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25/03/2024 | FRANCE | N°18/12241

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 25 mars 2024, 18/12241


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre 1ère section

N° RG :
N° RG 18/12241 - N° Portalis 352J-W-B7C-COARU

N° MINUTE : 2




Assignation du :
16 Octobre 2018









JUGEMENT
rendu le 25 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [M] [W]
[Adresse 2]
[Localité 7]

représenté par Maître David DANA de la SELARL DANA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E1484




DÉFENDERESSE

S.A. SOCIETE GENERALE venant aux droits de la S.A. CREDIT DU NORD
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Maître Aude MANTEROLA de la SELAS Fiducial Legal by LAMY, avocats au barreau de PARIS, avocat cosnti...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG :
N° RG 18/12241 - N° Portalis 352J-W-B7C-COARU

N° MINUTE : 2

Assignation du :
16 Octobre 2018

JUGEMENT
rendu le 25 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [M] [W]
[Adresse 2]
[Localité 7]

représenté par Maître David DANA de la SELARL DANA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E1484

DÉFENDERESSE

S.A. SOCIETE GENERALE venant aux droits de la S.A. CREDIT DU NORD
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Maître Aude MANTEROLA de la SELAS Fiducial Legal by LAMY, avocats au barreau de PARIS, avocat cosntitué, vestiaire #P0193, et Maître Gérard LEGRAND de la SELAS Fiducial Legal by LAMY, avocats au barreau de LYON, avocat plaidant,

Décision du 25 Mars 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 18/12241 - N° Portalis 352J-W-B7C-COARU

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente
Monsieur Patrick NAVARRI, Vice-président

assistée de Sandrine BREARD, Greffière lors de l’audience, et Pierre-Louis MICHALAK, Greffier lors de la mise à disposition,

DÉBATS

A l’audience du 29 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Marine PARNAUDEAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 25 Mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par exploit d'huissier du 16 octobre 2018, M. [M] [W] a fait assigner la société Crédit du Nord (ci-après dénommée " la banque") devant le tribunal de grande instance de Paris, en responsabilité pour manquement à son obligation de vigilance et de surveillance.

Par ordonnance du 28 septembre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a condamné la société Crédit du Nord à produire, sous astreinte provisoire de 25 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, l'intégralité du recto et verso des chèques ayant donné lieu, sur production d'une facture afférente, à des décaissements au titre de l'emprunt affecté sur le compte bancaire de [M] [W] et s'est réservé la liquidation de l'astreinte prononcée.

Par ordonnance du 20 septembre 2021, le juge de la mise en état de ce tribunal a :
- condamné la société Crédit du Nord à payer à M. [M] [W] la somme de 5 775,00 euros en liquidation de l'astreinte provisoire fixée par l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état de la 9ème chambre 1ère section du tribunal judiciaire de Paris le 28 septembre 2020 pour la période allant du 16 novembre 2020 au 5 juillet 2021,
- fixé une astreinte définitive à 25 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision, pour une durée de 90 jours, afin d'assortir l'obligation de la société Crédit du Nord de communiquer l'intégralité du recto et verso des chèques ayant donné lieu, sur production d'une facture afférente, à des décaissements au titre de l'emprunt affecté sur le compte bancaire de [M] [W],
- dit qu'il se réservait la liquidation de l'astreinte prononcée,
- condamné la banque aux dépens de l'incident,
- débouté M. [M] [W] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Décision du 25 Mars 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 18/12241 - N° Portalis 352J-W-B7C-COARU

Aux termes de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 2 juin 2023, M. [M] [W] demande au tribunal de :

" Vu les articles 263 et 288 du Code de procédure civile :
Vu les articles 1234-1 du Code civil,
Vu les pièces versées,

A TITRE LIMINAIRE
- VERIFIER si la signature apposée sur la copie des chèques communiquée par la Société Générale correspond à la signature de Monsieur [W] ou s'il s'agit d'une fausse signature,

- VERIFIER si la signature apposée sur la copie des factures litigieuses correspond à la signature de Monsieur [W] ou s'il s'agit d'une signature apocryphe,

- VERIFIER si l'ensemble des mentions apposées sur la copie des factures litigieuses correspond à l'écriture de Monsieur [W] ou s'il s'agit de mentions apocryphes,

