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02/04/2024 | FRANCE | N°23/06345

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 02 avril 2024, 23/06345


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Monsieur [B] [K]


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Madame [R] [N] ;
Monsieur [Y] [V]

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/06345 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2Q36

N° MINUTE :
5-2024






JUGEMENT
rendu le mardi 02 avril 2024


DEMANDEURS
Madame [R] [N], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne

Monsieur [Y] [V], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne


DÉFE

NDEUR
Monsieur [B] [K], demeurant [Adresse 3]
comparant en personne



COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Gre...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Monsieur [B] [K]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Madame [R] [N] ;
Monsieur [Y] [V]

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/06345 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2Q36

N° MINUTE :
5-2024

JUGEMENT
rendu le mardi 02 avril 2024

DEMANDEURS
Madame [R] [N], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne

Monsieur [Y] [V], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne

DÉFENDEUR
Monsieur [B] [K], demeurant [Adresse 3]
comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 08 novembre 2023
Délibéré le 02 avril 2024

JUGEMENT
non qualifiée, en ressort, prononcé par mise à disposition le 02 avril 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 02 avril 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/06345 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2Q36

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er août 2020, Monsieur [B] [K] a donné à bail à Monsieur [Y] [V] et à Madame [R] [N] un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1] à [Localité 5] moyennant un loyer mensuel de 1 360 euros outre 140 euros de provision sur charges et un dépôt de garantie équivalent à un mois de loyer.

Par lettre remise en main propre le 30 novembre 2022, Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] ont donné congé de l'appartement.

Les clés ont été données le 21 décembre 2022 à la nouvelle locataire et le dépôt de garantie restitué aux anciens preneurs.

Par acte de commissaire de justice du 29 juin 2023, Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] ont assigné Monsieur [B] [K] devant le juge des contentieux la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir sa condamnation avec exécution provisoire à leur payer la somme de 4 060 euros correspondant au montant des provisions sur charges versées depuis la signature du bail ainsi qu'à celle de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

À l'audience du 8 novembre 2023, Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N], comparants en personne, ont réitéré les termes de leur assignation.

En réponse à la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [B] [K], Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] contestent l'existence d'un protocole d'accord transactionnel indiquant que l'exonération leur a été consentie au titre du paiement du dernier loyer avait uniquement pour objet de compenser le préjudice subi concernant le non-respect de l'encadrement des loyers et qu'ils n'ont pas renoncé à saisir le tribunal pour faire valoir leurs droits s'agissant de leurs autres réclamations.

Au fond, à l'appui de leur demande de remboursement des provisions sur charges, ils font valoir au visa de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 et des dispositions du bail qu'en dépit de plusieurs mises en demeure Monsieur [B] [K] ne leur a jamais adressé aucun justificatif du montant des provisions ou de décompte de charges et n'a procédé à aucune régularisation annuelle.

À l'appui de leur demande de dommages et intérêts, ils soutiennent en application des dispositions des articles 1103, 1104 et 1240 du code civil que leur ancien bailleur a fait preuve de manœuvres dolosives pour contourner les dispositions d'ordre public relatives à l'encadrement des loyers, le logement étant d'une surface de seulement 35,18 m² et non de 45 m² comme stipulé au bail, d'avoir manqué à son obligation de délivrance d'un logement décent à raison de problèmes d'infiltrations et de moisissures et d'avoir fait preuve de résistance abusive, ce qui les a contraints à délivrer congé.

Monsieur [B] [K], comparant en personne, a conclu à l'irrecevabilité des demandes, subsidiairement à leur rejet et au débouté de la demande au titre des frais irrépétibles.

Au soutien de sa fin de non-recevoir, il fait valoir en application des articles 1103, 1104 et 2044 du code civil qu'à la suite de leur courrier du 30 novembre 2022 faisant état de diverses réclamations et de demandes de compensation financière, Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] ont rédigé un protocole transactionnel prévoyant une exonération complète du paiement du loyer de décembre 2022 qu'il a accepté de signer pour mettre un terme définitif au litige.

Au fond, il expose avoir été très surpris par la procédure engagée à son encontre et argue de sa bonne foi, soulignant avoir restitué immédiatement le dépôt de garantie. Il prétend avoir toujours respecté ses obligations de bailleur indiquant que les demandeurs n'ont jamais rien eu à lui reprocher et dénonce leur attitude déloyale. Enfin, il estime que la demande au titre des frais irrépétibles est irrecevable en l'absence de constitution d'un avocat.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions visées à l'audience pour un plus ample exposé des moyens des parties à l'appui de leurs prétentions.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 8 février 2024 puis a été prorogée à ce jour.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'un protocole transactionnel

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

En matière de transaction, l'écrit n'est pas exigé comme une condition de validité mais comme une condition de preuve et son existence peut être établie selon les modes de preuve prévue en matière de contrat par les articles 1358 et suivants du code civil.

En vertu de l'article 2052, les transactions ont entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort et font donc obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

En l'espèce, Monsieur [B] [K] soutient qu'une transaction serait intervenue entre les parties et serait parfaite, mettant un terme définitif au litige.

À cet effet, il expose que ses locataires lui ont adressé le 30 novembre 2022, en même temps que leur congé, un mail pour se plaindre du non-respect de l'encadrement des loyers, de la présence persistante de moisissures autour des fenêtres de la chambre et de l'absence de régularisation de charges et lui ont demandé à titre de dédommagement de renoncer au paiement du loyer de décembre 2022, ce qu'il a accepté.

