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26/03/2024 | FRANCE | N°21/06753

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 26 mars 2024, 21/06753


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
à Maître RAISON et
Maître REHBACH


Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître PARENT













8ème chambre
1ère section


N° RG 21/06753
N° Portalis 352J-W-B7F-CUN2U


N° MINUTE :


Assignation du :
20 Mai 2021











JUGEMENT
rendu le 26 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [B] [Y] [X] [C], représentée par Madame

[T] [W], tutrice désignée par jugement du 11 Février 2022
domiciliée chez Madame [T] [W]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par Maître Karine PARENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0321


Décision du 26 Mars 2024
8ème chambr...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
à Maître RAISON et
Maître REHBACH

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître PARENT

8ème chambre
1ère section


N° RG 21/06753
N° Portalis 352J-W-B7F-CUN2U

N° MINUTE :

Assignation du :
20 Mai 2021

JUGEMENT
rendu le 26 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [B] [Y] [X] [C], représentée par Madame [T] [W], tutrice désignée par jugement du 11 Février 2022
domiciliée chez Madame [T] [W]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par Maître Karine PARENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0321

Décision du 26 Mars 2024
8ème chambre
1ère section
N° RG 21/06753 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUN2U

DÉFENDEURS

Société CABINET LA PAGERIE
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Manuel RAISON de la SELARL Société d’exercice libéral RAISON-CARNEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2444

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] représenté par son syndic, le CABINET LA PAGERIE
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Véronique REHBACH de la SELEURL NORDEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1786

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente
Madame Elyda MEY, Juge

assistées de Madame Lucie RAGOT, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 18 Janvier 2024
tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [B] [C] était propriétaire des lots 2, 3, 25, 26, 35, 10 et 50 au sein de l'immeuble sis [Adresse 1], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis et dont la mission de syndic est confiée à la SARL Cabinet La Pagerie (ci-après "la société La Pagerie").

Par acte du 22 septembre 2020, Mme [C] a vendu les lots n°2, 3, 26 et 50 à M. [H] [M].

A l'occasion de cette cession, la société La Pagerie a édité un état-daté de situation, stipulant que Mme [C] resterait redevable de la somme de 9.383,95 € au titre de charges dues pour les lots 2-3-6-26-50, augmentée d'une dette relative aux lots n°7 et 35, et de ses frais et honoraires.

Par acte d'huissier délivré le 12 mai 2021, Mme [C] a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice (ci-après "le syndicat des copropriétaires"), ainsi que la société La Pagerie, aux fins, notamment, de paiement de diverses sommes.

Par jugement du 11 février 2022, Mme [C] a été placée sous mesure de tutelle, avec désignation de Mme [T] [W] en qualité de tutrice.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 08 février 2023, Mme [C] demande au tribunal de :
"Vu le constat du syndic :

Vu la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967 :
Vu l'article 1240 du code civil :
- Constater que le compte individuel des charges de Mme [C] présente des erreurs ;
- Dire que le cabinet La Pagerie a commis des fautes de gestion manifestes à l'origine du préjudice économique et de la privation de la jouissance du lot n°35 subis par Mme [C] ;
En conséquence :
- Condamner solidairement ou à défaut in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1]) et le cabinet La Pagerie à rectifier le décompte régulier des charges individuelles dues par Mme [C] représentée par sa tutrice Mme [W] dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard à l'expiration du délai ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1]) et le cabinet La Pagerie solidairement ou à défaut in solidum à rembourser à Mme [C] représentée par sa tutrice Mme [W], la somme de 8.301,10 € correspondant aux charges du lot n°35, facturée de manière indue pour la période comprise entre le premier trimestre 2016 et le quatrième trimestre 2022 et ce, avec intérêt légaux (sic) courant à compter de l'assignation introductive d'instance sur la somme de 7.598,20 € et sur le solde à compter de la signification des présentes écritures ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1]) et le cabinet La Pagerie solidairement ou à défaut in solidum à rembourser à Mme [C] représentée par sa tutrice Mme [W], tout somme complémentaire correspondant aux charges du lot n°35, facturée de manière indue pour la période postérieure au mois de décembre 2022 et ce, avec intérêts légaux (sic) courant à compter de la signification des présentes écritures ;

- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1]) et le cabinet La Pagerie solidairement ou à défaut in solidum à payer à Mme [C] représentée par sa tutrice Mme [W], une indemnité de 3.000 € en réparation de la privation de jouissance de son lot n°35 ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1]) et le cabinet La Pagerie solidairement ou à défaut in solidum à payer à Mme [C] une indemnité de 1.000 € en réparation de son préjudice moral ;
- Condamner le cabinet La Pagerie à rembourser à Mme [C] représentée par sa tutrice Mme [W] la somme de 566 € en réparation de son préjudice financier consécutif à l'avis de mutation erroné ;
Subsidiairement :
Vu l'article 145 et suivant et l'article 263 et suivants du code de procédure civile,
Pour le cas où le tribunal ne s'estime pas suffisamment éclairé sur la situation réelle de la configuration des lieux et sur sa facturation, il désignera alors, avant dire droit, un expert géomètre avec pour mission :
de se rendre sur place,
procéder à la description, à la mesure du volume du lot n°35 et donner son avis sur sa désignation,
dire si la réduction du volume du lot n°35 est due à des travaux réalisés par les propriétaires voisins du lot ou non, plus spécifiquement ceux situés au sous-sol,
au besoin, autoriser le géomètre désigné à interroger les copropriétaires concernés,
dire si les 17 tantièmes affectés au lot n°35, aujourd'hui inaccessible, sont proportionnels aux autres lots,
donner son avis sur la nécessité de modifier les tantièmes de copropriété, le règlement de copropriété et l'état de description afin de se mettre en conformité avec la situation actuelle, connue et justifiée depuis novembre 2020, date du constat d'huissier,
comparer le prix payé par Mme [C] pour le lot n°35 et ceux payés par les autres copropriétaires pour leurs caves, après avoir vérifié leur mesure,
fournir tous les éléments techniques et de fait, de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer s'il y a lieu tous les préjudices subis, y compris le préjudice de jouissance ;
dire que l'expertise sera mise en œuvre et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au greffe du tribunal de céans dans un délai de trois mois de sa saisine ;
dire qu'il en sera référé en cas de difficultés ;
dire que la provision à valoir sur les frais et honoraires de l'expert seront avancés par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1]), charge ensuite au syndic de les répercuter aux copropriétaires, après dépôt du rapport du géomètre expert.
- Dire et juger n'avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- Condamner solidairement ou à défaut in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1]) et le cabinet La Pagerie à payer à Mme [C] représentée par sa tutrice Mme [W] une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner solidairement ou à défaut in solidum le syndicat des copropriétaires et le cabinet La Pagerie aux dépens de l'instance, en ceux compris les frais relatifs au constat d'huissier dressé par Maître [R] le 20 novembre 2020".

Au soutien de sa demande principale, au visa de l'article 10 de loi du 10 juillet 1965, Mme [C] soutient qu'à la suite de travaux concernant les lots situés au-dessus du sien n°35, celui-ci a vu sa superficie réduite et son accès condamné.

Elle prétend que la configuration actuelle dudit lot n°35 ne correspond plus à celle du règlement de copropriété, que sa surface actuelle ne représente plus 17 millièmes de parties générales, et que par voie de conséquence les charges correspondantes ont été calculées de façon erronée. Elle excipe également de ne pas avoir pu jouir de la cave objet du lot n°50 préalablement à sa vente, car occupée sans droit ni titre par un autre copropriétaire M. [A].

Elle en déduit être fondée à réclamer le remboursement de charges indûment payées afférentes à ces lots, ainsi que l'indemnisation de son trouble de jouissance desdits mêmes lots, depuis plusieurs années.

