TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
■
18° chambre
1ère section
N° RG 20/13253
N° Portalis 352J-W-B7E-CTPUH
N° MINUTE : 4
Assignation du :
24 Décembre 2020
contradictoire
JUGEMENT
rendu le 28 Mars 2024
DEMANDERESSE
S.C.I. YOUNAN LES FAUVETTES
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Frédéric GOLDBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0010
DÉFENDERESSE
S.A.S. AVERY BERKEL FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Onur BAYSAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0476,
et par Maître Sophie BENAYOUN de la SELARL BENAYOUN-SOPHIE , avocat au barreau de Bordeaux, avocat plaidant
Décision du 28 Mars 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 20/13253 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTPUH
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,
assistés de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,
DEBATS
A l’audience du 12 Décembre 2023, tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Par acte sous seing privé du 17 décembre 2010, la SCI YOUNAN LES FAUVETTES a donné à bail à la SAS AVERY BERKEL France, des locaux sis [Adresse 3] à [Localité 6], pour une durée de 9 ans, à effet du 1er juillet 2011 pour se terminer le 30 juin 2020, moyennant un loyer de 160.000 euros hors-taxes par an, indexé. Le bailleur assure l'entretien du site, les charges qui en résultent sont refacturées au preneur à hauteur de 73%, calculées sur la base de la surface bâtie utilisée par le preneur. Le dépôt de garantie s'élève à 80.000 euros, soit six mois de loyers.
La destination du bail est la suivante : usage de bureaux, stockage et activités.
Le bail précise en ses conditions particulières que le bâtiment mixte de 1918 m² environ comprend: 544 m² de bureaux et locaux sociaux, 908 m² de locaux d'activité, 466 m² de stockage et 27 places de parking.
Le bail prévoit une garantie bancaire à première demande, d'un montant équivalent au loyer annuel.
L'article 7.3 du bail stipule que "Tous travaux, aménagements ou embellissements, qui seraient faits par le preneur, même avec l'autorisation du bailleur, resteront en fin de bail la propriété de celui-ci sans que le preneur ne puisse prétendre à aucune indemnité, à moins que le bailleur ne demande pour tout ou partie la remise des biens en leur état primitif aux frais exclusifs du preneur. "
Un état des lieux contradictoire d'entrée a été réalisé le 8 juillet 2011.
Par exploit d'huissier du 29 juin 2016, la SAS AVERY BERKEL FRANCE a délivré congé à la SCI YOUNAN LES FAUVETTES pour le 30 juin 2017, dans le cadre de l'échéance de la seconde période triennale.
Un procès-verbal de constatations est dressé le 2 octobre 2017, à la demande de la SCI YOUNAN. Il indique en substance que les aménagements intérieurs faits par le preneur sont toujours en place, aucun travaux de remise en état initial n'est en cours.
Par courrier du 18 octobre 2017, la SAS AVERY BERKEL France a proposé amiablement le paiement de 55.000 euros pour couvrir les frais de remise en état. Il n'a pas été donné suite à cette proposition.
Par courrier du 22 septembre 2017, la SCI YOUNAN LES FAUVETTES demande au preneur de " remettre les lieux en état d'origine " ou d' " indemniser en conséquence ".
Le 16 novembre 2017 un état des lieux de sortie contradictoire a été établi qui mentionne un certain nombre de réserves.
Par courrier du 2 décembre 2017, la SCI YOUNAN LES FAUVETTES a adressé à la SAS AVERY BERKEL FRANCE la situation des comptes, visant à obtenir le paiement des frais de remise en état de l'ensemble des locaux mis à bail et évaluant son préjudice comme suit :
-21.127 euros HT au titre des taxes foncières ;
-42.339 euros HT à titre d'indemnités contractuelles ;
-30.000 euros au titre des indemnités perte de chance ;
-5.098,33 euros HT pour " le relevé, vitres et huissier " ;
-95.698,96 euros HT pour les travaux intitulés " travaux de réaménagement y compris sanitaires " ;
-30.000 euros HT pour immobilisation du bien pour les besoins des travaux ;
-10.000 euros HT au titre d'une provision pour surveillance ;
-35.900 euros HT au titre des travaux " de réaménagement d'électricité " ;
-11.152,16 euros HT au titre de la réparation de bardage selon un devis ;
-12.453,00 euros HT pour la réparation d'un garde-corps,
-9.970 euros HT pour la bascule de sécurité.
Soit un total de 303.738,50 euros HT.
Par courrier du 22 février 2018 la SCI YOUNAN LES FAUVETTES met en demeure la SAS AVERY BERKEL France de lui payer la somme de 303.738,50 euros HT déduction faite de 80.000 euros de dépôt de garantie, soit le solde de 223.738 euros HT.
Par lettre du 27 mars 2018, la SCI YOUNAN a appelé la garantie à première demande qui lui avait été accordé par le preneur, auprès de la Société Générale pour un total de 173.899 euros. La SCI YOUNAN LES FAUVETTES a en outre décidé de retenir l'intégralité du dépôt de garantie de 80.000 euros.
Par ordonnance du 31 août 2018, le juge des référés a désigné Monsieur [I] comme expert judiciaire avec mission de donner tous les éléments utiles permettant de chiffrer les travaux de remise en état des locaux pris à bail, à partir de l'entrée dans les lieux, jusqu'au départ des lieux.
