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02/04/2024 | FRANCE | N°22/13630

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 02 avril 2024, 22/13630


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 22/13630

N° MINUTE :

Assignations des :
03 et 07 Novembre 2022

CONDAMNE

LG




JUGEMENT
rendu le 02 Avril 2024
DEMANDERESSE

Madame [O] [L] [J]
[Adresse 4]
[Localité 5]

Représentée par Maître Anne-Laure TIPHAINE de la SELARL Inter-Barreaux COUBRIS, COURTOIS & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0251

DÉFENDERESSES

Le GROUPE HOSPITALIER [9]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représenté par Maître

Juliette VOGEL de la SELAS HMN & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0581

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 7]...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 22/13630

N° MINUTE :

Assignations des :
03 et 07 Novembre 2022

CONDAMNE

LG

JUGEMENT
rendu le 02 Avril 2024
DEMANDERESSE

Madame [O] [L] [J]
[Adresse 4]
[Localité 5]

Représentée par Maître Anne-Laure TIPHAINE de la SELARL Inter-Barreaux COUBRIS, COURTOIS & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0251

DÉFENDERESSES

Le GROUPE HOSPITALIER [9]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représenté par Maître Juliette VOGEL de la SELAS HMN & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0581

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 7]

Représentée par Maître Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1901

Expéditions
exécutoires
délivrées le :

Décision du 02 Avril 2024
19eme contentieux médical
RG 22/13630

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Madame Sabine BOYER, Vice-Présidente
Madame Emmanuelle GENDRE, Vice-Présidente

Assistées de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS

A l’audience du 12 Février 2024 tenue en audience publique devant Madame Laurence GIROUX, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2024.

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [O] [L] [J], née le [Date naissance 3] 1971, était porteuse d’un fibrome utérin sans signe fonctionnel.

Une échographie pelvienne a, cependant, mis en évidence le 27 juin 2017 une augmentation significative de ce fibrome.

Madame [L] [J] a consulté, pour avis chirurgical, le docteur [U] à l’hôpital [9]. Refusant l’hystérectomie, la requérante a choisi de prendre un traitement, qui devait ensuite être interrompu.

Elle a consulté, de nouveau, le 8 mars 2018 dans ce centre médical le docteur [U], qui préconisait le recours à une hystérectomie ou une embolisation utérine.

Le 28 mars 2018, Madame [L] [J] a consulté le docteur [H], qui confirmait la possibilité de recourir à une embolisation.

Elle a subi, le 2 mai 2018, cette intervention réalisée par le docteur [H] à l’hôpital [9].

Dans les suites, sont apparues des douleurs abdominales, un syndrome fébrile, des vomissements et des métrorragies.

Elle a consulté le docteur [U], puis son médecin traitant et a été hospitalisée au regard des symptômes persistants. Ceux-ci ne disparaissaient qu’en décembre 2018.
Insatisfaite de sa prise en charge, Madame [L] [J] saisissait le président du tribunal judiciaire de Paris. Par ordonnance de référé du 6 mars 2020, il était fait droit à la demande d’expertise à l’égard de l’hôpital [9], les docteurs [U] et [T] étant salariés de l’établissement.

Le docteur [R], gynécologue obstétricien, concluait à l’absence de faute dans la prise en charge de la patiente, tant pour la réalisation de l’embolisation, que pour la prise en charge des suites. En revanche, il retenait un défaut d’information quant aux risques de complications de l’embolisation considérant qu’il constituait une perte de chance 80% de refuser l’embolisation et donc les complications survenues. Aucun préjudice permanent n’était relevé, mais il évaluait les postes de préjudice temporaires.