Mme [C] argue également de ce que la société La Pagerie a commis des fautes dans l'exercice de sa mission, notamment en n'ayant pas fait le nécessaire pour remédier à la situation subséquente à un accaparement de parties communes (murs de caves) par un copropriétaire et la conséquence de la réduction de la superficie de son lot, et en ne vérifiant pas davantage si les charges facturées correspondaient toujours aux termes du règlement de copropriété.

Elle en déduit être fondée à solliciter sa condamnation solidaire ou in solidum en paiement, avec le syndicat des copropriétaires, aux sommes qu'elle estime avoir injustement réglées au titre de son lot n°35, d'une part, outre sa condamnation à lui restituer la somme de 566 euros correspondant aux frais d'opposition du syndic sur le prix de vente de ses lots.

Elle forme également une prétention indemnitaire de 1.000 euros pour préjudice moral.

A titre subsidiaire, Mme [C] conclut au prononcé d'une mesure d'expertise judiciaire avec désignation d'un géomètre, expliquant n'avoir pas préalablement soumis cette demande à l'assemblée générale dès lors qu'elle se serait heurtée, nécessairement, au refus des copropriétaires.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 03 juin 2022, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

"Vu les pièces versées aux débats,

Vu les dispositions du règlement de copropriété,
Vu les dispositions de la loi du 10 juillet 1965,
- Débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner Mme [C] au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir."

Le syndicat des copropriétaires conteste le bien-fondé des demandes de Mme [C], soulignant l'absence d'élément probant de celle-ci au soutien de ses affirmations.

Il prétend n'avoir aucune information quant au prétendu accaparement du lot de la demanderesse par un autre copropriétaire, d'une part, et estime en toute hypothèse ne pas avoir à s'immiscer dans un éventuel litige concernant des parties privatives ni pouvoir se substituer à Mme [C] dans les actions qu'elle pourrait mener pour faire valoir ses droits (action en revendication, saisine de l'assemblée générale pour désignation d'un géomètre, notamment), d'autre part.

Le syndicat des copropriétaires conteste en outre la réalité des préjudices dont Mme [C] sollicite l'indemnisation, soulignant au demeurant ne pas en être à l'origine dès lors que, à le supposer avéré, l'accaparement dont elle se plaint serait le fait d'un copropriétaire.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, la société La Pagerie demande au tribunal de :

"Vu la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;
Vu les articles 1984 et 1989 du code civil ;
Vu l'article 1240 du code civil ;
Vu l'article 1353 du code civil ;
Vu les articles 9, 699 et 700 du code de procédure civile ;
Vu la jurisprudence ;
A titre principal :
- Constater l'absence de faute du Cabinet La Pagerie ;
- Constater l'absence de lien de causalité entre l'intervention du Cabinet La Pagerie et les préjudices allégués ;
- Constater l'absence de préjudice indemnisable opposable au Cabinet La Pagerie ;
- En déduire que sa responsabilité ne peut être engagée en l'espèce ;
En conséquence :
- Débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre du Cabinet La Pagerie ;
A titre subsidiaire, si par impossible le tribunal faisait droit à la demande de Mme [C] aux fins de voir organiser une expertise judiciaire, prendre acte des plus expresses protestations et réserves formulées par le Cabinet La Pagerie ;

En toute hypothèse :
- Condamner M. [C] (sic) à verser au Cabinet La Pagerie la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la SELARL Raison Avocats".

La société La Pagerie souligne en premier lieu ne pas pouvoir être condamnée au remboursement des sommes réclamées par Mme [C], au titre de charges prétendument indues, dès lors qu'elle est simplement le mandataire du syndicat des copropriétaires et ne perçoit pas in fine les charges, dont il ne fait que réclamer le paiement auprès des copropriétaires, pour le compte du syndicat.

