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28/03/2024 | FRANCE | N°19/14082

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 1ère section, 28 mars 2024, 19/14082


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expédition exécutoire délivrée à : Me BIZOLLON #R255
Copie certifiée conforme délivrée à : Me LEVY #B485




3ème chambre
1ère section

N° RG 19/14082
N° Portalis 352J-W-B7D-CRHUO

N° MINUTE :

Assignation du :
28 novembre 2019










JUGEMENT
rendu le 28 mars 2024











DEMANDERESSE

S.A.S NEWMAT
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Me Yves BIZOLLON de l’AARPI B

IRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255



DÉFENDERESSE

S.A.S. NORMALU
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Me Laurent LEVY de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expédition exécutoire délivrée à : Me BIZOLLON #R255
Copie certifiée conforme délivrée à : Me LEVY #B485

3ème chambre
1ère section

N° RG 19/14082
N° Portalis 352J-W-B7D-CRHUO

N° MINUTE :

Assignation du :
28 novembre 2019

JUGEMENT
rendu le 28 mars 2024

DEMANDERESSE

S.A.S NEWMAT
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Me Yves BIZOLLON de l’AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255

DÉFENDERESSE

S.A.S. NORMALU
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Me Laurent LEVY de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0485, assisté de Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J49

Décision du 28 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/14082
N° Portalis 352J-W-B7D-CRHUO

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 30 octobre 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 29 février 2024.
Le délibéré a été prorogé au 28 mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Les sociétés Newmat et Normalu sont des acteurs concurrents opérant dans le domaine de la conception, de la fabrication et de la commercialisation de plafonds et murs tendus destinés à la réalisation de fausses parois. La seconde commercialise une gamme de plafonds et murs tendus sous la marque “barrisol”.
La société Normalu est à ce titre titulaire : - du brevet français FR 2 952 087 (ci-après "FR 087") intitulé « Dispositif de fausse paroi», déposé le 30 octobre 2009, publié le 6 mai 2011 et délivré le 9 décembre 2011.
- du brevet européen EP 2 494 121 (ci-après "EP 121") désignant la France intitulé «Dispositif de fausse paroi», déposé le 29 octobre 2010, sous la priorité du brevet FR087, en tant que demande de brevet internationale. Cette demande de brevet internationale a été publiée le 5 mai 2011 sous le numéro WO 2011/051578. Elle est ensuite entrée en phase européenne le 16 mai 2012 et a conduit à la délivrance, le 4 décembre 2013, du brevet précité.

Estimant que la société Normalu bénéficie, par le biais de ces titres, d'un monopole indu, la société Newmat l'a, par acte d'huissier de justice délivré le 28 novembre 2019, faite assigner devant le tribunal judiciaire de Paris pour voir prononcer la nullité des revendications 1 à 8 du brevet européen "EP 121"et des revendication 1 à 6 du brevet français "FR 087" dont elle est titulaire. La société Normalu a, pendant le cours de l’instance, présenté des requêtes en limitation de ses titres devant l'Office Européen des Brevets (ci-après OEB) et devant l'institution national de la propriété intellectuelle (ci-après INPI) le 17 septembre 2020.

Par une ordonnance du 4 décembre 2020, le juge de la mise en état a prononcé un sursis à statuer sur l'ensemble des demandes formées par la société Newmat relatives à la partie française du brevet "EP 121" et au brevet français "FR 087" dans l'attente de la décision définitive de l’OEB et de l'INPI statuant sur les requêtes en limitation présentées par la société Normalu.
Les deux offices ont fait droit à la demande de limitation de la société Normalu. La décision de l'OEB a été publiée au bulletin européen des brevets le 14 avril 2021. La décision de l'INPI a été inscrite au registre national des brevets le 11 mai 2021.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, la société Newmat demande au tribunal, au visa des articles L. 611-10, L.611-14, L.613-25 et L.614-12 du code de la propriété Intellectuelle, des articles 52(1), 54, 56, 123(2) et 138 de la convention sur le brevet européen, de: S'agissant du brevet "EP 121":
• Dire que ce brevet ne peut pas bénéficier de la priorité du brevet français FR 2 952 087 ;
• Prononcer la nullité des revendications 1 et 3 à 9 de la partie française de ce brevet pour défaut de nouveauté et d'activité inventive ;
• Prononcer la nullité de la revendication 2 de la partie française de ce brevet pour défaut d'activité inventive ;
• Prononcer la nullité des revendications 3 à 6, 8 et 9 de la partie française de ce brevet pour extension de leur objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée ;
S'agissant du brevet "FR 087" :
• Prononcer la nullité des revendications 1 à 6 de ce brevet pour défaut d'activité inventive ;
• Prononcer la nullité des revendications 2, 3, 5 et 6 de ce brevet pour extension de leur objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée ;
En conséquence,
• Ordonner la transcription du jugement à intervenir auprès du registre national des brevets et ce sur réquisition de M. le greffier en chef du tribunal ;
• Condamner la société Normalu à lui payer la somme de 3.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son comportement abusif ;
• Condamner la société Normalu aux entiers dépens et à lui payer la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, la société Normalu demande au tribunal de:• In limine litis, juger irrecevable, comme prescrite, l'action de la société Newmat en nullité du brevet "FR 087" et de la partie française du brevet "EP 121" ;
• A titre subsidiaire, débouter la société Newmat de l'ensemble de ses demandes ;
• A titre très subsidiaire, en cas d'annulation de la revendication 3 du brevet "EP 121", prononcer la nullité partielle des revendications 4 à 6, 8 et 9 de ce brevet, uniquement en ce qu'elles dépendent de la revendication 3 et renvoyer le breveté devant l'OEB pour modifier leurs dépendances en laissant ainsi perdurer uniquement leurs dépendances aux revendications 1 et/ou 2 ;
• A titre très subsidiaire, en cas d'annulation de la revendication 2 du brevet "FR 087", prononcer la nullité partielle des revendications 5 et 6 de ce brevet, uniquement en ce qu'elles dépendent de la revendication 2 et renvoyer le breveté devant l'INPI pour modifier leurs dépendances en laissant ainsi perdurer uniquement leurs dépendances à la revendication 1;
• En tout état de cause, débouter la société Newmat de ses demandes ;
• Condamner la société Newmat aux entiers dépens et à lui verser la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 février 2023.
MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en nullité de brevet

Moyens des parties

La société Normalu soulève en premier lieu la prescription de l'action en nullité des revendications des deux brevets. Elle considère que l'article L. 615-8-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction isssue de la loi n°2019-486 relative à la croissance et à la transformation des entreprises du 22 mai 2019 dite la loi "Pacte", n'est pas applicable à la présente instance dans la mesure où la prescription de l'action en nullité était déjà acquise en application de la loi ancienne au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Selon elle, le délai de prescription quinquennale a commencé à courir à compter de la date de publication de chacun des deux brevets, soit les 4 décembre 2013 et 9 décembre 2011, si bien que la prescription était acquise pour la demande en nullité des deux titres avant le 28 novembre 2019, date de l'assignation.
En réponse au moyen tiré de la prescription de son action, la société Newmat soutient que l'article L. 615-8-1 du code de la propriété intellectuelle s'applique et qu'aucune prescription ne peut être élevée contre sa demande en nullité des brevets litigieux. Elle expose que l’intention du législateur était de mettre fin à une insécurité juridique et a permis, par cette disposition, de remettre en cause des titres, même anciens, qui occupaient sans droit le domaine public.
Subsidiairement, elle estime que même si le tribunal faisait application de l'article 2224 du code civil, le délai de cinq ans ne serait pas acquis à la date de l'entrée en vigueur de la loi “Pacte”, le 23 mai 2019. Elle estime que le point de départ du délai de prescription n'a pu commencer à courir avant la publication des décisions de limitation qui lui ont permis de connaître les faits lui permettant d'exercer son action, étant rappelé que le motif de nullité s'apprécie en fonction du texte de la revendication. Il n'y a pas, selon elle, d'atteinte aux droits de la défense.

Appréciation du tribunal

Le premier alinéa de l’article 2222 du code civil dispose que la loi qui allonge la durée d’une prescription ou d’un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s’applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. L’article 2223 du même code dispose que les dispositions du présent titre ne font pas obstacle à l’application des règles spéciales prévues par d’autres lois.

L'article L. 615-8-1 du code de la propriété intellectuelle dispose, dans sa rédaction issue de l'article 124 de la loi n°2019-486 relative à la croissance et à la transformation des entreprises du 22 mai 2019, que l'action en nullité d'un brevet n'est soumise à aucun délai de prescription.
La loi “Pacte” est entrée en vigueur le 23 mai 2019. L'article 124 III de ladite loi dispose que « III.-Les 2°, 4°[qui crée l'article L. 615-8-1 du cpi], 5°, 7° et 8° du I du présent article s'appliquent aux titres en vigueur au jour de la publication de la présente loi. Ils sont sans effet sur les décisions ayant force de chose jugée ».
Dès lors, en application des dispositions transitoires précitées, l’article L. 615-8-1 s’applique aux brevets, qui, à la date d’entrée en vigueur du texte, n’ont pas fait l’objet d’une décision d’annulation ayant force de chose jugée, peu important que la prescription eût été acquise sous l’empire du droit antérieur.
Les brevets EP 121 et FR 087 étaient en vigueur au 23 mai 2019, n’ayant fait l'objet d'aucune décision d’annulation ayant autorité de la chose jugée. Dès lors, l’action en nullité des brevets formée par la société Newmat n’est pas prescrite.
Par conséquent, la société Newmat doit être déclarée recevable en son action.
Sur demande de nullité de la partie française du brevet EP 121

Présentation du brevet EP 121 tel que limité

L’invention couverte par le brevet EP 2 494 121 concerne un dispositif de fausse paroi destiné à être fixé sur une paroi telle qu’un mur ou un plafond. Ce dispositif peut, en particulier, être utilisé dans une application de type caisson lumineux.
Ce dispositif de fausse paroi est connu de l’art antérieur comme comprenant un panneau, formé d’une nappe tendue fixée à la base d’un châssis, lequel panneau est placé dans un cadre externe qui est muni de parois latérales et d’un fond, le dispositif comportant des moyens de liaison entre le châssis et le cadre externe. La nappe tendue se compose, de préférence, d’un matériau polymère synthétique (ainsi que cela est mentionné au §3 de la description). Le brevet FR 2 882 588 est cité au titre de l’art antérieur. Décision du 28 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/14082
N° Portalis 352J-W-B7D-CRHUO

Or, il est souligné, dans le §6 de la description, que le dispositif comporte, à la jonction de la base et de la partie externe du châssis, un logement ouvert vers la base dudit châssis venant accueillir la bordure périphérique de la nappe tendue formant le fond du panneau. Le problème technique identifié réside dans l’existence de cet espace résiduel apparent entre l’extrémité visible de la nappe tendue dont l’aspect est inesthétique. L’invention se propose de résoudre ce problème.
Le brevet EP 121 tel que limité comporte désormais neuf revendications dont les dispositions seront rappelées au fur et à mesure de leur examen.
*

La société Newmat développe des moyens différents en fonction des revendications indépendantes critiquées: -Revendication 1 : défaut de nouveauté, ou à minima défaut d'activité inventive;
-Revendication 2 : défaut d'activité inventive;
-Revendication 3 : défaut de nouveauté, ou à minima défaut d'activité inventive, et extension de l'objet au-delà de la demande telle que déposée.
Elle demande l’annulation des revendications dépendantes des mêmes chefs.

