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28/03/2024 | FRANCE | N°23/57515

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 28 mars 2024, 23/57515


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 23/57515 -
N° Portalis 352J-W-B7H-C23OB

N° : 11-CB

Assignation du :
06 octobre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 28 mars 2024



par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSE

La CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE “CCR”
[Adresse 1]
[Localit

é 3]

représentée par Maître Rémy HUERRE de la SELARL HP & Associés, avocats au barreau de PARIS - #J0109


DEFENDERESSE

La S.A.R.L. AUGUSTA
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 23/57515 -
N° Portalis 352J-W-B7H-C23OB

N° : 11-CB

Assignation du :
06 octobre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 28 mars 2024

par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSE

La CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE “CCR”
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Rémy HUERRE de la SELARL HP & Associés, avocats au barreau de PARIS - #J0109

DEFENDERESSE

La S.A.R.L. AUGUSTA
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Judith BENGUIGUI, avocat au barreau de PARIS - #C2254

DÉBATS

A l’audience du 08 Février 2024, tenue publiquement, présidée par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente, assistée de Clémence BREUIL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Aux termes d'un acte sous seing privé signé le 17 février 2005, la SA CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE (ci-après la société CCR) a consenti à la société AUGUSTA un contrat de bail portant sur des locaux commerciaux situés [Adresse 2], moyennant le paiement d'un loyer annuel de 40.230 euros hors charges et hors taxes, payable trimestriellement d'avance, outre une provision sur charges annuelles estimée à 4.000 euros selon budget prévisionnel de l'exercice alors en cours.

Ce bail consenti pour une durée de neuf ans et arrivé à échéance le 31 mars 2014, s'est tacitement reconduit depuis cette date.

Des loyers étant demeurés impayés, le bailleur a fait délivrer au preneur, par exploit du 13 juillet 2023, un commandement de payer la somme en principal de 45.896,96 euros au titre des loyers et charges impayés arrêté à la date du 11 juillet 2023, outre la somme de 4.589,69 euros au titre de la clause pénale, le commandement visant la clause résolutoire.

Le bailleur a également fait délivrer au preneur, par exploit du 12 septembre 2023, un congé avec refus de renouvellement sans paiement d'une indemnité d'éviction pour la date du 31 mars 2024, le motif grave et légitime invoqué par le bailleur étant le manquement contractuel à l'obligation découlant du bail de payer les loyers et les charges aux échéances convenues.

Se prévalant de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail, le bailleur a, par exploit délivré le 6 octobre 2023, fait citer la société AUGUSTA devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir :

- déclarer la société CCR recevable et bien fondée en ses demandes, et en conséquence :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail à la date du 13 août 2023,

- ordonner l'expulsion de la défenderesse et de tout occupant de son chef de la totalité des locaux loués, avec si besoin est le concours de la force publique, et en tant que de besoin autoriser le bailleur à faire entreposer dans un garde-meubles de son choix les bien meublants laissés dans les lieux, ce aux frais exclusifs de la société AUGUSTA,

- condamner la société AUGUSTA au paiement d'une indemnité mensuelle provisionnelle d'occupation mensuelle égale au double du montant du loyer qui aurait été dû plus charges en cas de non résiliation du bail et ce à compter 1er octobre 2023 et jusqu'à complète restitution des lieux visés par le bail commercial du 17 février 2005, vides de toute occupation et de tout objet mobilier,

- condamner la société AUGUSTA à payer à la société CCR la somme provisionnelle de 44.129,28 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 4eme trimestre 2023 inclus, assortie des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer en date du 13 juillet 2023,
- condamner la société AUGUSTA à payer à la société CCR la somme provisionnelle de 4.589,69 euros correspondant à 10% du montant de l'impayé au titre de la clause pénale en application de l'article 9 du bail commercial,

- acter que la société CCR conservera le dépôt de garantie en application de l'article 7 de l'acte de renouvellement,

- condamner la société AUGUSTA au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer du 13 juillet 2023.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 février 2024. Aux termes de ses conclusions oralement soutenues, la demanderesse, représentée, maintient les demandes de son assignation en actualisant comme suit ses demandes de provision :

-57.226,84 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 1er trimestre 2024 inclus, assortie des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer en date du 13 juillet 2023,

-5.722,64 euros correspondant à 10% du montant de l'impayé au titre de la clause pénale en application de l'article 9 du bail commercial,

et sollicite en outre le rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions adverses. Elle indique oralement à l'audience que l'arriéré locatif s'élève désormais à la somme de 37.993,14 euros, et qu'elle s'oppose à l'octroi de tout délai de paiement.