Or, s'il résulte effectivement du courrier à en-tête des locataires du 6 décembre 2022 mais signé uniquement par Monsieur [B] [K] que ce dernier a renoncé au paiement du dernier mois de loyer, il ne ressort ni de ce courrier, ni des échanges entre les parties que Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] aient pour leur part consenti à renoncer à ne pas engager de procédure.

En outre, il sera souligné que la mention "protocole d'accord amiable" figurant sur l'exemplaire du courrier du 6 décembre 2022 produit par le bailleur n'apparaît pas sur celui communiqué par les locataires et a donc nécessairement été rajoutée à la main par le défendeur.

Dès lors, en l'absence de preuve de concessions réciproques, l'accord intervenu le 6 décembre 2022 ne constitue pas une transaction au sens de l'article 2044 du code civil et ne bénéficie donc pas de l'autorité de la chose jugée entre les parties prévue par l'article 2052 du code civil.

L'exception d'irrecevabilité soulevée par Monsieur [B] [K] sera par conséquent rejetée et les demandes de Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] déclarées recevables.

Sur la demande de remboursement des provisions sur charges

Aux termes de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l'objet d'une régularisation annuelle. La sanction de ce défaut de régularisation annuelle, lorsque la régularisation est sollicitée par le bailleur plus tardivement mais dans le délai légal de prescription de trois années, est que le preneur peut solliciter des délais de paiement de 12 mois.

Il a été jugé que si la régularisation n'est jamais intervenue, le bailleur peut être tenu à rembourser au locataire, au titre de la répétition de l'indu, les provisions perçues sous déduction des charges dont il peut toutefois apporter la preuve (Cass 3ème civ., 13 juillet 2005, pourvoi n° 04-10.152).

Il appartient ainsi au bailleur pour s'opposer à la demande de remboursement des provisions de justifier des charges réelles. Cette justification, si elle ne permet pas au bailleur de solliciter la régularisation à la hausse des charges, passé le délai de trois ans, permet en revanche de faire échec pour partie au moins à la demande en répétition de l'indu du preneur en rapportant la preuve de ce que la provision était bien due au moins en partie. Le locataire est ainsi bien fondé à réclamer le remboursement de toutes les sommes non justifiées.

En l'espèce, il est constant qu'aucune régularisation des charges n'a eu lieu pendant le bail et que le bailleur n'a ainsi pas respecté ses obligations contractuelles en justifiant du montant des charges réelles alors que le bail mentionnait une provision sur charges régularisable annuellement. En outre, il n'a pas produit les pièces justificatives devant le tribunal.

Dès lors, en l'absence de justification des charges réelles depuis la signature du bail, soit pendant 28 mois, décembre 2022 non inclus, Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] sont bien fondés à solliciter la condamnation de Monsieur [B] [K] à leur restituer l'intégralité des provisions sur charges versées, soit la somme de 3 920 euros (140 euros x 28 mois).

Sur la demande de dommages et intérêts

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement peut demander réparation des conséquences de l'inexécution et des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Enfin, aux termes de l'article 1231-6 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts, distincts des intérêts moratoires de la créance.

En l'espèce, il ressort du diagnostic établi par la société KELETA le 28 novembre 2022 que le logement est d'une superficie habitable de 35,19 m² de sorte que le loyer de 1 360 euros ne respecte pas la réglementation sur l'encadrement des loyers, ainsi que cela ressort notamment du courrier adressé par la direction du logement et de l'habitat de la Ville de [Localité 4] à Madame [R] [N] le 28 août 2023.

Cependant, Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] indiquent que leur bailleur a renoncé à leur réclamer le paiement du loyer de décembre 2022 précisément pour compenser le préjudice subi à ce titre et les demandeurs ne précisent pas si à la suite de la mise en demeure adressée par la Ville de [Localité 4] à Monsieur [B] [K] ils ont pu obtenir le remboursement des loyers trop versés.

Les photographies des fenêtres de la chambre sont insuffisantes à justifier de la réalité des problèmes d'infiltrations dénoncés par les locataires et consécutivement d'un manquement de bailleur à son obligation de délivrance d'un logement décent, lequel, au vu des échanges de SMS de janvier 2022, apparaît avoir satisfait à leurs demandes, puisqu’il a fait appel à un artisan pour procéder au remplacement ou à la réfection des fenêtres de la cuisine.

Enfin, les demandeurs n'établissent en rien l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard dans le remboursement des provisions sur charges ni l'existence d'une mauvaise foi du défendeur qui justifieraient l'allocation de dommages et intérêts distincts.

En conséquence, Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] seront déboutés de leur demande en paiement de leur demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [B] [K], qui perd le procès, sera condamné aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce le fait que Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] n'aient pas été assistés d'un avocat n'est pas de nature à les exclure du bénéfice de ces dispositions, alors qu'ils ont dû se déplacer à l'audience, rédiger une assignation et des conclusions.

Monsieur [B] [K] sera par conséquent condamné à leur payer la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE Monsieur [B] [K] de son exception d'irrecevabilité,

DÉCLARE par conséquent recevables les demandes de Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N],

CONDAMNE Monsieur [B] [K] à verser à Monsieur [Y] [V] et à Madame [R] [N] la somme de 3 920 euros au titre des provisions sur charges non justifiées,

DÉBOUTE Monsieur [Y] [V] et Madame [R] [N] de leur demande de dommages et intérêts,

REJETTE le surplus des demandes des parties,

CONDAMNE Monsieur [B] [K] à verser à Monsieur [Y] [V] et à Madame [R] [N] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [B] [K] aux dépens de l'instance,

Décision du 02 avril 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/06345 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2Q36

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition le 02 avril 2024 susdit par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le Greffier Le Juge des contentieux de la protection.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/06345
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;23.06345 ?
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