A TITRE PRINCIPAL
- CONDAMNER la société Crédit du Nord à régler à Monsieur [W] la somme de 63.099,36 €, au titre de son manquement à son obligation de restitution,

- CONDAMNER la société Crédit du Nord à payer à Monsieur [W] la somme de 30.250,30€, à titre de dommages et intérêts au titre des préjudices consécutifs caractérisés par les frais de commission, les pénalités de remboursement, les pénalités du crédit à la consommation et les frais liés aux saisies attributions effectuées par la société Dewaele,

- CONDAMNER la société Crédit du Nord à payer à Monsieur [W] la somme de 104.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la décote du prix de vente réalisée en date du 21 janvier 2017 provoquée par sa situation de surendettement.

A TITRE SUBSIDIAIRE
- CONDAMNER la société Crédit du Nord à régler à Monsieur [W] la somme de 63.099,36 €, au titre de son manquement à son devoir de vigilance,

- CONDAMNER la société Crédit du Nord à payer à Monsieur [W] la somme de 30.250,30€, à titre de dommages et intérêts au titre des préjudices consécutifs caractérisés par les frais de commission, les pénalités de remboursement, les pénalités du crédit à la consommation et les frais liés aux saisies attributions effectuées par la société Dewaele,

- CONDAMNER la société Crédit du Nord à payer à Monsieur [W] la somme de 104.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la décote du prix de vente réalisée en date du 21 janvier 2017 provoquée par sa situation de surendettement.

EN TOUT ETAT DE CAUSE
- ORDONNER que les sommes porteront intérêts à taux légal à compter de la date de signification de l'assignation,

- ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- CONDAMNER la Société Générale à payer à Monsieur [W] la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL DANA AVOCATS, agissant par Maître David DANA, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile. "

Au soutien de ses prétentions, M. [W] fait valoir que la banque tirée, à qui incombe la charge de la preuve, est tenue de vérifier la régularité formelle du titre, et notamment l'authenticité de la signature qui y est apposée.

Il affirme que plusieurs entreprises sont intervenues dans le cadre des travaux de construction de sa maison individuelle, que pendant la durée de ces travaux, il ne s'est pas directement occupé de leur suivi compte tenu de sa lourde charge de travail. Il précise avoir confié le suivi de ce chantier à sa concubine, Mme [B].

Il souligne également qu'un rapide examen des chèques et des factures contestés fait apparaitre qu'ils ne portent ni sa signature ni de mentions émanant de sa main, qu'outre la falsification grossière de cette signature et de son écriture par Mme [B], la banque aurait dû s'assurer de la réalité du paiement direct de l'entreprise émettrice des devis et factures avant de procéder aux décaissements querellés. Il conclut ainsi au manquement de la banque à son obligation de restitution et à défaut, à son devoir de vigilance.

Aux termes de ses dernières écritures, communiquées par voie électronique le 28 août 2023, la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord demande au tribunal de :

" A TITRE LIMINAIRE,
PRENDRE ACTE que la SOCIETE GENERALE vient aux droits du CREDIT DU NORD, ensuite d'une fusion-absorption à effet au 1er janvier 2023
REJETER la demande de vérification d'écriture

En conséquence,
L'en DEBOUTER.

À TITRE PRINCIPAL,
JUGER que Monsieur [W] n'établit pas la matérialité des faits dont il allègue
JUGER que la négligence de Monsieur [W] est la cause exclusive des préjudices dont il allègue
JUGER que le CREDIT DU NORD, aux droits duquel vient désormais la SOCIETE GENERALE, n'a commis aucune faute dans le décaissement des fonds et le paiement des chèques litigieux, prétendument faux ou falsifiés
JUGER, en tout état de cause, que le quantum des demandes de Monsieur [W] n'est pas justifié
JUGER en conséquence, irrecevables et mal fondées les prétentions et demandes formulées par Monsieur [M] [W] à l'encontre du CREDIT DU NORD, aux droits duquel vient désormais la SOCIETE GENERALE