La société AUGUSTA développe oralement ses conclusions et demande au juge des référés de :

A titre principal :
-Constater l'existence de contestations sérieuses quant au bien-fondé des demandes de la société CCR,

-Dire n'y avoir lieu à référé sur lesdites demandes,

-Renvoyer la société CCR à mieux se pourvoir au fond,
Ce faisant et par conséquent,

-Débouter la CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE de toutes ses autres demandes et l'inviter à mieux se pourvoir devant le juge du fond,

-Débouter la CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE de l'ensemble de ses prétentions au titre d'une quelconque astreinte ou d'une quelconque indemnité d'occupation majorée par rapport au loyer courant,

A titre subsidiaire :
-Accorder rétroactivement à la société AUGUSTA des délais de paiement de douze mois pour apurer sa dette locative,

-Suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire prévue au bail commercial,

-Débouter la CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE de ses demandes de condamnation de la société AUGUSTA au paiement à soin profit d'une indemnité de 10% des sommes réclamées, d'une indemnité d'occupation égale au double du loyer et de conservation du dépôt de garantie en raison du caractère manifestement excessif de ces demandes sur le fondement des dispositions de l'article 1231-5 du code civil, et les ramener à de plus justes proportions,

En tout état de cause, condamner la CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du cpc et aux dépens.

L'état d'endettement de la société AUGUSTA ne porte mention d'aucune inscription.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l'acte introductif d'instance et aux notes d'audience.

La décision a été mise en délibéré au 28 mars 2024.

MOTIFS

Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes

L'article 834 du Code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du Code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail.

L'article L. 145-41-du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l'espèce, le contrat de bail stipule une clause résolutoire prévoyant en substance qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer ou de remboursement de frais, charges ou prestations qui en constituent l'accessoire, ou d'exécution de l'une ou l'autre des conditions du bail, et un mois après un commandement resté infructueux, le bail sera résilié de plein droit.

Le commandement du 13 juillet 2023 mentionne le délai d'un mois pour régler les causes du commandement et vise la clause résolutoire. Il reprend les dispositions des articles L.145-41 et L.145-17 du code de commerce. Un décompte des sommes dues y est joint, permettant au locataire d'en critiquer éventuellement les causes.

La société AUGUSTA élève des contestations sur le montant des sommes réclamées dans ce commandement, en faisant valoir que certaines ne sont pas justifiées, en ce que :
-Ne sont pas mentionnées dans le décompte des " provisions sur charges " comme prévu par le bail, mais des dépenses indiquées comme " charges générales ", " eau chaude " et " eau froide " ; elle précise que les avis d'échéance versées aux débats, mentionnant des " provisions sur charges ", contredisent manifestement les termes du décompte annexé au commandement de payer,
-La bailleresse n'a pas réévalué à la baisse le montant de la provision trimestrielle alors que qu'au terme de l'exercice 2023, la régularisation de charges intervenue le 1er mai 2023 a objectivé un trop-perçu de 4.140 euros en faveur de la locataire,
-La bailleresse n'a pas justifié de la dernière régularisation de charges, de sorte qu'elle ignore à quelles dépenses correspondent les charges payées,

Le contrat de bail conclu le 17 février 2005 énonce dans sa clause 6.1 : " Le loyer stipulé à l'article 28 restera net de toutes charges pour le bailleur. Le preneur devra supporter intégralement les charges et prestations, et toutes dépenses d'exploitation, de surveillance, de réparation et d'entretien afférentes aux locaux et aux équipements de toute nature tant dans les lieux loués que dans les parties réputées communes à l'immeuble, y compris les grosses réparations visées à l'article 606 du code civil, telles qu'établies par le syndic, le mandataire ou le propriétaire au prorata de la quote-part affecté aux lots loués. "
L'article 6 du bail liste ensuite, de façon non exhaustive, les différentes catégories de charges dont il pourra être demandé le paiement au locataire, et mentionne dans sa rubrique 6.17 " Eau " que cela recouvre :
-La " consommation des parties communes et privatives, taxes d'assainissement, frais et taxes annexes ",
-Les " frais de location, dépose, d'entretien et de relevé de compteurs ",
-Les " frais d'entretien de robinetterie ".

