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25/03/2024 | FRANCE | N°21/03473

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 25 mars 2024, 21/03473


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 21/03473

N° MINUTE :

Assignations des :
- 30 Décembre 2020
- 04 Janvier 2021
- 01 Mars 2021

CONDAMNE

ON






JUGEMENT
rendu le 25 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [W] [L]
[Adresse 4]
[Localité 7]

Représentée par Maître Jean-Eric CALLON de la SELARL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0273

DÉFENDEURS

Monsieur [I] [E]
Décédé

ET

La COMPAGNIE AXA FRANCE>[Adresse 3]
[Localité 5]

Représentés par Me Georges LACOEUILHE membre de l'AARPI LACOEUILHE-LEBRUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0105

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 21/03473

N° MINUTE :

Assignations des :
- 30 Décembre 2020
- 04 Janvier 2021
- 01 Mars 2021

CONDAMNE

ON

JUGEMENT
rendu le 25 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [W] [L]
[Adresse 4]
[Localité 7]

Représentée par Maître Jean-Eric CALLON de la SELARL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0273

DÉFENDEURS

Monsieur [I] [E]
Décédé

ET

La COMPAGNIE AXA FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 5]

Représentés par Me Georges LACOEUILHE membre de l'AARPI LACOEUILHE-LEBRUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0105

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 6]

Non représentée

Expéditions
exécutoires
délivrées le :

Décision du 25 Mars 2024
19ème contentieux médical
RG 21/03473

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Olivier NOËL, Vice-Président
Madame Sabine BOYER, Vice-Présidente
Madame Géraldine CHABONAT, Juge

Assistés de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS

A l’audience du 29 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Monsieur NOËL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 25 Mars 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Au cours de l’année 2015, Madame [W] [L] a consulté le Docteur [I] [E] en vue d’une gingivectomie dans le secteur mandibulaire gauche et la pose de deux couronnes sur les dents 33 et 34 (canine inférieure gauche et première prémolaire inférieure gauche).
Le traitement endodontique de la dent 34 a été réalisé le 3 mai 2015, la pose de deux prothèses provisoires sur les dents 33 et 34 le 13 juin 2015 et la pose de deux prothèses en céramique sur les dents 33 et 34 le 20 juin 2015.

A la suite de ces travaux prothétiques, Madame [W] [L] a présenté des accidents infectieux et douloureux en regard de la dent 34 ainsi que des morsures de langue.

Les douleurs persistant, Madame [W] [L] a consulté le 26 septembre 2015 le Docteur [P] [X], médecin généralise qui lui a prescrit de l’Augmentin, du Paracétamol ainsi que de l’Éludril.
Le 7 octobre 2015, le même traitement antibiotique lui a été prescrit.

Sur un cliché radiographique daté du 29 mai 2015 réalisé par le Docteur [E], il est possible de constater l’existence d’une fausse route radiculaire de la dent 34, avec perforation du bord mésial de la dent avec extravasation de pâte d’obturation et ostéolyse latéro radiculaire du mésial.
La perforation radiculaire du bord mésial de la dent 34 a été confirmée par un denta scanner en date du 24 octobre 2015.

Par ordonnance de référé rendue le 7 décembre 2018, le Tribunal de Grande Instance de PARIS a désigné le Docteur [B] en qualité d’Expert Judiciaire.

Son rapport a été déposé le 27 avril 2019, aux termes duquel la responsabilité du Docteur [E] est engagée à la suite d’une maladresse fautive, « en réalisant un faux canal sur la dent n°34 et l’injection de pâte d’obturation canalaire dans l’os », constituant une faute.

Au vu de ce rapport, par actes des 30 décembre 2020, 4 janvier et 1er mars 2021 assignant le Docteur [I] [E], chirurgien-dentiste, la SA AXA FRANCE et la CPAM de [Localité 6] suivis de conclusions récapitulatives signifiées le 18 novembre 2022, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, Madame [W] [L] demande au Tribunal de :

- CONDAMNER AXA et le Docteur [E] à payer à Madame [L] la somme de 16.038,25€, à parfaire, à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal et anatocisme;

- CONDAMNER AXA et le Docteur [E] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de Me Callon et les frais d’expertise judiciaire ainsi que les dépens de la procédure de référé.

