La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2024 | FRANCE | N°23/05455

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 02 avril 2024, 23/05455


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [E] [L] [H]


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Eléonore DANIAULT

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/05455 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2HCO

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le mardi 02 avril 2024


DEMANDERESSE
Madame [I], [R] [F] épouse [W], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Eléonore DANIAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B282


DÉFENDERESSE<

br>Madame [E] [D] [H] divorcée [L], demeurant [Adresse 2]
représentée par Mme [N] [Z] (fille de Madame [E] [D] [H] divorcée [L]) muni d’un pouvoir spécial



COMPOSITION DU TRIBUNAL...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [E] [L] [H]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Eléonore DANIAULT

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/05455 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2HCO

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le mardi 02 avril 2024

DEMANDERESSE
Madame [I], [R] [F] épouse [W], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Eléonore DANIAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B282

DÉFENDERESSE
Madame [E] [D] [H] divorcée [L], demeurant [Adresse 2]
représentée par Mme [N] [Z] (fille de Madame [E] [D] [H] divorcée [L]) muni d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 08 novembre 2023
Délibéré le 02 avril 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 02 avril 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 02 avril 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/05455 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2HCO

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er avril 1990, renouvelé par acte du 13 mars 2014, Madame [Y] [G] aux droits de laquelle vient Madame [I] [F] épouse [W] a donné à bail à Madame [E] [D] [H] divorcée [L] un appartement à usage d'habitation et une cave situés [Adresse 2] pour un loyer mensuel actuel de 504,01 euros et 40 euros de provision sur charges.

Par acte de commissaire de justice du 30 septembre 2022, Madame [I] [F] épouse [W] a délivré à Madame [E] [D] [H] divorcée [L] un congé pour reprise à effet au 31 mars 2023 au profit de son petit-fils Monsieur [T] [W].

Par acte de commissaire de justice du 9 juin 2023, Madame [I] [F] épouse [W] a fait assigner Madame [E] [D] [H] divorcée [L] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins sous le bénéfice de l'exécution provisoire de :
- validation du congé pour reprise,
- expulsion de la preneuse et de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique et d'un serrurier,
- condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation de 1 048,02 euros par mois à compter du 1er avril 2023 jusqu'à la remise effective des clés et de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Au soutien de sa demande, Madame [I] [F] épouse [W] se fonde sur l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 et fait valoir que le congé délivré est régulier en la forme et sérieux et légitime sur le fond. Elle se réfère à la clause pénale prévue au bail pour justifier sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation égale à deux fois le montant du loyer.

A l'audience du 8 novembre 2023, Madame [I] [F] épouse [W], représentée par son conseil, a maintenu les termes de son assignation et s'est opposée à l'octroi de délais pour quitter les lieux.

Madame [E] [D] [H] divorcée [L], représentée par sa fille Madame [N] [Z], munie d'un pouvoir à cet effet, n'a pas contesté la validité du congé. Elle a cependant formulé une demande de délai jusqu'à fin juillet 2024 pour quitter les lieux et a conclu au rejet de la demande de majoration au titre de l'indemnité d'occupation.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l'assignation pour un plus ample exposé des moyens de la demanderesse à l'appui de ses prétentions.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition greffe au 8 février 2024, puis a été prorogée au 2 avril suivant.
MOTIFS

Sur le congé délivré par la bailleresse et ses conséquences

En application des dispositions de l'article 15-I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur peut délivrer un congé pour reprise, six mois au moins avant l'échéance du bail. A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation.

A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.

Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Il doit ainsi indiquer les raisons concrètes pour lesquelles il souhaite récupérer le logement loué et en cas de contestation il doit apporter les justificatifs nécessaires à en justifier.

Le motif légitime d'un congé doit s'apprécier à la date où il est donné. Le contrôle du sérieux du motif ne saurait être un contrôle d'opportunité de la décision de reprise, le bailleur étant libre de reprendre son bien s'il compte réellement s'y installer.

En l'espèce, le bail consenti à Madame [E] [D] [H] divorcée [L] le 13 mars 2014, à effet au 1er avril suivant, pour une durée de trois ans, a été tacitement reconduit depuis le 1er avril 2017, par période de trois ans et pour la dernière fois le 1er avril 2020, pour expirer le 31 mars 2023, conformément à l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989.

Le congé de la bailleresse du 30 septembre 2022 a donc été régulièrement délivré plus de six mois avant l'échéance précitée. Il sera relevé en outre que le congé rappelle le motif du congé, délivré pour la reprise du bien, et mentionne l'identité du repreneur, à savoir le petit-fils de la propriétaire Monsieur [T] [W], logé actuellement dans un appartement de la demanderesse où elle souhaite aménager, pour pouvoir se rapprocher de sa famille et des établissements de santé du fait de son âge.

Dès lors, le congé délivré dans les formes et délais légaux requis, qui n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune contestation par la défenderesse à l’audience tant sur sa forme que sur son caractère sérieux, est bien régulier et le bail s'est donc trouvé résilié par l'effet du congé le 31 mars 2023 à minuit.