Cette clause dont les termes sont explicites et ne nécessitent pas d'interprétation, permet au locataire de connaître la nature et le descriptif des charges dont le paiement est mis à sa charge par le contrat de bail.
Le décompte joint au commandement de payer mentionne, pour chacune des échéances dues, les sommes réclamées en premier lieu au titre des " charges générales ", en deuxième lieu " eau chaude " et en troisième lieu " eau froide " ; y sont également annexés les avis d'échéance correspondant au décompte, et mentionnant dans leurs corps les rubriques " provision charges générales ", " liquidation charges annuelle ", " provision eau froide " et " provision eau chaude ".
Dans ces conditions, il ne peut être valablement soutenu que les sommes mentionnées dans le décompte sous un vocable sensiblement différent de celui des échéances jointes, ne sont pas justifiées, ni que la locataire n'était pas en mesure de critiquer les causes du commandement.

La contestation n'est donc pas jugée sérieuse.

La société AUGUSTA oppose une deuxième contestation en faisant valoir que la bailleresse procède à une surfacturation de la provision sur charges réglée à chaque trimestre, qui reste de 1.035 euros HT alors qu'elle aurait dû être ramenée à la somme de 970,83 euros sur la base de la dernière régularisation de charges pratiquée en mai 2023, d'un montant de 4.140 euros.

Cependant, les seuls décomptes individuels de charges produits, versés aux débats par la bailleresse, mentionnent des trop-perçus de 485,85 euros pour l'année 2020, 376,38 euros pour l'année 2021 et 616,65 euros pour l'année 2022, de sorte que c'est à juste titre que la bailleresse soutient que le montant des provisions sur charges versées n'est pas disproportionné.
La défenderesse fait encore valoir qu'aux termes de l'article 6.3 du bail, la régularisation des provisions sur charges doit intervenir chaque année, et que cela n'a pas été le cas, peu important que les provisions sur charges soit ou non proportionnées au montant effectif des charges.
Pourtant, le décompte inclus dans le commandement comporte deux lignes intitulées " liquidation annuelle charges " , associées à la date du 1er mai 2023, ce qui établit que cette régularisation est bien intervenue pour l'année 2022 et que, l'exercice 2023 n'étant pas clos à la date de la délivrance du commandement puis de l'assignation, il ne saurait être fait grief à la bailleresse de ne pas avoir encore procédé à la régularisation des charges pour l'année 2023.

Ainsi, cette deuxième contestation n'est pas jugée sérieuse.

La société AUGUSTA soutient enfin que la dernière régularisation de charges n'a pas été justifiée par la bailleresse ; que s'agissant des contrats de bail commercial conclus sous l'empire de la loi antérieure à la loi " Pinel " du 18 juin 2014 et à son décret d'application du 3 novembre 2014, le principe était celui de la liberté contractuelle, de sorte que le bailleur ne peut pas recouvrer d'autres sommes que celles prévues par le contrat ; qu'il lui appartient de justifier au locataire que les sommes dont il réclame le remboursement sont bien dues, et que l'absence de régularisation des charges dans les conditions prévues par le contrat rend sans cause les appels trimestriels de provisions à valoir sur le paiement des charges, l'exposant à une obligation de remboursement des provisions appelées.

Elle expose que les avis de régularisation de charges émis par la bailleresse pour les années 2020, 2021 et 2022 ne comporte pas le détail de la nature des postes correspondant aux charges générales de l'immeuble refacturées à sa locataire, ni de mention de la quote part des tantièmes des charges attribuées aux lots correspondant aux lieux loués.

En réplique, la société CCR soutient qu'elle a justifié de ces informations lors des régularisations de charges opérées, et souligne qu'en application de la clause 6.3 du contrat de bail, la société AUGUSTA a adhéré sans réserver à la clé de répartition.