En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [M] [W] de sa demande de restitution de la somme de 63.099,36 €
DEBOUTER Monsieur [M] [W] de sa demande d'indemnisation des préjudices subséquents pour un montant total de 134.250,30 €
Décision du 25 Mars 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 18/12241 - N° Portalis 352J-W-B7C-COARU

DEBOUTER Monsieur [M] [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions
CONDAMNER Monsieur [M] [W] à payer à la SOCIETE GENERALE, venant aux droits du CREDIT DU NORD, la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens. "

La banque fait valoir tout d'abord qu'elle a procédé conformément aux stipulations contractuelles, au paiement direct des intervenants sur ce chantier, par virement bancaire à leur profit, excluant ainsi tout risque de détournement de la somme totale de 359000 euros. Elle précise que seule la somme de 59000 euros a été débloquée sur le compte personnel de M. [W] au titre du prêt travaux.

Elle soutient ensuite que M. [W] reconnait avoir confié le suivi des travaux de construction de sa maison individuelle à sa compagne et n'avoir opéré aucun contrôle de ses comptes pendant la durée du chantier et de ses formules de chèque. Elle relève que Mme [B] n'est pas attraite à la présente procédure. Elle déclare que la preuve de l'émission et de la signature des chèques par Mme [B] et celle de la dissipation des sommes litigieuses ne sont pas rapportées. Elle souligne aussi qu'à l'exception de deux chèques, les autres chèques ont été libellés au profit des entreprises qui sont intervenues sur ce chantier et que les sommes querellées ont effectivement été créditées sur leur compte. La banque précise que le total des treize factures s'élève à 40000 euros. Elle en déduit que même si les détournements de fonds qu'il allègue étaient établis - ce qui n'est pas le cas en l'espèce -, ils n'ont été rendus possibles que du fait de l'incurie de M. [W] dans la surveillance de ses compte bancaires et de son chéquier. Elle conclut à l'absence de caractérisation d'une faute tirée du manquement à son obligation de restitution.

La défenderesse conteste enfin avoir manqué à son devoir de vigilance, rappelant que la responsabilité de la banque ne peut être engagée si, lors de la vérification du titre, elle n'a constaté aucune anomalie de forme apparente. Elle relève que quand bien même la preuve de la signature de M. [W] a été imitée, la preuve de son caractère grossier n'est pas rapportée. Elle précise qu'en l'absence d'anomalie intellectuelle et matérielle de nature à l'alerter, rien ne justifiait que ces chèques ne soient pas crédités sur le compte visé au verso de la formule de chèque. Elle ajoute qu'elle n'a pas à s'immiscer dans les affaires de ses clients en sorte qu'elle n'était pas tenue de procéder à des vérifications spécifiques. Elle note aussi que les bénéficiaires desdits chèques sont effectivement les entreprises intervenues pour la construction de la maison individuelle.

La banque ajoute que les prétendus préjudices dont se prévaut M. [W] ne sont pas établis et qu'ils sont sans lien avec les fautes alléguées.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des moyens et arguments respectifs des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 septembre 2023.

MOTIFS

Les demandes tendant à voir le tribunal "dire et juger", "constater", "juger que" "dire que" ou "donner acte" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais de simples moyens ou arguments, le tribunal n'est dès lors pas saisi de ces demandes.

Sur la demande de vérification d'écritures

En cas de contestation de l'écriture et/ou de la signature d'un acte sous-seing privé ou de tout autre document, le juge est tenu de procéder à sa vérification avant même de statuer sur celui-ci ou au vu de celui-ci, étant rappelé que la preuve de l'authenticité des actes revient à celui qui s'en prévaut.

Selon le premier alinéa de l'article 287du code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.

Selon l'article 288 du même code, le juge procède à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer.

En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats que :
- parmi les chèques et les factures dont M. [W] dénie sa signature, seules la copie de 13 chèques ainsi que celle des factures y afférentes sont produites aux débats,
- chaque page de la copie des conditions générales et particulières du prêt immobilier et de celle des conditions du contrat de construction de maison individuelle, contient la signature du demandeur.

Toutefois, faute de production de spécimen d'écriture provenant de la main de M. [W], la présente juridiction ne peut vérifier si l'écriture figurant sur les chèques et les factures litigieuses émanent de la main du demandeur. Seule une vérification de signature peut être opérée.

