, d'après un modèle uniforme déterminé par le Syndic et dans les coloris déterminés par l'Assemblée Générale des Copropriétaires. Les propriétaires de locaux à usage commercial et les personnes exerçant une profession libérale pourront apposer une plaque dans le porche commun, le hall commun, la cage d'escalier, le palier de l'étage, et sur la porte palière. Les plaques devront être d'un modèle uniforme indiqué par le syndic, faisant connaître au public leur nom, profession et situation des locaux où elles exercent leur activité. Le modèle de cette plaque est fixé par le syndic qui détermine l'emplacement où elle peut être apposée » (pièce n°7 en demande, page 29).

Il est donc établi que la S.A.S. EUNOIA SAS avait la possibilité d'apposer des plaques dans les parties communes de l'immeuble ainsi qu'un store sur la devanture de ses locaux donnant sur la cour, mais qu'il lui était interdit d'installer un quelconque élément d'identification sur la façade extérieure du bâtiment, ce dont elle avait parfaitement connaissance préalablement à la conclusion du contrat de bail dérogatoire litigieux.

D'ailleurs, il y a lieu de relever que la preneuse sollicitant, par courriel en date du 9 novembre 2018, des explications en ces termes : « Il est mentionné page 29 : "ils pourront seulement mentionner leur nom sur les stores qu'ils pourront installer à leurs frais" - de quoi s'agit-il ? Par ailleurs, nous pouvons apposer des plaques à peu près partout (porche, hall, cage d'escalier, porte...) », l'agence immobilière lui a répondu par courriel du même jour : « Les stores dont ils parlent peuvent selon moi être des stores qu'il pourrait y avoir sur la fenêtre de votre local donnant sur la cour. Effectivement, les possibilités dans l'immeuble semblent importantes. En revanche, en façade sur la rue, cela semble plus limité pour les locaux donnant sur la cour » (pièce n°18 de la S.C.I.).

Or, il ressort des nombreux procès-verbaux de constat d'huissier produits aux débats en date des 8, 15, 19 et 22 février 2020 qu'est apposée sur la façade de l'immeuble, à droite du portail d'entrée, une plaque en plexiglas reproduisant l'enseigne « Le Jardin Retrouvé », et que se trouve devant cette même façade, selon les jours, un chevalet comportant cette enseigne (pièces n°15, n°16, n°17 et n°20 en demande, et n°17 de la S.C.I.), en violation du règlement de copropriété, de sorte que c'est à juste titre que le syndic de l'immeuble a demandé à la S.A.S. EUNOIA SAS et à la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS, par courriel en date du 13 décembre 2019, de cesser ces agissements (pièce n°11 en demande).

Dès lors, aucune réticence dolosive ne peut être retenue de ce chef.

S'agissant des digicodes, il y a lieu de rappeler que d'après les dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article 26 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de bail litigieux, c'est-à-dire dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'article 28 de l'ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis entrée en vigueur le 1er juin 2020, sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant : c) les modalités d'ouverture des portes d'accès aux immeubles. En cas de fermeture totale de l'immeuble, celle-ci doit être compatible avec l'exercice d'une activité autorisée par le règlement de copropriété.

Décision du 04 Avril 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 20/01336 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRT3U

En l'occurrence, il est démontré : que par courriel en date du 25 octobre 2018, la S.A.S. EUNOIA SAS a interrogé l'agence immobilière en ces termes : « Ce local est-il utilisable en boutique avec un accès direct depuis la rue ? » ; que par courriel du même jour, la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER lui a répondu : « Ce local commercial peut tout à fait être utilisé en boutique ou en showroom. En revanche, il ne donne pas directement sur la rue Montmartre mais sur une cour pavée. La rue Montmartre est à ce niveau très commerçante et quasiment piétonne. L'accès à cette cour se fait sans code jusqu'à 19h30 environ. Il y a d'autres locaux commerciaux dans cette cour » ; et que par courriel en date du 31 octobre 2018, l'agence immobilière a indiqué : « Bonjour Monsieur, je me suis entretenu avec le propriétaire du local qui a examiné avec attention votre candidature. [...] J'ai pu évoquer les autres points à clarifier par ailleurs : [...] l'horaire d'activation du code de la copropriété : 20h » (pièce n°6 en demande).

