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26/03/2024 | FRANCE | N°21/04058

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 26 mars 2024, 21/04058


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre 1ère section

N° RG 21/04058

N° Portalis 352J-W-B7F-CUAZC

N° MINUTE : 7

Contradictoire

Assignation du :
12 Mars 2021






JUGEMENT
rendu le 26 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [E] [W]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Maître Jean-marie JOB de la SELARL JTBB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0254


DÉFENDERESSE
>DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DE [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par son inspecteur muni d’un pouvoir spécial


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mad...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 21/04058

N° Portalis 352J-W-B7F-CUAZC

N° MINUTE : 7

Contradictoire

Assignation du :
12 Mars 2021

JUGEMENT
rendu le 26 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [E] [W]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Maître Jean-marie JOB de la SELARL JTBB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0254

DÉFENDERESSE

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DE [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par son inspecteur muni d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI,Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Claudia CHRISTOPHE, greffière lors des débats et Madame Sandrine BREARD, greffière lors de la mise à disposition.
Décision du 26 Mars 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/04058 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUAZC

DÉBATS

A l’audience du 30 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Patrick NAVARRI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS CONSTANTS

En 1996, feu [L] [W] et son épouse Mme [E] [W] ont acquis un appartement soit le lot n° 60, d’une superficie de 154 m2, sis [Adresse 2] pour y établir leur résidence principale.

Le 31 décembre 2012, ils se sont portés acquéreurs d’un appartement lot n° 59 qui est contigu au lot n°60.

Feu [L] [W] et Mme [E] [W] ont fait l’objet d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle et d’un contrôle de déclaration d’impôts de solidarité sur la fortune au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016.

Les déclarations au titre de l’ISF faisaient état de participations à hauteur de 6.667 parts dans la société Fonds d’Action des Nouveaux Investisseurs (FANI).

Feu [L] [W] est décédé le [Date décès 1] 2016.

Par la suite 3 propositions de rectification ont été envoyées à Mme [W] les 26 décembre 2016, 22 décembre 2017 et 18 avril 2018.

Mme [W] a adressé à l’administration fiscale une réclamation en date des 12 février 2020 qui a été renouvelée le 16 décembre 2020. Par courrier en date du 15 janvier 2021, l’administration fiscale a rejeté cette réclamation.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par exploit du 12 mars 2021, Mme [E] [W] a assigné l'administration fiscale devant le tribunal de céans.

Par dernières écritures signifiées le 26 mai 2023, elle demande au Tribunal de :
- annuler la décision de rejet attaquée ;
- ordonner la réduction de la base imposable :
Décision du 26 Mars 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/04058 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUAZC

→ au titre de l’ISF 2013, de 3 127 451 euros (1 149 650 euros au titre de l’appartement sis [Adresse 2] et 1 977 801 euros au titre des parts de la société FANI) ;
→ au titre de l’ISF 2014, de 2 947 451 euros (989 650 euros au titre de l’appartement sis [Adresse 2] et 1 957 801 euros au titre des parts de la société FANI) ;
→ au titre de l’ISF 2015, de 2 264 151 euros (940 700 euros au titre de l’appartement sis [Adresse 2] et 1 323 451 euros au titre des parts de la société FANI) ;
→ au titre de l’ISF 2016, de 576 900 euros (au titre de l’appartement sis [Adresse 2]) ;
- ordonner le dégrèvement des pénalités correspondantes ;
- condamner l’administration à lui payer une somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner l’administration aux dépens comprenant les frais d’expertise éventuels dont distraction au profit de la SELARL JTBB AVOCATS, avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’appui de ses demandes elle fait valoir :
- que le lot n° 59 constitue une extension du lot n° 60 et qu’il doit être considéré comme une résidence principale et bénéficier de la réduction d’impôt ; que les travaux de réunification des deux lots qui ont été autorisés par la copropriété ont bien été effectués ; que le nouveau lot n° 99 est un couloir qui réunit les deux appartements ; que de nombreux éléments démontrent que les deux lots sont utilisés à titre de résidence principale ;
- que la valeur vénale des titres FANI a été évaluée par l’administration fiscale en se fondant sur une transaction effectuée le 13 décembre 2011 ; que cette transaction est trop ancienne et n’a pas été réalisée dans les conditions normales du marché ; que l’administration ne peut rectifier une évaluation que si elle apporte la preuve de son insuffisance ; que l’absence d’élément d’évaluation comparable doit entrainer une évaluation réelle des titres FANI ;
- que la majoration de 40% ne peut pas s’appliquer car l’administration fiscale ne prouve pas son intention d’éluder le paiement de l’impôt.