Elle conteste en deuxième lieu toute faute dans l'exercice de sa mission, arguant de l'absence de preuve rapportée d'une telle faute, mais aussi des préjudices allégués et du lien de causalité.

Elle soutient ainsi que les allégations de Mme [C] à son encontre sont infondées, compte tenu de ce que les difficultés dont elle fait état concernent des paries privatives, d'une part, et qu'au demeurant la demanderesse ne prétend ni ne justifie lui avoir fait part, en temps utile, de l'existence de ces difficultés, d'autre part.

La société La Pagerie souligne à l'inverse avoir exercé sa mission correctement en procédant aux appels de fonds conformément aux termes du règlement de copropriété et soutient, comme le syndicat des copropriétaires, ne pas avoir été destinataire d'informations quant à un éventuel accaparement de caves par un copropriétaire, outre qu'à le supposer avéré, cela ne relève pas de sa mission.

Concernant la demande de remboursement des frais d'opposition, la société La Pagerie la conteste, rappelant que ladite opposition est définitive et qu'il appartenait à Mme [C], en temps utile, de solliciter son annulation en justice, ce qu'elle n'a pas fait.

Enfin, la société La Pagerie s'oppose à la demande expertale formée à titre subsidiaire, qu'elle estime injustifiée.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 juin 2023.

L'affaire, appelée à l'audience du 18 janvier 2024, a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de "constater" et de "dire"

Il n'y a pas lieu de statuer sur ces demandes, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais sont la reprise des arguments développés dans les écritures des parties.

Sur la demande de rectification du décompte régulier des charges individuelles sous astreinte

Aux termes de l'article 768 du code de procédure civile : "Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées."

L'article 9 du code de procédure civile dispose que "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention."

Sur ce,

Il doit être relevé à titre liminaire que Mme [C] ne précise pas de quel décompte exactement elle sollicite la rectification.

Si cette demande concerne le décompte des sommes dues produit par le syndic au moment de l'acte de cession de certains lots de la demanderesse, produit en pièce 3, force est de constater que Mme [C] n'explicite ni ne justifie, en droit et en fait, en quoi ledit décompte serait erroné, et ce alors que les parties défenderesses contestent toute éventuelle erreur qui aurait vicié cet écrit.

Enfin et au demeurant, à supposer ces erreurs avérées, elle ne justifie pas davantage en quoi une rectification d'un décompte relève de la compétence du tribunal.

Par conséquent Mme [C] doit être déboutée de cette demande de ce chef.

Sur la demande en remboursement de charges

Aux termes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, d'ordre public, dans sa version applicable au litige, "Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot.
Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, générales et spéciales, et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5.
Le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges et indique les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges.(...)".

Un copropriétaire ne peut invoquer, pour se soustraire à son obligation d'acquitter sa quote-part de charges afférente à son ou ses lots, des troubles de jouissance dans les parties privatives dus à l'incurie du syndicat des copropriétaires (CA Paris, 23ème chb A, 18 février 1998), ou des manquements à ses obligations imputés au syndic (CA Paris 23ème chb B, 21 février 2008).

Enfin, comme précédemment cité, l'article 9 du code de procédure civile dispose que "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention."

Sur ce,

Au soutien de sa prétention, Mme [C] verse au débat (pièce 5) une lettre émanant de son conseil et adressée au syndic, datée du 21 septembre 2020, dans laquelle elle indique :

"il résulte de l'acte de vente que la cave n°50 est actuellement occupée, sans droit ni titre, par M. [A].
Cela étant précisé, l'état daté que vous avez fait parvenir au notaire le 11 septembre 2020 mentionne un arriéré de charges de copropriété afférentes aux lots susvisés de 9.949,45 euros. Cet arriéré reste à vérifier.
De pus, profitant de cette cession, vous demandez également le paiement d'un arriéré de charges sur les lots n°7 et 35 et ce, alors que Mme [C] s'est plaint qu'elle ne pouvait pas accéder au lot n°35.
(…)
Du fait de son impossibilité à accéder à son lot, Mme [C] Conteste devoir quelque somme que ce soit de ce chef. (...)".