De plus, par courriel en date du 9 novembre 2018, l'agence immobilière a également mentionné à la future locataire : « Vous trouverez en pièce jointe le règlement de copropriété. C'est en page 29 qu'est abordée la question des plaques et enseignes » (pièce n°18 de la S.C.I.).

Or, le chapitre II intitulé « CHARGES RELATIVES AUX SERVICES COLLECTIFS ET ÉLÉMENTS D'EQUIPEMENTS COMMUNS » du titre II de la deuxième partie de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété de l'immeuble en cause fait état, à plusieurs reprises, des différents digicodes présents aux niveaux du porche commun, des deux entrées communes, et du hall commun (pièce n°7 en demande, pages 35 et 36).

Il est donc établi que la S.A.S. EUNOIA SAS avait connaissance de l'existence de différents digicodes permettant l'accès aux locaux situés au fond de la cour.

S'il ressort des procès-verbaux de constat d'huissier produits aux débats en date des 15, 19 et 22 février 2020 que les codes d'accès sont activés le samedi à partir de 13 heures, contrairement aux autres jours de la semaine où ils ne sont activés que le soir à partir de 20 heures (pièces n°16, n°17 et n°18 en demande), il n'est cependant pas prouvé que cette information ait été dissimulée par la S.C.I. SCI ESC 5 de manière intentionnelle, ni qu'elle ait présenté un caractère déterminant pour les demanderesses, ces dernières n'alléguant pas avoir transmis à la future bailleresse leurs horaires d'ouverture.

D'ailleurs, force est de constater que la S.C.I. SCI ESC 5 a fait preuve de bonne foi dans la mesure où, alertée sur ce point postérieurement à la conclusion du contrat de bail, elle a sollicité l'adoption d'une résolution n°31 lors de l'assemblée générale des copropriétaires en date du 18 juin 2019 portant sur la « modification des modalités d'accès à la résidence par reprogrammation des horaires d'utilisation des codes le samedi de 8h à 20h comme pour tous les autres jours ouvrés de la semaine », laquelle a été rejetée à la majorité des voix (pièce n°8 en demande, page 38).

Dès lors, aucune réticence dolosive ne peut être retenue de ce chef.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'aucune réticence dolosive imputable à la S.C.I. SCI ESC 5 ou à la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER n'est caractérisée.

En conséquence, il convient de débouter la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS de leur demande de nullité du contrat de bail dérogatoire conclu en date du 10 janvier 2019.

Sur les demandes de restitution

Aux termes des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 1178 du code civil, le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
Décision du 04 Avril 2024
18° chambre 2ème section
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En l'espèce, eu égard à la teneur de la présente décision, dès lors qu'il n'est pas fait droit à la demande de nullité du contrat de bail dérogatoire formée par la S.A.S. EUNOIA SAS et par la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS, il y a lieu de débouter ces dernières de l'intégralité de leurs demandes de restitution subséquentes.

En conséquence, il convient de débouter la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS de l'intégralité de leurs demandes de restitution du montant du dépôt de garantie, des frais d'actes et honoraires notariés, des honoraires de négociation, des travaux de réaménagement des locaux, et des loyers et charges locatives formées à l'encontre de la S.C.I. SCI ESC 5 et de la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER.

Sur l'action subsidiaire en responsabilité civile extracontractuelle

En application des dispositions de l'article 1112 du code civil, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.

En outre, en vertu des dispositions des quatre premiers alinéas de l'article 1112-1 du même code, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

En l'espèce, comme précédemment indiqué, il est établi que la S.A.S. EUNOIA SAS a eu connaissance, préalablement à la conclusion du contrat de bail dérogatoire litigieux, qu'elle avait la possibilité d'apposer des plaques dans les parties communes de l'immeuble ainsi qu'un store sur la devanture de ses locaux donnant sur la cour, mais qu'il lui était interdit d'installer un quelconque élément d'identification sur la façade extérieure du bâtiment.