L'expert a déposé son rapport le 25 octobre 2019.
Par courrier du 15 juin 2020, la SCI YOUNAN LES FAUVETTES a adressé à la SAS AVERY BERKEL FRANCE une lettre de mise en demeure, chiffrant le solde de son préjudice à 119.784 euros HT post-expertise.
Par exploit d'huissier du 24 décembre 2020, la SCI YOUNAN LES FAUVETTES a fait assigner la SAS AVERY BERKEL FRANCE devant le tribunal judiciaire de Paris, afin d'obtenir, en substance, la condamnation de la SAS AVERY BERKEL FRANCE, à lui payer la somme de 119.784 euros correspondant à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices matériels relatifs aux travaux de remise en l'état initial des locaux donnés à bail qui ont déjà été exécutés, la taxe foncière au titre des 11 mois de l'année 2017, des arriérés de loyers; la perte de chance due à l'occupation abusive des locaux, une indemnité d'occupation ; Déduction faite de l'ensemble des travaux devant être déduits et des sommes déjà acquises au titre des garanties contractuelles.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 novembre 2011 par la voie électronique, la SCI YOUNAN LES FAUVETTES demande au tribunal judiciaire de Paris de :
-Condamner la SAS AVERY BERKEL FRANCE, à lui payer la somme de 119.784 euros correspondant à l'indemnisation :
-de l'ensemble des préjudices matériels relatifs aux travaux de remise à l'état initial des locaux donnés à bail qui ont déjà été exécutés, à hauteur de 155.513 euros hors taxe ;
-des travaux de remise en l'état initial des locaux donnés à bail qui sont en attente d'exécution, à hauteur de 120.154 euros hors taxe ;
-de la taxe foncière au titre des 11 mois de l'année 2017 soit 21.127 euros;
-des arriérés de loyers à hauteur de 23.500 euros ;
-de la perte de chance due à l'occupation abusive des locaux à hauteur de 30.000 euros ;
-de l'indemnité d'occupation à hauteur de 42.339 euros.
Déduction faite :
-de l'ensemble des travaux devant être déduits à hauteur de 18.950 euros ;
-des sommes déjà acquises par la SCI YOUNAN LES FAUVETTES au titre des garanties contractuelles, à hauteur de 253.899 euros.
-Condamner la SAS AVERY BERKEL FRANCE, à lui payer la somme de 13.000 euros au titre des frais d'article 700 du code de procédure civile, correspondant à 810.000 euros [sic : montant vraisemblablement erroné repris des écritures] au titre de la présente procédure et 5.000 euros au titre des diligences engagées dans le cadre de la procédure d'expertise sur laquelle repose la présente procédure ;
-Condamner la SAS AVERY BERKEL FRANCE au paiement de l'ensemble des dépens ;
-Ordonner l'exécution provisoire.
A l'appui de ses demandes, elle fait valoir :
-que l'article 7.3 du bail stipule que le preneur était tenu de remettre les locaux en état si le bailleur en faisait la demande ; que l'article 16.1 du bail prévoit que le coût des travaux de remise en état des locaux incombe au preneur ; Or, ces travaux de remise en état primitif n'ont pas été réalisés par la SAS AVERY BERKEL FRANCE qui a donc manqué à ses obligations contractuelles ;
-que l'obligation au paiement du loyer est une obligation essentielle du bail, prévue à l'article 17 du bail et à l'article 4 des conditions particulières constituant le titre II du bail ; que l'article 24.4 du bail prévoit que l'indemnité d'occupation sera calculée à 2% H.T. du montant du dernier loyer trimestriel H.T. par jour de retard, sans préjudice de tous droits à dommages et intérêts ; que l'article 18.3 du bail prévoit que " Le preneur remboursera au bailleur le montant des impôts, taxes et charges de toute nature afférents aux locaux loués ou à la location, notamment l'impôt foncier", étant précisé que l'impôt foncier est bien distinct des charges ;
-que l'article 20 du bail prévoit que le dépôt de garantie sera conservé par le bailleur jusqu'au règlement définitif de toute indemnité que le preneur pourrait lui devoir à sa sortie des locaux ;
-que le rapport d'expertise permet de chiffrer le préjudice restant à être indemnisé ; que s'agissant de la perte de chance, les nouveaux locataires n'ont pu entrer en jouissance qu'en janvier 2018 (après libération des locaux en novembre 2017) ; que l'existence d'une clause pénale ne fait pas obstacle à une demande d'indemnisation des autres chefs de préjudice, y compris la perte d'une chance.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 7 janvier 2022 par la voie électronique, la SAS AVERY BERKEL FRANCE demande au tribunal judiciaire de Paris de :
-Faire droit à l'exception de nullité du rapport d'expertise soulevée in limine litis;
-Prononcer la nullité du rapport d'expertise.