Le contrat de bail commercial signé entre les parties le 17 février 2005, à effet au 1er avril 2005, est arrivé à échéance le 31 mars 2014. Les parties n'ont pas régularisé de contrat de renouvellement de bail, de sorte qu'il s'est renouvelé de manière tacite et aux mêmes conditions, conformément à la clause 3.3, à compter du 1er avril 2014 et jusqu'au 31 mars 2023.

Un congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction a été délivré à la société AUGUSTA le 12 septembre 2023, à effet au 31 mars 2024.

Les régularisations de charges critiquées en l'espèce sont celles intervenues au titre des années 2020, 2021 et 2022, couvertes par le renouvellement tacite intervenu le 1er avril 2014.
Or à cette date, les dispositions de la loi 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, aux commerces et aux très petites entreprises, dite " loi Pinel ", et de son décret d'application 2014-1317 du 3 novembre 2014, n'étaient pas encore entrées en vigueur, de sorte que le principe applicable à ce renouvellement tacite est celui de la liberté contractuelle.

Or, l'article 6 du bail intitulé " Charges et prestations " mentionne, outre la liste non exhaustive des charges devant être supportées par le preneur, une clause 6.3 ainsi rédigée :
" A la clôture de chaque période annuelle, le montant des provisions versées sera régularisé en fonction des dépenses réalisées à l'aide de clés de répartition auxquelles le preneur reconnaît adhérer sans réserve "

Et une clause 6.5 qui prévoit que "le preneur pourra, sur rendez-vous, prendre connaissance auprès du bailleur ou de son mandataire, aux horaires de bureaux, des comptes de répartition des dépenses, mais il est formellement convenu que, sans préjudice de ses droits et recours, le preneur ne pourra surseoir, en tout ou partie, au règlement de sa quittance et de sa quittance et de ses accessoires prétextant un désaccord sur le montant des charges ".

Il résulte de ces clauses, explicites, d'une part que les clés de répartition des charges appliquées par le bailleur ont reçu l'adhésion du preneur, d'autre part qu'il appartient à ce dernier de solliciter le preneur pour consulter les comptes de répartition des charges, et non à la bailleresse de lui adresser spontanément ces justificatifs lors de la régularisation des charges intervenue pour les années querellées.

En conséquence, cette dernière contestation n'est pas davantage jugée sérieuse que les deux précédentes.

La lecture du décompte produit, daté du 22 septembre 2023, permet de constater que la défenderesse n'a pas soldé l'intégralité des causes du commandement dans le délai d'un mois, de sorte que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire se sont trouvées réunies à la date du 13 août 2023.

Sur la provision et la demande de délais de paiement

L'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile prévoit que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L.145-41 du code de commerce, le juge saisi d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peut, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Il convient d'ores et déjà de condamner la défenderesse au paiement de la somme non sérieusement contestable de 37.993,14 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation échus au 2 février 2024, 1er trimestre 2024 inclus.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2023, date du commandement de payer.

La société AUGUSTA formule une demande de délais de paiement à hauteur de 12 mois en faisant valoir qu'elle est une locataire de bonne foi qui a rencontré des difficultés économiques temporaires en lien avec la crise sanitaire liée à la propagation du Covid 19.

La bailleresse s'y oppose en faisant valoir que par la production de ses pièces comptables, la société AUGUSTA démontre qu'elle était en capacité de régler ses loyers courants, et qu'elle peut s'acquitter de sa dette sans délais de paiement.

Le montant de la dette locative apparaissant de nature à être soldé dans le délai de 12 mois sollicité, sans que cela n'obère de façon excessive les besoins de la créancière, il y a lieu de faire droit à la demande de délais de paiement, et de suspendre les effets de la clause résolutoire, dans les conditions précisées au dispositif.

A défaut de respect de ce délai ou de paiement à bonne date de toute échéance de loyers et charges, la clause résolutoire reprendra son plein effet. L'expulsion du preneur sera ordonnée, et le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

La bailleresse sollicite que le montant de l'indemnité d'occupation soit fixé au double du montant du loyer majoré des charges et taxes. Cette somme excède le revenu locatif dont elle se trouve privée du fait de la résiliation du bail et est susceptible de s'analyser en une clause pénale que le juge du fond peut réduire si elle est manifestement excessive au regard de la situation financière du locataire. Elle relève donc de l'appréciation de ce juge et ne peut donc être accueillie devant le juge des référés, juge de l'évidence, qu'à concurrence du montant du loyer courant, charges en sus, auquel le bailleur peut prétendre en cas de maintien dans les lieux après résiliation du bail.

