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28/03/2024 | FRANCE | N°23/56152

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 28 mars 2024, 23/56152


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


â– 





N° RG 23/56152 -
N° Portalis 352J-W-B7H-C2RUD

N° : 10-CB

Assignation du :
09 août 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 28 mars 2024



par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSE

La Commune de [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 4]

reprÃ

©sentée par Maître Valérie FIEHL, avocat au barreau de PARIS - #E1294


DEFENDERESSE

La société MARCHE EXOTIQUE
[Adresse 1]
[Localité 3]/FRANCE

représentée par Maître Costelle RENAUT,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

â– 


N° RG 23/56152 -
N° Portalis 352J-W-B7H-C2RUD

N° : 10-CB

Assignation du :
09 août 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 28 mars 2024

par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSE

La Commune de [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Valérie FIEHL, avocat au barreau de PARIS - #E1294

DEFENDERESSE

La société MARCHE EXOTIQUE
[Adresse 1]
[Localité 3]/FRANCE

représentée par Maître Costelle RENAUT, avocat au barreau de PARIS - #D2118

DÉBATS

A l’audience du 08 Février 2024, tenue publiquement, présidée par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente, assistée de Clémence BREUIL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Aux termes d'un acte sous seing privé signé le 11 mai 2015, Monsieur [M] [I], aux droits duquel vient la commune de [Localité 4], a consenti à la société MARCHE EXOTIQUE alors en cours d'immatriculation et représentée par sa gérante Madame [W] [R], un contrat de bail portant sur des locaux commerciaux situés [Adresse 1], moyennant le paiement d'un loyer annuel de 22.400 euros hors charges et hors taxes, outre la TVA, payable trimestriellement à terme échu.

Des loyers étant demeurés impayés, le bailleur a fait délivrer au preneur, le 16 mars 2022 un premier commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 9.101,03 euros, sur la base duquel il l'a assigné par exploit du 6 mai 2022 aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire et de condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 11.108,55 euros au titre de l'arriéré locatif.

La dette ayant été soldée par la locataire, cette première affaire enrôlée sous le numéro de RG 22/54615 a été radiée le 12 octobre 2022.

Des loyers étant de nouveau demeurés impayés, la commune de [Localité 4] a fait délivrer à la société MARCHE EXOTIQUE, par exploit du 14 juin 2023, un commandement de payer la somme en principal de 8.079,67 euros, au titre du loyer et des charges impayés du 1er trimestre 2023, outre celle de 807,96 euros au titre de la clause pénale, le commandement visant la clause résolutoire.

Se prévalant de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail, le bailleur a, par exploit délivré le 9 août 2023, fait citer la société MARCHE EXOTIQUE devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail,

- ordonner l'expulsion de la défenderesse et de tout occupant de son chef de la totalité des locaux loués, dès signification de l'ordonnance à intervenir, avec si besoin est le concours de la force publique et d'un serrurier,

- statuer ce que de droit concernant le sort des meubles en application des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- condamner la société MARCHE EXOTIQUE à payer à la commune de [Localité 4] la somme provisionnelle de 14.483,59 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation allant du 1er trimestre 2023 pour un solde au 2eme trimestre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 14 juin 2023 à hauteur de la somme de 5.279,67 euros et à compter de l'assignation pour le surplus,

- condamner la société MARCHE EXOTIQUE à payer à la C
commune de [Localité 4] la somme provisionnelle de 2.896,71 euros au titre de la clause pénale prévue au bail,

- dire le dépôt de garantie acquis à la bailleresse,

- condamner la société MARCHE EXOTIQUE au paiement d'une indemnité mensuelle provisionnelle d'occupation mensuelle égale au double du montant du loyer, charges et taxes en sus, à compter de l'acquisition de la clause résolutoire, le 14 juillet 2023, et jusqu'à complète libération des lieux loués,

- condamner la société MARCHE EXOTIQUE au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer du 14 juin 2023.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 février 2024.

La demanderesse, représentée, maintient les demandes de son assignation tout en indiquant oralement que la dette, locative est de 10.586,84 euros, 4eme trimestre 2023 inclus, selon décompte actualisé au 6 février 2024. Elle indique ne pas avoir de justificatifs à ce stade des deux versements opérés par la défenderesse, le premier de 8.000 euros le 7 février 2024 et le second de 2.586 euros le jour de l'audience, et qu'en tout état de cause, elle maintient ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens. Elle s'oppose à l'octroi de délais de paiement rétroactifs et à la suspension de la clause résolutoire.

La société MARCHE EXOTIQUE dépose des conclusions qu'elle développe oralement et demande au juge des référés de :
-La déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions,

-Constater que les causes de l'assignation et de toute demande de condamnation pour des sommes ultérieurement dues sont éteintes,

-Débouter la Commune de [Localité 4] de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire,

A titre subsidiaire :
-Prévoir que toute condamnation se fera en deniers ou quittances, pour tenir compte des règlements intervenus avant l'audience,

-Dire que le paiement de l'éventuel arriéré de loyers et de charges qui subsisterait se fera en trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

-Débouter la Commune de [Localité 4] de sa demande de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation,

-Débouter la Commune de [Localité 4] de sa demande de condamnation au titre des frais irrépétibles et des dépens,

-Laisser à la commune de [Localité 4] la charge des dépens.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l'acte introductif d'instance et aux notes d'audience.

