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22/03/2024 | FRANCE | N°23/07858

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr fond, 22 mars 2024, 23/07858


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Caroline MESLE


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Pascal SCHEGIN

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR fond

N° RG 23/07858 - N° Portalis 352J-W-B7H-C27HU

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le 22 mars 2024


DEMANDERESSE
Madame [I] [D],
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Pascal SCHEGIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0246

DÉFENDEURS
S.A.R.L. L’ATELIER,

dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par M. [T] [S], es qualité de gérant
Monsieur [T] [S],
demeurant [Adresse 1]
comparant en personne assisté de Me Caroline MESLE, ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Caroline MESLE

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Pascal SCHEGIN

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 23/07858 - N° Portalis 352J-W-B7H-C27HU

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le 22 mars 2024

DEMANDERESSE
Madame [I] [D],
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Pascal SCHEGIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0246

DÉFENDEURS
S.A.R.L. L’ATELIER,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par M. [T] [S], es qualité de gérant
Monsieur [T] [S],
demeurant [Adresse 1]
comparant en personne assisté de Me Caroline MESLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D2170
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C750562023506500 du 13/11/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Caroline THAUNAT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 15 décembre 2023

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 22 mars 2024 par Caroline THAUNAT, juge des contentieux de la protection assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier

Décision du 22 mars 2024
PCP JCP ACR fond - N° RG 23/07858 - N° Portalis 352J-W-B7H-C27HU

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat sous seing privé en date du 7 avril 2022, Mme [I] [D] a donné à bail à la SARL L'ATELIER un appartement meublé à usage d'habitation hors résidence principale, pour y loger M [T] [S], gérant de l’entreprise et situé au [Adresse 1], pour un loyer mensuel de 947 euros outre 64 euros de provision sur charges.

Par acte sous seing privé du 9 avril 2022, M [T] [S] s’est porté caution pour le règlement des loyers et des charges, des réparations locatives, indemnités d’occupation et tous autres dommages et intérêts à hauteur de 12 132 euros et dans la limite de trois ans, soit jusqu’au 8 avril 2025.

Des loyers étant demeurés impayés, Mme [I] [D] a fait signifier par acte d'huissier un commandement de payer la somme de 4044 euros, en principal, correspondant à l’arriéré locatif, terme de septembre 2022 inclus et visant la clause résolutoire contractuelle, le 7 septembre 2022.

Le commandement de payer a été dénoncé à la caution par acte d’huissier de justice du 16 septembre 2022.

Par acte d'huissier en date du 6 juillet 2023, Mme [I] [D] a fait assigner la SARL L'ATELIER devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
constater le jeu de la clause résolutoire insérée au contrat de bail liant les parties, et subsidiairement prononcer la résiliation judiciaire du bail,ordonner l'expulsion du preneur et de tout occupant de son chef avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin est, et autoriser le déplacement des meubles laissés sur place aux frais risques et périls du preneur,condamner solidairement la SARL L'ATELIER et M [T] [S] à lui payer les loyers et charges impayés arrêtés au 1er juillet 2023, soit la somme de 12 044 euros avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer, ainsi qu'une indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux d'un montant mensuel de 1500 euros,condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer.
Au soutien de ses prétentions, Mme [I] [D] rappelle que le bail est soumis aux seules dispositions du code civil et aux dispositions contractuelles, à l'exclusion de la loi du 6 juillet 1989, et expose que plusieurs échéances de loyers sont demeurées impayées malgré un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail délivré le 7 septembre 2022, et ce pendant plus d'un mois.

L'affaire qui a été appelée le 19 octobre 2023 a fait l'objet d'un renvoi à la demande du défendeur.

A l'audience du 15 décembre 2023, Mme [I] [D], représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance sauf à actualiser sa créance à la somme de 19209 euros et à préciser qu'elle s'oppose aux demandes de délais faute de production de tout justificatif. Elle s’oppose à toute requalification de bail et rappelle avoir remplacé le mobilier à hauteur de 1000 euros à la demande de l’occupant, M [S] en lui confiant sa carte Ikea.

La SARL L'ATELIER et M [T] [S], représentés par leur conseil, ont sollicité la requalification du bail en bail soumis au régime juridique de la loi de 1989 et l’irrecevabilité de la demande faute de dénonciation au préfet. A titre reconventionnel, ils sollicitent une diminution de son loyer depuis son entrée dans les lieux et la suspension des effets de la clause résolutoire pour 36 mois et à titre infiniment subsidiaire l’octroi de délai de paiement. Ils sollicitent en tout état de cause la condamnation de la bailleresse aux entiers dépens et à verser à Maître MESLE la somme de 1500 euros au titre de l’article 700-2 du code de procédure civile.

Au soutien de leur demandes, ils allèguent que le bail constitue la résidence principale de M [S] et ne peut être considéré comme un meublé mais un logement vide si bien que la loi du 6 juillet 1989 trouve à s’appliquer. Ils font valoir la bonne foi et des difficultés économiques importantes compte tenu de la situation sanitaire indiquant que M [S] vient de retrouver un emploi.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 22 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le régime juridique du bail

En application de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Bien que faute d’inventaire, le bail doit être considéré comme portant sur un logement nu et non meublé, sur le statut juridique applicable au titre d'occupation litigieux, il convient de rappeler que le preneur du bail d'habitation étant une personne morale, le bail est un bail soumis aux seules conditions contractuelles prévues au contrat et aux règles supplétives du code civil.

