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02/04/2024 | FRANCE | N°20/08343

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 02 avril 2024, 20/08343


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:



9ème chambre 1ère section

N° RG 20/08343

N° Portalis 352J-W-B7E-CSV2F

N° MINUTE : 1

Contradictoire

Assignation du :
26 août 2020






JUGEMENT
rendu le 02 avril 2024
DEMANDEURS

Monsieur [M] [B]
[Adresse 4]
[Localité 9]

représenté par Me Marie BRUCKMANN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1799

Madame [T] [D] épouse [H]
[Adresse 6]
[Localité 8

]

représentée par Me Marie BRUCKMANN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1799

Monsieur [U] [R]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Me Marie BRUCKMANN, avocat ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 20/08343

N° Portalis 352J-W-B7E-CSV2F

N° MINUTE : 1

Contradictoire

Assignation du :
26 août 2020

JUGEMENT
rendu le 02 avril 2024
DEMANDEURS

Monsieur [M] [B]
[Adresse 4]
[Localité 9]

représenté par Me Marie BRUCKMANN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1799

Madame [T] [D] épouse [H]
[Adresse 6]
[Localité 8]

représentée par Me Marie BRUCKMANN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1799

Monsieur [U] [R]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Me Marie BRUCKMANN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1799

DÉFENDERESSE

S.A. BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentée par Maître Denis-clotaire LAURENT de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0010
Décision du 02 Avril 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 20/08343 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSV2F

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI, Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Claudia CHRISTOPHE, greffière lors des débats et Madame Sandrine BREARD, greffière lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 06 février 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Patrick NAVARRI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS CONSTANTS

M. [M] [B] et Mme [T] [D] épouse [H], masseurs-kinésithérapeutes, ainsi que M. [U] [R], médecin, sont les associés des SCI LE REQUET et SCI LE RYSAC.

Afin d’acquérir un immeuble à usage d’habitation et professionnel, la BRED BANQUE POPULAIRE a respectivement consenti trois prêts à la SCI LE REQUET et deux prêts à la SCI LE RYSAC selon les modalités suivantes.

Par courrier du 26 novembre 2009, la BRED BANQUE POPULAIRE a donné son accord à la SCI LE REQUET pour un financement à hauteur de 871.020 euros comprenant les trois prêts suivants :

- Un prêt n°0975517 d’un montant de 322.620 €, destiné au remboursement du prêt consenti par la SOCIETE GENERALE,

- Un prêt n°0975164 d’un montant de 113.400 €, destiné à l’acquisition à 30% de l’immeuble sis [Adresse 1],

- Un prêt n°0975518 d’un montant de 435.000 €, destiné au financement des travaux de constructions et d’aménagement.

Par courrier du 26 novembre 2008, la BRED BANQUE POPULAIRE a donné son accord à la SCI LE RYSAC pour un financement à hauteur de 800.000 €, comprenant les deux prêts suivants :
- Un prêt n°0975161 d’un montant de 265.000 €, destiné à financer l’acquisition à 70% de l’immeuble sis [Adresse 1],
- Un prêt n°0975160 d’un montant de 535.000 €, destiné au financement des travaux de constructions et d’aménagement.

Concernant ces 5 prêts, les cautionnements solidaires de M. [M] [B] et Mme [T] [D] épouse [H] et M. [U] [R] ont été pris par actes séparés datés du mois de décembre 2009.

Par jugements en date du 3 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Melun a placé les SCI LE REQUET et LE SYSAC sous sauvegarde.