En toute hypothèse :
-Juger qu'elle ne peut être tenue à l'obligation contractuelle de remise en état des lieux en leur état primitif, cette obligation étant contraire aux dispositions des articles 1307, 1103 1104 , 1170, 1188, 1189, 1190 et 1191 du code civil ;
-Juger en toute hypothèse que les demandes de la SCI YOUNAN LES FAUVETTES sont mal fondées en droit, en fait et ne reposent sur aucune pièce probante, et la débouter de l'intégralité de ses demandes ;
-Condamner la SCI YOUNAN LES FAUVETTES à lui rembourser la somme 80.000 euros au titre du dépôt de garantie, conservée par ses soins, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts à compter du 15 décembre 2017;
-Condamner la SCI YOUNAN LES FAUVETTES à lui payer la somme de 173.899 euros perçue par la société SCI YOUNAN LES FAUVETTES en application de la garantie à première demande, avec intérêts au taux légal, à compter du 1er mars 2018 et capitalisation des intérêts, à compter du 1er mars 2018;
-Condamner la SCI YOUNAN LES FAUVETTES au paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 et aux entiers dépens ;
-Ordonner l'exécution provisoire du jugement .
A l'appui de ses demandes elle soutient :
-que l'expert a violé le principe du contradictoire par défaut de communication des pièces qu'il détenait du bailleur; que l'expert n'a pas répondu à ses observations et questions ; que l'expert ne s'est pas prononcé sur le devis qu'elle lui a soumis émanant d'une société qu'elle avait sollicitée (la société 3C ameublement) ; que l'expert a refusé de communiquer la liste des travaux de remise en état devant faire l'objet d'un chiffrage ; que l'expert a refusé de répondre à la demande de nouvelle réunion d'expertise pour lui permettre de faire chiffrer les travaux par un expert privé ; que le dépôt du rapport a été fait sans établissement d'un pré-rapport et sans réponse aux demandes du juge chargé du contrôle des opérations d'expertise qui l'interrogeait sur son calendrier ;
-que le rapport d'expertise est dénué de pertinence, faute pour l'expert d'avoir accompli sa mission ;
-que le rapport d'expertise encourt en outre la nullité pour inobservations des formalités prescrites par l'article 276 du code de procédure civile parmi lesquelles figurent l'obligation de répondre aux observations des parties, dès lors que ces irrégularités font grief à la partie qui l'invoque ; que l'expert s'est autorisé à porter des appréciations juridiques qui ne relèvent pas de sa compétence ; qu'il a même utilisé un vocabulaire démontrant un manque d'impartialité, qualifiant par exemple son attitude de " cavalière" ;
-qu'elle a réglé jusqu'au 30 juin 2017 les loyers et charges appelés par son bailleur et que pour la période du 1er juillet 2017 au 30 septembre 2007, elle a réglé les indemnités d'occupation sur la base des montants appelés par le bailleur, c'est-à-dire le même montant que pour le loyer qui était contractuellement dû ; que pour la période postérieure au 30 septembre 2017, elle n'a pas réglé de loyer ou d'indemnité d'occupation et les charges mensuelles et s'estime redevable d'un mois de loyer soit 14.405.66 euros hors taxe (loyer trimestriel actualisé 43.217 euros hors taxe) ; que le montant de 42.339 euros réclamés par le bailleur n'est pas explicité ; qu'il est incohérent pour le bailleur de réclamer au titre de la même période un arriéré de loyer et des indemnités d'occupation;
-que l'article 24 du bail n'est applicable qu'en cas de mise en œuvre d'une clause résolutoire et est donc inapplicable en l'espèce ; que par ailleurs, il s'agit d'une clause pénale au sens de l'article 1231-5 du code civil ;
-que s'agissant de la taxe foncière, elle a acquitté une provision sur charges dans la période d'occupation, à savoir de janvier à septembre 2017 inclus, destinée à couvrir les charges locatives et le paiement de la taxe foncière ; qu'elle n'a pas reçu le décompte des charges locatives dues au titre de l'année 2017 qui justifierait de l'exigibilité d'un solde de taxe foncière ; que le bailleur ne produit en outre pas le justificatif de la taxe foncière ; qu'elle rappelle que le bail prévoit que ne lui incombe que 73% de la taxe foncière de l'immeuble ;
-que la demande d'indemniser la perte de chance ne saurait être cumulée avec la demande d'indemnité d'occupation sur une même période ; que pour la période de vacance entre son départ effectif (30 septembre 2017) et la nouvelle mise à bail, il appartient au bailleur de prouver qu'elle lui a fait perdre une chance de louer, en application de 1353 du code civil ou 1240 du code civil, preuve que le bailleur ne rapporte pas; que dans une lettre en date du 5 juin 2019 à l'expert, la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES indique " Le quart du bâtiment a été loué en Décembre 2017, les trois quarts restants entre Novembre et Décembre 2018 " ;
-que s'agissant de la remise en état des lieux, au moment où le bailleur a pris acte du congé, il ne lui a pas indiqué qu'il exercerait cette option ; qu'elle n'en été informée que verbalement lors d'une réunion qui s'est tenue le 16 mai 2017, puis exprimée par écrit le 22 septembre 2017, sans autre précision ;
-que l'article 7.3 du bail qui prévoit que le bailleur peut demander " pour tout ou partie la remise des biens en leur état primitif aux frais exclusifs du preneur " est potestatif au sens des articles 1170 et 1174 anciens du code civil, ce qui l'expose à la nullité ; que le contenu n'est pas certain et déterminé au sens des articles 1163 et 1128 du code civil, en ce qu'il fait naître une incertitude quant à l'obligation future éventuelle ; qu'elle a été libérée par l'exécution d'une des deux obligations alternative, en ce que le bénéfice de la propriété des travaux d'amélioration exclut l'obligation de mise en état au sens de l'article 1189 du code civil ancien, repris à l'article 1307 du code civil ;
-qu'en application de l'article 16 du bail les simples travaux d'aménagements, d'installations ou d'améliorations doivent être maintenus en bon état à la fin du bail ; que l'exigence du bailleur de remise en état des lieux en leur état primitif ne peut concerner que les travaux ne constituant pas de simples travaux d'aménagement et d'embellissements tels que prévus par l'article 16 précité, en jeu avec l'article 7 du bail ; qu'il y a lieu d'en déduire que la remise en l'état primitif ne peut concerner que les gros travaux éventuellement accomplis par les locataires ;
-que le bailleur devait faire connaître la liste des travaux de remise en état d'origine, lors de l'état des lieux de sortie ; que la tardivité de la demande de remise en l'état est une atteinte à l'obligation de bonne foi dans l'exécution du bail ;
-que les travaux nécessaires à l'adaptation de locaux en fonction des exigences des nouveaux locataires du bailleur ne peuvent lui incomber, étant précisé au demeurant que les nouveaux locataires ont pris en charge financièrement lesdits travaux ;
-que le montant réclamé n'est étayé par aucun élément ; qu'elle ne conteste pas en revanche, la prise en charge de la remise en état de la baie vitrée brisée dans le hall et de la barrière garde-corps détériorée par un camion et ce, sur justificatifs.
