TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
â–
N° RG 24/50484 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C3V7I
N° : 6-CB
Assignation du :
12 janvier 2024
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 28 mars 2024
par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSE
[Localité 6] HABITAT -OPH
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Maître Thierry DOUËB, avocat au barreau de PARIS - #C1272
DEFENDERESSE
La société SELECTA
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Charlène REMAUD, avocat au barreau de PARIS - #L0064
DÉBATS
A l’audience du 29 Février 2024, tenue publiquement, présidée par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente, assistée de Clémence BREUIL, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Selon acte sous seing privé en date du 6 juillet 2012, l'établissement public à caractère industriel et commercial [Localité 6] HABITAT-OPH (ci-après [Localité 6] HABITAT OPH), a consenti à la société SELECTA le renouvellement du bail portant sur des locaux commerciaux situés [Adresse 1] et un appartement situé [Adresse 5], moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 20.314,88 euros, payable trimestriellement d'avance.
Des loyers étant demeurés impayés, le bailleur a fait délivrer au preneur, par exploit du 16 août 2023, un commandement de payer la somme en principal de 70.272,24 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges, le commandement étant uniquement relatif aux locaux commerciaux situés [Adresse 1] et visant la clause résolutoire.
Se prévalant de la non-régularisation des causes du commandement de payer dans le délai imparti, [Localité 6] HABITAT OPH a assigné la société SELECTA devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Paris, par exploit du 12 janvier 2024, aux fins de voir :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement du loyer et des charges locatives,
- ordonner l'expulsion de la société SELECTA et de tout occupant de son chef, avec au besoin l'assistance de la force publique et d'un serrurier, s'il y a lieu, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance, jusqu'au départ définitif,
- dire que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- condamner à titre provisionnel la société SELECTA au paiement de la somme de 66.886,60 euros suivant décompte arrêté au terme du 4eme trimestre 2023 inclus, assortie des intérêts légaux à compter du 16 août 2023, date du commandement de payer,
- condamner à titre provisionnel la société SELECTA au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer contractuellement en vigueur, outre les charges et taxes, qui sera perçue dans les mêmes conditions et aux mêmes dates que le loyer prévu au bail et qui subira les mêmes majorations, à compter du mois de janvier 2024,
- condamner la société SELECTA à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais du commandement de payer, de l'assignation, de ses dénonciations, des fais de levée des états d'inscriptions et d'extrait KBIS.
L'assignation a été dénoncée à la société COFICA BAIL, créancier inscrit sur le fonds de commerce, par exploit du 17 janvier 2024.
A l'audience du 29 février 2024, la demanderesse, représentée, actualise sa demande de provision à la somme de 66.886,60 euros, et indique qu'un accord est intervenu entre les parties sur des délais de paiement à hauteur de 24 mois, avec clause de déchéance du terme. Elle maintient ses demandes de condamnations aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SELECTA, représentée, dépose des conclusions qu'elle développe oralement et demande au juge des référés de :
-Echelonner sur 24 mois le paiement de l'arriéré de loyers d'un montant de 66.886,60 euros,
-Suspendre les effets de la clause résolutoire,
-Débouter la société [Localité 6] HABITAT-OPH de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-Condamner [Localité 6] HABITAT-OPH aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l'acte introductif d'instance et aux notes d'audience.
La décision a été mise en délibéré au 28 mars 2024.
MOTIFS
Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes
L'article 834 du Code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du Code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail.
L'article L. 145-41-du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l'espèce, le contrat de bail stipule une clause résolutoire qui prévoit notamment qu'à défaut de paiement intégral, à son échéance exacte, d'un seul terme de loyer, ou à défaut d'exécution d'une seule des conditions du bail, et un mois après un commandement resté infructueux, le bail sera résilié de plein droit.
Le commandement du 16 août 2023 mentionne le délai d'un mois pour régler les causes du commandement et vise la clause résolutoire. Il reprend les dispositions des articles L.145-41 et L.145-17 du code de commerce. Un décompte des sommes dues y est joint, permettant au locataire d'en critiquer éventuellement les causes.