Par jugements en date du 22 novembre 2021, le tribunal de grande instance de Melun a placé les SCI LE REQUET et LE SYSAC en liquidation judiciaire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte d’huissier en date du 26 août 2020, M. [M] [B], Mme [T] [D] épouse [H] et M. [U] [R] ont assigné la société BRED BANQUE POPULAIRE devant le tribunal de céans.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 octobre 2023, M.[M] [B], Mme [T] [D] épouse [H] et M. [U] [R] demandent de :

Vu l'article 1147 ancien du Code civil, et les pièces ci-après listées,

- Condamner la société BRED BANQUE POPULAIRE à payer à M. [M] [B], Mme [T] [H] et M. [U] [R], à titre de dommages et intérêts, les sommes de :
* 214.000 € chacun au titre du prêt de 535.000 €, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
* 106.000 € chacun au titre du prêt de 265.000 €, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- Débouter la société BRED BANQUE POPULAIRE de ses demandes dirigées à l’encontre de M. [M] [B], de Mme [T] [H] et de M. [U] [R],

- A défaut ordonner la compensation entre les créances et dettes des parties,

- Condamner la société BRED BANQUE POPULAIRE à payer aux demandeurs la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du CPC et les entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Marie BRUCKMANN, avocat, conformément à l'article 699 du CPC.

A l’appui de leurs demandes ils font valoir :
- qu’ils ne sont pas des professionnels de la promotion immobilière ; que la BRED n’a pas rempli son obligation de mise en garde dès lors que les engagements de caution pouvaient créer un risque d’endettement excessif ;
- que la BRED n’a pas respecté les contrats de prêt dès lors que les devis devaient être actualisés et que le risque devait être accepté par l’assureur avant la mise à disposition des fonds.
- que les engagements de caution étaient disproportionnés par rapport au patrimoine et aux revenus dont ils disposent.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 octobre 2023, la BRED BANQUE POPULAIRE demande de :
Vu les articles 1103 et 2288 du Code civil,

- DEBOUTER Monsieur [M] [B], Madame [T] [D], épouse [H] et Monsieur [U] [R] de l’ensemble de leurs demandes ;

A TITRE RECONVENTIONNEL :

Faute d’avoir satisfait à la sommation de payer contenues aux présentes écritures et, huit jours après,

- CONDAMNER Monsieur [M] [B], Madame [T] [D], épouse [H] et Monsieur [U] [R] à payer chacun à la BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 106.000 € conformément à leurs engagements de caution au titre du prêt n°0975161 outre intérêt légal à compter des conclusions au fond n° 1de la banque ;

- CONDAMNER Monsieur [M] [B], Madame [T] [D], épouse [H] et Monsieur [U] [R] à payer chacun à la BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 214.000 € conformément à leurs engagements de caution au titre du prêt n°0975161 outre intérêt légal à compter des conclusions au fond n° 1de la banque ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- CONDAMNER in solidum Monsieur [M] [B], Madame [T] [H] et Monsieur [U] [R] à payer à la BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 6.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNER in solidum Monsieur [M] [B], Madame [T] [H] et Monsieur [U] [R] aux entiers dépens de l’instance.

A l’appui de ses demandes elle fait valoir :
- que les emprunteurs ont la qualité de caution avertie ; qu’ils disposaient d’une expérience dans la gestion de groupement de moyens médicaux compte tenu des expériences professionnelles de chacun ; que chacun avait déjà réalisé des investissements immobiliers et donc possédaient des connaissances dans ce domaine ;
- que l’opération immobilière envisagée était viable ; qu’elle a respecté les termes du contrat de prêt ;
- que la demande reconventionnelle de la banque en paiement des sommes dues est justifiée ; que les revenus et le patrimoine des demandeurs n’est pas disproportionné par rapport aux engagements de caution.

Pour un plus ample exposé des moyens et demandes des parties, il y a lieu de renvoyer à leurs dernières conclusions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 janvier 2024.

MOTIVATION

Sur la demande principale

L’article 1147 du Code civil en vigueur au moment des faits dispose que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

La banque était tenue au moment de l'octroi du prêt à une obligation de mise en garde vis-à-vis d’un client souscripteur de prêt lorsque ce dernier est non averti et qu’au regard de ses capacités financières cela crée un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt.

En l’espèce, les demandeurs font valoir qu’ils sont profanes en matière immobilière et que la banque aurait dû les mettre en garde contre le risque de non remboursement des crédits dû à un crédit excessif accordé aux SCI et, par voie de conséquence, à un risque d’endettement lié à la souscription des cautionnements.