La clôture de l'instruction est intervenue le 7 avril 2023.
L'audience de plaidoirie a eu lieu le 12 décembre 2023.
La décision a été mise en délibéré au 28 mars 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du rapport d'expertise
Les irrégularités affectant le déroulement des opérations d' expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile qui renvoient aux règles régissant la nullité des actes de procédure, et notamment aux irrégularités de forme de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation ne peut être sanctionnée par la nullité qu'à charge de prouver un grief, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Il est constant que quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile.
En l'espèce, la SAS AVERY BERKEL France n'invoque que des vices de forme, puisqu'il n'est question ni de capacité, ni de pouvoir d'agir, dans ses moyens.
La SAS AVERY BERKEL France ne saurait utilement invoquer un défaut de communication des pièces par l'expert pour obtenir la nullité du rapport d'expertise, ce défaut ne pouvant lui faire grief, en ce qu'il lui est loisible de solliciter du juge de la mise en état une injonction de communiquer les pièces qu'elle estimait utiles à destination du bailleur, conformément à l'article 133 du code de procédure civile.
La SAS AVERY BERKEL France ne démontre pas la réalité d'un grief quant à l'absence de réponse à ses observations relativement au devis qu'elle lui avait soumis émanant d'une société qu'elle avait sollicitée (la société 3C), étant précisé qu'il ressort du rapport d'expertise que l'expert a pris acte de ces dires et les a annexés dans son rapport (annexe 6), et n'était, aux termes du libellé de sa mission, nullement tenu de formuler des observations à cet égard. Au surplus, l'expert mentionne une étude d'aménagement des locaux par 3Caménagement diligentée par le preneur, en page 6 de son expertise.
C'est vainement que la SAS AVERY BERKEL France invoque l'absence de communication d'une liste des travaux de remise en état devant faire l'objet d'un chiffrage, alors qu'il ressort du rapport d'expertise, certes laconique, que l'expert a adressé des observations circonstanciées aussi bien sur la nature que sur le chiffrage d'une liste des travaux jugés utiles pour la remise en l'état.
C'est tout aussi vainement que la SAS AVERY BERKEL France invoque le défaut d'organisation par l'expert d'une réunion d'expertise avec un expert privé de son choix, alors que la nature judiciaire excluait l'intervention de tout tiers non spécifiquement désigné dans la participation aux opérations d'expertise, et que ce refus était fondé.
Si le pré-rapport est d'usage dans la méthodologie expertale et que son absence est regrettable en ce qu'il permet de purger un certain nombre d'observations des parties, la SAS AVERY BERKEL France ne peut tirer aucun grief de son absence, en ce qu'il ne ressort d'aucun texte qu'il est obligatoire, seul le rapport final faisant foi.
La SAS AVERY BERKEL France ne démontre pas davantage la réalité d'un grief tiré de l'absence de réponse de l'expert aux demandes du juge chargé du contrôle des opérations d'expertise relativement à son calendrier, étant précisé au demeurant que cette demande du 1er octobre 2019 qui n'était assortie d'aucun délai est devenue sans objet à compter du dépôt du rapport intervenu le 25 octobre 2019.
Sur le surplus des moyens invoqués au soutien de sa demande de nullité (appréciation juridique portée par l'expert, emploi du mot " cavalière" pour désigner ses agissements), la SAS AVERY BERKEL France, au demeurant très évasive dans ses allégations, ne démontre pas davantage l'existence de griefs. Ces moyens ne sauraient donc prospérer.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande de prononcer la nullité du rapport d'expertise sera rejetée.
Sur l'obligation contractuelle de remise en état des lieux en leur état primitif
Aux termes de l'article 1134 alinéa 1er ancien du code civil, applicable aux faits d'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
L'article 7.3 du bail prévoit que " Tous travaux, aménagements ou embellissements, qui seraient faits par le preneur, même avec l'autorisation du bailleur, resteront en fin de bail la propriété de celui-ci sans que le preneur ne puisse prétendre à aucune indemnité, à moins que le bailleur ne demande pour tout ou partie la remise des biens en leur état primitif aux frais exclusifs du preneur ".