De plus, s'il est avéré que les codes d'accès de l'immeuble sont activés le samedi à partir de 13 heures, contrairement aux autres jours de la semaine où ils ne sont activés que le soir à partir de 20 heures, il n'est cependant pas démontré que cette information ait revêtu une importance déterminante pour le consentement des demanderesses.

En tout état de cause, la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS ne peuvent sérieusement soutenir que « depuis leur entrée dans les locaux, et pendant toute la durée de ce bail de trois ans, [elles] n'ont jamais pu exploiter les locaux conformément à leur destination contractuelle, et n'en ont tiré aucun bénéfice. [...] Dès lors que la clientèle du magasin "Le Jardin Retrouvé" n'a jamais pu accéder librement au local le week-end, il n'a jamais pu être exploité conformément à sa destination contractuelle, à savoir la vente de détail de produits cosmétiques et de parfumerie » (page 13 de leurs dernières conclusions), alors même qu'il ressort des éléments produits aux débats que d'une part, elles ont réalisé un chiffre d'affaires d'un montant de 14.143 euros dans cette boutique au titre de l'exercice de l'année 2019, la réalisation d'un chiffre d'affaires moindre au cours des années 2020 et 2021 étant vraisemblablement due aux mesures gouvernementales et de police administrative adoptées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire lié à l'épidémie de covid-19 (pièce n°45 en demande), et que d'autre part, le chiffre d'affaires réalisé le samedi était plus de deux fois supérieur à celui réalisé le mercredi ou le vendredi, et près de trois fois supérieur à celui réalisé le mardi ou le jeudi au cours de l'année 2019, ainsi qu'en atteste le tableau de bord communiqué par les demanderesses elles-mêmes (pièce n°14 en demande).

La S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS reconnaissent d'ailleurs qu'elles exerçaient initialement « leurs activités auprès des clients par le biais des canaux suivants : une activité d'e-commerce, auprès d'une clientèle de particuliers commandant directement leurs produits sur le site Internet [...] avec un centre de stockage et de logistique situé [Adresse 3] ; une activité BtoB, dans le cadre de laquelle les produits de la marque "Le Jardin Retrouvé" sont fournis à divers distributeurs dans le monde, toujours à partir du centre de stockage et de logistique situé [Adresse 3] », et que « souhaitant pouvoir vendre les produits de la marque "Le Jardin Retrouvé" auprès d'une clientèle de particuliers en magasin, en physique, M. [E] a alors souhaité trouver un local à [Localité 10] » (page 3 de leurs dernières conclusions), de sorte que la commercialisation en boutique physique constituait en réalité une nouvelle activité dans le cadre d'une diversification des canaux de distribution, dont l'éventuelle rentabilité revêtait un caractère nécessairement aléatoire, raison pour laquelle les parties ont conclu un contrat de bail dérogeant expressément au statut des baux commerciaux.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'aucune faute de la part de la S.C.I. SCI ESC 5 et de la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER n'est caractérisée, et qu'aucun préjudice n'est établi.

En conséquence, il convient de débouter la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS de l'intégralité de leurs demandes de dommages et intérêts et de réduction du loyer formées à l'encontre de la S.C.I. SCI ESC 5 et de la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER.

Sur les appels en garantie exercés par la bailleresse

Eu égard à la teneur de la présente décision, dès lors qu'il n'est pas fait droit aux prétentions de la S.A.S. EUNOIA SAS et de la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS, il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie exercés par la S.C.I. SCI ESC 5 à l'encontre de la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER et du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 2], lesquels ne sont formés qu'à titre subsidiaire.

Sur la demande reconventionnelle formée par la bailleresse

Sur la demande en paiement des loyers, charges locatives et taxes

Aux termes des dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En outre, en application des dispositions des premier et dernier alinéas de l'article 1728 du même code, le preneur est tenu de deux obligations principales : 2°) de payer le prix du bail aux termes convenus.