La BRED fait valoir que les demandeurs ont la qualité de caution avertie et que le projet était viable et ne créait pas d’endettement excessif alors que les difficultés financières rencontrées tiennent à la mauvaise exécution des travaux.

Sur ce,

S’il est établi que Monsieur [M] [B], Madame [T] [H] et Monsieur [U] [R] avaient déjà effectué des investissements immobiliers avant de s’engager en tant que cautions auprès des deux SCI, cette situation ne leur donne pas la qualité de caution avertie et ne dispense pas la BRED de son devoir de mise en garde en cas de risque d’endettement.

Concernant le risque d’endettement excessif, il y a lieu de relever les éléments suivants.

Pour la SCI LE REQUET, Monsieur [M] [B], Madame [T] [H] et Monsieur [U] [R] se sont portés chacun :
- caution de 129 048 euros pour le prêt de 322 619,24 euros ;
- caution de 45 360 euros pour le prêt de 113 400 euros ;
- caution de 174 000 euros pour le prêt de 435 000 euros ;

Pour la SCI LE RYSAC, Monsieur [M] [B], Madame [T] [H] et Monsieur [U] [R] se sont portés chacun :
- caution de 106 000 euros pour le prêt de 265 000 euros ;
- caution de 214 000 euros pour le prêt de 535 000 euros ;

Ainsi la totalité des engagements de caution est de 668.408 euros pour chacun. Dès lors le risque d’endettement excessif est limité à ce montant.

Concernant Madame [T] [D] épouse [H], elle avait déclaré en 2007 :
- Percevoir des revenus annuels de 47.502 € soit une somme mensuelle de 3958,50 euros. Si elle précise qu’elle est divorcée et qu’elle a trois enfants à charge elle n’apporte aucune précision concernant l’âge des enfants ni sur la pension alimentaire au titre de l‘entretien et de l’éducation des enfants qui lui serait éventuellement versée par le père des enfants.
- Être propriétaire de sa résidence principale évaluée à 290.000 €, affectée d’un encours de prêt de 178.300 €, soit une valeur nette de 111.700 €. Il n’est pas contesté que le loyer annuel de 16.800 € mentionné par Mme [D] correspond en réalité au remboursement de l’emprunt pour cette résidence principale.

En 2009, elle était également porteuse de parts de la SCI LE REQUET, à hauteur de 33,33 %, qui était déjà propriétaire à cette date d’un immeuble acquis en 2007 pour une valeur de 376.000 € et il n’est pas contesté que le reliquat du prêt à rembourser était de 316.600 euros. Après déduction de ce montant et de la répartition du reliquat entre les 3 associés, la part revenant à Mme [D] est de 19.800 euros.

Le total du patrimoine de Mme [D] épouse [H] est donc de 111.700 euros + 19800 euros soit un total de 131.700 euros et le montant mensuel de ses revenus s’élève à la somme mensuelle de 3958,50 euros.

Concernant Monsieur [M] [B], il avait déclaré en 2007 :
- percevoir des revenus annuels de 83.115 € soit 6.926 euros par mois ;
- être propriétaire de trois appartements pour une valeur totale de 326.000 €, affectés d’encours de prêts pour un montant de 157.932 €, soit une valeur nette de 168.068 €.

En 2009, il était également porteur de parts de la SCI LE REQUET, à hauteur de 33,33 % soit un reliquat après déduction de l’emprunt et répartition entre les associés d’une somme de 19.800 euros.

Le montant du patrimoine de M. [B] était donc de 168.068+19.800 euros soit un total de 187.868 euros.

Monsieur [U] [R] avait déclaré en 2007 :
- percevoir des revenus annuels d’environ 100.000 € ;
- être propriétaire d’une résidence principale, de huit appartements dont deux étaient en vente et de 28 % de la valeur du cabinet médical par l’intermédiaire de la SCI LE REQUET, soit un patrimoine évalué au total à environ 2.355.320 €, affecté d’encours de prêt à hauteur de 489.784 €, avec une valeur nette du patrimoine de 1.865.536 €.