L'article 16.1 du bail stipule que " le preneur devra, au plus tard le jour de l'expiration du bail, à quelque époque et pour quelque cause que ce soit, laisser les lieux loués et tous aménagements, installations, améliorations, augmentations et embellissements, sans indemnité et en bon état, ce qui sera constaté par un état des lieux à la suite duquel le preneur devra remettre les clés au bailleur. L'état des lieux dont la date sera déterminée d'un commun accord entre les parties, comportera, s'il y a lieu, le relevé des réparations à effectuer. Si des réparations ou travaux s'avéraient nécessaires, notamment en raison de la remise en état exigée par le bailleur, ceux-ci seraient à la charge du preneur ".
Il ressort de l'état des lieux contradictoire de sortie des réserves sur l'installation électrique faite par le preneur, les modifications apportées sur la structure du local (notamment des percements : installations d'une climatisation spécifique, évacuation d'eaux usées, tuyauterie…), ainsi que des modifications apportées aux installations existantes lors de l'état des lieux d'entrée (électricité, plomberie, notamment.
Ces réserves exprimées en des termes non équivoques ne pouvaient pas faire accroire à la SAS AVERY BERKEL France qu'elle était quitte de toute demande indemnitaire ou de remise en état, contrairement à ce qu'elle soutient. Au surplus, la SAS AVERY BERKEL France ne conteste pas qu'une demande de remise en état a été exprimée dans le courrier du 22 septembre 2017 qui rappelle en substance les échanges verbaux du 16 mai 2017 dont elle ne conteste pas la tenue.
N'a pas de caractère potestatif au sens de l'article 1174 du code civil ancien, applicable au bail, la clause d' accession prévoyant que le preneur doit laisser, à la fin du bail, les modifications ou améliorations réalisées par ses soins sans indemnité au bailleur, à moins que celui-ci ne préfère le rétablissement des lieux loués dans leur état primitif, en ce que celle-ci présente un caractère alternatif qui ne peut être mis en œuvre qu'à la fin du bail, événement dont chacune des parties peut être à l'origine dans le cadre des dispositions statutaires propres aux baux commerciaux dont l'équilibre résulte du choix du législateur.
C'est vainement que la SAS AVERY BERKEL France invoque le caractère incertain de ladite obligation au sens de l'article 1169 du code civil ancien, alors que l'obligation apparaît déterminée, s'agissant pour la remise en état d'une obligation de faire qui peut se résoudre en dommages-intérêts.
C'est à tort que la SAS AVERY BERKEL France invoque être libérée par l'exécution d'une des deux obligations alternatives, en ayant laissé les lieux propres à permettre l'appropriation du bailleur des modifications qu'elle a entreprises, alors que le choix de solliciter la remise en l'état appartient au seul bailleur qui n'a pas entendu s'approprier les éléments laissés par le preneur, comme cela ressort clairement des réserves de l'état des lieux de sortie contradictoire, de la réunion du 16 mai 2017 et du courrier du 22 septembre 2017.
C'est également à tort que la SAS AVERY BERKEL France invoque qu'en application de l'article 16 du bail, la remise en l'état ne peut concerner que les gros travaux, alors que l'article 7.3 du bail énonce ab initio en des termes non équivoques " tous travaux ".
Enfin, l'atteinte à l'obligation de bonne foi par la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES n'apparaît pas caractérisée par une demande de remise en l'état prétendument tardive, alors qu'au regard de l'ampleur des réserves énoncées dans l'état des lieux contradictoire de sortie et les échanges ultérieurs avec le bailleur (notamment par correspondance), la SAS AVERY BERKEL France ne pouvait pas ignorer qu'elle s'exposait à des coûts de toute remise en état.
En conséquence, la SAS AVERY BERKEL France sera jugée tenue à l'obligation contractuelle de remise en état des lieux en leur état primitif.
Sur le montant dû au titre de la remise en état
Aux termes de l'article 1147 du code civil ancien, applicable aux faits d'espèce, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En l'espèce, il n'est pas contesté par la SAS AVERY BERKEL France qu'elle n'a pas procédé à la remise en état des lieux, pour en avoir contesté le principe. Au surplus, il ressort tant de l'état des lieux contradictoire de sortie que de l'expertise de Monsieur [I] que les lieux ne se trouvaient pas dans leur état d'origine au moment de la restitution des clefs.
L'expertise relate en outre, en substance :
-que la SAS AVERY BERKEL France avait au 1er étage considérablement étendu la surface de bureaux au détriment de la surface d'activité ;
-que ce bâtiment, d'une grande polyvalence et d'une grande ?exibilité n'avait rien à gagner à augmenter sa surface de bureau, les bâtiments d'activités, modulables, étant plus recherchés (dans ce type de localisation) que les surfaces de bureau ;
-qu'un occupant sans titre dans les locaux ne favorisait pas la recherche de futurs locataires. Par souci de bonne gestion, le bailleur a dès le départ de la SAS AVERY BERKEL France pris la décision, au regard des offres qui se présentaient, de louer en plusieurs lots. Cette décision entrainait pour elle la réalisation de travaux de sécurité qui ne s'imposaient pas lorsqu'elle n'avait un seul locataire.