La société Normalu y répond pour chaque revendication. Seront donc examinés les moyens invoqués pour chacune des revendications.

*

Sur la validité de la revendication n°1 du brevet EP 121 limité

Revendication 1: Dispositif (1) de fausse paroi comportant un panneau (3) formé d'une nappe (7) tendue fixée à la base d'un châssis (9), ledit châssis (9) étant constitué par l'assemblage d'éléments profilés (11) formant ses côtés, lequel panneau (3) étant apte à être placé dans un cadre externe (5), qui est muni de parois latérales (13) et d'un fond (15), chaque élément profilé (11) du châssis (9) du panneau (3) présentant une section droite globalement avec une section transversale en forme de triangle rectangle dont la pointe est dirigée vers la base du châssis et dont l'hypoténuse constitue la partie interne (21) dudit châssis, la partie externe (23) dudit profilé (11) étant orientée perpendiculairement à ladite base, le profilé comprenant également une partie supérieure (22) qui est munie d'un logement longitudinal (28) destiné à recevoir des moyens de liaison entre le châssis (9) et le cadre externe (5) caractérisé en ce que la partie externe (23) dudit profile (11) est munie d'un logement (25) de réception d'une bordure périphérique (20) de la nappe (7), en ce que ledit logement (25) de réception de la bordure périphérique (20) de la nappe (7) débouche sur la partie externe (23) et est intégré dans l'épaisseur du profile (11), entre la partie interne (21) et la partie externe (23) et en ce que la partie interne (21) comporte une extrémité basale munie d'une aile d'appui (21) de la nappe venant au droit de la partie externe (23). Décision du 28 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/14082
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Sur la date de priorité

Moyens des parties

La société Newmat invoque en premier lieu le défaut de nouveauté de cette revendication en raison de l’auto-divulgation de l’invention par la société Normalu ainsi que par l’existence d’une antériorité de toute pièce.
Elle considère que la revendication n°1 ne peut bénéficier du droit de priorité de la première demande de brevet FR 087 et expose qu’il convient de se placer à la date du dépôt de la demande de brevet EP121, soit le 29 octobre 2010, pour apprécier la nouveauté.

Rappelant les articles 4 de la Convention de l'Union de Paris, 87 et 88 al.4 de la Convention sur le brevet européen, elle met en exergue les différences entre l'objet de la revendication 1 du brevet EP 121 et celle du brevet FR 087, estimant que le champ de l’invention du brevet EP 121 est beaucoup plus large que celle du brevet français. Elle relève que l’invention, dans le brevet FR 087, est constituée d’un dispositif pourvu d’un cadre externe et de moyens de liaison tandis que l’invention du brevet EP 121 comprend un dispositif qui est apte à être placé dans un cadre externe et est muni d’un logement destiné à recevoir des moyens de liaison. Elle ajoute que le brevet EP 121 prévoit que le logement de réception est intégré dans l’épaisseur du profilé, ce qui ne figure pas dans le brevet FR 87. Elle en déduit que la personne du métier n’aurait pas pu déduire directement et sans ambiguité, de la lecture du brevet FR 087, que l’invention pouvait se concevoir sans cadre externe, quel que soit sa nature, et sans moyens de liaison, peu important qu’il s’agisse, ou non de caractéristiques essentielles à la résolution du problème technique.

Elle rappelle que tant les juges nationaux que l’OEB sont prudents à admettre qu’une caractéristique uniquement représentée sur une figure et non décrite, puisse être utilisée comme un élément d’une invention protégée par une revendication modifiée.

En réponse, la société Normalu estime que la revendication 1 du brevet bénéficie bien de la date de priorité du brevet FR 087.
Elle rappelle que pour en bénéficier, l’invention doit avoir été divulguée dans la demande antérieure, qui doit porter sur la même invention. Or, elle rappelle qu’en application des textes, les caractéristiques peuvent se retrouver dans les revendications, mais aussi dans la description ou dans les figures, et que l’homme de métier peut également, en faisant appel à ses connaissances générales, déduire directement et sans ambiguité, l’objet de la revendication de la demande antérieure prise dans son ensemble. Il ne s’agit pas, selon elle, d’une comparaison stricte des revendications du brevet.

S’agissant du cadre externe et des moyens de liaison au cadre externe, si elle reconnaît qu’ils ne font plus partie des moyens revendiqués dans la revendication 1 du brevet EP 121, elle soutient que ces caractéristiques se déduisent sans ambiguités de la demande prioritaire FR 087. Elle rappelle que sa rédaction est conforme aux directives d’examen de l’OEB, lorsque dans une revendication portant sur un objet le demandeur peut tenter de définir l’invention par des caractéristiques concernant un autre objetqui ne fait pas partie du premier objet revendiqué, mais est utilisé en association avec lui. Elle considère que c’est le cas en l’espèce, dans la mesure où le dispositif de fausse paroi peut être vendu et fabriqué sans le cadre externe dans lequel il est destiné à être placé. Elle ajoute que ces caractéristiques ne sont en tout état de cause pas essentielles pour résoudre le problème technique qui est l'espace résiduel inesthétique entre le bord de la nappe et celui du panneau, la personne du métier comprenant que les caractéristiques essentielles reposent sur le panneau et le châssis.

S’agissant de la caractéristique relative à la localisation du logement se situant “dans l’épaisseur du profilé”, si elle ne figure pas dans les revendications de la demande prioritaire FR 087, elle est clairement visible, selon la société Normalu, sur la figure n°3 du brevet. Elle peut donc être déduite directement et sans ambigüité de la demande prioritaire prise dans son ensemble, en ce compris les figures, par la personne du métier.

Appréciation du tribunal

Le droit de priorité et la revendication d’un droit de priorité sont régis, dans la Convention de Munich sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973, par les articles 87, 88 et 89.
Il résulte de ces dispositions, interprétées en particulier par la Grande Chambre de recours dans sa décision G2/98 rendue le 31 mai 2001, qu'une demande de brevet ne peut bénéficier de la priorité d'une demande antérieure que si celle-ci porte sur la même invention, c'est-à-dire si la personne du métier peut, en faisant appel à ses connaissances générales, déduire directement et sans ambiguïté l'objet de cette revendication de la demande antérieure considérée dans son ensemble. La notion de “même invention”, s’interprète donc strictement pour prendre un sens équivalent à celui de “même objet”, conformément aux principes fondamentaux énoncés en matière de priorité par la convention de Paris de 1883.
En d’autres termes, si la priorité ne peut être refusée pour le motif que certains éléments de l’invention pour lesquels on revendique la priorité ne figurent pas dans les revendications formulées dans la demande dont la priorité est revendiquée (ce qui correspond à l’article 88 (4) de la CBE et à l’article 4F de la Convention de Paris), l’objet de la revendication figurant dans le brevet pour lequel on revendique la priorité, qui s’entend comme la combinaison spécifique de caractéristiques présentes dans la revendication, doit se retrouver dans la demande antérieure prise dans son ensemble; elle doit être exposée de façon précise, au moins de manière implicite, dans la demande dont la priorité est revendiquée.
L’article L. 612-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que:1. Le demandeur d'un brevet qui veut se prévaloir de la priorité d'un dépôt antérieur est tenu de produire une déclaration de priorité et de justifier de l'existence de la demande antérieure dans les conditions et délais fixés par voie réglementaire.
2. Des priorités multiples peuvent être revendiquées pour une demande de brevet, même si elles proviennent d'Etats différents. Le cas échéant, des priorités multiples peuvent être revendiquées pour une même revendication. Si des priorités multiples sont revendiquées, les délais qui ont pour point de départ la date de priorité sont calculés à compter de la date de la priorité la plus ancienne.
3. Lorsqu'une ou plusieurs priorités sont revendiquées pour la demande de brevet, le droit de priorité ne couvre que les éléments de la demande dont la priorité est revendiquée.
4. Si certains éléments de l'invention pour lesquels la priorité est revendiquée ne figurent pas parmi les revendications formulées dans la demande antérieure, il suffit, pour que la priorité puisse être accordée, que l'ensemble des pièces de la demande antérieure révèle d'une façon précise lesdits éléments.
5. Pour l'effet du droit de priorité, la date de priorité est considérée comme celle du dépôt de la demande de brevet pour l'application des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 611-11.

L’article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle dispose que :I.-Dans la mesure où un brevet français couvre une invention pour laquelle un brevet européen a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, et où le brevet européen a fait l'objet d'une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet, en application du paragraphe 3 de l'article 83 de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, le brevet français cesse de produire ses effets :
1° Soit à la date à laquelle le délai prévu pour la formation de l'opposition au brevet européen est expiré sans qu'une opposition ait été formée ;
2° Soit à la date à laquelle la procédure d'opposition est close, le brevet européen ayant été maintenu ;
3° Soit à la date à laquelle la dérogation est inscrite au registre en application du paragraphe 3 de l'article 83 de l'accord précité lorsque cette date est postérieure à celles mentionnées aux 1° et 2°.
Toutefois, lorsque le brevet français a été délivré à une date postérieure à l'une de celles qui sont fixées aux 1° à 3°, ce brevet ne produit pas d'effet.
L'extinction, l'annulation ultérieure du brevet européen ou l'inscription au registre du retrait de dérogation effectué en application du paragraphe 4 de l'article 83 de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet n'affecte pas la cessation des effets du brevet français.
II.-Lorsque le brevet européen n'a pas fait l'objet d'une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet, en application du paragraphe 3 de l'article 83 de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, le brevet français continue à produire ses effets.

