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26/03/2024 | FRANCE | N°23/07787

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 26 mars 2024, 23/07787


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :Me Nathalie ORPHELIN-BARBERON


Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Sophie KOMBADJIAN

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/07787 - N° Portalis 352J-W-B7H-C26KH

N° MINUTE :
6 JCP






JUGEMENT
rendu le mardi 26 mars 2024


DEMANDEUR
Monsieur [D] [X], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Sophie KOMBADJIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P139


DÉFENDEURS
Madame [

M] [I] épouse [K], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Nathalie ORPHELIN-BARBERON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0361

Monsieur [F] [K], demeurant [Adresse 2]
re...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :Me Nathalie ORPHELIN-BARBERON

Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Sophie KOMBADJIAN

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/07787 - N° Portalis 352J-W-B7H-C26KH

N° MINUTE :
6 JCP

JUGEMENT
rendu le mardi 26 mars 2024

DEMANDEUR
Monsieur [D] [X], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Sophie KOMBADJIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P139

DÉFENDEURS
Madame [M] [I] épouse [K], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Nathalie ORPHELIN-BARBERON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0361

Monsieur [F] [K], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Nathalie ORPHELIN-BARBERON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0361

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Laura LABAT, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Aline CAZEAUX, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 26 janvier 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 26 mars 2024 par Laura LABAT, Juge assistée de Aline CAZEAUX, Greffier

Décision du 26 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/07787 - N° Portalis 352J-W-B7H-C26KH

Par acte sous seing privé en date du 8 décembre 2005, Monsieur [D] [X] a donné en location à Madame [M] [I] un logement situé [Adresse 1] à [Localité 7] moyennant un loyer de 555 euros, outre les charges.

Le 13 mars 2020, Monsieur [D] [X] a fait délivrer à Madame [M] [I] un congé pour reprise au profit de sa fille, Madame [B] [X].

Par acte de commissaire de justice délivré le 25 septembre 2023, Monsieur [D] [X] a fait assigner Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- la validation du congé délivré le 13 mars 2020 au 13 mars 2022 ;
- l'expulsion de Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] ainsi que de tous occupants de leur chef avec, si besoin est, le concours de la force publique et d'un serrurier ;
- l'autorisation de faire séquestrer les objets mobiliers trouvés dans les lieux dans tels garde-meubles ou réserves qu'il lui plaira, aux frais, risques et périls des défendeurs ;
- leur condamnation solidaire au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant égal au double de celui du loyer augmenté des charges jusqu'à la libération effective des lieux ;
- leur condamnation solidaire aux dépens, en ce compris le coût du congé délivré, et au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience, Monsieur [D] [X], représenté, a repris les termes de son assignation.

Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K], représentés, se sont référés à leurs conclusions, auxquelles il est renvoyé, aux termes desquelles ils sollicitent :
- à titre principal, le rejet des prétentions de Monsieur [D] [X] au motif que la décision de reprise n'est pas réelle et sérieuse et que le congé n'est pas opposable à Monsieur [F] [K], faute de lui avoir été notifié ;
- à titre subsidiaire, l'octroi d'un délai de trois ans pour quitter les lieux et la fixation de l'indemnité d'occupation au montant du loyer augmenté des charges ;
- le rejet des demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

L'affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur la validation du congé,

Il résulte de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 que le bailleur peut délivrer à son locataire un congé justifié par sa décision de reprendre le logement. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, (...), ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur.

Selon les dispositions de l'article 1751 du code civil, le droit au bail du local qui sert effectivement à l'habitation de deux époux est réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux, quel que soit leur régime matrimonial et même si bail a été conclu avant leur mariage.

Il résulte de l'article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989 que les notifications ou significations faites par le bailleur sont de plein droit opposables au conjoint du locataire si l'existence de ce dernier n'a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur.

Aux termes de l'article 220 du code civil, chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement.

En l'espèce, un bail d'habitation a été consenti à Madame [M] [I] à compter du 12 décembre 2005 sur les lieux situés [Adresse 1] à [Localité 7] pour une durée de trois ans. Suite à une décision d'insalubrité remédiable, la durée ce bail a été suspendue du 1er août 2017 au 1er novembre 2018 de sorte qu'il s'est renouvelé pour la dernière fois le 13 mars 2019.