L'expert indique que le total des travaux à la sortie /état des lieux estimés par le bailleur à 205.174 euros HT (175.174 euros auxquels il est ajouté 30.000 euros au titre d'un préjudice pour immobilisation), est assez réaliste au regard du rapport surface /travaux.
Au terme de son expertise, il distingue plus particulièrement cinq postes :
-Les travaux exécutés estimés à 155.773,33 euros HT qui incluent de l'électricité, des frais d'architecte, de la miroiterie, des frais d'huissier et de la rénovation: l'expert indique qu'à moins de clauses particulières, les frais d'huissiers sont généralement partagés. Sans revenir sur les accords du propriétaire pour réaliser les mordifications intérieures, le preneur aurait dû communiquer les plans DOE des modifications réalisées. En matière d'électricité, l'absence de plan oblige à reprendre la totalité de la zone modifiée ;
-Les travaux en attente estimés à 120.154 euros HT: l'expert n'a pas d'observation ;
-La dépense hors travaux estimée à 44.627 euros HT : l'expert indique que la taxe foncière est bien due pour 11 mois, soit 21.127 euros ;
-Les indemnités hors travaux estimées à 72.339 euros HT: la demande de perte de chance apparaît à l'expert justifiée (incertitude dans la libération des locaux), ainsi que l'occupation abusive ;
-Les travaux à déduire estimés à 18.950 euros HT: l'expert n'a pas d'observation.;
L'expert ajoute qu'il doit être pris en compte les dégradations suivantes :
-Baie vitrée brisée dans le hall ;
-Barrière garde-corps détériorée par un camion ;
-Accidents sur le bardage ;
-Circuit électrique modifié : La réglementation étant très contraignante en matière d'installations électriques, sans plan, il est nécessaire de reprendre tout le circuit ;
-Modification du système de chauffage : Le remplacement d'un chauffage au gaz par un chauffage électrique ne peut être considéré comme une amélioration, même s'il est accompagné par des aérothermes ;
-Détérioration du bardage par la pose de climatiseurs.
Il n'indique cependant pas si ces éléments sont déjà compris ou non dans le chiffrage précité.
Il conclut en disant le bâtiment d'origine, conçu comme un " mécano " a été détérioré par les aménagements du preneur ; que les factures communiquées portent sur des travaux qui sont plutôt dans la moyenne basse de ce qui se réalise dans le domaine. Il estime que les chiffrages proposés par le bailleur sont acceptables et que la SAS AVERY BERKEL France n'a quant à elle pas justi?é, ni étayé ses demandes.
Au terme de cette expertise, il convient d'exclure la taxe foncière, les arriérés locatifs, la perte de chance due à l'occupation abusive, les pénalités conventionnelles et l'indemnité d'occupation qui seront examinés distinctement, ces demandes étant étrangères à l'obligation de remise en état, et à la mission expertale.
Sur le surplus, en se fondant sur le rapport, le bailleur sollicite le paiement du poste " travaux exécutés " à hauteur de l'estimation expertale jugée réaliste, soit 155.513 euros hors taxe ; le poste correspondant aux " travaux en attente d'exécution ", à hauteur de 120.154 euros hors taxe dont l'estimation n'a pas fait l'objet d'observation par l'expert. Le bailleur reprend en déduction le montant confirmé par l'expert des " travaux devant être déduits " à hauteur de 18.950 euros.
Le preneur se borne à indiquer que le montant réclamé n'est étayé par aucun élément, mais ne conteste pas en revanche, la prise en charge de la remise en état de la baie vitrée brisée dans le hall et de la barrière garde-corps détériorée par un camion, sur justificatifs.
En l'absence de contestations sérieuses et de chiffrage alternatif crédible du preneur en désaccord avec l'expertise, il conviendra de retenir les montants suivants qui découlent de l'expertise dont il est relevé qu'ils correspondent à une moyenne basse :
-Les travaux exécutés à hauteur de 155.513 euros HT ;
-Les travaux en attente à hauteur de 120.154 euros HT ;
Soit un total de : 275.667 euros HT. La déduction de 18.950 euros HT n'est pas contestée. Il faut donc déduire ladite somme, ce qui porte le total à 256.717 euros HT.
Le montant de l'indemnité au titre préjudice relatif au manquement à l'obligation de remise en état doit être fixé à hauteur de 256.717 euros HT.
Sur les demandes de paiement hors travaux de remise en état
Sur la taxe foncière
Aux termes de l'article 1134 alinéa 1er ancien du code civil, applicable aux faits d'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
L'article 18.1 du bail stipule que le preneur remboursera au bailleur le montant des impôts, taxes et charges de toute nature afférents aux locaux loués ou à la location, notamment l'impôt foncier, ainsi que tout impôt nouveau ou taxe nouvelle afférents.
C'est à tort que la SAS AVERY BERKEL France estime que cette obligation relative au paiement de l'impôt foncier se confond avec l'obligation de paiement des charges locatives prévues à l'article 18.2 du bail, la taxe foncière étant parfaitement distincte des charges de copropriétés.