Il résulte du décompte produit que les causes du commandement n'ont pas été régularisées dans le délai d'un mois.
Les conditions d'acquisition de la clause résolutoire sont par conséquent réunies à la date du 16 septembre 2023.
Sur la provision et la demande de délais de paiement
L'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile prévoit que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Aux termes de l'article L.145-41 du code de commerce, " les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ".
L'article 1343-5 du code civil dispose que " Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ".
En l'espèce, les parties s'accordent sur le montant de la dette locative arrêtée au 26 février 2024, soit 66.886,60 euros. La défenderesse sera par conséquent condamnée par provision à régler cette somme à la demanderesse.
Compte tenu de l'accord trouvé par les parties, il y a lieu d'accorder à la défenderesse les délais de paiement sollicités, à hauteur de 24 mois, durant lesquels les effets de la clause résolutoire seront suspendus, dans les termes précisés au dispositif de la présente décision.
A défaut de respecter les délais de paiement, la clause résolutoire sera acquise et la défenderesse sera redevable d'une indemnité d'occupation à titre provisionnel, fixée à la somme de 4.188,57 euros TTC correspondant au montant non sérieusement contestable du loyer mensuel, des charges et taxes en cours, et ce jusqu'à libération des lieux.
Sur les autres demandes
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, succombant à l'instance, la partie défenderesse sera condamnée au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et de la dénonciation de l'assignation au créancier inscrit.
Il n'apparaît pas inéquitable de la condamner en outre au paiement de la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Renvoyons les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent par provision, tous les moyens des parties étant réservés :
Constatons que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 16 septembre 2023 ;
Condamnons la société SELECTA à payer à l'établissement public à caractère industriel et commercial [Localité 6] HABITAT-OPH la somme de 66.886,60 euros à titre de provision à valoir sur l'arriéré locatif arrêté au 26 février 2024, 4eme trimestre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2023, date du commandement de payer,
L' autorisons à se libérer de cette somme en vingt-quatre mensualités égales à régler en sus du loyer courant, le premier versement devant être effectué le 5ème jour du mois suivant la signification de la présente ordonnance et tout paiement étant imputé en priorité sur les loyers en cours, puis le 5 de chaque mois, sauf meilleur accord des parties ;
Suspendons pendant cette période, les effets de la clause résolutoire qui sera réputée n'avoir jamais été acquise en cas de respect des modalités de paiement ;
Disons qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité (loyer ou arriéré) à son échéance et dans son intégralité, le solde restant dû deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra ses effets ;
Constatons en ce cas la résiliation de plein droit du bail consenti à la société SELECTA portant sur des locaux commerciaux situés [Adresse 1] ;
Autorisons en ce cas l'expulsion de la société SELECTA et celle de tous occupants de son chef des lieux précités, et disons qu'à défaut de départ volontaire, la partie défenderesse pourra être contrainte à l'expulsion avec, si besoin est, l'assistance de la force publique ;
Rappelons que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamnons en ce cas la société SELECTA à payer à l'établissement public à caractère industriel et commercial [Localité 6] HABITAT-OPH une indemnité d'occupation provisionnelle équivalente au montant du loyer mensuel majoré des charges et taxes, soit à ce stade la somme mensuelle de 4.188,57 euros TTC, et ce à compter du non-respect des délais de paiement jusqu'à libération effective des lieux,
Condamnons la société SELECTA au paiement des dépens quoi comprendront le coût du commandement de payer (375,77 euros) et de la dénonciation de l'assignation au créancier inscrit (55,42 euros),
Condamnons la société SELECTA à payer à l'établissement public à caractère industriel et commercial [Localité 6] HABITAT-OPH la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.
Ainsi ordonné et mis à disposition au greffe le 28 mars 2024.
Le Greffier,Le Président,
Clémence BREUILEmmanuelle DELERIS