Brevet FR 087
Brevet EP 121 limité
Lequel panneau (3) est placé dans un cadre externe (5)
Lequel panneau est apte à être placé dans un cadre externe (5)
Le dispositif comprenant également des moyens de liaison entre le châssis (9) et le cadre externe (5)
Le profilé comprenant également une partie supérieure (22) qui est munie d’un logement longitudinal (28) destiné à recevoir des moyens de liaison entre le châssis (9) et le cadre externe (5)

En ce que ledit logement (25) de réception de la bordure périphérique (20) de la nappe (7) débouche sur la partie externe (23) et est intégré dans l’épaisseur du profilé (11) entre la partie interne (21) et la partie externe (23).

En l’espèce, la personne du métier se définit comme un ingénieur spécialiste de la fabrication de dispositifs de fausse paroi.
S’agissant en premier lieu du “cadre externe”, la revendication n°1 du brevet FR 087 décrit un “panneau (3) placé dans un cadre externe (5)” en ligne 5 de la page 9 du brevet. La revendication n°1 du brevet EP 121 porte quant à elle sur “un panneau étant apte à être placé dans un cadre externe”.
De fait, ainsi que le reconnait la société Normalu, le brevet EP 121 n’impose pas que le dispositif comporte nécessairement un cadre externe mais seulement qu’il soit conçu de telle manière à pouvoir être placé dans un tel cadre. En effet, la description du brevet, au §17 de la colonne 3, précise de manière expresse que “dans l’exemple d’utilisation représenté, le cadre externe (5) forme une enveloppe destinée à être fixé à une paroi telle qu’un mur ou un plafond. Toutefois, le cadre externe (5), au sens de la présente invention, pourra également être constitué par une niche aménagée dans une paroi ou bien par un poteau en H ou en U équipé de deux parois latériales transversales supplémentaires pour former ainsi le réceptacle du panneau 3.” Il est ainsi indiqué, dans la description du brevet, que le cadre externe peut être pré-existant au dispositif et extérieur à lui.
Or, si les revendications du brevet FR 087 décrivent un panneau placé dans un cadre externe, il est envisagé de manière tout aussi expresse dans la description du brevet (aux lignes 5 à 10 de la page 4), que ce cadre peut être, selon un mode de réalisation de l’invention, constitué par une niche, un poteau en H ou U. Par conséquent, bien que cette caractéristique ne figure pas dans la revendication du brevet français, la personne du métier est en mesure de comprendre, sans ambiguité, à la lecture de la description de ce brevet pris dans son ensemble, qu’une telle désolidarisation est possible. Elle peut ainsi déduire directement du brevet FR 087 l’objet de la revendication 1 du brevet EP121.
Il en est de même s’agissant ensuite des moyens de liaison. La revendication n°1 du brevet FR 087 décrit “un dispositif comprenant également des moyens de liaison entre le châssis (9) et le cadre externe (5)” tandis que le brevet EP121 divulgue “un logement longitudinal (28) destiné à recevoir des moyens de liaison entre le châssis (9) et le cadre externe (5)”.
Là encore, si cette caractéristique n’est plus revendiquée dans le brevet EP 121, la personne du métier est en mesure, sans ambiguité, de comprendre l’invention à la lecture de la description du brevet FR087 dans laquelle il est précisé, en page 7 aux lignes 5 à 7, que “la partie supérieure (22) est munie d’un logement longitudinal (28) destiné à recevoir des éléments de liaison du châssis au cadre externe”.
Enfin, dans la revendication 1 du brevet EP 121 figure une caractéristique concernant la localisation du logement de la bordure de la nappe qui ne figure pas dans les revendications du brevet FR 087: il “est intégré dans l’épaisseur du profilé (11), entre la partie interne (21) et la partie externe (23).”
Cependant, dans la description du brevet FR 087, il est précisé en lignes 26 et suivantes de la page 6, que “selon une caractéristique essentielle de l’invention, la partie externe (23) du profilé (11) est munie d’un logement (25) destiné à recevoir la bordure périphérique (20) de la nappe (7) tendue. Ce logement (25) comporte un épaulement (26) sur lequel l’extrémité libre de la bordure périphérique (20) vient en appui, permettant ainsi le verrouillage et l’enclenchement de la nape (7) dans ce logement (25). Ce logement (25) de réception de la bordure périphérique de la nappe tendue est situé à proximité de l’extrémité basale dudit profilé (11)”.
Si les revendications et la description du brevet ne précisent pas que le logement est intégré dans l’épaisseur du profilé entre la partie interne et la partie externe, cette caractéristique de l’invention du brevet EP 121 apparaît en revanche clairement à la personne de métier qui prend connaissance de la figure n°3 du brevet FR 087 ( qui est identique à la figure n°3 du brevet EP 121), relative à une première réalisation de l’invention.
Le fait que le logement se situe “dans la partie externe” suppose en effet l’absence de logement en saillie et donc la présence du logement entre la partie interne et la partie externe. La personne du métier qui lit description du brevet et consulte la figure précitée, est en mesure, en tenant compte de la solution recherchée au problème technique posé, de déduire sans ambiguité la localisation de ce logement, puisqu’il s’agit de supprimer l’espace résiduel entre l’extrémité inférieure du bord extérieur du panneau et l’extrémité visible de la nappe tendue.
Il est d’ailleurs mis en exergue, aux lignes 25 et suivantes de la description du brevet, que “la bordure périphérique de la nappe vient s’enclencher dans la partie externe des profilés” et “la nappe va ainsi recouvrir l’ensemble de la face inférieure et également une portion de la partie externe dudit châssis, l’espace résiduel présent dans les profilés selon l’art antérieur connu étant ainsi supprimé”. La mesure de l’épaisseur du profilé apparaît indifférente.
Il y a donc lieu de considérer que cette précision dans le brevet EP 121 constitue une description plus détaillée de l’effet obtenu par la mise en oeuvre des caractéristiques de l’invention que la personne du métier peut comprendre, sans ambiguité, du brevet français pris dans son ensemble.Décision du 28 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/14082
N° Portalis 352J-W-B7D-CRHUO

Par conséquent, la société Normalu peut se prévaloir de la date de priorité du brevet FR087, soit le 29 octobre 2009, s’agissant de la revendication n°1.
Sur la nouveauté

La société Newmat soutient un premier moyen relatif à l’autodivulgation de la revendication 1 du brevet EP 121 par la société Normalu, par le biais de la commercialisation de produits dans un catalogue Barrisol de janvier 2010 qui reprennent, selon elle, les caractéristiques de la revendication 1. Ce moyen n’est toutefois soutenu que si le tribunal estime que la date de priorité ne peut être retenue.
La société Newmat soutient qu’il existe en tout état de cause, une antériorité de toute pièce, le brevet JP 2001-307533 (dit Yokoyama) publié le 2 novembre 2000. Selon elle, ce brevet résoud le même problème technique que la revendication n°1 du brevet EP 121, à savoir proposer un dispositif dans lequel la totalité de la surface de la nappe est éclairée, sans qu'une ombre disgracieuse ne soit projetée. Autrement dit, il en améliore le rendu esthétique. Elle ajoute qu’il divulgue un dispositif comportant l’ensemble des mêmes caractéristiques que la revendication 1 d’EP 121.

En réponse à l’absence alléguée d’une aile d’appui prenant la forme d'une prolongation longitudinale dans le brevet Yokoyama, la société Newmat souligne que la présence d'une aile d'appui suffit et que sa forme importe peu. Elle relève qu’elle a bien la même fonction que dans le brevet EP 121, et ajoute que le fait que l’aile d’appui soit en saillie n’étant pas revendiqué par la société Normalu. Elle conclut qu’il s’agit d’un détail mineur qui n’a pas de fonction propre.

La société Normalu conteste l’existence d’une antériorité destructrice de nouveauté.
S’agissant de l’autodivulgation dénoncée, elle rappelle que les deux catalogues Barrisol, datés respectivement janvier 2010 et avril 2010, sont postérieurs à la date de priorité dont bénéficie la revendication n°1 du brevet EP 121 et sont donc inopposables.

La société Normalu considère en outre que le brevet Yokoyama (JP 2001-307533) ne divulgue pas l’ensemble des caractéristiques de la revendication n°1 du brevet EP 121, dans la mesure où les profilés ne comportent aucune aile d'appui supplémentaire qui ferait saillie dans le prolongement de la partie externe, à la différence du brevet EP 121. Or, cette aile d’appui permet d’obtenir une empreinte plus réduite sur la feuille. Elle estime que faute pour les parties internes des profilés Yokoyama de comporter une extrémité basale munie d'une aile d'appui de la nappe venant au droit de la partie externe, il n’y a pas d’antériorité de toute pièce.

Appréciation du tribunal

L’article 52 de la convention sur le brevet européen (ci-après CBE) dispose que les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle.
L’article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d’un État contractant si l’objet du brevet européen n’est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 et l’article 54 définit ainsi la nouveauté : une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique.
Il est ainsi constant que l'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique : l'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement.
A titre liminaire, il convient d’écarter les catalogues Barrisol qui ne peuvent être utilement opposés comme antériorités pour être postérieurs à la date de priorité retenue.
Le brevet JP 2001-307533 Yokoyama intitulé “Système d’éclairage” a été publié le 2 novembre 2000. Il est donc compris dans l’état de la technique à la date de priorité du brevet EP121 et constitue une antériorité opposable. Il porte sur un dispositif d’éclairage disposé sur un plafond, une surface murale ou similaire et, en particulier, diffuse la lumière provenant d’une pluralité de sources lumineuses.

