TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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Juge des libertés et de la détention
N° RG 24/00953 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4OHB
ORDONNANCE SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D’UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET
DEMANDE DE PROLONGATION
DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE
(Articles L.614-1 et suivants et L.744-1 et suivants du Code de l'entrée
et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Devant Nous, Madame Amicie JULLIAND, Vice-présidente au tribunal judiciaire de Paris, régulièrement désignée par ordonnance de roulement en date du 18 décembre 2023 et du tableau de service de permanence du samedi 23 mars 2024 et dimanche 24 mars 2024 en raison de l’empêchement des magistrats du service du juge des libertés et de la détention, légitimement absents ou requis à d’autres fonctions dans la juridiction, assistée de Madame Mélanie VAUQUELIN, greffière,
Vu les dispositions des articles L614-1, L. 742-1-1 et suivants et R743-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'extrait individualisé du registre prévu par l'article L.744-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l’obligation de quitter le territoire français assortie d’une interdiction de retour pour une durée de 36 mois en date du 13 novembre 2023, notifiée le 13 novembre 2023 à l’intéressé ;
Vu les dispositions de l’article L.614-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu la décision écrite motivée en date du 22 mars 2024 par laquelle le préfet a maintenu l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 22 mars 2024 à 20h20 ;
Attendu que le préfet n’est pas en mesure d’assurer le rapatriement de l’intéressé vers son pays d’origine avant le 24 mars 2024 à 20h20 ;
Vu la requête de l'Administration aux fins de prolongation de la rétention administrative réceptionnée par le greffe du Juge des Libertés et de la Détention le 24 mars 2024.
Après dépôt d’une requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 23 mars 2024 à 14h46 par le conseil de l’intéressé, jointe au dossier, et évoquée en présence de toutes les parties déjà convoquées pour la présente audience ;
Monsieur le préfet, Monsieur le procureur de la République, Monsieur le chef du centre de rétention et l'intéressé ont été avisés dès réception de la requête, de la date et de l'heure de la présente audience par le greffier ;
Avons fait comparaître devant nous,
Monsieur [G] [P]
né le 10 Octobre 1990 à [Localité 5]
de nationalité Algérienne
Sans domicile connu
Après l'avoir avisé de son droit de choisir un avocat ou d'en demander un qui lui sera désigné d'office, en présence de Maître Yves FATRANE son conseil commis d’office ;
Après lui avoir rappelé les droits qui lui sont reconnus pendant la période de rétention (possibilité de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ou d'un médecin, de communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix) et l'avoir informé des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;
En l'absence du procureur de la République avisé ;
Après avoir entendu Maître Oriane CAMUS, du cabinet SCHWILDEN-GABET, représentant la préfecture de police de [Localité 3], et le conseil de l’intéressé sur le fond ;
L’intéressé a déclaré : je confirme mon identité et ma nationalité.
Sur question de la présidente : Oui, je suis passé devant un tribunal, j’ai eu une peine aménagée, j’ai rendez-vous avec le Spip prochainement. Je n’ai pas compris mon placement au centre de rétention administrative. Oui, j’ai un passeport algérien chez moi. Concernant la détention, j’en ai assez. Je souhaiterais être libéré pour me soigner.
Attendu que les deux requêtes ont été jointes en application de l'article L614-7 du CESEDA et en vue d'une bonne administration de la justice.