La SAS AVERY BERKEL France a toutefois raison d'invoquer l'application de l'article 18.4 du bail qui prévoit que ce paiement doit intervenir sur facture ou appel provisionnel, avec régularisation à compter de chaque arrêté annuel. La SCI YOUNIAN LES FAUVETTES ne peut exciper du seul rapport d'expertise qui n'a pas vocation à suppléer la carence des parties, pour solliciter un paiement sur ce point, alors que cette question était en dehors de la mission expertale, celle-ci devait se borner à donner exclusivement des éléments utiles permettant de chiffrer les travaux de remise en état des locaux pris à bail, sans pouvoir en outre porter d'appréciation juridique.
En conséquence, la demande en paiement de la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES relative à la taxe foncière sera rejetée, en l'absence de pièces utiles, telles qu'exigées par la loi des parties.
Sur les loyers
S'agissant des loyers, la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES se borne à rappeler dans ses écritures l'obligation de paiement des loyers tout en rapprochant étrangement cette obligation de la question de l'indemnité d'occupation qui lui est étrangère, le tout, sans produire aucun décompte permettant d'apprécier l'état de la dette locative, s'il en est, ni même de faire correspondre un chiffrage précis au regard d'un échéancier. Sa demande ne peut donc prospérer en l'état sur ce chef et sera rejetée.
Sur l'indemnité d'occupation
Il est constant que l'occupation sans droit ni titre ouvre droit à une indemnité d'occupation qui est destinée à rémunérer la jouissance des lieux par l'occupant et à réparer le préjudice subi par le bailleur du fait de leur occupation sans droit ni titre ; elle a donc une nature à la fois compensatoire et indemnitaire.
En l'espèce, l'indemnité d'occupation est due au titre de l'occupation sans droit, ni titre pour la période du 1er juillet 2017 (date de l'effet du congé) au 16 novembre 2017 (date de l'état des lieux de sortie contradictoire et de remise des clefs). C'est à tort que la SAS AVERY BERKEL France croit pouvoir exciper du courrier recommandé en date du 31 mai 2017, indiquant une sortie effective des lieux convenue au 30 septembre 2017, pour fixer la fin de la période d'occupation à une autre date que celle de l'état des lieux contradictoire de sortie, correspondant à la remise des clefs.
La SCI YOUNIAN LES FAUVETTES invoque l'application de l'article 24.4 du bail qui prévoit qu'à défaut par le preneur d'évacuer les locaux, il sera redevable au bailleur de plein droit et sans aucun préavis, d'une indemnité d'occupation fixée d'ores et déjà, par jour de retard, à 2% H.T. du montant du dernier loyer trimestriel H.T., sans préjudice de tous droits à dommages et intérêts au profit du bailleur.
Or, comme le souligne la SAS AVERY BERKEL France cette clause ne trouve à s'appliquer que lors de la mise en œuvre de la clause résolutoire spécifiée aux articles 24.1 et 24.2 du bail. En l'espèce, le bail a pris définitivement un terme par l'effet du congé en date du 29 juin 2016, à effet du 1er juillet 2017. Cette clause est donc parfaitement inopérante en l'espèce et ne saurait être invoquée.
La demande de la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES de fixation d'une indemnité d'occupation forfaitaire prétendument prévue conventionnellement sera rejetée. Il en résultera une application du droit commun pour la détermination de cette indemnité d'occupation.
La SAS AVERY BERKEL France soutient que pour la période du 1er juillet 2017 au 30 septembre 2007, elle a réglé les indemnités d'occupation sur la base des montants appelés par le bailleur, c'est-à-dire le même montant que pour le loyer qui était contractuellement dû, soit 14.405,66 euros hors taxe par mois (loyer trimestriel actualisé 43.217 euros hors taxe). Cette allégation n'est pas contestée par le bailleur.
Pour la période postérieure au 30 septembre 2017, la SAS AVERY BERKEL France soutient qu'elle n'a pas réglé d'indemnité d'occupation et les charges mensuelles et s'estime redevable d'un mois de loyer soit 14.405,66 euros hors taxe (loyer trimestriel actualisé 43.217 euros hors taxe).
Il conviendra de dire que la SAS AVERY BERKEL France sera redevable auprès de la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES d'une indemnité d'occupation mensuelle forfaitaire qui sera fixée à hauteur d'un équivalent-loyer plus charges, soit : 15.013,66 euros HT (équivalent loyer : 14.405,66 euros HT + charges [7.300/12 = 608 euros]), pour la période du 1er juillet 2017 au 31 octobre 2017, et de moitié pour la période du 1er au 16 novembre 2017, soit 7.506,83 euros HT.
Le paiement de 14.405.66 euros hors taxe par mois pour la période du 1er juillet 2017 au 30 septembre 2007 n'étant pas contestée, la SAS AVERY BERKEL France reste redevable pour cette période de 1.824 euros HT ([15.013,66 euros HT - 14.405,66 euros HT = 608 euros] * 3 = 1.824 euros).
Pour le mois d'octobre, elle sera redevable de : 15.013,66 euros HT. Pour la période du 1er au 16 novembre, elle sera redevable de 7.506,83 euros HT.
La SAS AVERY BERKEL France est donc redevable au total de : 24.344,49 euros HT (1.824 + 15.013,66 + 7.506,83 ) au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 1er juillet 2017 au 16 novembre 2017.