La société Normalu ne conteste pas qu’il s’agit d’un dispositif comportant un panneau formé d’une nappe tendue fixée à la base d’un châssis lui même constitué d’éléments profilés formant ses côtés. Seule l’existence de la caractéristique relative à l’ “extrémité basale munie d’une aile d’appui de la nappe venant au droit de la partie externe” fait débat.
Or, dans la description afférente à la figure 12 du brevet ci-dessus représentée, en son paragraphe [0017], il est bien indiqué que “la surface inclinée 7c est formée dans la zone de la pointe du cadre (7), la largeur de la pointe 7a peut être extrêmement réduite, et la feuille de diffusion de la lumière (8), tendue sur la pointe du cadre 7 a, une zone qui ne contribue pas à l’éclairage”. Elle peut être de faible largeur. En outre, comme la lumièreprovenant de la source lumineuse est également irradiée dans la direction de la surface inclinée 7c, [...] lorsque couverture d’éclarage 4 est vue de dessous, toute la surface de la couverture d’éclairage semble émettre de la lumière”. Dès lors, cette pointe, à l’extrémité de la partie externe, destinée à permettre un appui de la nappe réduisant au mieux l’ombre portée, détruit la nouveauté de la caractéristique discutée de la revendication n°1 du brevet EP 121.
Il s’agit donc d’une antériorité de toutes pièces, destructrice de nouveauté. La revendication n°1 doit être annulée de ce chef.
Sur la validité de la revendication 2 du brevet EP 121 limité

Revendication n°2: “Dispositif (1) de fausse paroi comportant un panneau (3) formé d’une nappe (7) tendue fixée à la base d’un châssis (9), ledit châssis (9) étant constitué par l’assemblage d’éléments profilés (11) formant ses côtés, lequel panneau (3) est placé dans un cadre externe (5), qui est muni de parois latérales (13) et d’un fond (15), le dispositif comprenant également des moyens de liaison entre le châssis (9) et le cadre externe (5), chaque élément profilé (11) du châssis (9) du panneau (3) présentant une section droite globalement avec une section transversale en forme de triangle rectangle dont la pointe est dirigée vers la base du châssis et dont l’hypoténuse constitue la partie interne (21) dudit châssis, la partie externe (23) dudit profilé (11) étant orientée perpendiculairement à ladite base, caractérisé en ce que la partie externe (23) dudit profilé (11) est munie d’un logement (25) de réception d’une bordure périphérique (20) de la nappe (7), et en ce que ledit logement (25) de réception de la bordure périphérique (20) de la nappe (7) débouche sur la partie externe (23) et est intégré dans l’épaisseur du profile (11), entre la partie interne (21) et la partie externe (23) et en ce que au moins une paroi latérale (13) du cadre externe (5) est mobile de sorte à permettre un accès dans l’espace interne défini entre le panneau (3) et le fond (15) dudit cadre externe (5).»

Le dispositif de fausse paroi revendiqué n'est plus formé du seul panneau, mais de l'ensemble panneau et châssis externe.

Moyens des parties

La société Newmat expose que la revendication n°2 est nulle pour défaut d’activité inventive.
S’agissant de l’appréciation de la date de priorité pour la détermination de l’art antérieur, elle considère que cette revendication ne peut pas non plus bénéficier de la date de priorité du brevet FR 087 dans la mesure où la caractéristique relative à la localisation du logement de la bordure de la nappe n'y est pas divulguée. Elle soutient que la personne du métier n’aurait pu déduire directement et sans ambiguité du brevet FR 087 que la partie externe pouvait comporter le logement de réception de la bordure de la nappe.

Elle se prévaut donc, en premier lieu, de la commercialisation par la société Normalu d’un produit figurant dans ses catalogues Barrisol de janvier 2010 qui, selon elle, divulgue la plupart des caractéristiques de la revendication n°2 du brevet EP 121.
Décision du 28 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/14082
N° Portalis 352J-W-B7D-CRHUO

Si la date de priorité du 30 octobre 2009 devait être retenue, elle estime que la revendication doit être annulée au regard du brevet FR 2 882 588 (ci-après FR 588), art antérieur le plus proche, qui enseigne le préambule de la revendication n°2.

Dans la mesure où la différence entre ce brevet et la revendication n°2 du brevet EP 121 réside dans la suppression de l’espace résiduel formé par le logement dans lequel le bord de la nappe vient se fixer et la création d’un accès à l’espace interne par déplacement d’une paroi latérale du cadre qui est mobile, la société Newmat identifie deux problèmes techniques: l’amélioration esthétique de l’éclairage et la fourniture d’un moyen alternatif pour accéder à l’espace interne.

Or, elle considère que la personne du métier, cherchant à résoudre la première difficulté, aurait été incitée à modifier les profilés du document FR 588, comme pour la revendication n°1, en prenant connaissance du document Okamura (brevet japonais JP 2000-311513). Elle ajoute, s’agissant du second problème, qu’au vu de ses connaissances générales, la personne du métier aurait nécessairement rendu mobile l’une des autres parois du cadre, puisqu’il s’agit d’une simple alternative, dépourvue d’effet technique. Elle relève d’ailleurs que cette caractéristique n’est illustrée par aucune figure. A moins d’être évidente, elle serait en tout état de cause insuffisamment décrite ce qui justifierait le prononcé de la nullité. Elle conclut à la nullité de la revendication, la personne du métier ne combinant qu'un seul document à l'état de la technique le plus proche avec ses connaissances générales pour obtenir l'invention revendiquée.

Elle considère que l'argument sur la synergie des trois dernières caractéristiques de la revendication n'aurait pas lieu d'être dans la mesure où il s'agit d'une simple juxtaposition de moyens techniques.

S’agissant de la date de priorité, la société Normalu estime que la caractéristique relative à la localisation du logement de la bordure de la nappe découle directement et sans ambigüité des figures n°3 et 4 du brevet FR 087 et renvoie à ses développements précédents. Elle en déduit que les catalogues Barrisol ne font pas partie de l'état de la technique opposable.
S’agissant des autres antériorités opposées, la société Normalu note que le document FR 588 enseigne de monter le caisson pivotant par rapport à un cadre externe pour faciliter les opérations de maintenance, de manière à pouvoir faire pivoter ledit caisson. Elle soutient qu’il y a bien un effet technique à la caractéristique de la revendication n°2 du brevet EP 121 consistant à rendre mobile une des parois latérales du cadre, dans la mesure où la position du logement de l’extrémité de la nappe a un effet sur le positionnement des loquets qui permettent de faire pivoter le panneau. Elle en conclut que le problème technique consiste à améliorer l'esthétisme du dispositif de fausse paroi tout en permettant un accès aisé à l'espace interne défini entre le panneau et le fond du cadre externe.

Elle considère qu’en plus de ne pas inciter la personne du métier à obtenir un profilé présentant la forme d’un triangle rectangle avec une partie externe orientée perpendiculairement à la base, l’antériorité FR 588 n’incite pas à rendre mobile une paroi du cadre. Elle estime que ni les connaissances générales de la personne du métier, ni l'état de le technique ne divulguent ou ne suggèrent de rendre mobile une paroi latérale du cadre externe. La personne du métier ne rencontrerait aucune difficulté à identifier un moyen d'articulation pour permettre la mobilité d'une paroi de cadre externe; ce n'est toutefois pas l'objet de la caractéristique discutée qui ne concerne que le caractère mobile du cadre externe et non un moyen innovant pour rendre mobile une paroi latérale du cadre externe. Cette caractéristique ne relève donc pas, selon elle, de l'évidence.

Appréciation du tribunal

L’article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d’un État contractant si l’objet du brevet européen n’est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 et l’article 56 prévoit qu’une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique.
Les éléments de l’art antérieur ne sont destructeurs d’activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l’évidence à cette dernière d’apporter au problème résolu par l’invention, la même solution que celle-ci.
Pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part, l'état de la technique le plus proche, d'autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour la personne du métier.
En effet, les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci.
S’agissant de la fixation de la date de priorité, il est renvoyé aux §25 à 42 de la présente décision. Si les revendications du brevet FR 087 ne précisent pas que le logement est intégré dans l’épaisseur du profilé entre la partie interne et la partie externe, cette caractéristique de la revendication n°2 du brevet EP 121 apparaît en revanche clairement à la personne du métier qui prend connaissance de la figure 3 du brevet FR 087, relative à une première version de réalisation de l’invention, qui doit être prise en considération comme étant l’invention “dans son ensemble”. Il y a lieu de considérer que la revendication n°2 du brevet EP 121 bénéficie de la date de priorité du brevet FR 087.
La personne de métier est un ingénieur spécialiste de la fabrication de dispositifs de fausse paroi.
Il convient en premier lieu d’écarter l’examen des catalogues Barrisol de janvier 2010 qui sont postérieurs à la date de priorité du 30 octobre 2009.
Les parties s’accordent pour considérer le brevet FR 2 882 588 déposé le 25 février 2005 et intitulé “Caisson Lumineux à raidisseur invisible” comme l’état antérieur le plus proche. Il importe de rappeler que cette invention concerne un caisson lumineux constitué d’un élément profilé découpé et assemblé en forme de cadre, à la base duquel est fixée une nappe translucide, ce caisson étant notamment destiné à être disposé à côté de caissons de même type, de façon à constituer une matrice d’éclairage. Il relève donc du même domaine technique que l’invention du brevet EP 121. Il n’est pas non plus discuté que ce brevet enseigne la partie non caractérisante de la revendication n°2 du brevet EP 121, en ce qu’il prévoit un panneau, composé d’un châssis, constitué d’éléments profilés, à la base duquel est fixée une nappe transparente ou translucide, le panneau étant placé dans des éléments de cloisonnement s’apparentant au cadre externe et comportant des éléments de liaison. Les profilés, ainsi que cela ressort de la figure n°3 du brevet, présentent une section droite (externe) avec une section transversale (interne) la partie externe étant perpendiculaire à la base du châssis.
La différence entre le brevet FR 588 et la revendication n°2 du brevet EP 121 réside donc: - dans le fait que le logement de la bordure périphérique de la nappe est désormais situé dans la partie externe du profilé, débouche sur la partie externe et est intégré dans l’épaisseur du profilé entre la partie interne et la partie externe;
- dans le fait que ce n’est pas le caisson lumineux qui pivote afin de faciliter les opérations de maintenance, mais une paroi latérale du cadre externe qui est mobile.