Par des conclusions signifiées le 15 novembre 2023, l’administration fiscale demande de :
Vu les conclusions respectivement signifiées conformément aux dispositions de l'article R* 202-2 du livre des procédures fiscales ;
ouï, s’il y a lieu, les parties ou leurs avocats en leurs explications orales (article R* 202-2 du livre des procédures fiscales) ;
et après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, de :
- de confirmer la décision de rejet du 15 janvier 2021 ;
- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes ;
- rejeter sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner en outre à tous les dépens de l’instance.

A l’appui de ses demandes l’administration fiscale fait valoir :
- que l’achat d’un second appartement ne correspond pas à une volonté d’acquisition d’un bien immobilier dans l’objectif d’agrandir l’espace de vie familiale pour une famille composée de 4 personnes ; que le lot numéro n° 59 a d’ailleurs été donné en location meublée ;
- que la transaction du 3 décembre 2011 doit être retenue pour  évaluer les titres de la société FANI ;
- que les valeurs des titres FANI sont beaucoup plus élevées les années suivantes selon les propres déclarations effectuées par Mme [W] ;
- qu’il ressort des éléments du dossier que le manquement délibéré est bien établi et que dès lors la pénalité consistant dans une majoration de 40% est justifiée.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens il sera renvoyé aux dernières conclusions des parties selon l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2023.

MOTIVATION

Sur l’abattement de 30%

L’article 885 S du CGI dispose que : « La valeur des biens est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès. Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 761, un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l'immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire. En cas d'imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l'abattement précité. »

Au mois de juin 2011, c’est à dire six mois avant l’acquisition du second appartement, Mme [W] a demandé à un cabinet d‘architecte d’étudier l’ouverture du mur porteur situé entre les deux appartements qui sont contigus et situés dans le même couloir de l’immeuble soit le lot n°59 et le lot n° 60. Toutefois elle ne verse aux débats aucune facture d’une entreprise ayant effectivement réalisé les travaux ni aucune attestation de la bonne réalisation des travaux par un architecte ce qui ne permet pas d’établir que les deux appartements sont reliés.

En outre au moment de cet achat la famille est composée de quatre personnes soit Mme [W] son mari et ses deux filles. Or leur appartement comprend trois chambres, deux salles à manger, une cuisine, une salle de bain et des WC avec une superficie de 154 m2 et Mme [W] n’établit pas que les caractéristiques de son appartement étaient insuffisantes pour mener une vie familiale normale.

Mme [W] produit des attestations sur l’honneur d’amies de ses filles déclarant avoir préparé des examens ou concours et dormi quelques semaines dans son habitation constituée par ces deux appartements et elle justifie avoir installé deux compteurs d’électricité à son nom dans les deux appartements. Cependant on peut relever qu’elle a déclaré avoir donné en location meublée l’appartement constitué par le lot n°59, pour lequel elle ne produit aux débats aucun contrat de location, et les factures d’électricité produites peuvent parfaitement être relatives à ces locations.

Dès lors Mme [W] n’établit pas la réunion des deux appartements ni que le lot n°59 est un appartement à usage d’habitation familiale.

Par conséquent sa demande concernant l’abattement de 30 % sera rejetée.

Sur la valorisation des titres FANI

L’article 885 S dispose que « La valeur des biens est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès (…) ».

La valeur de titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir une évaluation aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel à la date du fait générateur de l'impôt.

La société FONDS D’ACTION DES NOUVEAUX INVESTISSEURS (FANI) a été créée le 26 octobre 1997 sous forme de société civile et son capital est composé de 50 006 parts de 0,1524 euros l’unité. Son objet social statutaire est :
- l’acquisition, l’administration de terrains, d’immeubles, de parts ou d’actions de sociétés à prépondérance immobilière ;
- l’exploitation par bail ou autrement des immeubles sociaux, plus généralement toutes opérations se rattachant, directement ou indirectement, à l’objet sus-indiqué ;
- la prise de participations dans toutes sociétés ;
- généralement, toutes opérations quelconques pouvant se rattacher, directement ou indirectement à cet objet pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société.