Force est d'observer que sur la copie de chaque page de ces deux contrats que M. [W] ne conteste pas avoir signé, la signature manuscrite comporte des pleins et des déliés variant de manière sensible.

La signature apposée sur la copie de certains chèques produits aux débats comporte des caractéristiques approchantes de celle figurant sur la copie des deux contrats susvisés.

Il est notoire que la signature de M. [W] ne correspond pas à l'écriture de son patronyme de sorte que les chèques signés " [W] " ne sont pas signés par le demandeur. Il s'agit du chèque d'un montant de 2199 euros du 13 novembre 2013 (pièce 6 du défendeur), du chèque d'un montant de 900 euros non daté et dont l'endos comporte la mention " A mettre vers le 20/12/14 " (pièce 9 du défendeur).

De même, la signature " Thergt " apposée sur le chèque d'un montant de 60 euros libellé à l'ordre du " Dr [X] " le 20 septembre 2013 (pièce 33 du défendeur) ne correspond pas à celle de M. [W].

Toutefois, la signature apposée sur la copie des autres chèques produits aux débats comporte des caractéristiques approchantes de celle du demandeur figurant sur la copie des deux contrats susvisés.

S'agissant des treize factures et devis dont la copie est produite, force est d'observer que :
- la facture du 5 juillet 2012 d'un montant de 750 euros et adressée à M. [W] et Mme [B] comporte une signature différente de celle de M. [W] (l'adresse [Adresse 4] à [Localité 8] étant mentionnée),
- la facture du 15 mars 2012 d'un montant de 3200 euros et adressée à M. [W] et Mme [B] comporte une signature différente de celle de M. [W] (le projet de construction de maison à [Localité 8] étant visé),
- la facture du 7 juillet 2020 d'un montant de 3200 euros et adressée à M. [W] comporte une signature différente de celle de M. [W] (le projet de construction de maison à [Localité 8] étant visé),
- la facture du 12 juillet 2013 d'un montant de 1289,69 euros et adressée à M. [W] comporte une signature correspondant à celle de M. [W] (l'adresse [Adresse 4] à [Localité 8] étant mentionnée),
- le devis du 28 juin 2013 d'un montant de 1363,78 euros et adressée à M. [W] comporte une signature différente de celle de M. [W] (l'adresse [Adresse 4] à [Localité 8] étant mentionnée),
- la facture du 19 septembre 2013 d'un montant de 3700 euros et adressée à M. [W] comporte une signature correspondant à celle de M. [W] (l'adresse [Adresse 4] à [Localité 8] étant mentionnée),
- la facture du 30 décembre 2013 d'un montant de 1396,35 euros et adressée à M./Mme [W] comporte une signature correspondant à celle de M. [W] (l'adresse [Adresse 4] à [Localité 8] étant mentionnée),
- la facture du 13 novembre 2013 d'un montant de 4496,67 euros et adressée à M. [W] comporte une signature (" [M][W] ") différente de celle de M. [W] (l'adresse [Adresse 4] à [Localité 8] étant mentionnée),
- la facture du 14 novembre 2013 d'un montant de 698,17 euros et adressée à M/Mme. [W] comporte une signature (" [M][W] ") différente de celle de M. [W] (l'adresse de M. [W] [Adresse 1] à [Localité 5] étant mentionnée),
- la facture du 28 novembre 2013 d'un montant de 698,18 euros et adressée à M./Mme [W] comporte une signature (" JFVerzele ") différente de celle de M. [W] (l'adresse [Adresse 4] à [Localité 8] étant mentionnée),
- la facture du 9 décembre 2013 d'un montant de 10000 euros et adressée à M. [W] comporte une signature (" [W] ") différente de celle de M. [W] (l'adresse [Adresse 4] à [Localité 8] étant mentionnée),
- les quatre factures émanant de la société Prodeco des 11, 19 et 23 décembre 2013 adressées à M. [W] comporte une signature (" [W] ") différente de celle de M. [W] (l'adresse [Localité 5] étant mentionnée),
- la facture du 15 janvier 2014 d'un montant de 5000 euros et adressée à M. [W] comporte une signature (" [M][W] ") différente de celle de M. [W] (l'adresse [Adresse 4] à [Localité 8] étant mentionnée).