Le problème technique est donc à la fois d’améliorer l’esthétique du dispositif en supprimant l’espace résiduel formé par le logement dans lequel le bord de la nappe vient se fixer, pour qu’il ne soit plus visible du dessous de la toile et de trouver une manière alternative de permettre les opérations de maintenance à l’intérieur du dispositif (changement d’ampoule, nettoyage de la nappe).
Dans la perspective de la résolution de ce problème technique, la personne du métier aurait consulté le document de l’art antérieur japonais JP 2000-311513 (dit antériorité Okamura), publié le 7 novembre 2000, intitulé “Cadre pour système d’éclairage recouvert d’une nappe et système d’éclairage recouvert de nappe” qui est non seulement dans le même domaine technique que l’invention mais pose également un problème technique concernant l’esthétique du dispositif d’éclairage recouvert de nappe. En effet, le [0004] de la description de ce brevet fait expressément référence à une problématique d’ombre du cadre projetée sur la nappe qui recouvre l’ouverture.

La personne de métier sera, à la lecture du document, incitée à délocaliser le logement de la bordure périphérique de la nappe afin de l’intégrer dans l’épaisseur du profilé, débouchant sur la partie externe. En effet, le document JP 513 décrit aux § [0015] et [0020] et dans les figures jointes, un dispositif présenté comme étant optimisé pour que rien ne bloque la lumière, dans lequel le bord périphérique de la nappe est enroulé le long de la surface extérieure du cadre et vient se replier dans une rainure de verrouillage (équivalente au logement du brevet EP121) qui se trouve dans le bord externe du profilé, en forme de U et qui s’ouvre vers l’extérieur. Cette caractéristique figure d’ailleurs déjà sur la figure 10 du document désignée comme étant une illustration de l’art antérieur. Dès lors, à sa lecture, la personne du métier est incitée à délocaliser le logement de la bordure périphérique de la nappe afin de l’intégrer dans l’épaisseur du profilé, débouchant sur la partie externe.
Quant à l’accès à l’intérieur du dispositif, le brevet FR 588 enseigne de faire pivoter le caisson lumineux en son entier. La lecture de la description de ce brevet permet de comprendre qu’en cela, il vient résoudre un problème technique consistant à donner un accès au volume interne en particulier lorsque plusieurs caissons lumineux du même type sont positionnés les uns avec les autres pour constituer une paroi lumineuse, rendant de fait inaccessibles les autres parois latérales et de fond des caissons. Lorsqu’un seul caisson est disposé, il apparaît évident à la personne du métier, qui dispose de connaissances générales moyennes, de laisser mobile une paroi ; ce d’autant que l’absence de description plus précise de cette caractéristique dans la revendication n°2, suppose qu’il n’y a aucune particularité technique concernant notamment les points d’attache des profilés, pour la réaliser. La société Normalu indique elle-même qu’il ne s’agit pas ici de revendiquer l’invention d’un moyen innovant pour rendre mobile une paroi latérale, mais seulement du fait d’opter pour le caractère mobile d’une paroi du cadre externe.
Contrairement à ce qu’affirme la société Normalu, le brevet EP 121 ne prétend pas résoudre un problème technique résultant de la difficulté d’implanter les loquets sur le panneau de l’invention dans la mesure où la nappe recouvre désormais l’ensemble de la face inférieure et une portion de la partie externe du châssis. Cette caractéristique est d’ailleurs commune aux trois revendications indépendantes du brevet; or, dans la description, la paroi latérale ou de fond mobile est présentée comme une simple alternative possible au basculement du panneau ( “une autre possibilité est de prévoir” §20 de la colonne 3), dont la description rappelle que ce dispositif est connu de l’art antérieur au moyen de charnières et cite des exemples connus que sont le brevet FR 588, mais également le brevet FR 619. La personne de métier n’a donc pas à traiter un problème technique nouveau, ni à lutter contre un préjugé ou un enseignement reçu à la lecture du brevet. Réfléchissant à une solution alternative à l’option consistant à faire pivoter le caisson lumineur, la personne du métier décidera, avec évidence, de faire pivoter une paroi latérale ou le fond, par la mise en oeuvre d’opérations d’exécution ordinaires au regard des connaissances de l’état de la technique.
Dès lors, la revendication n°2 du brevet EP 121 doit être annulée pour défaut d’activité inventive au regard des antériorités FR 588, Okamura et des connaissances générales de la personne du métier.
*
Sur la validité de la revendication 3 du brevet EP 121 limité

Revendication n°3: « Dispositif (1) de fausse paroi comportant un panneau (3) formé d’une nappe (7) tendue fixée à la base d’un châssis (9), ledit châssis (9) étant constitué par l’assemblage d’éléments profilés (11) formant ses côtés, lequel panneau (3) est apte à être placé dans un cadre externe (5), qui est muni de parois latérales (13) et d’un fond (15), chaque élément profilé (11) du châssis (9) du panneau (3) présentant une section droite globalement avec une section transversale en forme de triangle rectangle dont la pointe est dirigée vers la base du châssis et dont l’hypoténuse constitue la partie interne (21) dudit châssis, la partie externe (23) dudit profilé (11) étant orientée perpendiculairement à ladite base, le profilé comprenant également une partie supérieure (22) qui est munie d’un logement longitudinal (28) destiné à recevoir des moyens de liaison entre le châssis (9) et le cadre externe (5) caractérisé en ce que la partie externe (23) dudit profilé (11) est munie d’un logement (25) de réception d’une bordure périphérique (20) de la nappe (7), en ce que ledit logement (25) de réception de la bordure périphérique (20) de la nappe (7) débouche sur la partie externe (23) et est intégré dans l’épaisseur du profilé (11), entre la partie interne (21) et la partie externe (23) et en ce que la partie externe (23) est creuse, le profilé comprenant une âme verticale centrale (30) comportant un extrémité supérieure qui est prolongée par le logement longitudinal (28), le profilé comprenant en outre, à proximité de l’extrémité supérieure de l’âme verticale centrale (30) une aile interne (31) et une aile externe (32) perpendiculaires à l’âme verticale centrale (30), ledit logement (25) de réception de la bordure périphérique (20) de la nappe (7) étant compris entre un bord inférieur du logement longitudinal (28), l’âme verticale centrale (30) et l’aile externe (32), l’âme verticale comprenant une extrémité basale qui est au contact de la partie interne (21), la partie interne (21) étant prolongée de manière coplanaire par une aile d’appui basale (33) de la nappe (7). »
(la partie en gras est désignée sous la référence caractéristique K par le tribunal et les parties)

La caractéristique K de la revendication n°3 correspond à la figure 4 du brevet ci-dessous reproduite:

Décision du 28 mars 2024
3ème chambre 1ère section
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N° Portalis 352J-W-B7D-CRHUO

Sur le défaut de nouveauté

Moyens des parties

La société Newmat reprend son argumentaire concernant la date de priorité. Si la date d’appréciation de l’art antérieur est le 29 octobre 2010, elle invoque tout d’abord un défaut de nouveauté du fait de l’auto-divulgation par Normalu dans ses catalogues Barrisol.
La société Normalu conclut à la validité de la priorité du brevet FR 087 et retient la date d'appréciation de la nouveauté au 30 octobre 2009. Elle estime que les catalogues Barrisol ne font pas partie de l'état de la technique opposable à l'encontre de cette revendication car le brevet EP 121 bénéficie de la priorité du brevet FR 087.
Appréciation du tribunal

Il est renvoyé aux § 25 à 42 s’agissant de la fixation de la date de priorité. Il y a lieu de retenir le 29 octobre 2009 comme date de priorité, tant et si bien que le catalogue Barrisol 2010 ne peut être utilisé comme art antérieur pertinent potentiellement destructeur de nouveauté.
Le moyen ne peut prospérer.
Sur le défaut d'activité inventive

Moyens des parties:

La société Newmat estime que l’état de la technique le plus proche est le produit lisse Ghost 4 CRC qu’elle commercialise depuis au moins le 04 février 2008, précédemment fabriqué par l'un de ses fournisseurs depuis le mois de février 2004 au moins.
Elle se prévaut d’un plan Keymark du 27 janvier 2004 comportant la mention Ghost 4 CRC, de factures datées établissant selon elle une relation commerciale non soumise au secret, donc accessible au public, d’une brochure commerciale datée, d’un extrait de son site internet, d’un catalogue daté qui ne comprend pas, par nature, de données confidentielles. Il importe peu, selon elle, que la gamme de produits ait été légèrement adaptée entre 2004 et 2009.

La société Newmat soutient que ce dispositif de fausse paroi anticipe la plupart des caractéristiques de la revendication n°3 du brevet EP 121 en ce qu’il comprend un châssis formé de profilés et qu’il est destiné à maintenir une nappe tendue formant un panneau apte à être placé dans un cadre externe. Les éléments profilés et le panneau présentent une section transversale en forme de triangle rectangle dont l’hypothénuse constitue la partie interne du châssis et la partie externe du profilé est orientée perpendiculairement à la base. Elle considère enfin que les caractéristiques K de la revendication 3 s’y retrouvent majoritairement et que la destination du profilé pour des fausses parois est évident.

Il s’agit, selon elle, de l’art antérieur pertinent le plus proche, qui ne se distingue d’EP 121 que par deux différences: le logement longitudinal destiné à recevoir les moyens de liaison et l’aile interne perpendiculaire. La société Newmat en déduit que le problème technique est double: permettre la liaison du châssis à un cadre externe et fournir une structure de profilé alternative. Elle invoque le document FR 588, dans le même domaine technique, pour conclure que la personne du métier, voulant lier la lisse ghost 4 CRC à un cadre externe, y aurait trouvé une solution évidente à son problème technique. En outre, en cherchant à modifier la structure de la lisse Ghost 4 CRC, elle aurait, de manière évidente, adjoint une aile interne perpendiculaire à l'âme verticale centrale. Il s'agit pour elle d’une simple sélection arbitraire parmi plsuieurs possibilités équivalentes. Le fait que l'aile interne aurait pour but de rigidifier le profilé, comme l’affirme la défenderesse, n'est pas décrit dans le brevet EP 121 et ne peut, selon elle, fonder une activité inventive.