En vertu des dispositions des premier et troisième alinéas de l'article 1217 dudit code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut : poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation.

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Selon les dispositions de l'article 1221 de ce code, le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

Enfin, conformément aux dispositions de l'article 1353 du code susvisé, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, la clause intitulée « CLAUSE RÉSOLUTOIRE » insérée au contrat de bail dérogatoire conclu entre la S.C.I. SCI ESC 5 et la S.A.S. EUNOIA SAS stipule qu' « à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de la redevance, ainsi que des frais de commandement et autres frais de poursuites, ou en cas d'inexécution d'une seule des conditions de la présente convention, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter contenant déclaration par le "Propriétaire" de son intention d'user du bénéfice de la présente clause, demeuré infructueux, la présente convention sera résiliée de plein droit, même dans le cas de paiement ou d'exécution postérieurs à l'expiration du délai ci-dessus. [...] Le "Preneur" sera de plein droit débiteur envers le "Propriétaire" d'une indemnité journalière d'occupation égale au double du dernier loyer journalier en vigueur, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée si le présent bail y est assujetti » (pièce n°1 en demande, page 11).

Bien que la bailleresse justifie avoir fait signifier à la preneuse un commandement de payer visant la clause résolutoire par acte d'huissier en date du 10 février 2020 portant sur la somme de 11.430 euros en principal correspondant au montant du loyer et de la provision sur charges locatives du premier trimestre de l'année 2020 (pièce n°13 de la S.C.I.), force est cependant de constater qu'elle ne sollicite pas la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire ni la résiliation de plein droit du contrat de bail.

Il ressort du décompte produit aux débats que la S.A.S. EUNOIA SAS reste redevable de la somme de 90.475,54 euros au 24 décembre 2021 (pièce n°24 de la S.C.I.), date à laquelle elle a restitué les clefs des locaux, ce qui n'est pas contesté dès lors qu'elle reconnaît elle-même avoir cessé tout versement à compter du 1er janvier 2020, sauf à observer que ce décompte ne fait pas état des éventuels règlements perçus par la bailleresse en exécution de la saisie-attribution en date du 26 juin 2020, de la saisie des droits d'associée et des valeurs mobilières en date du 8 janvier 2021, et de l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 19 octobre 2020, alors même qu'il est établi que la locataire a effectué un virement bancaire d'un montant de 5.000 euros sur le compte CARPA de son conseil en exécution de cette dernière ordonnance (pièce n°27 en demande).

En outre, dès lors que le premier alinéa de l'article 1753 du code civil dispose que le sous-locataire n'est tenu envers le propriétaire que jusqu'à concurrence du prix de sa sous-location dont il peut être débiteur au moment de la saisie, et sans qu'il puisse opposer des paiements faits par anticipation, et dans la mesure où il est démontré que le contrat de sous-location conclu entre la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS en date du 12 janvier 2019 reproduit à l'identique les clauses du contrat de bail principal, notamment en ce qui concerne le montant du sous-loyer, des charges locatives et des taxes (pièce n°2 en demande), la sous-locataire sera condamnée in solidum au paiement.

En conséquence, il convient de condamner in solidum la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS à payer à la S.C.I. SCI ESC 5 la somme de 90.475,54 euros au titre des loyers, charges locatives et taxes, dont à déduire tout montant d'ores et déjà versé en exécution de la saisie-attribution en date du 26 juin 2020, de la saisie des droits d'associée et des valeurs mobilières en date du 8 janvier 2021, et de l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 19 octobre 2020.

Sur les intérêts moratoires

D'après les dispositions des deux premiers alinéas de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

En outre, en application des dispositions de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Enfin, selon les dispositions de l'article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

En l'espèce, bien que la bailleresse ait fait délivrer à sa locataire un commandement de payer valant mise en demeure en date du 10 février 2020 (pièce n°13 de la S.C.I.), force est toutefois de constater qu'elle sollicite expressément, dans le dispositif de ses dernières conclusions, que le point de départ des intérêts moratoires soit fixé au 10 mars 2021.