Les déclarations d’ISF souscrites par Mme [W] font état d’une participation de 6 667 parts dans la société FANI évaluée à :
- 375 650 euros au 1er janvier 2013 (soit 56,34 euros la part) ;
- 395 650 euros au 1er janvier 2014 (soit 59,34 euros la part) ;
- 1 323 451 euros au 1er janvier 2015 (soit 154,49 euros la part).

Pour rectifier la valeur des parts FANI déclarés, l’administration fiscale s’est fondée sur une transaction du 3 décembre 2011 portant sur 3 084 parts de la société FANI et faisant ressortir un prix de 1 088 652 euros (soit un prix unitaire de 353 euros : 1 088 652 / 3 084).

Si Mme [W] affirme que le prix qui a été arrêté par les parties est un prix de convenance elle ne produit aucun élément de preuve de nature à caractériser un prix qui aurait été majoré.

En outre les différentes sociétés du groupe FANI n’ont effectué aucune vente, acquisition ou levée d’option sur la période allant du 13 décembre 2011 au 31 décembre 2014 et il n’existe aucun motif permettant de justifier une diminution du prix de la part de la société FANI.

De plus la mutation retenue par l’administration fiscale n’est antérieure que de 24 mois par rapport à la date du fait générateur de l’ISF de l’année 2014 et de 36 mois par rapport à la date du fait générateur de l’ISF de l’année 2015.

Dès lors l’administration fiscale justifie avoir retenu la transaction du 3 décembre 2011 pour évaluer les titres FANI détenus par la requérante sur la période 2014 à 2015.

S’agissant de l’insuffisance de motivation, l’article 57 du LPF mentionne que l'administration doit adresser au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

En l’espèce, il ressort des différentes propositions de rectification que l’administration fiscale a informé Mme [W] qu’elle retenait la cession du 13 décembre 2011 pour établir la valeur vénale des titres FANI. Dès lors les différentes propositions sont suffisamment motivées et permettaient à Mme [W] de formuler ses observations.

Par conséquent la demande relative à la valorisation des titres FANI doit être rejetée.

Sur les pénalités

L’article 1729 du Code général des impôts dispose que « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :
40 % en cas de manquement délibéré ; (…) ».

Sur l’ISF de l’année 2014, la proposition de rectification mentionne que Mme [W] a acquis le en 2012 lot n° 59 pour un prix au m² de 10 919 euros alors qu’elle a évalué ce bien à une somme de 5.558 euros le m². De plus, ainsi qu’il a été exposé précédemment, l’abattement de 30 % visé à l’article 885 S du CGI ne pouvait trouver à s’appliquer au lot n° 59. Ces motifs sont repris par l’administration fiscale dans sa proposition de rectification sur l’année 2014. Dès lors cette décision est suffisamment motivée et fondée.

Dans la proposition de rectification du 18 avril 2018 qui est relative à l’ISF 2015 et 2016, la motivation du manquement délibéré reprend la même motivation que celle mentionnée sur l’ISF de 2014 c’est à dire que Mme [W] a acquis le lot n° 59 en 2012 pour un prix au m² de 10 919 euros alors qu’elle a évalué ce bien à une somme de 5.558 euros le m². Certes l’administration fiscale mentionne qu’elle a oublié de supprimer la référence à l’ISF 2014 et de la remplacer par la référence à l’ISF 2015 et 2016. Toutefois il ne s’agit que d’une simple erreur de plume qui n’entache pas d’irrégularité la décision.

Dès lors les décisions sont motivées et fondées et la demande relative aux majorations pour manquement délibéré doit être rejetée.

Sur les autres demandes

Mme [W] étant la partie perdante, elle sera condamnée aux dépens et sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉBOUTE Mme [E] [W] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE Mme [E] [W] aux dépens ;

Fait et jugé à Paris le 26 mars 2024.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/04058
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;21.04058 ?
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