Par actes délivrés les 3 et 7 novembre 2022, Madame [L] [J] assignait l’ESPIC Groupe hospitalier [9] et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de [Localité 8] aux fins de déclaration de responsabilité et de condamnation à l'indemniser des préjudices subis.
Par dernières conclusions en date du 23 mars 2023, la requérante demande au tribunal de :
Juger que le Groupe Hospitalier [9] a commis une faute qui engage sa responsabilité. Condamner le Groupe Hospitalier [9] à réparer intégralement les préjudices subis par Mme [O] [L] [J]. Condamner le Groupe Hospitalier [9] à payer à Mme [O] [L] [J] : Frais divers : 10,07 euros
Déficit fonctionnel temporaire : 198 euros
Souffrances endurées : 8 000 euros
Préjudice esthétique temporaire : 4 000 euros
Préjudice moral d’impréparation : 10 000 euros
Condamner le Groupe Hospitalier [9] à verser lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du jour de l'introduction de la demande devant le Tribunal judiciaire. Dire que le jugement à intervenir sera déclaré commun à la CPAM de [Localité 8]. Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir. Condamner le Groupe Hospitalier [9] à payer à Mme [O] [L] [J] ainsi qu'aux entiers dépens. Débouter les défendeurs de toutes demandes contraires aux présentes.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 24 mars 2023, le groupe hospitalier [9] demande au tribunal de :
A titre principal,
Sur les demandes de Madame [L] [J]
Fixer au maximum à 80% le taux de perte de chance de Madame [O] [L] [J] d’éviter l’intervention d’embolisation réalisée le 2 mai 2018 et les complications qui se sont réalisées ; Fixer le droit à réparation de Madame [O] [L] [J], avant application du taux de perte de chance de 80%, aux sommes maximales suivantes : Au titre des frais divers : 10,07 euros
Au titre du déficit fonctionnel temporaire : 897 euros
Au titre des souffrances endurées : 4.000 euros
Au titre du préjudice d’impréparation : 3.000 euros
Sur les demandes de la CPAM de [Localité 8]
Faire application du taux de perte de chance de 80% au recours subrogatoire de la CPAM de [Localité 8] ; Fixer le droit à réparation la CPAM de [Localité 8] à la somme maximale de 4.074,90 euros en remboursement de sa créance, outre la somme de 1.162 euros au titre de son indemnité forfaitaire de gestion ; En tout état de cause,
Débouter Madame [O] [L] [J] et la CPAM de [Localité 8], ainsi que toute autre partie à l’instance, de toutes prétentions et/ou du surplus des demandes formées à l’encontre du GH [9] ; Ramener à de plus justes proportions la somme réclamée par Madame [O] [L] [J] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; Ecarter l’exécution provisoire de droit à hauteur de 50% du montant de la condamnation à intervenir.
La CPAM de [Localité 8], par dernières conclusions notifiées le 20 mars 2023, sollicite de :
Recevoir la CPAM de [Localité 8] en ses demandes et la déclarant bien fondée ;Condamner l’Hôpital [9] à verser à la CPAM de [Localité 8] la somme de 5.093,63 €, au titre des prestations versées dans l’intérêt de Monsieur [W] ; Assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2022 ; Condamner l’Hôpital [9] à verser à la CPAM de [Localité 8] la somme de 1.162 €, correspondant à l’indemnité forfaitaire de gestion de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ; Réserver les droits de la CPAM de [Localité 8] quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement ; Condamner solidairement l’Hôpital [9] à verser à la CPAM de [Localité 8], la somme de 2.000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamner l’Hôpital [9] en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL KATO & LEFEBVRE, Avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile ; Rappeler l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

Toutes les parties ayant constitué avocat, la décision sera contradictoire.

L’ordonnance de clôture était rendue le 4 septembre 2023 et l’audience de plaidoiries se tenait le 12 février 2024. La décision était mise en délibéré au 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I / SUR LA RESPONSABILITÉ

1/ Sur la qualité des soins

Il résulte des dispositions des articles L.1142-1-I et R.4127-32 du code de la santé publique que, or le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les praticiens ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Tout manquement à cette obligation qui n'est que de moyens, n'engage la responsabilité du praticien que s'il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.

En application des dispositions de l'article R 4127-32 du code de la santé publique, le médecin, dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande de son patient, s'engage à lui assurer personnellement des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents.

En l’espèce, l’expert n’a pas retenu de faute dans le diagnostic, la prise en charge de l’embolisation et ses suites. Il explique que les troubles de la requérante relèvent de l’aléa thérapeutique et précise la mécanique du dommage : « c’est l’ischémie du fibrome provoquée par l’embolisation qui a entrainé les douleurs et saignements présentés par Madame [L] [J] ».

Aucune faute n’étant davantage alléguée par les parties sur ces points, il n’y a donc lieu à statuer.

2/ Sur l'obligation d'information
Tout professionnel de santé est tenu en application des articles L 1111-2 et R4127-35 du code de la santé publique d'un devoir de conseil et d'information. L'information du patient doit porter de manière claire, loyale et adaptée, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

En cas de litige, il appartient au professionnel d'apporter, par tous moyens en l'absence d'écrit, la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé.

En l’espèce, Madame [L] [J] fait valoir qu’elle n’a pas été correctement informée sur les éventuelles conséquences et risques de l’intervention. Elle sollicite la somme de 10 000 euros d’indemnisation au titre de son préjudice moral d’impréparation.

L’hôpital [9] s’en rapporte s’agissant de l’appréciation de sa responsabilité résultant d’un éventuel défaut d’information, mais il propose une somme de 3 000 euros au titre du préjudice d’impréparation.