La société Normalu conteste l’état de la technique le plus proche tel que défini par la société Newmat, en ce qu’aucun de les documents produits n'apporte, selon elle, la preuve certaine de l'accessibilité au public des lisses à une date antérieure à la date de priorité du brevet et encore moins la preuve certaine des caractéristiques techniques qui auraient été rendues accessible.
Elle considère que la société Newmat ne donne pas d’élément sur les circonstances dans lesquelles le plan industriel Keymark a été communiqué à la société qui apparaît être un sous-traitant. Elle estime qu’un accord de confidentialité peut être présumé et que l’accessibilité de cette pièce au public n’est pas démontrée. S’agissant des factures, elle note que le nom du vendeur n’est pas toujours mentionné, que certaines sont passées entre le sous-traitant et le fournisseur de profilé et que rien ne permet de connaître la nature de la relation commerciale liée avec la société FL Crane & sons inc. Elle qualifie la brochure commerciale produite de maquette dont le caractère public n’est pas démontré, note qu’aucune illustration ne figure sur le site internet américain de la société Newmat, alors que les lisses ont évolué dans le temps. Enfin, le catalogue technique et commercial est un classeur composé de feuilles non datées. Elle conclut que ces éléments ne peuvent constituer l’art antérieur pertinent. Elle souligne démontrer que la référence Ghost 4-CRC désigne des modèles aux géométries différentes si bien que les caractéristiques divulguées sont incertaines et que les différences entre le plan industriel de 2004 et les brochures commerciales font obstacle à la reconnaissance d’une seule et même antériorité.

Elle soutient que l’antériorité pertinente est le brevet FR 588. Si le plan et la brochure devaient être retenus comme l’art antérieur pertinent, compte-tenu des différences entre ces antériorités et la revendication n°3, elle estime que le problème technique objectif est de proposer un dispositif de fausse paroi qui puisse être installé à l'intérieur d'un cadre externe, lié à celui-ci et présentant une structure simplifiée résistante ainsi qu'un esthétisme amélioré. Or, la partie caractérisante de la revendication n°3 n’étant pas divulguée par l’antériorité française, elle considère qu’en la combinant avec les enseignements du plan et de la brochure, la personne du métier ne serait pas parvenue à un dispositif de fausse paroi comportant les caractéristiques de la revendication n°3. Elle n’était nullement incitée à équiper le profilé Ghost 4 CRC d'un logement longitudinal et à associer ce profilé à un cadre externe par des moyens de liaisons.

Appréciation du tribunal

L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public. Le public s’entend de toute personne quelconque, autre que le déposant, qui n’est pas tenue au secret à propos des informations qu’elle reçoit. La simple existence de relations d’affaires entre les parties est insuffisante à caractériser une obligation de confidentialité, qui est d’interprétation stricte. Pour entrer dans l’état de la technique, l’information doit avoir été divulguée de manière suffisamment complète et précise pour pouvoir être reproduite par la personne du métier. En effet, l’accessibilité est appréciée par rapport à la personne de métier qui doit avoir la possibilité de reproduire l’invention et non seulement de la comprendre.
En l’espèce, la société Newmat verse aux débats plusieurs pièces relatives au produit qu’elle entend opposer à titre d’antériorité sous la désignation Ghost 4 CRC, antérieures au 30 octobre 2009, date de priorité: - un plan industriel établi par la société Keymark Corporation pour la fabrication du produit et daté du 27 janvier 2004. Ce plan ne porte aucune mention de confidentialité, qui ne se présume pas du seul fait de l’existence de relations commerciales ou de sous-traitance. Le document comporte uniquement la mention suivante « Les tolérances commerciales normalisées pour les produits extrudés s’appliquent, sauf indication contraire » (« standard commercial tolerances for extruded products apply unless specified otherwise »).

- des commandes à la société Keymark par la société Newmat portant la référence du produit figurant sur le plan industriel précité (S35711 - Ghost 4-CRC Rail) en date du 16 février et du 14 octobre 2004; la référence client mentionnée est également identique. Il est ainsi établi que ces documents portent bien sur le produit objet du plan industriel précité. Les factures versées en pièce 13 comportent en revanche trop d’éléments masqués pour être suffisamment probantes.
- une facture du 4 février 2008 portant sur la fourniture de “Ghost 4-CRC rails” à un client, la société FL Crane & Sons Inc. Cet élément est pertinent dans la mesure où il s’agit d’une société tiers, cliente, dont il n’est ni allégué ni démontré qu’elle fasse partie du groupe Newmat. Cette facture produite ne fait pas mention d’une obligation de confidentialité, s’agissant d’une vente commerciale;
- la maquette d’un catalogue daté de mai 2009 comportant le produit Ghost 4 CRC, établie par M. [I], un tiers;
- un catalogue commercial technique Newmat USA, daté de 2006, qui comporte le produit. S’il s’agit d’un classeur, les pages sont bien numérotées;
Décision du 28 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 19/14082
N° Portalis 352J-W-B7D-CRHUO

- une capture d’écran du site internet www.newmatworld.com dans sa version “archives”; cependant, si la référence Ghost 4 CRC-rails est mentionnée, il n’y a pas d’illustration, ce qui affaiblit la force probante de cette pièce.
Il y a dès lors lieu de considérer qu’il ressort de ces documents la démonstration d’une accessibilité au public du produit de la société Newmat référencé Ghost 4 CRC rails avant la date de priorité.

Il est vrai que le produit apparaît avoir légèrement évolué entre le plan industriel de 2004 et la photographie qui figure dans le catalogue commercial de 2009. On constate en effet l’apparition d’un support sous forme de tablette à l’intérieur du profilé et une légère modification du logement de réception de la nappe. Cependant, ces modifications n’affectent pas les caractéristiques alléguées comme étant communes avec l’invention brevetée par la société Normalu.

Plan industriel 2004 Catalogue mai 2009

Quand bien même il serait considéré qu’il existe deux antériorités, celle de 2004 et celle de 2009, on y retrouve les caractéristiques suivantes du brevet EP 121: - il s’agit bien d’un profilé qui peut être assemblé à d’autres, formant les côtés, destiné à maintenir une nappe destinée à former un panneau. En effet, l’usage de ce profilé ressort clairement des documents précités, en particulier des brochures commerciales professionnelles qui concernent exclusivement des plafonds tendus, la société Newmat étant par ailleurs spécialisée dans ce domaine;
- il est apte à être placé dans un cadre externe puisqu’il a justement vocation à être utilisé dans un plafond tendu; quant à l’orientation du profilé, elle est acquise à la personne du métier, dont il faut rappeler qu’elle est un professionnel du domaine de la fabrication de dispositions de fausses parois et dispose ainsi de connaissances générales moyennes en la matière. Il sera au demeurant souligné que le plan de fabrication illustre le produit dans le bon sens d’utilisation;
- il y a bien une partie supérieure;
- on retrouve une section droite, en interne du profilé, dont la pointe est dirigée vers le bas du chassis, l’hypothénuse en constituant la partie interne,
- la partie externe est bien perpendiculaire à la base, et comprend un logement de réception de l’extrémité de la nappe, qui débouche sur la partie externe et est intégrée au profilé.

Mais on retrouve également, s’agissant des caractéristiques K : - une partie externe creuse, ce qui singularise l’invention objet de la revendication n°3 des deux autres revendications;
- le profilé comprend bien une âme verticale centrale, dotée d’une aile externe, le logement de récupération de la bordure périphérique de la nappe étant compris entre le support supérieur et l’aile externe;
- l’âme verticale comprend une extrémité basale en contact avec la partie interne;
- la partie interne est prolongée de manière coplanaire par une aile d’appui basale de la nappe.

Dès lors, les différences entre cette antériorité et l’invention du brevet EP 121 résident dans: - l’absence de logement longitudinal destiné à recevoir des moyens de liaison entre le châssis et le cadre externe;
- le profilé ne comprend pas, à l’extrémité supérieure de l’âme verticale centrale, une aile interne.

Si l’enseignement du brevet FR588 correspond bien au préambule de la revendication 3, aucune des caractéristiques K et celles tendant à l’existence du logement de réception de la bordure périphérique de la nappe débouchant sur la partie externe intégré dans l’épaisseur du profilé n’est en revanche divulguée. De ce fait, les différences sont plus importantes avec l’invention décrite dans la revendication n° 3 du brevet EP 121.
L’antériorité Ghost 4-CRC, située dans le même domaine technique que l’invention litigieuse, avec une utilisation semblable, est donc l’état antérieur le plus proche dans la mesure où elle appelle le moins de modifications structurelles pour parvenir à l’invention revendiquée.
Dès lors, le problème technique à résoudre est double. Le premier concerne l’existence du logement longitudinal permettant de recevoir les moyens de liaison. Le problème technique porte donc sur la recherche d’un moyen permettant de lier le châssis au cadre externe. Le second problème technique est moins évident, dans la mesure où l’utilité de l’aile interne, à l’extrémité supérieure de l’âme verticale, n’est pas expliquée dans le brevet; de fait, il n’est à aucun moment question, par ce biais, de renforcer la résistance du profilé. Il pourrait donc consister, ainsi que l’indique la société Newmat, en la détermination d’une structure de profilé alternative et simple.
Or, partant de cette antériorité, la personne du métier est incitée à consulter le brevet FR 588, qui relève du même domaine technique que l’invention. Ce brevet, propose un élément de liaison du châssis au cadre “ dans un tel mode de mise en oeuvre, le caisson est habituellement maintenu en position de fonctionnement en quatre points. Deux points de maintien sont constitués par les deux axes et l’élément coulisseau et les deux autres sont constitués par des loquets de fixation formés de deux éléments respectivement solidaires du caisson et de l’élément de cloisonnement” (page 6 de la description lignes 19 à 25), illusté à la figure 4. Par conséquent, la personne du métier, partant de la lisse Ghost 4 CRC et cherchant un moyen de lier le châssis à un cadre externe, est incitée à positionner un logement destiné à recevoir un moyen de liaison sur la partie supérieure de l’aile interne.
Quant à la question de l’aile interne, la société Normalu affirme qu’elle a un rôle de renforcement de la structure et simplifie la géométrie du profilé. Cependant, la fonction de cette caractéristique particulière n’est pas expliquée dans le brevet ni même évoquée, et ne peut donc être déduite sans ambiguité du brevet par la personne du métier. Seule est abordée la problématique de la rigidité du panneau, renforcée par des éléments raidisseurs qui ne sont pas l’aile interne en cause (description colonne 1 [0004]). La société Normalu, qui soutient que cela se déduit du fait qu’elle forme une nervure, ne le démontre pas non plus. Cette aile interne, qui n’est reliée à aucun autre élément, apparaît donc arbitraire.
A supposer même qu’elle ait, comme le soutient la société Normalu, une fonction de rigidification du profilé, d’équilibrage des charges, cette dernière expose que la rigidité du profilé varie en fonction de sa géométrie et que l’aile supplémentaire a pour fonction d’obtenir un “moment quadratique” plus élevé qu’en présence d’une âme seule. Le “moment quadratique” se définit, selon l’extrait du site internet Wikipedia cité par la société Normalu dans ses conclusions, comme une grandeur qui caractérise la géométrie d’une section et se définit par rapport à un axe ou à un point, s’exprime en mètre à la puissance 4 et est utilisée, par exemple, pour calculer la résistance et la déformation des poutres sollicitées en torsion et en flexion. Cependant, la société Normalu souligne elle-même qu’il est connu de la personne du métier que lorsque l’on fait varier la géométrie de la section d’un profilé, on fait varier la rigidité de celui-ci. Cet élément relèverait donc, à le supposer établi, des connaissances générales de la personne du métier telle qu’elle a été définie, et ne nécessite aucune activité inventive. Il importe enfin de rappeler que ni le cadre externe, ni les moyens de liaison ne sont des caractéristiques revendiquées.
Par conséquent, la revendication n°3 du brevet EP 121 doit être annulée pour défaut d’activité inventive, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner le moyen tiré de l’extention de l’objet au-delà de la demande.
***