Or cette pièce, rédigée par le propre conseil de la demanderesse, est dénuée de force probante en ce que nul ne peut se constituer à soi même, et ne saurait dès lors être retenue comme caractérisant les faits allégués tenant à l'impossibilité de jouir du lot n°50 préalablement à sa vente,

à la diminution de la superficie du lot n°35, à son impossibilité d'y accéder, ni au demeurant que ces éléments, à les supposer avérés, proviendraient d'un comportement fautif du syndicat des copropriétaires et/ou du syndic.

Ce d'autant plus que par lettre en réponse datée du 24 septembre 2020, le conseil de la société La Pagerie a contesté les affirmations portées par le conseil de Mme [C] et a notamment mentionné que "le Cabinet La Pagerie n'a fait qu'une stricte application des termes des dispositions dudit règlement de copropriété et ne saurait, encore une fois, s'immiscer dans les relations et différends privatifs entre copropriétaires ni s'occuper de l'usage des lots privatifs".

Mme [C] communique également un procès-verbal de constat d'huissier du 20 novembre 2020, qui fait état de la description d'une cave en 2ème sous-sol, avec "la présence d'une trappe de visite en ciment difficile d'ouverture, son ouverture nécessitant l'utilisation d'un outil métallique (…). je constate que je me retrouve dans un espace non cloisonné (…). Au moyen de mon appareil de mesure laser de marque Bosh je constate que la surface de ce qui correspondrait à la cave est de 2,36 m². Je constate que la hauteur sous plafond est de 0,933 m. Je constate que le sol n'est pas plan."
Ces constats, effectués au niveau d'un espace dont il n'est pas établi qu'il s'agirait du lot litigieux appartenant à la demanderesse, sont insuffisants à justifier les griefs prétendus d'une diminution de la superficie et d'une impossibilité d'accès afférents audit lot.

Aussi et surtout, à supposer ces difficultés de superficie et de jouissance avérées, Mme [C] ne démontre par aucune des pièces au débat en quoi la responsabilité du syndicat des copropriétaires et/ou du syndic pourrait être engagée, dès lors qu'il s'agit d'une partie privative, d'une part, et qu'aucune démonstration d'un manquement fautif de celles-ci n'est établie, d'autre part.

Le tribunal relève en outre que Mme [C] ne prétend ni ne justifie avoir sollicité utilement l'assemblée générale afin de tenter de pallier l'éventuelle perte de superficie de l'un de ses lots par une adaptation des clauses du règlement de copropriété concernant les tantièmes des charges, notamment, en amont d'une saisine judiciaire.

Il ne saurait être reproché au syndic alors en exercice d'avoir réclamé à la demanderesse un montant de charges calculé sur la base des tantièmes de ses lots en application du règlement de copropriété.

S'agissant du lot n°50 et de sa prétendue occupation illicite par un autre copropriétaire, Mme [C] ne prétend ni ne justifie avoir effectué une quelconque démarche à l'égard dudit copropriétaire pour faire cesser cette situation de fait, dont elle indique dans ses écritures qu'il s'agit d'une situation en cours depuis "de longues années" et dont elle ne saurait soutenir utilement n'en avoir pris connaissance qu'à l'occasion de la vente du lot.

En toute hypothèse Mme [C] ne peut se prévaloir de ces éléments, outre contestés et non-établis, pour se soustraire à son obligation de paiement des charges de copropriété afférentes auxdits lots,

qui est une obligation inhérente à sa qualité de propriétaire des lieux et de celle, subséquente, de contribuer aux charges de l'immeuble.

Par conséquent Mme [C] sera également être déboutée de sa demande de ce chef.