Sur les pénalités conventionnelles
La SCI YOUNIAN LES FAUVETTES invoque l'application des articles 22.1 et 22.2 du bail qui stipulent qu'en cas de non-paiement à échéance du Ioyer dû par le preneur ou de toute autre somme due en vertu du présent bail et qui n'aurait pas été réglé dans Ies délais requis, le bailleur percevra des intérêts de retard sans qu'il soit besoin d'adresser une mise en demeure quelconque, intérêts qui seront calculés à hauteur de 2% par mois, à compter de chaque échéance. Il invoque en outre l'article 22.4 qui y ajoutent les frais de recouvrement et les frais découlant d'une action judiciaire.
En l'espèce, la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES n'a pas justifié des impayés au titre des loyers, des charges et de la taxe foncière, seules sommes clairement spécifiées en vertu du bail. Partant, ses demandes de pénalités conventionnelles doivent être rejetées.
Sur la perte de chance due à l'occupation abusive des locaux
La SCI YOUNIAN LES FAUVETTES perçoit une indemnité d'occupation pour la période du 1er juillet 2017 au 16 novembre 2017.
L'indemnisation au titre de la perte de chance ne saurait être cumulée avec l'indemnité d'occupation pour ladite période.
Le bailleur indique que les nouveaux locataires sont entrés en jouissance en janvier 2018. Le preneur indique que dans une lettre en date du 5 juin 2019 adressée à l'expert, la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES indique " Le quart du bâtiment a été loué en Décembre 2017, les trois quarts restants entre Novembre et Décembre 2018 ".
Selon les versions contradictoires, la vacance totale des lieux peut être estimée de l'ordre d'une quinzaine de jours à un mois et demi.
Toutefois, le bailleur ne démontre pas en quoi la SAS AVERY BERKEL France est à l'origine d'une privation d'une probabilité raisonnable de remise à bail plus rapide, alors qu'il ressort du courrier électronique du 11 octobre 2017 du cabinet IECAN mandaté par le bailleur pour la recherche de locataires pour les lieux objets du bail dont il a été donné congé que les preneurs recherchent " au moins 6 mois à l'avance des locaux " de cette nature.
La demande de ce chef sera donc rejetée.
Sur les garanties mises en œuvre et la compensation
Il résulte des articles 1347 et suivants du code civil que la compensation peut être envisagée comme un mode d'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes, lorsque celles-ci se trouvent débitrices l'une envers l'autre. S'opère alors entre elles, à certaines conditions, une compensation qui éteint les deux dettes jusqu'à concurrence de leurs quotités respective.
En l'espèce, la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES a eu recours à la garantie à première demande, accordée par le preneur, en appelant auprès de l'établissement de crédit SOCIETE GENERALE 173.899 euros. Elle a outre retenu le dépôt de garantie de 80.000 euros, versé par la SAS AVERY BERKEL France, soit une somme totale de 253.899 euros.
La SAS AVERY BERKEL France est redevable de 256.717 euros HT au titre de la remise en état et 24.344,49 euros HT au titre de l'indemnité d'occupation, soit une somme totale de 281.061,49 euros HT.
La compensation entre les deux sommes sera ordonnée.
La SAS AVERY BERKEL France sera donc redevable auprès de la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES de la somme de 27.162,49 euros HT.
Sur les autres demandes
L'article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, il y a lieu de condamner SAS AVERY BERKEL France aux entiers dépens.
L'article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à l'autre partie au paiement d'une somme destinée à compenser les frais exposés pour le procès et non compris dans les dépens. Dans ce cadre, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique des parties.
Au cas présent, il convient de condamner SAS AVERY BERKEL France à verser à la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'article 514 du code de procédure civile autorise le juge à ordonner l'exécution par provision de sa décision chaque fois qu'il l'estime nécessaire et que cette mesure est compatible avec la nature de l'affaire et autorisée par la loi.
En l'espèce, l'exécution provisoire est de droit.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal judiciaire de Paris, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Rejette la demande de la SAS AVERY BERKEL de nullité du rapport d'expertise,
Constate que la SAS AVERY BERKEL France doit payer à la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES la somme de 256.717 euros HT euros au titre de la remise en état, somme détaillée comme suit :
-Les travaux exécutés à hauteur de 155.513 euros HT ;
-Les travaux en attente à hauteur de 120.154 euros HT ;
-Moins 18.950 euros HT au titre des travaux à déduire.
Constate que la SAS AVERY BERKEL France doit payer à la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES la somme de 24.344,49 euros HT au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 1er juillet 2017 au 16 novembre 2017 ;
Constate la mise en œuvre de garanties (dépôt de garantie et garantie à première demande) à hauteur de 253.899 euros par la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES ;
Ordonne la compensation entre les sommes dues par la SAS AVERY BERKEL France et les sommes retenues par la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES au titre des garanties;
Condamne la SAS AVERY BERKEL France à payer à la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES la somme de 27.162,49 euros HT ;
Rejette les demandes de la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES au titre de la taxe foncière, des arriérés de loyers, des pénalités conventionnelles et de la perte de chance;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la SAS AVERY BERKEL France à payer à la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES la somme de 7.000 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI YOUNIAN LES FAUVETTES aux entiers dépens ;
Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions est de droit.
Fait et jugé à Paris le 28 mars 2024.
Le GreffierLa Présidente
Christian GUINANDSophie GUILLARME