Il mentionnait également détenir des placements (assurances-vie) pour 36.000 € et environ 30.000 € sur ses comptes courants.

Lorsqu’on examine les difficultés financières rencontrées par les SCI et les cautions, il ressort des différentes pièces versées aux débats notamment du rapport de l’expert M. [O] [F] qui a été nommé par ordonnance de de référé en date du 21 novembre 2014 par le tribunal de Melun à la suite des désordres affectant les immeubles concernés, que M. [J], l’architecte qui a réalisé les travaux, a commis des fautes ce qui a entraîné un retard dans la bonne réalisation du chantier et une impossibilité pour les SCI d’assumer financièrement les coûts supplémentaires. En outre les estimations financières de M. [J] ont été dépassées alors que les délais de réalisation des travaux n’ont pas été respectés ce qui a entrainé des difficultés financières. L’expert a d’ailleurs noté à la page 76 de son rapport que la capacité financière des emprunteurs à réaliser cette opération avec les apports était faisable.

Par conséquent, compte tenu des revenus et du patrimoine des cautions ainsi que des difficultés financières qui n’étaient pas présentes lors de l’octroi des crédits mais sont apparues lors de la réalisation des travaux, la BRED n’était pas tenue à un devoir de mise en garde dès lors que le risque d’endettement excessif n’était pas établi.

Sur le moyen tiré du non-respect des conditions des contrats de prêts par la BRED, les cautions font valoir que la banque devait, conformément aux stipulations contractuelles, s’assurer de la bonne réception des devis et de l’acceptation des risques par l’assurance alors qu’elle ne produit aucune pièce pour en justifier.

La banque verse aux débats :
-la convention de maitrise d’œuvre entre la SCI LE REQUET et M. [J] qui est l’architecte,
-les plans qu’il a élaborés,
-la répartition des différentes surfaces,
-le récépissé du dépôt d’une demande de permis de construire,
- l’assurance dommage-ouvrage.

Dès lors que l’assurance dommage-ouvrage a été accordée il y a bien eu acceptation des risques par l’assurance. En outre, il ressort des conclusions des demandeurs que les devis effectués par l’architecte ont bien été transmis quand bien même cette transmission a été effectuée avec retard et que ces devis se sont avérés être sous-évalués.

Dès lors le moyen tiré du non-respect des contrats de prêts par la BRED sera écarté.

Par conséquent la demande de dommages et intérêts de Monsieur [M] [B], Madame [T] [D] épouse [H] et Monsieur [U] [R] sera rejetée.

Sur la demande reconventionnelle

L’article L 332-1 du Code de la consommation, dans sa version applicable au moment des faits, dispose que : "Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

Il est à noter que la sanction de la disproportion de l’acte de cautionnement n’est pas la nullité de cet acte mais la déchéance du droit de poursuite du créancier professionnel.

La protection de la caution opérée par cet article s’applique à toutes les cautions personnes physiques sans distinction et s’applique donc tant à la caution d’un consommateur qu’à la caution d’un débiteur quelconque à la seule condition qu’elle soit au bénéfice d’un créancier professionnel.

La qualité de caution avertie ou non est indifférente dans l’appréciation du caractère manifestement proportionné ou disproportionné des revenus de la caution au jour de son engagement.

Seuls sont pris en compte le patrimoine - composé notamment de la valeur des parts sociales qu’elle détient - et les revenus de la caution, peu importe l’état de santé de l’entreprise et la probabilité ou non que la caution soit actionnée.

La disproportion du cautionnement s’apprécie en prenant en considération l’endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti notamment des cautionnements existants au jour où le nouveau cautionnement est souscrit, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs.

Par application combinée de l’article L 332-1 du Code de la Consommation et des dispositions de l’article 1315 du code civil, il appartient à la caution d’apporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement à ses biens et revenus, au jour de sa conclusion, sur la base des informations dont le bénéficiaire de la caution avait alors connaissance. En revanche, si l’engagement de caution est manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au jour de sa conclusion, alors il appartient à la société bénéficiaire du cautionnement qui est un créancier professionnel, d’apporter la preuve que, au moment où il l’appelle, le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.