Or, l’expert a indiqué dans son rapport :
« Comme nous l’avons expliqué dans notre discussion médico-légale, aucune trace d’une information concernant les bénéfices attendus et les risques encourus d’une embolisation utérine n’a été retrouvée, aussi bien dans le dossier médical que lors des échanges lors de la réunion d’expertise. Nous considérons qu’il y a par conséquent un défaut d’information ayant empêché Madame [L] [J] de délivrer un consentement libre et éclairé à l’embolisation utérine. Il y a donc bien une perte de chance d’éviter l’intervention et les complications qui se sont réalisées ».

Dès lors, un préjudice moral, établi au regard de l’expertise et de l’absence de toute preuve de délivrance de l’information, se caractérise par le défaut de préparation aux risques encourus. Il sera réparé au regard des éléments de l'espèce par l’allocation d’une indemnité de 7 000 euros.

Par ailleurs, la requérante soutient qu’en raison de ce défaut d’information, elle n’a pu refuser l’intervention proposée. Considérant, en effet, l’absence de gêne causée par ce fibrome, elle indique qu’elle n’était pas demandeuse d’un acte chirurgical. Dès lors, elle considère que l’hôpital [9] doit être condamné à réparer l’intégralité du préjudice subi.

Le défendeur s’y oppose et, se fondant sur les conclusions d’expertise, demande à ce qu’un taux de perte de chance de 80% soit appliqué tant à l’indemnisation de la requérante, qu’à celle de la CPAM.

Or, l’expert a retenu un taux de perte de chance de 80% considérant les éléments suivants : « Etant donné que Madame [L] [J] était réticente à un geste chirurgical et qu’elle n’était pas gênée par son fibrome, il est probable qu’elle n’aurait pas choisi l’embolisation si elle avait reçu une information complète. Nous estimons donc la perte de chance consécutive à ce défaut d’information d’éviter le geste et donc les complications survenues à 80% ».

Par ailleurs, il ressort du parcours médical de Madame [L] [J] que celle-ci avait préalablement à l’embolisation tenté d’autres voies pour traiter son fibrome, ce qui corrobore son souhait d’éviter la chirurgie.

Néanmoins, ses seules déclarations ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de l’expert, qui a d’ailleurs retenu un taux élevé de perte de chance, et à établir de manière certaine qu’elle aurait renoncé à l’intervention.

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu d'admettre que du fait du défaut d'information, la requérante a perdu une chance réelle et sérieuse de renoncer à l'acte proposé et d’éviter ainsi le risque réalisé et de fixer la perte de chance à hauteur de 80%.

II/ SUR LA RÉPARATION DES PRÉJUDICES

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [L] [J], âgée de 47 ans lors de la consolidation, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en vertu de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

Dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable et le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant que sur le reliquat.

I/ Préjudices patrimoniaux

1) Dépenses de santé actuelles
Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime.
En l’espèce, Madame [L] [J] ne formule aucune demande à ce titre.
La CPAM de [Localité 8] fait valoir une créance de 5 093,63 euros au titre des prestations de santé prises en charge selon état des créances du 16 décembre 2022 (frais médicaux, frais pharmaceutiques et frais d’hospitalisation). Elle est étayée par l'attestation d'imputabilité du docteur [Y] et correspond aux frais exposés suite à l'intervention litigieuse telles que décrites dans l'expertise.
L’hôpital [9] ne critique pas le montant demandé, mais sollicite que le taux de perte de chance soit appliqué à cette demande.
Au regard de ces éléments, il sera fait droit à la demande. La limitation du droit à indemnisation étant opposable au tiers payeur, il y a cependant lieu d’allouer la somme de 4 074,90 euros (5 093,63x80%).

2) Frais divers
L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d'indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d'expertise font partie des dépens.
En l'espèce, il est sollicité la somme de 10,07 euros au titre des frais de copie du dossier médical, à laquelle ne s’oppose pas le défendeur.
Il convient de noter qu’une pièce justifiant de la dépense est versée aux débats.
Dans ces conditions, il convient d’entériner l’accord des parties. Après application du taux de perte de chance, il sera alloué la somme de 8,05 euros (10,07x80%).

3) Pertes de gains professionnels actuels
Elles concernent le préjudice économique subi par la victime pendant la durée de son incapacité temporaire totale ou partielle de travail fixée par l'expertise.

En l’espèce, l’expert a retenu un arrêt de travail.

Madame [L] [J] ne formule, cependant, aucune demande à ce titre.

La CPAM de [Localité 8] ne fait pas davantage valoir de créance.
Il n’y a donc lieu à statuer.

II / Préjudices extra-patrimoniaux

1) Déficit fonctionnel temporaire
Ce préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L’expert a retenu plusieurs périodes sur lesquelles s’accordent les parties.