Sur le manquement de la banque à son obligation de restitution

Aux termes de l'article 1937 du code civil, le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il résulte du contrat de prêt du 18 décembre 2012 et du contrat de construction de maison individuelle du 23 avril 2012 versés aux débats que ;
- seul M. [W] a souscrit auprès de la société Crédit du Nord l'offre de prêt immobilier d'un montant de 650 000 euros ayant pour objet la construction d'une maison individuelle, le rachat de prêt pour une maison individuelle à usage d'habitation principale située [Adresse 4] à [Localité 8],
- M. [W] vivait maritalement et demeurait [Adresse 1] à [Localité 5]).

De plus, l'article 3.2 des conditions générales du contrat de prêt stipule qu "En cas de financement de travaux, les fonds seront versés directement par le prêteur à l'établissement qui a consenti les crédits nécessaires au financement de la construction des biens ou directement au vendeurs, constructeurs, entrepreneurs ou promoteurs, selon le type de contrat régissant l'opération immobilière, sur présentation des lettres d'appel de fonds, mémoires ou factures visées par l'emprunteur et comportant son accord écrit pour le règlement".

Il est constant que compte tenu de ses contraintes notamment d'ordre professionnel, M. [W] a confié à sa compagne, Mme [B], - qui n'est pas partie à la présente instance et qui n'avait aucune procuration sur ses comptes bancaires - le soin de suivre l'avancement des travaux de construction de sa maison individuelle et qu'il s'en est désintéressé.
Il résulte des relevés bancaires de M. [W] que seule la somme de 59000 euros a été débloquée sur le compte personnel de M. [W] au titre du prêt travaux.

M. [W] ne conteste pas le bien-fondé du décaissement d'un montant de 7000 euros du 17 décembre 2013.

S'agissant du reliquat, celui-ci se compose d'une part, des sommes mentionnées sur les factures et devis versés aux débats et d'autre part, d'un solde dont l'emploi n'est étayé par aucune pièce.

Force est d'observer que :
- toutes les factures et devis querellés sont adressés à M. [W] et correspondent aux travaux d'édification de son immeuble à usage d'habitation,
- certaines d'entre elles mentionnent " M./Mme [W] " ou M. [W] et Mme [B],
- parmi les chèques litigieux, seuls deux chèques n'ont aucun lien avec les travaux de construction de ce bien immobilier. Il s'agit du chèque libellé à l'ordre de " [W] " d'un montant de 800 euros, non daté et comportant une signature correspondant à celle de M. [W] (pièce 5 du défendeur) d'une part, et du chèque libellé à l'ordre du " Dr [X] " d'un montant de 60 euros le 20 septembre 2013 et comportant une signature ne correspondant pas à celle de M. [W] (pièce 33 du défendeur) d'autre part,
- les autres chèques litigieux ont trait aux factures afférentes à ces travaux, y compris celles sur lesquelles la signature qui y est apposée, ne correspond pas à celle de M. [W],
- la somme indiquée sur chacune de ces factures a été créditée directement sur le compte du professionnel qui l'a éditée à la lumière de l'endos.

Il découle de ce qui précède que M. [W] qui ne conteste pas le bien-fondé des factures litigieuses, s'est totalement désintéressé de l'avancement des opérations d'édification de son bien immobilier, qu'il a laissé le soin à sa compagne - sans lui fournir de procuration sur ses comptes - d'être en lien direct avec sa banque et les divers professionnels qui sont intervenus dans le cadre de ces travaux, qu'il n'a pas, durant la période concernée, examiné ses relevés bancaires, qu'il s'est abstenu d'exercer la responsabilité lui incombant en qualité d'emprunteur et de maître d'ouvrage, qu'il a, par confort et par négligence fautive, abdiqué toute surveillance, même la plus élémentaire, permettant ainsi la réalisation des opérations qu'il conteste.
Ainsi, M. [W] ne démontre pas que la banque a manqué à ses obligations de dépositaire des fonds en transférant des fonds conformément aux instructions dont elle a été destinataire.

