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26/03/2024 | FRANCE | N°23/03555

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 26 mars 2024, 23/03555


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Arthur ANQUETIL
Madame [J] [N]
de Me [T] [H]

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/03555 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZVWQ

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le mardi 26 mars 2024

DEMANDERESSE
La société L’OEIL 555
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Arthur ANQUETIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D0156<

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DÉFENDEURS
Madame [J] [N]
demeurant [Adresse 2]
comparante en personne

Monsieur [Y] [A]
demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Eric SCHODER, avocat au barrea...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Arthur ANQUETIL
Madame [J] [N]
de Me [T] [H]

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/03555 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZVWQ

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le mardi 26 mars 2024

DEMANDERESSE
La société L’OEIL 555
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Arthur ANQUETIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D0156

DÉFENDEURS
Madame [J] [N]
demeurant [Adresse 2]
comparante en personne

Monsieur [Y] [A]
demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Eric SCHODER, avocat au barreau de PARIS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023/016888 du 18/07/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne TOULEMONT, Juge des contentieux de la protection
assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 janvier 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 26 mars 2024 par Anne TOULEMONT, juge des contentieux de la protection, assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière
Décision du 26 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/03555 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZVWQ

Par contrat sous seing privé du 16 novembre 1995, à effet du 11 novembre 1995, Madame [D] [M], et Monsieur [E] [X], son époux décédé, ont donné à bail à Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 2] (lot 106).

Par acte d'huissier en date du 25 mars 2022, Madame [D] [M], Monsieur [S] [X] et Mesdames [B] et [G] [X] ont délivré à Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] un congé pour vente à effet du 10 novembre 2022.

Par acte notarié du 12 janvier 2023, Madame [D] [M], Monsieur [S] [X] et Mesdames [B] et [G] [X] ont vendu l'appartement à la SCI L'ŒIL 555, désormais propriétaire du lot de copropriété 106, situé au [Adresse 2].

C'est dans ce contexte que, par acte d'huissier, en date du 7 avril 2023, la SCI L'OEIL 555 a assigné Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
-validation du congé pour vente,
-expulsion des preneurs devenus sans droit ni titre avec concours de la force publique s'il y a lieu,
-dire que le sort des meubles sera régi par les dispositions du code des procédures civiles d'exécution
-condamnation en paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer majoré dû si le bail s'était prolongé avec indexation annuelle,
-condamnation en paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, y compris l'assignation, la signification et les actes d'expulsion.

A l'audience du 17 janvier 2024, la SCI L'OEIL 555, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice des termes de son assignation. Au soutien de ses prétentions, la SCI L'OEIL 555 se fonde sur l'article 15-2 de la loi du 6 juillet 189 et fait valoir que le congé délivré est régulier en la forme, rétorquant aux arguments soulevés par les défendeurs que, certes les locataires sont âgés de plus de 65 ans et disposent de ressources limitées, mais que les auteurs du congé du 25 mars 2022 sont également, tous, âgés de plus de 65 ans, ce qui les dispense de l'obligation de relogement. Par ailleurs, elle relève que l'augmentation des tantièmes relative aux parties communes sont intervenues postérieurement au congé et n'est due qu'à la modification du règlement de copropriété, mais que l'absence ou le manque de précision des tantièmes ne conduit pas à annuler le congé. Elle énonce que les défendeurs ne justifient d'aucun grief quant à l'absence de mentions sur les conditions suspensives ou résolutoires de la vente dans le congé. Enfin, elle s'oppose à tout octroi de délais en raison de la date de délivrance des congés.

Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] ont comparu à l'audience. Monsieur [Y] [A] est assisté de son conseil.

Il expose que le congé est nul car, d'une part, ils auraient dû bénéficier d'un relogement du fait de leur âge et de leurs ressources, d'autre part, le niveau des tantièmes désignés est erroné, et enfin, les conditions suspensives ne sont pas précisées. Il sollicite des délais d'une année pour quitter les lieux faisant état de leurs situations personnelles, rappelant qu'ils se sont toujours acquittés de leur loyer, demande le paiement d'une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, d'écarter l'exécution provisoire, et de condamner la SCI à payer les dépens, y compris l'assignation et la signification de la décision.

L'affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024 même par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le congé délivré par le bailleur

En application des dispositions de l'article 15-I et II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur peut délivrer un congé pour vendre, six mois au moins avant l'échéance du bail. Le locataire dispose d'un droit de préemption qu'il doit exercer pendant un délai de deux mois. A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation.

En l'espèce, le bail consenti initialement a été tacitement pour expirer le 10 novembre 2022 conformément à l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989.