Sur la validité des revendications dépendantes

Les revendications dépendantes, après limitation, du brevet EP 121 sont les suivantes:
Revendication n°4: Dispositif (1) de fausse paroi selon l’une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que le logement (25) de réception de la bordure périphérique (20) de la nappe (7) présente une section droite globalement rectangulaire, ouverte sur un côté débouchant sur la partie externe (23), et comporte un épaulement (26) au bord de ladite ouverture.

Revendication n°5: Dispositif (1) de fausse paroi selon l’une quelconque des revendications 1 à 4 caractérisé en ce que le logement (25) s’étend perpendiculairement à la partie externe (23) en direction de la partie interne (21).

Revendication n°6: Dispositif (1) de fausse paroi selon l’une quelconque des revendications 1 à 5 caractérisé en ce qu’il comporte en outre un ensemble charnière reliant le panneau (3) au cadre externe (5) de manière à permettre un basculement dudit panneau par rapport audit cadre.

Revendication n°7: Dispositif (1) de fausse paroi selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que le logement de réception (25) de la bordure périphérique (20) de la nappe (7) tendue est situé à proximité de l’extrémité basale dudit profilé (11).

Revendication n°8: Dispositif (1) de fausse paroi selon la revendication 2 ou 3, caractérisé en ce que le logement de réception (25) est situé à proximité de la partie supérieure (22) du profilé (11);

Revendication n°9: Utilisation du dispositif (1) de fausse paroi selon l’une quelconque des revendications précédentes pour la réalisation de caissons lumineux.

Sur le défaut de nouveauté

Moyens des parties

La société Newmat considère en premier lieu que les revendications n°4, 5, 7, 8 et 9 ne peuvent bénéficier de la date de priorité du brevet FR 087 car, outre le fait que la nouvelle revendication 1 du brevet EP 087 n'est pas supportée par le brevet FR 087, les revendications n°4 et 5 du EP 121 précisent des caractéristiques qui sont absentes du brevet FR 087. Elle se prévaut de l'auto-divulgation des revendications précitées par la société Normalu dans les catalogues Barrisol de janvier 2010 et avril 2010, qui divulguent, selon elle, toutes les caractéristiques couvertes par les revendications n°4, 5 et 7, visibles sur les vues en coupe des profilés BS 355/35 et BSC 355/35, ainsi que la revendication n°9 pour la réalisation de caissons lumineux.
Elle considère que les revendications n°5, 6 et 9 souffrent également d’un défaut de nouveauté au regard du brevet JP 2001-307533 (Yokoyama), si la date de priorité du 30 octobre 2009 du brevet FR 087 devait être retenue. Elle souligne, en réponse à la défenderesse, que, dans les revendications n°5, 6 et 9, l'usage de l'expression "selon l'une quelconque des revendications" englobe une référence à la seule revendication n°1, à l'exclusion de toute autre caractéristique.

La société Normalu conclut à la validité de la priorité du brevet FR 087et date l'appréciation de la nouveauté au 30 octobre 2009. Les revendications n°4 et 5 sont, selon elle, clairement visibles sur les figures 3 et 4 du brevet FR 087.
La société souligne que l'ensemble des revendications dépendantes n°4 à 9 bénéficie de la date de priorité du brevet FR 087 si bien que les catalogues Barrisol n'appartiennent pas à l'état de la technique opposable. Quant au brevet JP 2001-307533 (Yokoyama), elle conclut à la nouveauté dans la mesure où les revendications n°1,2 et 3 dont elles dépendent sont nouvelles par rapport à ce brevet. Comme une revendication dépendante est une revendication qui contient l'ensemble des caractéristiques de la revendication indépendante dont elle dépend, les revendications n°5,6 et 9 qui dépendent des nouvelles revendications n°1, 2 et 3 doivent être considérées comme nouvelles.

Appréciation du tribunal

S’agissant de la fixation de la date de priorité, il est renvoyé aux développements des § 25 à 42 qui concernent la revendication n°1. Les revendications n°4, 5, 7, 8 et 9 lui sont dépendantes et s’agissant des revendications n°4 et 5, si les caractéristiques ne sont pas reprises dans les revendications du brevet FR 087, elles apparaissent en revanche clairement sur les figures 3 et 4. Il s’agit donc d’une description plus précise d’une invention qui se retrouve, les concernant, dans le brevet FR 087 pris dans son ensemble. Il y a lieu de considérer que ces revendications bénéficient de la date de priorité du brevet français et d’écarter les catalogues Barrisol comme ne faisant pas partie de l’art antérieur.
L’article 52 de la convention sur le brevet européen (ci-après CBE) dispose que les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle.
L’article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d’un État contractant si l’objet du brevet européen n’est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 et l’article 54 définit ainsi la nouveauté : une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique.
Il est ainsi constant que l'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique : l'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement.
Il est constant que la validité de la revendication principale entraîne celle des revendications dépendantes et qu’une revendication doit être brevetable selon toutes les alternatives qu’elle recouvre.
Seule la revendication n°1 a succombé au grief de nouveauté, au regard de l’antériorité Yokoyama (brevet JP 2001-307533).

Or, il apparaît que cette antériorité divulgue également de toute pièce les revendications n°5, 6 et 9, en ce que le logement s’étend bien perpendiculairement à la partie externe en direction de la partie interne (revendication n°5), le dispositif comporte bien un ensemble charnière pour relier le panneau au cadre de manière à permettre un basculement du panneau par rapport au cadre (revendication n°6) et peut être utilisé pour la réalisation de caissons limineux (revendication n°9).
Les revendications dépendantes 5, 6 et 9 doivent être annulées pour défaut de nouveauté.

Sur le défaut d'activité inventive

Moyens des parties

La société Newmat soutient que les caractéristiques décrites dans les revendications sont banales et ne sont l’objet d’aucune activité inventive. - les caractéristiques décrites dans les revendications n°4 (et 5) se retrouvent dans les documents Yokoyama, Okamura et sur le plan de la lisse Ghost 4 CRC;
- les caractéristiques décrites dans la revendication n°6 se retrouvent dans les brevets FR 588 et Yokoyama;
- les caractéristiques des revendications n°7 et 8 sont des choix arbitraires sans effet technique, variantes d’exécution qui ne nécessitent pas d’activité inventive. Elle ajoute que la revendication n°8, en ce qu’elle contredit la revendication n°1, encourt la nullité également pour insuffisance de description;
- les caractéristiques de la revendication n°9 sont divulguées par les antériorités Yokoyama, Okamura et FR 588.

La société Normalu conclut qu’une revendication dépendante est une revendication qui contient l'ensemble des caractéristiques de la revendication indépendante dont elle dépend. En conséquence, l'activité inventive des revendications dépendantes est caractérisée pour les mêmes raisons que les revendications dont elles dépendent.
De plus, concernant l'insuffisance de description soutenue, elle conteste toute contradiction et estime que la revendication n°8 correspond à la seconde variante de réalisation de la figure 4. Ainsi, la personne du métier n'aurait eu aucune difficulté à mettre en œuvre la caractéristique de la revendication n°8.

Appréciation du tribunal

L’article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d’un État contractant si l’objet du brevet européen n’est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 et l’article l’article 56 qu’une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique.Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique. Les éléments de l’art antérieur ne sont destructeurs d’activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l’évidence à cette dernière d’apporter au problème résolu par l’invention, la même solution que celle-ci.

Pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part, l'état de la technique le plus proche, d'autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour la personne du métier.
En effet, les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci.
S’agissant de la revendication n°4, les caractéristiques, à savoir un logement de réception de la bordure périphérique de la nappe qui présente une section droite globalement rectangulaire débouchant sur la partie externe se retrouve dans les antériorités constituées par le brevet Yokoyama et le brevet Okamura. L’épaulement au bord de ladite ouverture se retrouve dans le modèle Ghost 4 CRC tant et si bien qu’en combinant la lecture de ces éléments de l’art antérieur, la personne du métier parvient à l’invention sans activité inventive.
Les revendications n°7 et 8 qui concernent la localisation du logement, à défaut d’effet technique particulier, apparaissent ne relever que de tâches d’exécution pour la personne du métier et n’impliquent aucune activité inventive.
Les revendications 4 , 7 et 8 sont également annulées pour défaut d’activité inventive sans qu’il soit nécessaire d’examiner le grief d’extension de l’objet.
***

Sur la nullité du brevet FR 2 952 087

Présentation du brevet

Le brevet FR 2 952 087 déposé le 30 ocotbre 2009 est intitulé “Dispositif de fausse paroi”. Il est relatif à un dispositif de fausse paroi destiné à être fixé à un mur ou un plafond.
Le brevet limité comporte les six revendications suivantes:
Revendication n°1: Dispositif (1) de fausse paroi comportant un panneau (3) formé d’une nappe (7) tendue fixée à la base d’un châssis (9), lequel panneau (3) est placé dans un cadre externe (5), qui est muni de parois latérales (13) et d’un fond (15), le dispositif comprenant également des moyens de liaison entre le châssis (9) et le cadre externe (5), chaque élément profilé (11) du châssis (9) du panneau (3) présentant une section droite globalement en forme de triangle rectangle dont la pointe est dirigée vers la base du châssis et dont l’hypothénuse constitue la partie interne (21) dudit châssis, la partie externe (23) dudit profilé (11) étant orientée perpendiculairement à ladite base caractérisé en ce que la partie externe (23) dudit profilé (11) est munie d’un logement (25) de réception d’une bordure périphérique (20) de la nappe (7) et en ce que au moins une paroi latérale (13) du cadre externe (5) est mobile de sorte à permettre un accès dans l’espace interne défini entre le panneau (3) et le fond (15) dudit cadre externe (5).