SUR LA REQUÊTE EN CONTESTATION DE LA DÉCISION DU PLACEMENT EN RÉTENTION :
Attendu que le conseil de [G] [P] fait valoir que la décision de placement en rétention administrative n’est pas suffisamment motivée en que la situation personnelle de l’intéressé n’a pas été prise en compte et que la mesure présente un caractère disproportionné ;
Attendu que pour motiver sa décision de placement en rétention, le préfet a mentionné que [G] [P] présentait un comportement constituant une menace pour l'ordre public à raison des faits sus mentionnés ; qu'il relève en outre sa soustraction à de précédente mesures l'obligeant à quitter le territoire français des 3 janvier 2022 et 13 novembre 2023 ; qu'il est relevé qu'il ne peut présenter de documents d'identité ou de voyages en cours de validité et qu'il ne justifie pas d'un domicile ; que cette décision précise qu'aucun élément du dossier ne montre que l'intéressé présente un état de vulnérabilité ou de handicap qui s'opposerait à un placement en détention ; qu'il est principalement reproché au préfet de ne pas avoir pris en compte sa situation de santé ;
Qu'il ressort du dossier que l'intéressé à été interpellé le 20 mars 2024 suite à des violences commises, en état d'ivresse, contre le vigile d'un magasin et d'un vol, faits reconnus ; qu'il a déclaré avoir des problèmes de santé (epilpsie et addiction à l'alcool) et être suivi à l’hôpital [4] ; qu'au delà de ses déclarations aucun élément n'a été versé à ce stade pour en attester ; que par ailleurs l'examen médical réalisé en garde à vue a conclu à l'absence de troubles mentaux nécessitant un examen psychiatrique, de nécessité de traitement et à la compatibilité de la mesure avec la mesure de garde à vue ;
qu'il convient de constater qu'en l'état des éléments dont il disposait, le Prefet a pu légitimement considérer que l'intéressé ne présentait pas d'état de vulnérabilité s'opposant à son placement en rétention ; que par ailleurs le préfet n'était pas légalement tenu de faire état, dans sa décision, de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé, dès lors que les motifs positifs qu'il retenait suffisaient, comme tel est le cas en l’espèce, à justifier le placement en rétention ; que le moyen sera rejeté ;
Attendu que [G] [P] ne justifie pas d'un domicile stable, l’adresse qu’il déclare, correspondant à un hébergement d’urgence par une association, ne peut être considéré comme une garantie de représentation suffisant ; qu'il n'a aucun moyen de subsistance, ; qu'il n'est pas contesté qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate pour les faits pour lesquels il a été interpellé ; qu'il ressort de ses déclarations qu'il n'a pas l'intention de quitter le territoire national puisqu'il indique vouloir rester en France pour bénéficier d'un suivi médical et judiciaire ; qu'il doit être relevé également qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, non exécutée ; que s'agissant des problème de santé qu'il invoque et leur prise en charge à [4], dont la réalité n'est pas remise en cause, il n'est pas démontré l'incompatibilité de ces difficultés avec la mesure de rétention administrative prise à son encontre, ce d'autant qu'il a la possibilité à tout moment de demander à être examiné par un médecin qui pourra prescrire tout traitement adapté ; que l'ensemble de ces éléments conduisent à considérer que le placement en rétention administrative de l'intéressé est proportionné au but poursuivi ;
Qu’au vu de ces éléments, la requête sera rejetée ;
SUR LA REQUÊTE EN PROLONGATION DE LA RÉTENTION ADMINISTRATIVE :
Attendu que [G] [P] ne présente ni passeport ni garanties suffisantes de représentation, et ne remplit donc pas les conditions préalables à une assignation à résidence puisqu'il est en l’état dépourvu de documents d’identité et a été signalisé sous plusieurs alias ; indique n’avoir ni travail, ni ressource, ni famille en France, et que l’adresse qu’il déclare correspond à un hébergement d’urgence qui ne peut constituer une garantie suffisante : qu'il s’est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français prononcée le 3 janvier 2022 ;
Attendu que la Préfecture justifie par ailleurs avoir sollicité les autorités consulaires algériennes dès le début de la mesure ; que sa nationalité ne faisant guère de doute, il est vraisemblable que la délivrance d'un laisser-passer intervienne à bref délai ; qu'un vol a d'ores et déjà été programmé le 30 avril 2024 ; qu’il importe de permettre à l’autorité administrative de poursuivre ses démarches auprès des autorités consulaires compétentes de façon à mettre en œuvre la décision de reconduite à la frontière qui a été prise ; qu’il y a lieu d’ordonner la prolongation de sa rétention administrative pour une durée de 28 jours.
Qu'il sera demandé à l'administration de faire procéder à un examen de la situation médicale de l'intéressé par un médecin ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, en premier ressort et contradictoirement,
- DÉCLARONS recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention
- ORDONNONS la jonction des deux procédures
- REJETONS la requête en contestation de la décision du placement en rétention
- ORDONNONS la prolongation du maintien de Monsieur [G] [P] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de vingt huit jours, soit jusqu’au 21 avril 2024.
- INVITONS l’administration à faire procéder à un examen de la situation médicale de l'intéressé par un médecin ;
examiner l’intéressé par le responsable du service médical du centre de rétention ou par tel praticien désigné par ce dernier afin de déterminer si son état de santé est compatible avec la mesure de rétention et d’éloignement.
Fait à Paris, le 24 Mars 2024, à 15h04
Le Juge des libertés et de la détention
Le greffier
Reçu copie de la présente ordonnance et notification de ce qu’elle est susceptible d’un appel non suspensif devant le Premier Président de la Cour d’Appel, dans un délai de 24 heures de son prononcé, par une déclaration motivée transmise au greffe du service des étrangers de la Cour d’Appel, par tous moyens, dont le n° de télécopieur est : [XXXXXXXX01], et dont le courriel est [Courriel 2].
L’intéressé Le conseil de l’intéressé Le représentant du préfet