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02/04/2024 | FRANCE | N°22/04243

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 02 avril 2024, 22/04243


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :




8ème chambre
1ère section


N° RG 22/04243
N° Portalis 352J-W-B7G-CWT3G


N° MINUTE :


Assignation du :
28 Mars 2022










ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 02 avril 2024






DEMANDERESSE

S.C.I. PARIS CLICHY
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Jérôme CHAMARD de la SCP d’Avocats BOUYEURE BAUDOUIN DAUMAS CHAMARD BENSAHEL GO

ME Z-REY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0056


DEFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic, le Cabinet DOLLEANS SAS
[Adresse 2]
[Localité 5]...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

8ème chambre
1ère section

N° RG 22/04243
N° Portalis 352J-W-B7G-CWT3G

N° MINUTE :

Assignation du :
28 Mars 2022

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 02 avril 2024

DEMANDERESSE

S.C.I. PARIS CLICHY
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Jérôme CHAMARD de la SCP d’Avocats BOUYEURE BAUDOUIN DAUMAS CHAMARD BENSAHEL GOME Z-REY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0056

DEFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic, le Cabinet DOLLEANS SAS
[Adresse 2]
[Localité 5]

représenté par Maître Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0874

Monsieur [N] [S]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Didier SITBON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2472

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
assistée de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors des débats, et de Madame Justine EDIN, Greffière lors du prononcé.

DEBATS

A l’audience du 05 février 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 02 avril 2024.

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

L'immeuble situé [Adresse 1] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Y sont notamment copropriétaires : M. [N] [S] (lots n°15 et n°36) ainsi que la SCI Paris Clichy (lot n°35).

Lors de l'assemblée générale du 19 décembre 2012, devenue définitive, l'autorisation a été donnée à la société Paris Clichy de faire procéder à la dépose des radiateurs de chauffage central équipant son lot n°35, d'une part, et il a été voté en faveur de la modification de la grille de répartition des charges de chauffage en excluant ledit lot, d'autre part.

Un modificatif du règlement de copropriété a été publié le 04 mai 2016.

Lors de l'assemblée générale du 27 novembre 2018, M. [S] a sollicité de voir son lot n°36 des dépenses de chauffage et la modification subséquente de la clé de répartition desdites charges de chauffage, ce qui a été rejeté.

Contestant ce refus, M. [S] a saisi le tribunal de céans qui, par jugement en date du 1er mars 2022, a notamment :
" Déclaré irrecevable l'action en nullité engagée contre la résolution n°24-1 de l'assemblée générale du 27 novembre 2018 qui n'a pas fait l'objet d'un vote ;
Déclaré recevable l'action pour le surplus, en ce compris les demandes reconventionnelles du syndicat ;
Rejeté la demande d'annulation de la résolution n° 24 de l'assemblée générale du 27 novembre 2018 ;
Réputé non écrite la modification de la clause de répartition des charges de chauffage telle qu'elle résulte du modificatif du 4 mai 2016, du règlement de copropriété de l'immeuble du [Adresse 1], en ce qu'elle en exempte le lot n° 35 ;
Ordonné que les répartitions des charges de chauffage antérieures du règlement de copropriété de l'immeuble [Adresse 1] soient appliquées ".

La SCI Paris Clichy, propriétaire du lot n° 35 au sein de la copropriété, a décidé par acte en date du 28 mars 2022 d'assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble précité en tierce opposition à l'encontre du jugement rendu le 1er mars 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 29 janvier 2024, le syndicat des copropriétaires demande au juge de la mise en état de :
" Vu les dispositions des articles 122 et 789 du code de procédure civile,
Vu les dispositions des articles 852 du code de procédure civile,
- Dire le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] recevable et bien fondé en ses demandes,
Y faisant droit,
- Dire la SCI Paris Clichy irrecevable en sa tierce opposition ;
- Condamner la SCI Paris Clichy à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- Condamner la SCI Paris Clichy aux dépens. "

Au soutien de sa demande d'irrecevabilité de la tierce opposition formée par la société Paris Clichy à l'encontre du jugement du 1er mars 2022, le syndicat des copropriétaires se prévaut en premier lieu de ce que celle-ci a été valablement représentée par le syndicat des copropriétaires dans le cadre de cette précédente instance et qu'elle n'établit pas en quoi ses intérêts personnels étaient distincts de ceux du syndicat des copropriétaires ni en quoi ils n'auraient pas été préservés par ledit syndicat.

