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21/03/2024 | FRANCE | N°23/09760

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 21 mars 2024, 23/09760


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Monsieur [X] [N]

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charlotte DAGOT

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/09760 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3SEW

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le jeudi 21 mars 2024


DEMANDEUR
Monsieur [B] [K]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Charlotte DAGOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1811


DÉFENDEUR
Monsieur [X] [N]
demeur

ant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffière lors de l’audience
et de ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Monsieur [X] [N]

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charlotte DAGOT

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/09760 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3SEW

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le jeudi 21 mars 2024

DEMANDEUR
Monsieur [B] [K]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Charlotte DAGOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1811

DÉFENDEUR
Monsieur [X] [N]
demeurant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffière lors de l’audience
et de Coraline LEMARQUIS, Greffière lors du prononcé du délibéré

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 12 janvier 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 21 mars 2024 par Clara SPITZ, juge des contentieux de la protection, assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière

Décision du 21 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/09760 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3SEW

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [B] [K] est propriétaire d'un appartement situé au sein d'un immeuble sis [Adresse 1], soumis au régime de la copropriété.

Il a hébergé gratuitement son compagnon, Monsieur [X] [N] avec lequel entretenu une relation de couple entre 2016 et 2020.

Monsieur [B] [K] a déposé plainte les 07 avril 2018 et 28 juillet 2020 à l'encontre de Monsieur [X] [N] se plaignant de violences et de menaces à son encontre et a indiqué avoir été contraint de quitter son domicile.

Il a adressé, par courrier recommandé du 18 janvier 2021 avec accusé de réception, une mise en demeure à Monsieur [X] [N] d'avoir à quitter les lieux dans les plus brefs délais et au plus tard le 13 février 2021, en vain.

Par ailleurs, la gardienne de l'immeuble a déposé une main courante le 17 juin 2022 dénonçant les d'injures à caractère racial que Monsieur [X] [N] aurait proférées à son encontre. Elle a également déposé plainte les 17 novembre 2022 et 19 juin 2023 dénonçant des menaces verbales et physiques à son endroit.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble a ainsi adressé une mise en demeure d'avocat à Monsieur [B] [K] le 31 juillet 2023 de faire cesser ces agissements.

Monsieur [B] [K] a alors fait signifier, par acte de commissaire de justice en date du 26 septembre 2023, une sommation de quitter les lieux sous quinzaine à Monsieur [X] [N] qui n'y a pas déféré.

Par acte de commissaire de justice du 8 décembre 2023, il a l'a fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PARS aux fins d'obtenir :
-son expulsion ainsi que celle de tout éventuel occupant de son chef, avec si besoin le concours de la force publique, et sous astreinte de 80 euros par jour de retard
-la suppression du délai légal de 2 mois prévu à l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,
-la suppression du bénéfice de la trêve hivernale,
-sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
-3000 euros à titre de dommages et intérêts,
-57,38 euros par jour à compter du 12 octobre 2023 à titre d'indemnité d'occupation du logement
-3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Lors de l'audience du 12 janvier 2024, Monsieur [B] [K], représenté par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance.

Il fait valoir que Monsieur [X] [N], à qui il a permis, en dehors de tout contrat, de s'installer à son domicile lorsqu'ils étaient en couple, est devenu occupant sans droit ni titre de son appartement depuis qu'il lui a signifié à plusieurs reprises sa volonté de le voir partir. Il se dit bien-fondé à solliciter la suppression du délai légal de deux mois prévu à l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution et du bénéfice de la trêve hivernale compte-tenu des menaces et du comportement violent de Monsieur [X] [N] tant à son égard qu'à l'encontre de la gardienne de l'immeuble générant ainsi des troubles anormaux du voisinage. Il estime la valeur locative de son appartement de 60m² à la somme de 1750 euros par mois environ pour justifier le montant de l'indemnité d'occupation journalière sollicitée. Enfin, il réclame la réparation de son préjudice à hauteur de 3 000 euros compte-tenu de l'occupation de son appartement sans aucune contrepartie par des moyens de contrainte.

Monsieur [X] [N], bien que régulièrement assigné à étude, n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.

A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 21 mars 2024, date à laquelle elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande d'expulsion

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'article 12 du code de procédure civile Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Il résulte de l'article 544 du code civil que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

En l'espèce, Monsieur [B] [K] justifie de sa qualité de propriétaire de l'appartement situé [Adresse 1].

Il est constant qu'il a accueilli Monsieur [X] [N] au sein de son appartement et qu'il l'a logé à titre gratuit de son propre chef.

Cependant, il ressort des pièces produites qu'il lui a demandé à plusieurs reprises de quitter le lieux à partir du mois de janvier 2021. Ainsi, il lui a ainsi adressé par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 janvier 2021 une mise en demeure de quitter les lieux avant le 13 février 2021 et il lui a fait délivrer, par commissaire de justice le 26 septembre 2023, une sommation de quitter les lieux dans un délai de 15 jours.

Sa présence actuelle au sein de l'appartement de Monsieur [B] [K], que celui-ci aurait quitté en raison des violences que Monsieur [X] [N] exerçait à son encontre, est attestée par la plainte déposée le 19 juin 2023 par Madame [P] [E] [V], épouse [T] [Y], gardienne de l'immeuble qui indique qu'à la date du 09 juin 2023, elle a été victime d'outrage de la part de Monsieur [X] [N] alors qu'il tentait de récupérer le courrier qu'il reçoit très régulièrement, selon elle.

Dès lors, l'occupation des lieux par Monsieur [X] [N] est établie de même que le défaut de tout droit ou titre d'occupation, depuis que Monsieur [B] [K] lui a demandé de partir au 13 février 2021 puis au 12 octobre 2023.

