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02/04/2024 | FRANCE | N°23/09892

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 02 avril 2024, 23/09892


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :Me Kyra RUBINSTEIN


Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Jean-marie MOYSE

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/09892 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3S4Y

N° MINUTE :
9 JCP






JUGEMENT
rendu le mardi 02 avril 2024


DEMANDEURS
Madame [D] [P] épouse [B], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Kyra RUBINSTEIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0520

Monsieur [R] [K] [B], deme

urant [Adresse 1]
représenté par Me Kyra RUBINSTEIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0520


DÉFENDERESSE
Madame [I] [H] [L] [X] [S] épouse [V], demeurant [Adresse...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :Me Kyra RUBINSTEIN

Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Jean-marie MOYSE

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/09892 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3S4Y

N° MINUTE :
9 JCP

JUGEMENT
rendu le mardi 02 avril 2024

DEMANDEURS
Madame [D] [P] épouse [B], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Kyra RUBINSTEIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0520

Monsieur [R] [K] [B], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Kyra RUBINSTEIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0520

DÉFENDERESSE
Madame [I] [H] [L] [X] [S] épouse [V], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-marie MOYSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0274

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sandra MONTELS, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, lors de l’audience de plaidoirie, de Aline CAZEAUX, lors du prononcé du délibéré,Greffiers,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 26 janvier 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 02 avril 2024 par Sandra MONTELS, Vice-Présidente assistée de Aline CAZEAUX, Greffier
Décision du 02 avril 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/09892 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3S4Y

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 27 octobre 2014 à effet au 1er novembre 2014, Monsieur [Y] [S], aux droits duquel est venue Madame [I] [S], a consenti un bail d’habitation à Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] sur des locaux situés au [Adresse 1]), moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 3200 euros et d’une provision pour charges d’un montant de 200 euros.

Par acte de commissaire de justice du 28 mars 2023, la bailleresse a fait délivrer aux locataires un congé pour reprise personnelle à effet au 31 octobre 2023.

Par acte de commissaire de justice du 31 août 2023, Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] ont assigné Madame [I] [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de nullité du congé et de paiement des sommes suivantes :
289.786,21 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de la perte de chance, La restitution du trop-perçu au titre des charges récupérables indument payées, 6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris le coût du commandement signifié le 28 mars 2023, Ecarter l’exécution provisoire.
À l'audience du 26 janvier 2024, Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P], représentés par leur conseil qui a déposé des conclusions visées par le greffe soutenues oralement, maintiennent leurs demandes et sollicitent que celles de Madame [I] [S] soient rejetées.

Au soutien de leurs prétentions ils font valoir au visa de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 que le congé a été délivré frauduleusement par Madame [I] [S] en contournement de leurs droits, qu’elle était dans l’impossibilité de délivrer un congé pour vendre en raison d’une difficulté juridique tirée du règlement de copropriété (chambre de bonne non louée) mais souhaitait éviter un renouvellement du contrat de bail, qu’elle ne justifie pas d’un motif réel et sérieux, que cela leur a causé un préjudice tiré de la perte de chance d’exercer leur droit de préemption. Ils soutiennent ne pas avoir été en mesure de vérifier que seules les charges réellement dues leur ont été imputées. Ils soutiennent que le règlement de copropriété leur est opposable. Ils font valoir que la clause pénale est réputée non écrite. Ils abandonnent en revanche oralement le moyen tiré de la nullité du congé pour défaut de qualité à agir de Madame [I] [S].

Madame [I] [S], représentée par son conseil qui a déposé des conclusions visées par le greffe soutenues oralement, demande :
Que les demandeurs soient déboutés de leur demande,Que leur expulsion soit ordonnée, La fixation de l’indemnité d’occupation à la somme de 7308.34 euros hors charges,La condamnation de Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] à lui payer une somme mensuelle de 3654.17 euros à compter du 31 octobre 2023 correspondant à la différence entre le loyer et l’indemnité d’occupation,La condamnation solidaire de Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] à lui payer la somme de 6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre aux dépens.
Au soutien de ses prétentions elle soutient que le congé a été valablement délivré, que le règlement de copropriété ne concerne pas les tiers, que la question de la chambre de bonne est indifférente pour la validité du congé, que la volonté de reprendre l’appartement pour l’habiter dans un souci d’économies financières est une cause légitime. Elle ajoute que le contrat prévoit le doublement du loyer à titre de sanction lorsque le locataire est déchu de tout titre d’occupation.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes afférentes au congé pour reprise personnelle

Aux termes de l’article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur. (…) En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes. A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués.
Aux termes de l'article 9 du code procédure civile il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, Madame [I] [S] a délivré le 28 mars 2023 aux locataires un congé fondé sur l’article 15-1 de la loi du 6 juillet 1989 pour reprise personnelle à son profit et celui de son époux Monsieur [M] [W] [V] aux motifs qu’ils désirent l’occuper pour des raisons financières et fiscales en tant que résidence principale, ne plus avoir à payer de loyer compte tenu du contexte économique et social et du départ à la retraite en 2021 de son époux, qu’ils sont locataires de leur résidence principale.

Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] soutiennent que ce congé a été délivré en fraude de leurs droits et notamment de préemption.

Néanmoins, il ne ressort pas des pièces produites que Madame [I] [S] avait manifesté une intention ferme et définitive de vendre le bien mais au contraire qu’il s’agissait d’une simple possibilité et qu’elle n’écartait pas une reprise personnelle (courriels du mois de février 2022).
Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] ne rapportent pas la preuve de ce que cinq agences ont visité le bien - ce qui au demeurant ne peut suffire à caractériser une intention définitive de vendre - ni que le métrage de l’appartement par le géomètre expert avait pour objectif une mise en vente.
En tout état de cause et en l’absence de tout autre élément, Madame [I] [S] avait la liberté de revenir sur une éventuelle décision de vendre, y compris en raison d’une difficulté juridique tirée du règlement de copropriété, à la supposer établie.

Madame [I] [S] justifie être locataire de sa résidence principale (cf. contrat de bail et quittances de loyer), régler un impôt sur la fortune en raison de son patrimoine immobilier (cf. avis d’impôt), de ce que son époux perçoit une retraite mensuelle nette après impôt sur le revenu de 1121.07 euros (cf. justificatif de paiement).
Ces éléments objectifs ont pu légitimement la conduire pour des raisons financières à vouloir occuper l’appartement à titre de résidence principale.

Par ailleurs Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] ne font pas la démonstration de l’intention frauduleuse de Madame [I] [S].

Il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] de leur demande en nullité du congé pour reprise qui leur a été délivré par Madame [I] [S] à effet au 31 octobre 2023.

Ils seront également déboutés de leur demande indemnitaire.

Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] étant occupants sans droit ni titre depuis le 1er novembre 2023, il convient de leur ordonner ainsi qu’à tous les occupants de leur chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, d’autoriser Madame [I] [S] à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant.

Cependant, dès lors qu'aucune circonstance ne justifie la réduction du délai prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, il convient de rappeler que l'expulsion ne pourra avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance au locataire d'un commandement de quitter les lieux.

Sur la demande en fixation de l’indemnité d’occupation et en paiement de la somme mensuelle de 3654.17 euros à compter du 31 octobre 2023

En cas de maintien dans les lieux de la locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation est due.
Aux termes de l’article 4 i de la loi du 6 juillet 1989, applicable au bail objet du présent litige, est réputée non écrite toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des amendes ou des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble.
En l'espèce, le contrat de bail litigieux prévoit que si le locataire déchu de tout droit d’occupation ne libère pas les lieux il sera redevable d’une indemnité conventionnelle d’occupation égale à deux fois le loyer quotidien jusqu’à restitution des clés (cf. « Clause résolutoire et clauses pénales »). Madame [I] [S] invoque cette clause à l’appui de sa demande en paiement. Or cette clause doit être réputée non écrite en application des dispositions précitées.
Madame [I] [S] sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement de la somme mensuelle de 3654,17 euros et l’indemnité d’occupation sera fixée à un montant égal à celui du loyer et des charges qui auraient été dus en cas de poursuite du contrat de bail.
L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à compter de la résiliation du bail, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à Madame [I] [S] ou à son mandataire.

Sur la restitution du trop-perçu au titre des charges

La demande n’étant pas chiffrée, et la créance en conséquence non liquide, de sorte que le tribunal ne peut en apprécier le bien-fondé, elle sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P], qui succombent à la cause, seront condamnés aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Ils seront en outre solidairement condamnés à payer à Madame [I] [S] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, compte tenu de la décision d’expulsion, il y a lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] de leur demande en nullité du congé pour reprise qui leur a été délivré le 28 mars 2023 par Madame [I] [S] à effet au 31 octobre 2023 concernant les locaux situés au [Adresse 1]) et DECLARE ledit congé régulier;

PRONONCE la résiliation du bail d’habitation conclu le 27 octobre 2014 à effet au 1er novembre 2014 entre Monsieur [A] [F] [S], aux droits duquel est venue Madame [I] [S], d’une part, et Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 1]),

DIT que cette résiliation prend rétroactivement effet le 1er novembre 2023,

ORDONNE à Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] de libérer de leur personne, de leurs biens, ainsi que de tous occupants de leur chef, les lieux situés au [Adresse 1]) ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,

DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec l’assistance de la force publique,

DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,

CONDAMNE Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail,

DIT que cette indemnité d’occupation, qui s’est substituée au loyer dès le 1er novembre 2023, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés au bailleur ou à son mandataire,

DIT que la clause pénale insérée au contrat de bail susvisé est réputée non écrite,

DEBOUTE Madame [I] [S] de sa demande en paiement de la somme mensuelle de 3654,17 euros,

DEBOUTE Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] de leurs demandes en paiement de la somme de 289 786.21 euros et du trop-perçu au titre des charges récupérables,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE solidairement Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] aux dépens,

CONDAMNE solidairement Monsieur [R] [B] et Madame [D] [P] à payer à Madame [I] [S] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ECARTE l’exécution provisoire de la présente décision,

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/09892
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;23.09892 ?
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