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25/03/2024 | FRANCE | N°23/01054

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/1/1 resp profess du drt, 25 mars 2024, 23/01054


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :




1/1/1 resp profess du drt


N° RG 23/01054 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CY3XH

N° MINUTE :


Assignation du :
20 Janvier 2023













ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 25 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [C] [L]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Francis JURKEVITCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0734


DEFENDERESSE

Caisse Nati

onale des Barreaux Français
[Adresse 1]
[Localité 3]

Non représentée













Décision du 25 Mars 2024
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/01054 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY3XH


MAGISTRAT DE LA M...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

1/1/1 resp profess du drt

N° RG 23/01054 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CY3XH

N° MINUTE :

Assignation du :
20 Janvier 2023

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 25 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [C] [L]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Francis JURKEVITCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0734

DEFENDERESSE

Caisse Nationale des Barreaux Français
[Adresse 1]
[Localité 3]

Non représentée

Décision du 25 Mars 2024
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/01054 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY3XH

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Monsieur Eric MADRE, Juge

assisté de Samir NESRI, Greffier lors des débats, et de Gilles ARCAS, Greffier lors du prononcé

DEBATS

A l’audience du 11 Mars 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 25 Mars 2024.

ORDONNANCE

- Contradictoire
- Susceptible d’appel dans les conditions prévues par l’article 795 du code de procédure civile
- Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
- Signée par Monsieur Eric MADRE, Juge de la mise en état, et par Monsieur Gilles ARCAS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par assignation délivrée le 20 janvier 2023, Monsieur Francis Jurkevitch, avocat au barreau de Paris, a fait assigner la Caisse Nationale des Barreaux Français devant le tribunal judiciaire de Paris.

Le 22 janvier 2024, en application de l'article 120 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge de la mise en état a relève d'office la nullité de l'assignation pour défaut de capacité de Maître [C] [L] à se représenter lui-même en justice, au regard des articles 117 à 119 et 411 du code de procédure civile, de l'article 1984 du code civil, du règlement intérieur national de la profession d'avocat et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt du 4 avril 2018, affaire [E] c. Portugal, requête n°56402/12).

Par conclusions en date du 5 mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [C] [L] demande au juge de la mise en état de :
- rejeter la nullité relevée d’office de l’assignation pour défaut de capacité du demandeur ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.

Il fait valoir que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme visée par le juge de la mise en état porte sur la matière pénale et qu'au civil, saisie d’une requête dirigée contre la Serbie, la Cour européenne des droits de l’homme a en revanche jugé l’inverse le 11 février 2014 au visa de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit d’accès à un tribunal ([N] c/ Serbie, requête n°30671/08), le juge européen estimant, puisque tout justiciable dispose du droit de se défendre lui-même ou de bénéficier de l’assistance du défenseur de son choix, d'une part qu’un avocat peut assurer la défense de ses propres intérêts puisque étant qualifié pour soulever des points de droit pour le compte d'autrui il est tout autant capable de le faire pour son propre compte, et d'autre part que refuser cette faculté d'autoreprésentation n’est pas justifié par des impératifs de sécurité juridique ni de bonne administration de la justice.

Régulièrement assignée à personne, la Caisse nationale des barreaux français n'a pas constitué avocat.

Les parties ont été convoquées pour plaider sur cet incident par bulletin du greffe à l’audience du 11 mars 2024.

A cette audience, l’incident a été mis en délibéré au 25 mars 2024.

MOTIFS

Sur l'exception de nullité :

En application de l’article 117 du code de procédure civile, constituent une irrégularité de fond affectant la validité d’un l'acte le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

La question posée en l’espèce est celle de savoir si un avocat peut assurer lui même sa défense à l’occasion d’une procédure imposant aux parties de constituer avocat.

Selon l'article 6§ 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Le paragraphe 3 du même article ajoute que tout accusé a droit notamment à se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent.

Les droits d'accès à un tribunal et à se défendre soi-même, qui ne sont pas absolus, peuvent faire l'objet de certaines limitations inhérentes aux intérêts de la justice, lesquelles procèdent de la législation applicable ou du règlement de procédure du tribunal concerné, chaque Etat conservant une marge d'appréciation. Elles doivent avoir un but légitime et être conformes au principe de proportionnalité entre les moyens employés et l'objectif poursuivi.

Ces droits sont en outre différents selon les juridictions civiles et pénales.

En France, le droit d'accès à un tribunal judiciaire en matière civile est notamment prévu par l'article 760 alinéa 1er du code de procédure civile qui dispose que les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire.

A cet égard, l'article 411 du code de procédure civile dispose que « Le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure » et l'article 1984 du code civil énonce que « le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».

Il résulte de ces articles que la représentation en justice est fondée sur un mandat donné par une partie, le mandant, à l'avocat, mandataire, pour assurer la défense de ses intérêts.

Ces dispositions restreignent le libre choix de l'avocat en ce qu'elles supposent que le mandat soit donné à un avocat distinct de la partie représentée (cour d'appel de Paris, 5 mars 2024, RG 23/17468).

En effet, les objectifs de la représentation en justice par un avocat sont, d'une part d'empêcher que les parties privées agissent elles-mêmes en justice sans avoir recours à un intermédiaire et, d'autre part, de garantir que les personnes physiques ou morales soient défendues par un représentant suffisamment détaché d'elles. La mission de représentation par un avocat s'exerce donc tant dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice que dans le respect d'une totale indépendance à l'égard du mandant, d'une part, mais également de la loi et des règles déontologiques, d'autre part.

Les dispositions légales susvisées poursuivent un but légitime à savoir l'efficacité de la procédure civile d'appel avec représentation obligatoire, la sécurité juridique et une bonne administration de la justice. Elle sont en outre conformes au principe de proportionnalité entre les moyens employés et l'objectif poursuivi en ce qu'elles ne portent pas atteinte à l'accès au juge d'appel dans sa substance même.
En tout état de cause, le principe essentiel d'indépendance qui régit la profession doit amener l'avocat à se dispenser d'intervenir lorsque son indépendance risque de ne plus être entière.

Tel est le cas en l'espèce, puisque Monsieur [C] [L] agit à l'encontre de la Caisse nationale des barreaux français en contestation de titres exécutoires portant sur des cotisations le concernant personnellement, de sorte qu'il ne peut avoir le recul nécessaire pour défendre sa cause de façon effective et dépassionnée.

Monsieur [C] [L] n’a en conséquence pas la capacité d’assurer sa propre représentation et l’assignation doit être déclarée nulle en application de l’article 117 du code de procédure civile, de même que ses conclusions d'incident notifiées le 5 mars 2024.

Sur les demandes accessoires :

En application des articles 696 et 790 du code de procédure civile, Monsieur [C] [L] est condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état,

Déclarons nulle l’assignation du 20 janvier 2023 et les conclusions d'incident notifiées par Monsieur [C] [L] le 5 mars 2024 ;

Condamnons Monsieur [C] [L] aux dépens ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Faite et rendue à Paris le 25 Mars 2024

Le GreffierLe Juge de la mise en état

G. ARCASE. MADRE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/1/1 resp profess du drt
Numéro d'arrêt : 23/01054
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Prononce la nullité de l'assignation

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;23.01054 ?
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