Il n'y a pas lieu, compte tenu de ces éléments, de faire droit à sa demande subsidiaire d'expertise judiciaire, une telle mesure d'instruction n'ayant pas vocation à pallier la carence de l'intéressée dans l'administration de la preuve qui lui incombe.

Sur les demandes additionnelles indemnitaires

Aux termes de l'article 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." Sur ce fondement, il incombe à la partie demanderesse, de rapporter la triple preuve de l'existence, d'une faute d'un préjudice et d'un lien causal entre les deux.

L'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que le syndic est chargé "d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci".

Le quitus entraîne ratification par l'assemblée de tous les actes dont elle a eu connaissance même s'ils excédaient les pouvoirs du syndic, et renonciation à critiquer l'exécution du mandat du syndic (Civ. 3ème, 27 mars 2012, n°11-11.113).

Si le syndic engage sa responsabilité contractuelle à l'égard du syndicat des copropriétaires sur ce fondement, les copropriétaires qui subissent un préjudice personnel et direct sont fondés à mettre en cause la responsabilité délictuelle du syndic sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Cette responsabilité suppose qu'une faute ayant causé un préjudice direct et personnel, dont la preuve incombe au copropriétaire demandeur, puisse être retenue à l'encontre du syndic.

Compte tenu de l'ampleur des tâches qui lui incombent et des difficultés pratiques auxquelles il est fréquemment confronté, le syndic est tenu d'une obligation de diligence et de vigilance, donc de moyens et non pas de résultat (ex. : Cour d'appel de Paris, 19 novembre 2014, n° RG 12/00684).

Son appréciation s'opère in abstracto par rapport au standard du bon père de famille et des diligences normales du professionnel averti (ex. : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 10 septembre 2020, n° RG 18/11191).

Sur ce,

Concernant la demande indemnitaire formée au titre d'un préjudice de jouissance, il doit être relevé en premier lieu que dans ses écritures, Mme [C] n'explicite aucunement la teneur de ce préjudice,

ne précisant notamment pas à quel lot il se rapporte.

En deuxième lieu, il n'est communiqué aucune pièce de nature à le caractériser, tant dans son principe que dans son quantum, outre que, comme précédemment exposé, Mme [C] ne justifie pas avoir fait les démarches idoines pour pouvoir remédier, le cas échéant, à la prétendue occupation illicite du lot n°50, ni aux prétendues difficultés de superficie d'accès du lot n°35 alors que cela lui incombait en sa qualité de propriétaire des lieux.

La même carence probatoire de la demanderesse est à relever concernant la demande indemnitaire formée au titre d'un prétendu préjudice moral.

Enfin, concernant la demande formée au titre du préjudice financier, la somme de 566 € de dont Mme [C] sollicite le remboursement recouvre, d'après l'état daté communiqué en pièce 3, "les honoraires du syndic afférents aux prestations demandées par le notaire pour l'établissement du présent document".

Or la demanderesse ne justifie pas en quoi ces frais n'étaient pas dus, ni en quoi leur paiement lui a été préjudiciable, d'une quelconque manière.
Mme [C] doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, et ce sans qu'il y ait lieu d'examiner les fautes alléguées à l'encontre des parties défenderesses, au demeurant non-établies.

Sur les demandes accessoires

Succombant au litige, Mme [C] sera condamnée aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Raison Avocats, ainsi qu'à verser à chacune des parties défenderesses la somme de 3.000 euros chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de prise en charge des frais de constat d'huissier du 20 novembre 2020 au titre des dépens sera rejetée.

En application de l'article 514 modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il n'y a pas lieu en l'espèce d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Les parties seront, enfin, déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DEBOUTE Mme [B] [C] de l'ensemble de ses prétentions,

CONDAMNE Mme [B] [C] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [B] [C] à payer à la SARL Cabinet La Pagerie une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [B] [C] aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Raison Avocats,

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes,

Fait et jugé à Paris le 26 Mars 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/06753
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;21.06753 ?
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