***

Par dernières conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 20 janvier 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, le Docteur [I] [E] et la compagnie AXA FRANCE demandent au Tribunal de :

A titre principal :
Débouter Madame [L] de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre du Docteur [E] et de la compagnie AXA France ;
Condamner Madame [L] à verser au Docteur [E] et à la compagnie AXA FRANCE, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ;
Condamner Madame [L] aux entiers dépens de la procédure en ce compris les frais d’expertise ;

A titre subsidiaire :
Débouter Madame [L] de sa demande indemnitaire formulée au titre des dépenses de santé futures et du déficit fonctionnel permanent ;
Réduire la demande indemnitaire de Madame [L] formulée au titre des souffrances endurées à de plus justes proportions ;
Réduire la demande indemnitaire de Madame [L] formulée au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions.

La CPAM de [Localité 6] n'a pas constitué avocat . Le présent jugement lui sera déclaré commun. Cette décision susceptible d’appel sera dite réputée contradictoire.

La clôture est intervenue par ordonnance du juge de la mise en état du 3 juillet 2023, l’affaire a été appelée à l’audience du 29 janvier 2024 et mise en délibéré au 25 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR L'EXPERTISE :

L’expertise précitée indique que : « Les actes effectués étaient pleine justifiés, mais il a réalisé une maladresse fautive, en réalisant un faux canal sur la dent n°34 et l’injection de pâte d’obturation canalaire dans l’os »
« La réalisation d’un faux canal sur la 34 constitue une faute. »
« Les préjudices sont imputables aux soins sur la 34 et la réalisation d’un faux canal. »
A la question : “dire si les complications survenues étaient inévitables pour n'importe quel opérateur normalement diligent, - dire si la prise en charge de l'évolution de la pathologie initiale a été conforme aux bonnes pratiques en la matière.” l’expert répond de façon formelle : “Ces complications étaient totalement évitables.”

Le docteur [E] et son assureur soutiennent que la perforation radiculaire est un risque connu des dévitalisation et qu’ainsi aucune faute ne peut être retenue à l’encontre du dentiste.
Il y a lieu de noter qu’aucun dire n’a été utilement communiqué par les défendeurs à l’expert et qu’ils ne sollicitent pas le prononcé d’une nouvelle mesure d’expertise.

Ainsi la mesure d’expertise a pu être discutée par les parties et constitue une base solide, objective, documentée et contradictoirement discutée par les parties.

I / SUR LA RESPONSABILITÉ

L'article R4127-233 du Code de la santé publique dispose que le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s'oblige :
1° A lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science, soit personnellement, soit lorsque sa conscience le lui commande en faisant appel à un autre chirurgien-dentiste ou à un médecin ;
2° A agir toujours avec correction et aménité envers le patient et à se montrer compatissant envers lui ;
3° A se prêter à une tentative de conciliation qui lui serait demandée par le président du conseil départemental en cas de difficultés avec un patient.

Ainsi le dentiste est tenu d'être irréprochable dans ses gestes techniques et doit limiter les atteintes qu'il porte au patient à celles qui sont nécessaires à l'opération. En l’espèce, il y a lieu de constater avec l’expert que tel n’a pas été le cas.
Si l’expert estime que « Les actes effectués étaient pleine justifiés, mais il a réalisé une maladresse fautive, en réalisant un faux canal sur la dent n°34 et l’injection de pâte d’obturation canalaire dans l’os »
Il ajoute que : « La réalisation d’un faux canal sur la 34 constitue une faute. »

« Les préjudices sont imputables aux soins sur la 34 et la réalisation d’un faux canal. ».
A la question : “dire si les complications survenues étaient inévitables pour n'importe quel opérateur normalement diligent, - dire si la prise en charge de l'évolution de la pathologie initiale a été conforme aux bonnes pratiques en la matière.” l’expert répond de façon formelle : “Ces complications étaient totalement évitables.”

Le docteur [E] et son assureur tentent d’expliquer que la perforation radiculaire est un risque connu des dévitalisations et qu’ainsi aucune faute ne peut être retenue à l’encontre du dentiste.
Il y a lieu de noter qu’aucun dire n’a été utilement communiqué par les défendeurs à l’expert et qu’ils ne sollicitent pas le prononcé d’une nouvelle mesure d’expertise.
En outre, le fait que cette complication soit connue n’exclut pas la notion de faute lorsque cette situation se produit.

En conséquence, il convient de dire que le préjudice subi découle directement et exclusivement de la faute du docteur [E] qui sera tenu à entière réparation avec son assureur.

II/ SUR LA RÉPARATION DES PRÉJUDICES

Madame [W] [L] est née le [Date naissance 1] 1953.