En conséquence, le préjudice causé à la bailleresse, en cas de déchéance du terme et de reprise des pleins effets de la clause résolutoire, par l'occupation sans droit ni titre des lieux loués sera réparé jusqu'au départ définitif du preneur par l'octroi d'une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant non sérieusement contestable du loyer, des charges et des taxes applicables, dûment justifié au stade de l'exécution, soit pour le moment la somme mensuelle de 6.817,48 euros TTC (20.452,44/3) calculée sur la base du montant de l'échéance du 1er trimestre 2024 telle que figurant sur le dernier décompte produit.

Sur les pénalités contractuelles

Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, " Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire (…) ".

L'article 9 du bail prévoit à titre de sanction du défaut de paiement par le preneur, une majoration forfaitaire de 10% du montant de l'impayé. La somme de 5.722,64 euros est sollicitée à ce titre.

Toutefois, cette clause contractuelle est susceptible comme telles d'être modérée par le juge du fond, en application des dispositions de l'article 1231-5 du code civil, de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé sur ce point.

Sur la demande de conservation du dépôt de garantie

La clause 7.4 du bail stipule que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur, à titre de premiers dommages et intérêts, en cas de résiliation du bail pour inexécution de ses conditions ou pour une cause quelconque imputable au preneur.

Cependant, cette demande de conservation de la somme versée à titre de dépôt de garantie lors de l'entrée dans les lieux, indépendamment des sommes qui pourraient être dues à titre de réparations locatives, se heurte à une contestation sérieuse en ce qu'elle s'analyse comme une clause pénale, susceptible de modération par le juge du fond. En conséquence, il n'y a pas lieu à référé de ce chef.

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, succombant à l'instance, la société AUGUSTA sera condamnée au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer.

Il n'apparaît pas inéquitable de condamner la société AUGUSTA au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,

Renvoyons les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent par provision, tous les moyens des parties étant réservés :

Constatons que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 13 août 2023 ;

Condamnons la société AUGUSTA à payer à la société CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE la somme de 37.993,14 euros à titre de provision à valoir sur l'arriéré locatif arrêté au 2 février 2024 (1er trimestre 2024 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2023, date du commandement de payer ;

L'autorisons à se libérer de cette somme en douze mensualités égales à régler en sus du loyer courant, le premier versement devant être effectué le 5ème jour du mois suivant la signification de la présente ordonnance et tout paiement étant imputé en priorité sur les loyers en cours, puis le 5 de chaque mois, sauf meilleur accord des parties ;

Suspendons pendant cette période, les effets de la clause résolutoire qui sera réputée n'avoir jamais été acquise en cas de respect des modalités de paiement ;

Disons qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité (loyer ou arriéré) à son échéance et dans son intégralité, le solde restant dû deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra ses effets ;

Constatons en ce cas la résiliation de plein droit du bail consenti à la société AUGUSTA portant sur des locaux situés [Adresse 2] ;

Autorisons en ce cas l'expulsion de la société AUGUSTA t celle de tous occupants de son chef des lieux précité, et disons qu'à défaut de départ volontaire, la partie défenderesse pourra être contrainte à l'expulsion avec, si besoin est, l'assistance de la force publique ;

Rappelons que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamnons en ce cas la société AUGUSTA à payer à la société CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE une indemnité d'occupation provisionnelle équivalente au montant du loyer mensuel majoré des charges et taxes, soit à ce stade la somme mensuelle de 6.817,48 euros TTC, et ce à compter du non-respect des délais de paiement jusqu'à libération effective des lieux,

Disons n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Condamnons la société AUGUSTA à payer à la société CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société AUGUSTA au paiement des dépens, qui comprendront le coût du commandement de payer du 13 juillet 2023 (310,49 euros) ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

Ainsi ordonné et mis à disposition au greffe le 28 mars 2024.

Le Greffier,Le Président,

Clémence BREUILEmmanuelle DELERIS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/57515
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "conditionnelle" ordonnée en référé avec suspension des effets de la clause résolutoire

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;23.57515 ?
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