Il convient donc d'ordonner son expulsion selon les modalités détaillées au dispositif de la présente décision.

Il n'apparaît pas nécessaire d'assortir l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte. En effet, le recours à la force publique se révèle être une mesure suffisante pour contraindre Monsieur [X] [N] à quitter les lieux. Par conséquent, Monsieur [B] [K] sera débouté de cette demande.

Sur la demande de suppression du délai prévu à l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution

L'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque la procédure d'expulsion porte sur un lieu habité en vertu du dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l'occupation de résidents temporaires, régi par l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, réduire ou supprimer ce délai.
Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

En l'espèce, le requérant ne démontre pas que Monsieur [X] [N] est entré dans les locaux à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. Au contraire, il explique qu'il se sont mis en couple en 2016 et qu'il l'a hébergé à titre gratuit. Après le premier épisode de violence survenu en 2018, il explique l'avoir de nouveau accepté au domicile pensant qu'il s'agissait d'un épisode isolé. En outre, la mauvaise foi de Monsieur [X] [N] n'est pas non plus rapportée.

Par conséquent, Monsieur [B] [K] sera débouté de sa demande de suppression du délai légal prévu à l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Sur la demande de suppression du bénéfice de la trêve hivernale

Il résulte de l'article L 412-6 du code des procédures civiles d'exécution que nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Monsieur [B] [K] ne démontrant pas que Monsieur [X] [N] s'est introduit sans droit ni titre à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, il sera débouté de cette demande.

Sur la demande de condamnation de Monsieur [X] [N] au paiement de la somme de 3000 euros au titre du préjudice moral

Il résulte de l'article 1240 du code civil que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Pour être engagée, la responsabilité du fait personnel du défendeur suppose la caractérisation d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

En l'espèce, Monsieur [B] [K] rapporte la preuve que Monsieur [X] [N] se maintient dans le logement dont il est propriétaire sans son consentement et qu'il se montre violent à son égard mais également à l'encontre de la voisine.

Si le requérant ne produit aucun élément relatif à ses conditions de vie actuelle, il est avéré, notamment grâce aux déclarations de la gardienne de l'immeuble, qu'il a du quitter son logement en raison de la présence de Monsieur [X] [N] et de l'attitude de ce dernier, ce qui est de nature en soi à caractériser l'existence d'un préjudice moral.

En outre, il a été destinataire le 31 juillet 2023 d'une mise en demeure de la part du conseil du syndicat des copropriétaires de l'immeuble l'enjoignant de faire cesser les troubles à l'origine desquels Monsieur [X] [N] se trouve au sein de l'immeuble rappelant qu'il est responsable des agissements dommageables de celui-ci au titre de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965.

Le comportement de Monsieur [X] [N] est ainsi à l'origine de désagrément importants pour Monsieur [B] [K] justifiant que lui soit allouée une somme de 1500 euros au titre du préjudice moral qu'il subit.

Par conséquent, Monsieur [X] [N] sera condamné à lui verser la somme de 1500 euros en réparation de ce préjudice.

Sur la demande de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation

Le maintien dans les lieux malgré la déchéance du droit ou du titre d'occupation constitue une faute civile ouvrant droit à réparation. Il revient au juge de fixer le montant de cette réparation sous la forme d'une indemnité d'occupation, dont le montant relève du pouvoir d'appréciation souverain des juges du fond.

En l'espèce, si Monsieur [B] [K] ne conteste pas avoir hébergé à titre gratuit Monsieur [X] [N] pendant un temps, il lui a clairement signifié, une première fois, sa volonté de le voir quitter les lieux à compter du 13 février 2021. Il a réitéré cette demande par acte de commissaire de justice le 26 septembre 2023, lui laissant un délai de 15 jours pour quitter les lieux soit jusqu'au 11 octobre 2023.

Il apparaît ansi bien-fondé à solliciter sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de cette date. Le montant sollicité repose sur une estimation fournie par le requérant à partir de recherches effectuées sur le site internet seloger.com.

Il convient de fixer le montant de cette indemnité d'occupation à la somme de 1600 euros par mois et de dire qu'elle sera due à compter du 12 octobre 2023 jusqu'à la libération effective des lieux par Monsieur [X] [N].

Sur les demandes accessoires

Monsieur [X] [N], partie perdante, sera condamné aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du demandeur les frais non compris dans les dépens. Monsieur [X] [N] sera ainsi condamné, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à Monsieur [B] [K] la somme de 800 euros.

Il sera rappelé, sur le fondement de l'article 514 du code de procédure civile que les décisions de première instance sont, de droit, assortie de l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Paris, statuant après débats en audience publique par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

ORDONNE à Monsieur [X] [N], occupant sans droit ni titre, de libérer sans délai de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés au [Adresse 1], ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,

DIT qu'à défaut de libération volontaire, Monsieur [B] [K] pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux et à l'issue de la trêve hivernale, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

DÉBOUTE Monsieur [B] [K] de sa demande d'astreinte,

DÉBOUTE Monsieur [B] [K] de sa demande de suppression du délai légal prévu à l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

DÉBOUTE Monsieur [B] [K] de sa demande de suppression du bénéfice de la trêve hivernale,

RAPPELLE que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

CONDAMNE Monsieur [X] [N] à verser à Monsieur [B] [K] la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

CONDAMNE Monsieur [X] [N] au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 1600 euros par mois à compter du 12 octobre 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés du logement,

CONDAMNE Monsieur [X] [N] à verser à Monsieur [B] [K] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [X] [N] aux dépens de l'instance,

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Ainsi signé par la juge des contentieux de la protection et la greffière susnommées et mis à disposition des parties le 21 mars 2024,

La greffièreLa juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/09760
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;23.09760 ?
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