Compte tenu de ces éléments, il convient de fixer ainsi qu'il sera ci-après indiqué les divers préjudices de la victime.

Il y a lieu de préciser qu'en vertu de l'article L376-1 du Code de la Sécurité sociale, les recours subrogatoires des Caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; que cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice.

1) Dépenses de santé futures

Madame [L] demande que lui soit accordée la somme de 12.438,25 €.
L’Expert a estimé dans son rapport que devrait être mis à la charge du Docteur [E] l’extraction de la dent 34 et la réalisation d’une nouvelle prothèse amovible plaque base métallique mandibulaire remplaçant 7 dents (34-35-36-37-45-46-47).
Pour ces frais, Madame [L] a fait réaliser deux devis à hauteur de 10.000 € et 3.200 € qu’elle a adressés à sa mutuelle afin de simuler la prise en charge possible (Pièce 3 : Devis).
La prise en charge est de 661.75 € pour le premier devis et de 100 € pour le second soit un reste à charge de 9.338,25 € et de 3.100 €.
Madame [L] sollicite ainsi du Docteur [E] et d’AXA la prise en charge de l’intégralité des frais de traitement prothétique, soit 12.438,25 €, somme à parfaire selon remboursement effectué par sa mutuelle.

Les défendeurs demandent que cette somme soit réduite de 500 € au motif que l’expert a retenu une participation de Madame [L], cette somme correspondant à la part qui serait dans tous les cas restée à la charge de madame [L] du fait de l’usure normale du stellite.

L’indemnisation sera donc fixée à 11.938,25 €.

2) Souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser ici les souffrances tant physiques que morales endurées du fait des atteintes à l'intégrité, la dignité et l’intimité et des traitements, interventions, hospitalisations subies depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

En l’espèce, ces souffrances endurées sont caractérisées par les douleurs ressenties à la dent 34 et les morsures subies. Les douleurs liées aux soins initiaux, normalement douloureux, ne peuvent être retenus à ce titre.

L’expert a fixé ce chef de préjudice à 1,5/7, il sera en conséquence accordé de ce chef une somme de 1.500 € à titre indemnitaire.

3) Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de préjudice tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) dont la victime continue à souffrir postérieurement à la consolidation du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.

En l’espèce, Madame [L] forme une demande à hauteur de 600 € à ce titre. Les défendeurs, au principal, s’y opposent.

L’expert, dans son rapport, indique : « AIIP : 0,5% en cas d’extraction de la dent 34 et si remplacée par une prothèse amovible. » (Pièce 2, page 5).
En conséquence, faute pour la demanderesse de se trouver dans la situation d’avoir perdu la dent 34 qui aurait été remplacée par une prothèse amovible, ce DFP n’existe pas et ne peut donc faire l’objet d’une quelconque indemnisation.

La demanderesse sera déboutée de ce chef de demande.

III / SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Il convient de condamner les défendeurs, parties perdantes du procès, à payer à la demanderesse sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, une somme qu’il apparaît équitable de fixer à 2.000 €.

Les défendeurs seront en outre tenus des dépens ainsi que des frais d’expertise et des frais liés à la procédure de référé.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DECLARE le Docteur [I] [E] fautif et responsable des conséquences dommageables de l'intervention subie par Madame [W] [L] ;

CONDAMNE in solidum le Docteur [I] [E] et la compagnie AXA FRANCE à réparer l'intégralité du préjudice subi ;

CONDAMNE en conséquence et in solidum le Docteur [I] [E] et la compagnie AXA FRANCE à payer à Madame [W] [L] les sommes suivantes, en quittances ou deniers, provisions non déduites, en réparation de son préjudice corporel :
- Souffrances endurées : 1.500 €
- Dépenses de santé futures :11.938,25 € ;

DIT que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du Code civil ;

DEBOUTE Madame [W] [L] de sa demande au titre du déficit fonctionnel permanent ;

DECLARE le présent jugement commun à la CPAM de [Localité 6] ;

CONDAMNE in solidum le Docteur [I] [E] et la compagnie AXA FRANCE à payer à DEMANDEUR la somme de 2.000 €.sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum le Docteur [I] [E] et la compagnie AXA FRANCE aux dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise et dépens du référé qui ont été réservés, s'agissant de frais de l'instance préparatoire au fond ;

DIT que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 25 Mars 2024.

La GreffièreLe Président

Erell GUILLOUËTOlivier NOËL


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 21/03473
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;21.03473 ?
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