Il est en effet constant que la loi du 6 juillet 1989 ne s’applique pas au bail consenti à une société pour y loger un membre de son personnel.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire

En application de l'article 1728 du code civil, dans un contrat de louage, le preneur est tenu de deux obligations principales, celle d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention et celle de payer le prix du bail aux termes convenus.

Par ailleurs, aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution d'un contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. Selon l'article 1225 du code civil, en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit d'effet que si elle vise expressément la clause résolutoire.

L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En l'espèce, le bail conclu le 7 avril 2022 contient une clause résolutoire (article 2.10) et un commandement de payer visant cette clause et précisant le délai de paiement (1 mois) pour échapper à l'acquisition de la clause résolutoire a été signifié le 7 septembre 2022, pour la somme en principal de 4044 euros.

Il importe peu que le commandent de payer n’ait pas été dénoncé au préfet, l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 ne trouvant pas à s’appliquer à la présente instance, il ne s’agit pas d’une condition de la recevabilité de l’action en constat de l’acquisition de la clause résolutoire.

Il correspond par ailleurs bien à une dette justifiée à hauteur du montant des loyers échus et impayés (voir ci-après au titre de la demande en paiement) et est ainsi valable.

Le commandement est par ailleurs demeuré infructueux pendant plus d'un mois (aucune somme n'ayant été payée dans le délai), de sorte qu’il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies à la date du 7 octobre 2022.

La SARL L'ATELIER étant sans droit ni titre depuis le 8 octobre 2022, il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.

Sur la demande en paiement et les délais de paiement

La SARL L'ATELIER est redevable des loyers impayés jusqu'à la date de résiliation du bail en application des articles 1103 et 1217 du code civil. Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l'espèce, Mme [I] [D] soutient que la SARL L'ATELIER et M [S] caution solidaire restent lui devoir la somme de 19 209 euros à la date du 15 décembre 2023, cette somme correspondant à l'arriéré des loyers impayés et aux indemnités d'occupation, échues à cette date.

Pour la somme au principal, la SARL L'ATELIER et M [T] [S] n’apportent aucun élément de nature à contester le principe ni le montant de la dette, qu’ils reconnaissent d’ailleurs à l’audience. La SARL L’ATELIER sera donc condamnée au paiement de la somme de 19 209 euros, avec les intérêts au taux légal sur la somme de 4044 euros à compter de la délivrance du commandement de payer.

M [T] [S] sera condamné solidairement en sa qualité de caution à hauteur de 12 132 euros ;

La SARL L'ATELIER sera aussi condamnée au paiement d'une indemnité mensuelle d’occupation pour la période courant du 16 décembre 2023 à la date de la libération effective et définitive des lieux, égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi soit la somme de 1100 euros.

Sur la demande de délais

Sur les délais de paiement

En vertu de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Toutefois le défendeur, qui sollicite les plus larges délais, n'a aucunement justifié de sa situation alors même que sa dette correspond à 19 mensualités impayées euros et que des délais de paiement apparaissent largement illusoires. La demande sera par conséquent rejetée.

Sur les délais pour quitter les lieux

Aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l'habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

La durée de ces délais ne peut être supérieure à un an.

En l'espèce, M [T] [S] dispose de faibles ressources mais ne justifie pas avoir sollicité une demande de logement social ni aucune démarche pour se reloger. La bailleresse dispose de faible revenus et justifie avoir besoin de cette source de revenus complémentaires.

En ces conditions, il ne sera pas fait droit à la demande de délai supplémentaire pour quitter les lieux.

Sur les demandes reconventionnelles

En l’absence de demande chiffrée, de l’absence d’application de la loi du 6 juillet 1989 à la présente instance et compte tenu de la résiliation du bail du fait de l’acquisition de la clause résolutoire, la demande au titre de fixation du loyer afin de respecter l’encadrement des loyers sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La SARL L'ATELIER et M [T] [S], parties perdantes, supporteront solidairement la charge des dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du Mme [I] [D] les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 800 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclule 7 avril 2022 entre Mme [I] [D] et la SARL L'ATELIER concernant l'appartement meublé à usage d'habitation situé au [Adresse 1] sont réunies à la date du 7 octobre 2022;

ORDONNE en conséquence à la SARL L'ATELIER de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement ;

DIT qu’à défaut pour la SARL L'ATELIER d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Mme [I] [D] pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, conformément à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

CONDAMNE la SARL L'ATELIER à verser à Mme [I] [D] la somme de 19 209 euros (incluant la mensualité de décembre 2023), correspondant à l'arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation avec intérêts au taux légal sur la somme de 4044 euros à compter du 7 septembre 2023 et à compter de l’assignation pour le surplus ;

CONDAMNE solidairement M [T] [S] en sa qualité de caution dans le limite de 12 132 euros ;

DEBOUTE M [T] [S] et la SARL L'ATELIER de leur demande de délais de paiement et de délai pour quitter les lieux ;

CONDAMNE solidairement la SARL L'ATELIER et M [T] [S] à verser à Mme [I] [D] une indemnité mensuelle d’occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi (soit à ce jour 1100 euros), à compter du 16 décembre 2023 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion) ;

CONDAMNE solidairement la SARL L'ATELIER à verser à Mme [I] [D] une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement la SARL L'ATELIER et M [T] [S] aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer ;

DEBOUTE M [T] [S] de sa demande au titre de l’encadrement des loyers ;

REJETTE le surplus des demandes ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le greffier,Le juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr fond
Numéro d'arrêt : 23/07858
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;23.07858 ?
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