La décision a été mise en délibéré au 28 mars 2024.

Par note en délibéré autorisée, la commune de [Localité 4] a communiqué le 13 mars 2024 un décompte actualisé justifiant de la réalité des deux virements effectués en janvier et février 2024, et comportant un solde débiteur de 86,84 euros à la date du 11 mars 2024.

MOTIFS

Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes

L'article 834 du Code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du Code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail.

L'article L. 145-41-du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l'espèce, le contrat de bail stipule une clause résolutoire prévoyant en substance qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer ou de remboursement de frais, charges ou prestations qui en constituent l'accessoire, ou d'exécution de l'une ou l'autre des conditions du bail, et un mois après un commandement resté infructueux, le bail sera résilié de plein droit.

Le commandement du 14 juin 2023 mentionne le délai d'un mois pour régler les causes du commandement et vise la clause résolutoire. Il reprend les dispositions des articles L.145-41 et L.145-17 du code de commerce. Un décompte des sommes dues y est joint, permettant au locataire d'en critiquer éventuellement les causes.

Les causes de ce commandement n'ont pas été acquittés dans le mois de sa délivrance, de sorte que les conditions d'acquisition de plein droit de la clause résolutoire se sont trouvées réunies à la date du 14 juillet 2023.

Sur les demandes de provision et de délais de paiement rétroactifs

L'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile prévoit que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L.145-41 du code de commerce, le juge saisi d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peut, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Il résulte des débats et de la note en délibéré communiquée par la bailleresse que l'arriéré locatif a été apuré à la date du 11 mars 2024, et que la dette locative qui était d'un montant de 10.586,84 euros, 1er trimestre 2024 inclus, au jour de l'audience, a été réglée quasi intégralement par deux virements intervenus les 13 et 23 février 2024, seul un solde minime de 86,84 euros restant dû.

La défenderesse sera condamnée par provision au paiement de cette somme de 86,84 euros correspondant au montant résiduel de cet arriéré.

Dès lors, compte-tenu de la situation de la société MARCHE EXOTIQUE, de ses efforts de paiement objectivés par les 14 virements bancaires auxquels elle a procédé depuis la délivrance du commandement de payer, et de sa bonne foi, il convient de lui accorder des délais de paiement rétroactifs jusqu'au 11 mars 2024 et d'ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire acquise au 14 juillet 2023, de constater que les délais de paiement accordés ont été respectés et que par conséquent, la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur les demandes subséquentes de la commune de [Localité 4] relatives à l'expulsion, la séquestration des meubles et la fixation d'une indemnité d'occupation à titre provisionnel.

Sur les pénalités contractuelles

Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, " Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire (…) ".

La clause résolutoire du bail prévoit à titre de sanction du défaut de paiement par le preneur, une majoration forfaitaire de 20% du montant de l'impayé. La somme de 2.896,71 euros est sollicitée à ce titre.

Toutefois, cette clause contractuelle est susceptible comme telles d'être modérée par le juge du fond, en application des dispositions de l'article 1231-5 du code civil, de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé sur ce point.

Sur la demande de conservation du dépôt de garantie

Compte-tenu de l'octroi de délais de paiement rétroactifs, dont il résulte que la clause résolutoire est réputée ne jamais avoir joué, de sorte que la locataire est autorisée à demeurer dans les locaux loués, il n'y a pas lieu à référé sur cette demande.

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, succombant à l'instance, la société MARCHE EXOTIQUE sera condamnée au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer.

Il n'apparaît pas inéquitable de condamner la société MARCHE EXOTIQUE au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Renvoyons les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent par provision, tous les moyens des parties étant réservés :

Constatons l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire à la date du 14 juillet 2023,

Condamnons par provision la société MARCHE EXOTIQUE à payer à la commune de [Localité 4] la somme de 86,84 euros ;

Accordons à la société MARCHE EXOTIQUE des délais de paiement rétroactifs jusqu'au 11 mars 2024 pour s'acquitter de l'arriéré locatif de 10.586,84 euros, avec suspension des effets de la clause résolutoire durant les délais accordés ;

Constatons que les délais de paiement ont été respectés et l'arriéré locatif réglé et disons que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué ;

Disons n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la commune de [Localité 4] relatives à l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion du preneur, au sort des meubles, à la fixation d'une indemnité d'occupation, au paiement par provision d'une clause pénale, et à la conservation du dépôt de garantie ;

Condamnons la société MARCHE EXOTIQUE à payer à la commune de [Localité 4] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société MARCHE EXOTIQUE aux dépens, qui comprendront le coût du commandement de payer du14 juin 2023 (169,58 euros),

Disons n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande,

Rappelons que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Ainsi ordonné et mis à disposition au greffe le 28 mars 2024.

Le Greffier,Le Président,

Clémence BREUILEmmanuelle DELERIS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/56152
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "conditionnelle" ordonnée en référé avec suspension des effets de la clause résolutoire

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;23.56152 ?
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