Revendication n°2: Dispositif (1) de fausse paroi comportant un panneau (3) formé d’une nappe (7) tendue fixée à la base d’un châssis (9), ledit châssis (9) étant constitué par l’assemblage d’éléments profilés (11) formant ses côtés lequel panneau (3) est placé dans un cadre externe (5), qui est muni de parois latériales (13) et d’un fond (15), le dispositif comprenant également des moyens de liaison entre le châssis (9) et le cadre externe (5)caractérisé en ce que chaque élément profilé (11) du châssis (9) du panneau (3)présentant une section droite globalement en forme de triangle rectangle dont la pointe est dirigée vers la base du châssis et dont l’hypoténuse constitue la partie interne (21) dudit châssis la partie externe (23) dudit profilé (11) étant orientée perpendiculairement à ladite base la partie externe (23) dudit profilé (11) est munie d’un logement (25) de réception d’une bordure périphérique (20) de la nappe (7) et en ce que la partie externe (23) est creuse, le profilé comprenant une âme verticale centrale (30) comportant une extrémité supérieure qui est prolongée par le logement longitudinal (28) le profilé comprenant en outre, à proximité de l’extrémité supérieure de l’âme verticale centrale (30) une aile interne (31) et une aile externe (32) perpendiculaire à l’âme verticale centrale (30), ledit logement (25) de réception de la bordure périphérique (20) de la nappe (7) étant compris entre un bord inférieur du logement longitudinal (28), l’âme verticale centrale (30) et l’aile externe (32), l’âme verticale comprenant une extrémité basale qui est au contact de la partie interne (21), la partie interne (21) étant prolongée de manière coplanaire par une aile d’appui basale (33) de la nappe (7).

Revendication n°3: Dispositif (1) de fausse paroi selon la revendication 2, caractérisé en ce qu'il comporte en outre un ensemble charnière reliant le panneau (3) au cadre externe (5) de manière à permettre un basculement dudit panneau par rapport audit cadre.

Revendication n°4: Dispositif (1) de fausse paroi selon la revendication 1, caractérisé en ce que le logement de réception (25) de la bordure périphérique (20) de la nappe (7) tendue est situé à proximité de l'extrémité basale dudit profile (11).

Revendication n°5: Dispositif (1) de fausse paroi selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que le logement de réception (25) est situé à proximité de la partie supérieure (22) du profile (11).

Revendication n°6: Utilisation du dispositif (1) de fausse paroi selon l'une quelconque des revendications précédentes pour la réalisation de caissons lumineux.

Sur le défaut d'activité inventive

Moyens des parties

La société Newmat considère que la revendication n°1est nulle pour défaut d’activité inventive, par lecture combinée des documents FR 588 et Okamura, cette revendication ne pouvant que souffrir du même défaut d’activité inventive que la revendication n°2 du brevet EP 121 dont elle ne se distingue que par une caractéristique (la localisation du logement de réception de la bordure de la nappe) qui ne suffit pas à compenser le défaut d'activité inventive.
De même, elle considère que la revendication n° 2 souffre du même défaut d’activité inventive par lecture combinée des documents FR 588 et de la lisse Ghost 4 CRC. La revendication n°2 du brevet FR 087 ne se distingue de la revendication n°3 du brevet EP 121 que par une caractéristique ( localisation du logement de réception de la bordure de la nappe) et le fait que le châssis est nécessairement placé dans un cadre externe, avec des moyens de liaison entre les deux. Cependant, une telle revendication est couverte par la combinaison de FR 588 et la lisse Ghost 4 CRC.

Quant aux revendications n°3 à 6, elle les qualifie de sensiblement identiques aux revendications n°6 à 9 de EP 121 et conclut à leur nullité pour défaut d’activité inventive.

La société Normalu renvoie également à ses développements concernant le brevet EP 121. Elle considère que, s’agissant de la revendication n°1, trois caractéristiques diffèrent de FR 588 et que la combinaison avec l’antériorité Okamura ne suffit pas à obtenir ces caractéristiques.

S’agissant de la revendication n°2, elle rappelle que l'accessibilité des documents au public n'est pas démontrée et que le plan et la brochure ne divulguent pas toutes les caractéristiques. Elle renvoie à ses précédents développements concernant les revendications 3 à 6.

Appréciation du tribunal

Selon l’article L.611-14 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique.
Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à cette dernière d'apporter au problème résolu par l'invention, la même solution que celle-ci.
La revendication n°1 du brevet FR 087 étant le pendant de la revendication n°2 du brevet EP 121, elle ne peut que souffrir du même défaut d’activité inventive au vu de la combinaison des documents FR 588, Okamura (brevet japonais JP 2000-311513), que la personne du métier aurait consultés, et de ses connaissances générales. Il sera renvoyé aux développements afférents. Non seulement la personne de métier aurait-elle été incitée à délocaliser le logement de la bordure périphérique de la nappe afin de l’intégrer dans l’épaisseur du profilé, débouchant sur la partie externe mais il lui serait apparu évident, disposant de connaissances générales moyennes, de laisser mobile une paroi. Dès lors, la revendication n°1 du brevet FR 087 doit être annulée pour défaut d’activité inventive au regard des antériorités FR 588, Okamura et des connaissances générales de la personne du métier.
Il en est de même de la revendication n°2 du brevet FR 087. Etant le pendant de la revendication n°3 du brevet EP 121, annulée pour défaut d’activité inventive, elle subit le même sort. La personne du métier, partant de la lisse Ghost 4 CRC, dont l’accessibilité au public a été démontrée au moyen des pièces versées aux débats et précédemment examinées, et cherchant un moyen de lier le châssis à un cadre externe, est incitée, en lisant le document FR 588, à positionner un logement apte à recevoir un moyen de liaison sur la partie supérieure de l’aile interne. Quant à l’aile interne, qui n’est reliée à aucun autre élément, elle apparaît arbitraire et relève, à tout le moins, des connaissances générales de la personne de métier.
S’agissant de la revendication n°3, celle-ci est dépourvue d’activité inventive dans la mesure où la caractéristique décrite résulte des documents RF 588 et Yokoyama. Les revendications 4 et 5, en tant que pendant des revendications 7 et 8 du brevet EP 121, sont également dépourvues d’activité inventive, pour les motifs exposés aux paragraphes 106 et 107, faute d’effet technique. Enfin, l’utilisation décrite dans la revendication 6 est connue de l’art antérieure et divulguée tant par les documents FR 588 que Okamura et Yokoyama. Elle est dépourvue d’activité inventive.

Il y a lieu de prononcer la nullité des revendications pour défaut d’activité inventive sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’extension de l’objet.
***

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

Moyens des parties

La société Newmat évoque le comportement abusif de la défenderesse qui a procédé à des dépôts de brevets tout en sachant qu'ils étaient dénués de toute nouveauté et activité inventive, ses demandes de limitations en étant, selon elle, la preuve.Le comportement abusif de la défenderesse se manifeste également par le fait qu'elle ait mis deux ans après l'assignation en date du 28 novembre 2019 à conclure au fond et dans les procédures de limitation qui ont duré environ 8 mois, retardant la procédure au fond de la présente action.

La société Normalu se défend de tout comportement abusif car elle n'a eu aucune intention de nuire au sens de l'article 1382 du code civil. Les limitations des brevets ne sont qu'un simple moyen de défense à une demande de nullité initiée par le demandeur et non l'aveu de son intention de nuire. La défenderesse n'a fait qu'user de sa prérogative de limiter ses brevets à tout moment comme prévoit les textes et à même demander un traitement accéléré de ses demandes de limitation auprès de l'OEB et l'INPI.
Appréciation du tribunal

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.Le droit d’agir en justice dégénère en abus lorsqu’il est exercé avec une légèreté inexcusable, une intention de nuire ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté.

En l’espèce, la société Normalu a obtenu la délivrance du brevet européen EP 121 puis sa limitation en cours d’instance. Le caractère dilatoire de cette démarche procédurale, autant que la mauvaise foi de la société Normalu durant le cours de la procédure, alléguées, apparaissent insuffisamment démontrés.
La demande de dommages-intérêts sur ce fondement sera rejetée.
Sur les demandes annexes

Succombant, la société Normalu sera condamnée aux dépens de l’instance dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Supportant les dépens de l’instance, elle sera condamnée à payer à la société Newmat la somme de 60.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision, compatible avec la nature de l’affaire, sauf en ce qui concerne les mesures de publication.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL

DÉCLARE la société Newmat recevable en son action;

DIT que le brevet EP 2 494 121 bénéficie de la date de priorité du brevet FR 2 952 087;

PRONONCE la nullité des revendications 1 à 9 de la partie française du brevet EP 2 494 121;

PRONONCE la nullité des revendications 1 à 6 du brevet FR 2 952 087;

ORDONNE la transmission de la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, au directeur de l’INPI aux fins d’inscription au registre national des brevets, à l’initiative de la partie la plus diligente;
DÉBOUTE la société Newmat de sa demande de dommages-intérêts pour procédure dilatoire et abusive;

CONDAMNE la société Normalu aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Bizollon conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société Normalu à payer à la société Newmat la somme de 60.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

ORDONNE l’exécution provisoire de la décision, sauf en ce qui concerne la mesure de publication sur les registres.

Fait et jugé à Paris le 28 mars 2024

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE
Caroline REBOULAnne-Claire LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 19/14082
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;19.14082 ?
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