Madame [E] [D] [H] divorcée [L] se trouve ainsi occupante sans droit ni titre du local litigieux depuis le 1er avril 2023 et il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef dans les conditions prévues par l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution et selon les modalités fixées au dispositif du présent jugement.

Il convient d'indiquer que passé le délai de deux mois suivant la signification du commandement d'avoir à libérer les lieux, il pourra être procédé à cette expulsion, avec le concours de la force publique.

Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l'application relève, en cas de difficulté de la compétence du juge de l'exécution et non de la présente juridiction.

Sur la demande en paiement au titre de l'indemnité d'occupation et de la clause pénale

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le locataire des lieux qui perd son titre après la résiliation du bail est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux. L'indemnité d'occupation a un caractère mixte, étant la contrepartie de la jouissance des locaux et la compensation du préjudice subi par le bailleur du fait de la privation de la libre disposition des lieux ; elle a pour but d'indemniser le maintien fautif dans les lieux.

En l'espèce, Madame [I] [F] épouse [W] sollicite l'application de la clause pénale stipulée à l'article IX du contrat de bail du 1er avril 1990 qui prévoit que "si le locataire déchu de tout droit d'occupation ne libère pas les lieux, résiste à une ordonnance d'expulsion ou obtient des délais pour son départ, il devra verser par jour de retard, une indemnité conventionnelle d'occupation égale deux fois le loyer quotidien, ceci jusqu'à complet déménagement et restitution des clés".

Or, cette disposition n'a pas été reprise dans l'acte de renouvellement de bail du 13 mars 2014.

En outre, la loi du 6 août 2015 dite loi Macron a prévu dans son article 82 que "à compter de la date d'effet de leur renouvellement ou de leur reconduction tacite, les contrats des locations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée [locations à usage d'habitation qui constituent la résidence principale] sont régis par l'ensemble des dispositions de cette même loi en vigueur au jour du renouvellement ou de la reconduction, à l'exception de ses articles 3, 17 et 17-2, qui ne s'appliquent qu'aux nouveaux baux et aux baux faisant l'objet d'un renouvellement".

Or, l'article 4 i) de la loi du 6 juillet 1989, modifié par la loi du 24 mars 2014 dite loi ALUR, prévoit qu'est réputée non écrite toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des amendes ou des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble.

Le contrat de bail signé entre les parties à effet au 1er avril 2014 pour une durée de trois ans a été renouvelé tacitement le 1er avril 2017. Ainsi, les dispositions de la loi ALUR réputant non écrites les clauses pénales s'appliquent au contrat de bail du 13 mars 2014, celui-ci ayant été renouvelé tacitement postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi.

Aussi, la clause pénale étant réputée non écrite, il n'y a pas lieu de l'appliquer.

L'indemnité d'occupation due par Madame [E] [D] [H] divorcée [L] à compter du 1er avril 2023, date d'effet du congé, sera donc fixée au montant du loyer des charges, soit à la somme de 540,01 euros.

Sur la demande de délai pour quitter les lieux

En application des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut, même d'office, accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l'espèce, Madame [E] [D] [H] divorcée [L] a fait preuve de bonne volonté dans le respect de ses obligations contractuelles, puisqu'il n'existe pas de dette contractuelle dont elle serait débitrice. Elle occupe le logement depuis le 1er avril 1990, soit depuis 34 ans. Âgée de 75 ans, elle démontre rencontrer d'importants problèmes de santé. Elle justifie par ailleurs du montant de sa retraite à hauteur de 1 500 euros par mois et établit avoir loué un box pour entreposer ses affaires avant de pouvoir déménager.

Dans ces conditions, il sera fait droit à sa demande de délais supplémentaires jusqu'à fin juillet 2024.

Sur les demandes accessoires

Madame [E] [D] [H] divorcée [L], partie perdante, sera condamnée aux dépens, qui comprendront le coût de l'assignation et de la signification de la présente décision, mais pas le coût du congé qui résulte de la seule volonté de bailleresse.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [I] [F] épouse [W] les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1 000 euros lui sera donc allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les conditions de délivrance à Madame [E] [D] [H] divorcée [L] par Madame [I] [F] épouse [W] d'un congé pour reprise relatif au bail conclu le 13 mars 2014 et concernant un appartement à usage d'habitation et une cave situés [Adresse 2] sont réunies et que le bail a ainsi expiré le 1er avril 2023,

ACCORDE à Madame [E] [D] [H] divorcée [L] un délai pour quitter les lieux jusqu'au 31 juillet 2024,

DIT qu'à défaut pour Madame [E] [D] [H] divorcée [L] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Madame [I] [F] épouse [W] pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

RAPPELLE que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

CONDAMNE Madame [E] [D] [H] divorcée [L] à verser à Madame [I] [F] épouse [W] une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, soit actuellement la somme de 540,01 euros, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du 1er avril 2023 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés,

REJETTE le surplus des demandes des parties,

CONDAMNE Madame [E] [D] [H] divorcée [L] à verser à Madame [I] [F] épouse [W] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [E] [D] [H] divorcée [L] aux dépens de l'instance comme visé dans la motivation,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition le 02 avril 2024 susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le Greffier Le Juge des contentieux de la protection.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/05455
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;23.05455 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award