Pour apprécier la disproportion des engagements de caution, il y a lieu de retenir l’ensemble des prêts qui ont été cautionnés par les parties et non pas seulement les seuls prêts qui n’ont pas encore été remboursés. Ainsi le montant total de l’engagement de chaque caution est de 668.408 euros.

Compte tenu des revenus et du patrimoine de Mme [D] épouse [H] qui a été examiné ci-dessus, son engagement de caution est disproportionné.

Toutefois lorsque l’engagement de caution est disproportionné lors de la conclusion du contrat il y a lieu d’examiner si lorsque le créancier l’appelle, le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.

Or en l’espèce il n’est pas contesté que lorsqu’elle a été appelée, les revenus qui avaient été dégagés ont permis de rembourser en partie les prêts et que désormais le montant du reliquat s’élève à la somme de 365.360 euros. Dès lors le patrimoine de Mme [H] n’est pas disproportionné par rapport à ce montant.

En ce qui concerne M. [B] compte tenu des revenus et de son patrimoine examiné ci-dessus, son engagement de caution pour un montant de 668.408 euros n’est pas disproportionné. Au surplus quand bien même il serait disproportionné lors de son engagement de caution il ne le serait pas lorsqu’il a été appelé par la BRED pour assumer financièrement son engagement de caution.

En ce qui concerne M. [R] compte tenu des revenus et de son patrimoine examiné ci-dessus, son engagement de caution pour un montant de 668.408 euros n’est pas disproportionné.

Par conséquent il n’y a pas lieu de prononcer la déchéance du droit de poursuite de la BRED.

Pour la SCI LE RYSAC les cautions se sont engagées pour 106 000 euros pour le prêt de 265 000 euros et pour 214 000 euros pour le prêt de 535 000 euros. Lors de la procédure de liquidation judiciaire les créances déclarées étaient de 417.165,81 euros et de 807.629,64 euros selon les justificatifs qui sont versés aux débats et qui ne sont pas contestés par les demandeurs. Le montant des engagements de caution de Monsieur [M] [B], Madame [T] [D], épouse [H] et Monsieur [U] [R] reste donc inférieur aux reliquats des deux prêts.

Dès lors il y a lieu de :

- CONDAMNER Monsieur [M] [B], Madame [T] [D], épouse [H] et Monsieur [U] [R] à payer chacun à la BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 106.000 € conformément à leurs engagements de caution au titre du prêt n°0975161 outre l’intérêt légal à compter des conclusions au fond n° 1 de la banque soit du 7 février 2022 ;

- CONDAMNER Monsieur [M] [B], Madame [T] [D], épouse [H] et Monsieur [U] [R] à payer chacun à la BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 214.000 € conformément à leurs engagements de caution au titre du prêt n°0975161 outre l’intérêt légal à compter des conclusions au fond n° 1de la banque soit du 7 février 2022 ;

Parties perdantes, M. [M] [B], Madame [T] [D], épouse [H] et Monsieur [U] [R] sont condamnés in solidum aux dépens et à verser une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉBOUTE Monsieur [M] [B], Madame [T] [D] épouse [H] et Monsieur [U] [R] de toutes leurs demandes ;

CONDAMNE Monsieur [M] [B], Madame [T] [D] épouse [H] et Monsieur [U] [R] à payer chacun à la BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 106.000 € concernant la caution au titre du prêt n°0975161 outre l’intérêt légal à compter du 7 février 2022 ;

CONDAMNE Monsieur [M] [B], Madame [T] [D] épouse [H] et Monsieur [U] [R] à payer chacun à la BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 214.000 € concernant la caution au titre du prêt n°0975161 outre l’intérêt légal à compter du 7 février 2022 ;

CONDAMNE in solidum M. [M] [B], Madame [T] [D] épouse [H] et Monsieur [U] [R] à verser à la BRED BANQUE POPULAIRE une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [M] [B], Madame [T] [D] épouse [H] et Monsieur [U] [R] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 02 avril 2024.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 20/08343
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;20.08343 ?
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