Par acte d'huissier délivré le 13 mars 2020, Monsieur [D] [X] a notifié à Madame [M] [I] un congé pour reprise mentionnant une date d'effet au 13 décembre 2020. Monsieur [D] [X] sollicite toutefois la validation du congé à compter du 13 mars 2022.

Si le congé a été délivré prématurément, ses effets sont simplement reportés, s'il est régulier, au terme du bail, en l'espèce le 13 mars 2022.

Le congé délivré le 13 mars 2020 précise que Monsieur [D] [X] « entend procéder à la reprise des lieux que vous occupez pour y faire habiter sa fille : Madame [B] [X], née le 26 mai 1997 à [Localité 5], demeurant actuellement chez ses parents au [Adresse 3] » et que « Madame [B] [X] vit actuellement chez ses parents (…). Son métier l'oblige désormais à se déplacer régulièrement en avion, à l'étranger, et pour faciliter ses voyages, il est préférable qu'elle puisse résider à [Localité 6], proche des aéroports ».

Si l'intention du bailleur doit s'apprécier au moment où le congé a été délivré, le juge du fond peut tenir compte d'éléments postérieurs à la date de délivrance du congé dès lors qu'ils sont de nature à établir cette intention.

En l'espèce, Monsieur [D] [X] verse aux débats le diplôme d'ostéopathe animalier reçu par sa fille le 7 décembre 2020. S'il est vrai que Madame [B] [X] n'était pas diplômée au jour de la délivrance du congé, elle l'était au moment de la prise d'effet initialement visée.

Monsieur [D] [X] motive son congé par la volonté de sa fille d'exercer son métier partiellement à l'étranger de sorte qu'un logement situé à [Localité 6] serait plus opportun que d'être hébergée par ses parents à la [Localité 4]. Les pièces produites démontrent que sa fille exerce effectivement ponctuellement sa profession en Suède.

Si les missions à l'étranger justifiées sont rares, elles suffisent à établir le caractère réel et sérieux du projet de Madame [B] [X] de s'installer à [Localité 6] et d'exercer sa profession également à l'étranger. Le juge ne doit vérifier que le caractère réel et sérieux de la décision de rendre, il n'est pas juge de l'opportunité de cette décision.

Il est indifférent que Madame [B] [X] exerce actuellement sa profession autour du domicile de ses parents, dans la mesure où l'absence de libération du logement situé à [Localité 6] l'empêche, de fait, de réaliser son projet professionnel initial.

Par conséquent, il convient de constater le caractère réel et sérieux de la décision de Monsieur [D] [X] de reprendre le logement pour y faire habiter sa fille, Madame [B] [X].

Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] soutiennent que ce congé n'est pas opposable à ce dernier, faute de lui avoir été notifié. Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] justifient s'être mariés le 6 septembre 2013 à Rabat et avoir fait transcrire ce mariage en France le 19 novembre 2013.

Toutefois, il leur appartient de démontrer qu'ils ont porté ce mariage à la connaissance de leur bailleur avant le 13 mars 2020. Ils produisent un courrier du gestionnaire du bien précisant que Madame [M] [I] occupe le logement litigieux avec son époux et ses deux enfants. Toutefois, ce courrier est daté du 24 juin 2021 de sorte qu'il est largement postérieurement à la délivrance du bail. Les termes de ce courrier ne permettent pas de déterminer avec exactitude la date à laquelle le bailleur a eu connaissance de cette occupation des lieux.

Par conséquent, le congé délivré me 13 mars 2020 à Madame [M] [I] épouse [K] est bien opposable à Monsieur [F] [K].

Ce congé a produit ses effets le 13 mars 2022, date à laquelle le bail s'est trouvé résilié.

Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] devront donc rendre les lieux libres de toute occupation de leur chef, faute de quoi ils pourraient y être contraints au besoin avec l'assistance de la force publique, à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la signification d’un commandement d’avoir à quitter les lieux, en application des dispositions des articles L. 411-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Il résulte des articles L. 141-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution que l'huissier de justice peut se faire assister d'un serrurier pour ouvrir et fermer les portes, sans qu'une décision de justice n'ait à prévoir cette possibilité. Dès lors, cette demande est rejetée.