En conséquence, il convient de dire que les condamnations prononcées à l'encontre de la S.A.S. EUNOIA SAS et de la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS emporteront intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2021 jusqu'à complet paiement.

Sur les mesures accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens, en ce compris ceux afférents aux deux incidents diligentés dans le cadre de la présente instance ainsi que le coût du commandement de payer en date du 10 février 2020, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code, et il ne sera pas fait droit à leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles.

Elles seront également condamnées in solidum à payer à la S.C.I. SCI ESC 5 et à la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens que ces dernières ont été contraintes d'exposer pour faire valoir leurs droits dans le cadre de la présente instance, que l'équité et la situation économique des parties commandent de fixer à la somme respective de 5.000 euros et de 3.000 euros, conformément aux dispositions de l'article 700 dudit code, ainsi qu'à rembourser le coût du procès-verbal de constat d'huissier en date du 8 février 2020. En revanche, dès lors que le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 2] a été attrait à tort à la présente instance par la S.C.I. SCI ESC 5, celle-ci sera condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros sur ce même fondement.

Il convient de rappeler que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit, en vertu des dispositions de l'article 514 de ce code, étant observé que si la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS sollicitent que cette dernière soit écartée sur le fondement des dispositions de l'article 514-1, elles ne démontrent cependant pas que celle-ci entraînerait pour elles des conséquences manifestement excessives.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DÉBOUTE la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS de leur demande principale de nullité du contrat de bail dérogatoire en date du 10 janvier 2019 conclu avec la S.C.I. SCI ESC 5, et portant sur les locaux constituant les lots n°9 et n°10 de l'immeuble soumis au statut de la copropriété dénommé « [Adresse 2] » sis [Adresse 2] cadastré section AK numéro [Cadastre 8],

DÉBOUTE la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS de l'intégralité de leurs demandes de restitution du montant du dépôt de garantie, des frais d'actes et honoraires notariés, des honoraires de négociation, des travaux de réaménagement des locaux, et des loyers et charges locatives, formées à l'encontre de la S.C.I. SCI ESC 5 et de la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER,

DÉBOUTE la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS de l'intégralité de leurs demandes subsidiaires de dommages et intérêts et de réduction du montant du loyer formées à l'encontre de la S.C.I. SCI ESC 5 et de la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER,

CONDAMNE in solidum la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS à payer à la S.C.I. SCI ESC 5 la somme de 90.475,54 euros (QUATRE-VINGT-DIX MILLE QUATRE CENT SOIXANTE-QUINZE euros et CINQUANTE-QUATRE centimes) en règlement des loyers, charges locatives et taxes dus au 24 décembre 2021, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 10 mars 2021 jusqu'à complet paiement, dont à déduire tout montant d'ores et déjà versé en exécution de la saisie-attribution en date du 26 juin 2020, de la saisie des droits d'associée et des valeurs mobilières en date du 8 janvier 2021, et de l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 19 octobre 2020,

DÉBOUTE la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS de leur demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS à payer à la S.C.I. SCI ESC 5 la somme de 5.000 (CINQ MILLE) euros, outre le coût du procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 8 février 2020, et à la S.A.R.L. ALTOBELLI - IMMOBILIER la somme de 3.000 (TROIS MILLE) euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.C.I. SCI ESC 5 à payer au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 2] la somme de 3.000 (TROIS MILLE) euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la S.A.S. EUNOIA SAS et la S.A.S. GÉNÉRATION 3 SAS aux dépens, en ce compris ceux afférents aux deux incidents diligentés dans le cadre de la présente instance ainsi que le coût du commandement de payer en date du 10 février 2020,

AUTORISE Maître [P] [U] de la S.C.P. SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE D'AVOCATS CORDELIER & ASSOCIÉS à recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

DIT n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 04 Avril 2024

Le GreffierLe Président
Henriette DUROLucie FONTANELLA


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 20/01336
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;20.01336 ?
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