Le congé du bailleur délivré le 25 mars 2022 a donc été régulièrement délivré plus de six mois avant l'échéance précitée. Il sera relevé en outre que le congé rappelle le motif du congé, délivré pour vente du bien loué, mentionne le prix et les conditions de la vente projetée, contient une offre de vente, une description précise du bien loué, ainsi que la reproduction des cinq premiers alinéas de l'article 15 II.

L'article 15 III de la loi du 6 juillet 1989 disposent que " Le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l'égard de tout locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l'attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée. Le présent alinéa est également applicable lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l'ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur au plafond de ressources déterminé par l'arrêté précité. Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante-cinq ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources mentionné au premier alinéa. L'âge du locataire, de la personne à sa charge et celui du bailleur sont appréciés à la date d'échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé ".

Il convient de relever que les bailleurs sont à la date du congé âgés de plus de 65 ans, les dispensant de l'obligation de relogement.

Il est admis par la jurisprudence que l'absence de mention relative aux tantièmes de copropriété dans le congé pour vente ne peut à lui seul entraîner la nullité du congé, dès lors que le bien à vendre est mentionné avec précision, ce qui est le cas de l'espèce puisqu' il est indiqué dans le congé " Lot n°106 : dans le bâtiment B sur cour, au 1er étage, 1er porte droite, logement sur courette comprenant une salle à manger et chambre, douche, droit au WC à l'étage. Et les 8/ 1000 èmes des parties communes générales ". Ainsi, la mention erronée des tantièmes n'entraine pas la nullité du congé. Par ailleurs, concernant les conditions de vente, les défendeurs, qui n'ont jamais manifesté l'intention d'acquérir le logement, ne justifient pas du grief qu'ils auraient subi du fait que le congé ne mentionne pas expressément l'existence d'une condition suspensive ou résolutoire pour l'éventuel contrat de vente.

Dès lors, le congé délivré dans les formes et délais légaux requis est bien régulier. Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] n'ayant pas usé de leur droit de préemption dans le délai légal, le bail s'est trouvé résilié par l'effet du congé le 10 novembre 2022.

Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A], qui se sont maintenus dans les lieux, se trouvent ainsi occupants sans droit ni titre du local litigieux depuis le 11 novembre 2022 et il convient d'ordonner leur expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de leur chef dans les conditions prévues par l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution et selon les modalités fixées au dispositif du présent jugement.

Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, dont l'application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l'exécution et non de la présente juridiction.

Sur la demande en paiement au titre de l'indemnité d'occupation

Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du contrat de résidence constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] seront aussi condamnés au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation pour la période courant du 11 novembre 2022 à la date de la libération effective et définitive des lieux, égale au montant des redevances et charges qui auraient été dus si le contrat de bail s'était poursuivi, avec une éventuelle indexation selon les textes applicables.

Ils seront condamnés au paiement de ces sommes conjointement, aucune demande de paiement in solidum n'étant sollicitée.

Sur la demande de délai

Par ailleurs, aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l'habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à une année.

Dans le cas d'espèce, les défendeurs, qui vivent dans ce logement depuis de longues années justifient de leur situation, et de leurs faibles ressources, présentant la décision DALO du 16 févier 2023, alors que la SCI L’OEIL 555 ne fournit aucun élément à l'appui de son rejet, si ce n'est les délais déjà accordés, de fait.
Il est également rappelé que les défendeurs n'ont aucune dette. Il leur sera accordé les délais demandés.

Sur les demandes accessoires

Les défendeurs, qui succombent, supporteront les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile, y compris l'assignation et la signification du jugement. Il ne saurait par ailleurs être prononcé de condamnation au titre des frais d'exécution non encore connus à intervenir lesquels sont par ailleurs de droit à la charge du débiteur dans les limites prévues à l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI L’OEIL 555 les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 500 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile. En raison des délais accordés, l'exécution provisoire ne sera pas écartée.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les conditions de délivrance à Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] d'un congé pour vente concernant l'appartement à usage d'habitation situé [Adresse 2] sont réunies et que le bail a ainsi expiré le 10 novembre 2022 ;

ACCORDE à Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] un délai pour quitter les lieux jusqu'au 26 mars 2025

DIT qu'à défaut pour Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, la SCI L'OEIL 555 pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;

DIT que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution

CONDAMNE Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] à verser à la SCI L'OEIL 555 une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, avec indexation annuelle, à compter du 11 novembre 2022 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] à verser à la SCI L'OEIL 555 la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [J] [N] et Monsieur [Y] [A] aux dépens, y compris l'assignation et la signification du jugement ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection
Décision du 26 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/03555 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZVWQ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/03555
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;23.03555 ?
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