En réponse aux moyens adverses, le syndicat des copropriétaires réplique que la question soumise au juge de la mise en état porte sur le point de savoir si la tierce opposition formulée par la SCI Paris Clichy est recevable et non sur le point de savoir si, à l'occasion de l'examen du fond de la précédente instance, le syndicat était recevable à former une demande reconventionnelle, outre qu'au demeurant cette demande reconventionnelle du syndicat relative à la répartition des dépenses de chauffage se rattachait ainsi à la demande originaire par un lien tel, qu'elle ne constituait qu'une défense à l'action principale et ne nécessitait aucune habilitation préalable.

En deuxième lieu, le syndicat des copropriétaires excipe de ce M. [S] ayant interjeté appel du jugement querellé et la société Paris Clichy étant intervenue volontairement à cette procédure d'appel, elle est irrecevable à agir en tierce opposition dès lors qu'un jugement ne peut faire à la fois l'objet de ces deux voies de recours.

Il conteste l'argument de la société Paris Clichy tenant à une prétendue privation de son droit à un double degré de juridiction dès lors qu'en intervenant devant la cour d'appel, il estime qu'elle a fait le choix d'exercer une voie de recours distincte de celle de la tierce opposition et doit donc en tirer les conséquences.

Il en déduit également que la demande de sursis à statuer, présentée à titre subsidiaire, est dénuée d'intérêt et doit être rejetée.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 1er février 2024, la société Paris Clichy demande au juge de la mise en état de :
"Vu la loi du 10 juillet 1965, notamment ses articles 11, 25, 26,
Vu le décret du 17 mars 1967, notamment ses articles 9 et 55,
Vu le principe d'estoppel,
- Juger la société Paris Clichy recevable et bien fondée en sa tierce opposition,
- Débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,
- Surseoir à statuer dans l'attente de la décision que rendra la cour d'appel de Paris dans l'instance pendante sous le n° 23/01155,
En toute hypothèse,
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à verser à la société Paris Clichy la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappeler que par application des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, la société Paris Clichy sera dispensée de toute participation aux frais de procédure exposés par le syndicat des copropriétaires, lesquels seront répartis entre les autres copropriétaires;
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Jérôme Chamard conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. "

La société Paris Clichy conteste les moyens d'irrecevabilité soulevés par le syndicat des copropriétaires.

Elle soutient ainsi et d'une part que, dans le cadre de la précédente instance, les intérêts préservés par le syndicat des copropriétaires étaient distincts des siens propres dès lors que celui-ci n'a pas hésité, par le biais d'une demande reconventionnelle ne répondant au demeurant pas aux exigences de l'habilitation prévue à l'article 5 du décret du 17 mars 1967, a soulevé le caractère illicite de la modification de la grille de répartition des charges qui avait été adoptée en sa faveur, en 2012, et qui lui accordait un droit acquis sur ce point, ce qui a conduit in fine à la priver de pouvoir bénéficier de ce droit.

Elle se prévaut d'autre part, en réponse à l'argument concernant la procédure d'appel, de ce qu'il est possible de former tierce opposition sur les chefs d'un jugement de première instance non soumis à l'appel, et rappelle avoir formé tierce opposition avant de prendre connaissance de l'appel interjeté par M. [S], l'obligeant ainsi à intervenir volontairement devant la cour.