Madame [L] [J] sollicite une indemnisation sur la base d’un taux journalier de 30 euros pour un déficit total, le défendeur proposant un taux de 23 euros.

Sur la base d’une indemnisation de 30 € par jour pour un déficit total adaptée à la situation individuelle de la requérante, les troubles dans les conditions d'existence subis par Madame [L] [J] jusqu'à la consolidation, justifient la fixation d'une somme de 1170 euros (30 x 3 + 360 x 30 x 10%), soit 936 euros après application du taux de perte de chance.

Compte tenu de la demande, il sera cependant alloué la somme de 198 euros.

2) Souffrances endurées
Il s'agit d'indemniser ici les souffrances tant physiques que morales endurées du fait des atteintes à l'intégrité, la dignité et l’intimité et des traitements, interventions, hospitalisations subies depuis l'accident jusqu'à la consolidation.
En l’espèce, Madame [L] [J] sollicite la somme de 8 000 euros, le défendeur proposant une somme de 4 000 euros avant imputation de la perte de chance.
L’expert a évalué ce poste à 3/7 tenant compte des suites douloureuses, des gênes physiques, des nombreux examens et consultations médicales réalisées.
Ce poste sera donc réparé par une somme fixée à 6 000 euros.
Après application du taux de perte de chance, il sera alloué la somme de 4 800 euros (6 000 x 80%).

3) Préjudice esthétique temporaire
Ce poste indemnise les éléments de nature à altérer l'apparence ou l'expression de la victime jusqu’à la consolidation.
En l’espèce, Madame [L] [J] sollicite la somme de 4 000 euros, à laquelle s’oppose le défendeur.
L’expert n’a pas chiffré ce préjudice, mais, en réponse au dire du conseil de la requérante, a indiqué que les saignements avaient dû entrainer le port de serviettes hygiéniques adaptées.
En conséquence, il convient de faire droit à la demande à hauteur de 1 000 euros.
Après application du taux de perte de chance, il sera alloué la somme de 800 euros (1000 x 80%).

III/ SUR LES AUTRES DEMANDES
En application de l’article 1231-6 du code civil, cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal pour la CPAM de [Localité 8] à compter du 19 décembre 2022, date de signification des écritures valant demande à défaut de preuve justifiant la date sollicitée, et pour la requérante à compter de la présente décision.
Par ailleurs, en application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, le tiers responsable est condamné à payer une indemnité forfaitaire en contrepartie des frais engagés par l'organisme national d'assurance maladie étant précisé que le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant minimum et maximum défini par arrêté. Il sera donc alloué à la CPAM de [Localité 8] la somme de 1162 euros.
Il convient de condamner l’hôpital [9], partie perdante du procès, à payer à la CPAM de [Localité 8] une somme de 900 euros et à Madame [L] [J] une somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, les dépens seront mis à la charge de l’hôpital [9], partie succombante, avec distraction au profit des avocats en ayant fait la demande.
En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, s’agissant en effet d’une instance introduite après le 1er janvier 2020, l’exécution provisoire est de droit. Il n’y a lieu de l’écarter au regard des circonstances de l’espèce.
Décision du 02 Avril 2024
19eme contentieux médical
RG 22/13630

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DECLARE l’hôpital [9] responsable dans le cadre de l'intervention pratiquée le 2 mai 2018 d’un défaut d'information ;

DIT que le défaut d'information a occasionné à Madame [O] [L] [J] une perte de chance de renoncer à l'intervention évaluée à 80% ;

CONDAMNE l’hôpital [9] à payer à Madame [O] [L] [J], les sommes suivantes à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, après application du taux de perte de chance, pour les postes énoncés ci-après :
- frais divers : 8,05€,
- déficit fonctionnel temporaire : 198 €,
- souffrances endurées : 4 800 €,
- préjudice esthétique temporaire : 800 €,
Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE l’hôpital [9] à payer à Madame [O] [L] [J], la somme suivante à titre de réparation de son préjudice moral, en deniers ou quittances, provisions non déduites, la somme de 7 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE l’hôpital [9] à payer à la CPAM de [Localité 8] la somme totale de 4 074,90 euros au titre de son recours subrogatoire, après application du taux de perte de chance, avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2022 ;

CONDAMNE l’hôpital [9] à payer à Madame [O] [L] [J], la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’hôpital [9] à payer à la CPAM de [Localité 8] la somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’hôpital [9] à payer à la CPAM de [Localité 8] la somme de 1162 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

CONDAMNE l’hôpital [9] aux dépens ;

ACCORDE à la SELARL KATO&LEFEBVRE, avocats au barreau de Paris, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

REJETTE le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 02 Avril 2024.

La GreffièreLa Présidente

Erell GUILLOUËTLaurence GIROUX


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 22/13630
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;22.13630 ?
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