L'article L. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié. Il s'ensuit que le tribunal n'a pas à ordonner la séquestration des meubles, laquelle est un effet de droit automatiquement attaché à l'expulsion, dès lors que la personne expulsée n'a pas indiqué de lieu approprié. Le bailleur sera de ce fait débouté de sa demande tendant à voir ordonner la séquestration des meubles en cas d'expulsion des défendeurs.

La résiliation du contrat de bail a pour effet de déchoir le locataire de tout droit d'occupation du local donné à bail de sorte que le maintien dans les lieux malgré cette déchéance constitue une faute civile ouvrant droit à réparation, laquelle est fixée par le juge sous la forme d'une indemnité d'occupation dont le montant dépend de son appréciation souveraine.

Monsieur [D] [X] ne justifie pas de la majoration sollicitée de sorte que Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] devront solidairement payer à Monsieur [D] [X] une indemnité d'occupation mensuelle qu'il convient de fixer, par une juste appréciation du préjudice subi, au montant du loyer indexé et majoré des charges, sur justificatifs, faute de quoi elle sera fixée à la somme de 730,06 euros correspondant au montant du loyer et de la provision sur charges au jour de l'audience.

Compte tenu de son origine, la solidarité prendra fin à compter de la transcription de l'éventuel divorce des défendeurs en marge de leurs actes d'état civil.

Sur les délais pour quitter les lieux,

Il résulte des articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d'expulsion que le juge peut accorder aux occupants de lieux habités des délais, d'une durée comprise entre 3 mois et 3 ans, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Il tient compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l'espèce, Madame [M] [I] épouse [K] renouvelle régulièrement sa demande de logement social depuis le 31 juillet 2008 et a été reconnue prioritaire et devant être relogée par une décision en date du 1er juin 2017.

Les deux enfants de Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] sont scolarisés dans l'arrondissement du logement litigieux.

Dès lors, ils justifient de la nécessité de bénéficier d'un délai pour quitter les lieux.

Cependant, leur maintien dans les lieux retarde le projet professionnel de la fille de Monsieur [D] [X]. Par ailleurs, Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] versent aux débats un courrier du travailleur social qui les suit aux termes duquel ils auraient adhéré à un dispositif permettant leur relogement en province dans un délai de six à huit mois à compter du 4 janvier 2024.

Par conséquent, il convient d'octroyer à Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] un délai pour quitter les lieux jusqu'au 31 août 2024.

Sur les demandes accessoires,

Conformément aux articles 695 et 696 du code de procédure civile, Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K], partie perdante, sont condamnés solidairement aux dépens de l'instance. La loi n'exigeant pas que le congé soit délivré par acte de commissaire de justice, son coût n'est pas inclus dans les dépens.

Par application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande, au regard de la situation respective des parties, de rejeter la demande formée au titre des frais irrépétibles.

En application de l'article 514 du code de procédure civile, il convient de rappeler que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS
LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

Statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort :

CONSTATE la résiliation du bail en date du 8 décembre 2005 portant sur les lieux situés [Adresse 1] à [Localité 7] à compter du 13 mars 2022 par l'effet du congé délivré le 13 mars 2020 ;

ORDONNE l'expulsion de Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] et de tous occupants de leur chef des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 7], au besoin avec l'assistance de la force publique ;

ACCORDE à Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] un délai pour quitter les lieux jusqu'au 31 août 2024 ;

CONDAMNE solidairement Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] à payer une indemnité d'occupation égale au montant du loyer indexé et majoré des charges, sur justificatifs, ou à défaut d'un montant de 730,06 euros, jusqu'à la libération effective des lieux ;

RAPPELLE que cette solidarité prendra fin à la transcription de l'éventuel divorce de Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] en marge de leurs actes d'état civil ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE solidairement Madame [M] [I] épouse [K] et Monsieur [F] [K] aux dépens ;

RAPPELLE le caractère exécutoire à titre provisoire de la présente décision.

La GreffièreLa Juge

Décision du 26 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/07787 - N° Portalis 352J-W-B7H-C26KH

Fait et jugé à Paris le 26 mars 2024

le greffierle Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/07787
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;23.07787 ?
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