En l'absence de faute commise par la banque, les demandes indemnitaires présentées par M. [W] seront rejetées.

Sur le manquement de la banque à son devoir de vigilance

En application des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, dans sa version applicable au litige, le débiteur d'une obligation contractuelle qui du fait de l'inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier, s'oblige à le réparer. Il revient au créancier qui réclame réparation de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage en résultant.

Si le banquier teneur de compte est, en principe, soumis à un devoir de non-ingérence et n'a pas, en conséquence, à vérifier l'opportunité des opérations réalisées par son client, il n'est pas moins tenu à un devoir de vigilance, lui imposant de relever les opérations présentant une anomalie apparente, intellectuelle ou matérielle, et, parce qu'il est à la fois mandataire de son client pour exécuter les ordres que ce dernier lui donne et dépositaire des fonds du tireur, il a l'obligation de vérifier la régularité formelle des chèques présentés en paiement.

Compte tenu du principe de non-immixtion auquel est soumis le banquier teneur de compte et de la libre gestion de ses fonds par son détenteur, le fait qu'un montant important soit mentionné sur chaque formule de chèque d'une part, et que cette pratique ne correspond pas aux habitudes de M. [W] d'autre part, ne saurait avoir pour effet d'engager la responsabilité de la banque sur le fondement d'un manquement à son devoir de vigilance.

Il découle des énonciations précédentes que seule la copie de treize chèques est produite aux débats, qu'onze d'entre eux sont liés à une facture afférente aux travaux d'édification de la maison de M. [W], que ces chèques correspondent donc au projet immobilier de l'intéressé pour lequel le prêt immobilier a été consenti par la banque, que s'agissant des deux autres chèques, l'un est libellé à l'ordre à l'ordre de " [W] " d'un montant de 800 euros et l'autre est un chèque libellé à l'ordre du " Dr [X] " d'un montant de 60 euros le 20 septembre 2013.
S'agissant de ces deux derniers chèques, il est établi que la signature apposée sur le chèque libellé à l'ordre de " [W] " d'un montant de 800 euros, présente des caractéristiques approchantes de celle figurant sur le contrat de prêt et le contrat de construction de maison individuelle, dont M. [W] admet être l'auteur. Toutefois, la signature apposée sur le chèque libellé à l'ordre du " Dr [X] " ne correspond pas à la signature de M. [W].

Ce titre litigieux présente donc une anomalie apparente, aisément décelable par un employé de banque normalement diligent.

Cette anomalie aurait dû attirer l'attention de la banque qui a commis une faute en payant ce chèque alors qu'il ne correspondait à l'ordre du tireur en raison de la falsification apparente de la signature qui y était apposée. La faute de la banque tirée est à l'origine du préjudice subi par M. [W] qui a vu son compte débité de la somme de 60 euros au profit d'un tiers.

Le fait pour M. [W] de ne pas avoir examiné ses relevés de compte bancaire au moment de leur réception et de ne pas avoir préservé la sécurité de son instrument de paiement, ne saurait suffire à caractériser à son égard un comportement négligent, de nature à exonérer la banque de sa responsabilité.

A l'exception de la dissipation de cette somme de 60 euros, M. [W] allègue subir d'autres préjudices qui ne sont établis ni dans leur principe ni dans leur quantum et qui n'ont aucun lien de causalité direct avec le manquement de la banque à son devoir de vigilance.

La Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord sera en conséquence condamnée à payer à M. [W], la somme de 60 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2018, en réparation de son dommage matériel.

Les autres demandes de M. [W] seront rejetées.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant à l'instance, la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord sera condamnée aux dépens, avec distraction au profit de la SELARL DANA AVOCATS, agissant par Maître David DANA.

L'équité commande de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord.

La Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord sera condamnée à payer à M. [M] [W] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord à payer à M. [M] [W] la somme de 60 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2018, à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel,

DÉBOUTE M. [M] [W] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord à payer à M. [M] [W] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord de sa demande au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord aux dépens, avec distraction au profit de la SELARL DANA AVOCATS, agissant par Maître David DANA.

Fait et jugé à Paris le 25 Mars 2024

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 18/12241
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;18.12241 ?
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