Elle prétend que lui refuser le droit de former tierce-opposition reviendrait à la priver du bénéfice du double degré de juridiction, principe de garantie de bonne justice et d'équité devant la loi.

A titre subsidiaire, elle s'estime dès lors fondée à solliciter un sursis à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la procédure d'appel.

M. [S] n'a pas conclu à l'incident.

L'affaire a été fixée pour plaidoiries sur incident à l'audience du 05 février 2024, puis mise en délibéré au 02 avril suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la tierce opposition formée par la société Paris Clichy

L'article 15 de loi du 10 juillet 1965 dispose en son alinéa premier que " le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble. "

L'article 582 du code de procédure civile dispose que " la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque.
Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. "

Selon l'article 583 du code de procédure civile précité, " est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque.
Les créanciers ou ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres. (...) ".

L'intérêt évoqué par le tiers formant tierce opposition doit être actuel, direct et personnel.

Lorsqu'une action a été engagée par ou contre le syndicat, un copropriétaire ne peut former tierce opposition que s'il justifie d'un préjudice personnel et d'intérêts distincts de ceux défendus par le syndicat (Civ 3ème 02 octobre 1996).

Un jugement frappé d'appel ne peut faire l'objet d'une tierce opposition en ce qui concerne les chefs qui font l'objet de cet appel, le tiers pouvant intervenir à l'instance d'appel (Com. 6 juillet 1967, publiée au bulletin n°282).

La tierce opposition formée contre un jugement frappé d'appel est dépourvue d'objet lorsqu'elle émane d'une personne intervenante devant la juridiction saisie de l'appel de ce jugement pour faire valoir les droits qu'elle aurait pu invoquer devant ce tribunal (Civ 3e 13 avril 1988, n°86-14045).

Sur ce,

Il est constant que par acte du 03 janvier 2023, M. [S] a interjeté appel à l'encontre du jugement rendu par la juridiction de céans daté du 1er mars 2022, précité, et que la société Paris Clichy est intervenue volontairement à cette procédure.

Il ressort des termes de cette déclaration d'appel, communiquée, qu'il s'agit d'un appel général formé à l'encontre de l'entièreté du jugement de première instance, et n'est pas limité à certains chefs seulement.

Dans ces conditions, la tierce opposition formée par la société Paris Clichy est irrecevable, celle-ci ne pouvant exercer en parallèle deux recours en réformation à l'encontre d'un seul et même jugement, auprès de deux juridictions de degré distinct.

Le syndicat des copropriétaires doit donc être accueilli en sa demande d'irrecevabilité, et la société Paris Clichy sera déclarée irrecevable en sa tierce opposition pour ce seul motif, sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen allégué.

Sur la demande de sursis à statuer

Aux termes de l'article 378 du code de procédure civile, " la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine ".

Il appartient au juge d'apprécier souverainement l'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, notamment au regard du caractère déterminant ou non sur l'issue du litige de l'événement dans l'attente duquel il lui est demandé d'ordonner un tel sursis.

Sur ce,

Compte tenu des développements précédents, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer sollicité par la société Paris Clichy, celle ci pouvant au demeurant valablement faire valoir ses moyens de défense devant la juridiction d'appel.

Sur les demandes accessoires

Succombante à l'incident, la société Paris Clichy est condamnée aux dépens ainsi qu'à verser au syndicat des copropriétaires une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe et susceptible d'appel dans les conditions de l'article 795 du code de procédure civile,

DECLARONS la SCI Paris Clichy irrecevable en sa tierce opposition formée à l'encontre du jugement du 1er mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Paris sous le numéro de RG 19/08329,

La DEBOUTONS de sa demande de sursis à statuer,

CONDAMNONS la SCI Paris Clichy aux dépens de l'incident ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETONS toute autre demande plus ample ou contraire.

Faite et rendue à Paris le 02 Avril 2024

Le GreffierLe Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/04243
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;22.04243 ?
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