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21/03/2024 | FRANCE | N°23/09077

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp référé, 21 mars 2024, 23/09077


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 21/03/2024
à : Maitre Lucille RADIGUE

Copie exécutoire délivrée
le : 21/04/2024
à : Maitre Salim BOUREBOUNE

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 23/09077
N° Portalis 352J-W-B7H-C3LXM

N° MINUTE : 1/2024


ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 21 mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [F] [S], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maitre Salim BOUREBOUNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1515


DÉFENDEUR

Monsieur [J] “[B]” [N], demeurant [Adresse 2]
représenté par Maitre Lucille RADIGUE, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : #D0014



COMPOSITION DU TRIBUNAL

...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 21/03/2024
à : Maitre Lucille RADIGUE

Copie exécutoire délivrée
le : 21/04/2024
à : Maitre Salim BOUREBOUNE

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 23/09077
N° Portalis 352J-W-B7H-C3LXM

N° MINUTE : 1/2024

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 21 mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [F] [S], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maitre Salim BOUREBOUNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1515

DÉFENDEUR

Monsieur [J] “[B]” [N], demeurant [Adresse 2]
représenté par Maitre Lucille RADIGUE, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : #D0014

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Delphine VANHOVE, Greffière,

DATE DES DÉBATS

Audience publique du 15 février 2024

ORDONNANCE

contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 21 mars 2024 par Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Delphine VANHOVE, Greffière

Décision du 21 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 23/09077 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3LXM

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [F] [S] est propriétaire d'un appartement situé [Adresse 3] qu'elle a donné à bail à Monsieur [J] [N], par acte sous seing privé à effet au 13 août 2021, moyennant un loyer mensuel de 1400 euros comprenant une provision sur charge de 98 euros. Il a versé un dépôt de garantie de 2604 euros.

Par acte de commissaire de justice du 7 octobre 2022, elle a fait délivrer un congé à Monsieur [J] [N], à effet au 12 août 2023.

Déplorant des échéances de loyer impayées elle lui a également fait délivrer, selon les mêmes modalités, deux commandements de payer les sommes respectives de 1446 euros et 4 460,86 euros en date des 07 mars 2023 et 08 juin 2023 et visant la clause résolutoire. Puis, elle a fait pratiquer une saisie conservatoire sur le compte bancaire de Monsieur [J] [N] le 13 juillet 2023 pour un montant en principal de 5 906,86 euros effective à hauteur de 4 400 euros.

Par acte de commissaire de justice en date du 6 novembre 2023, elle a fait assigner Monsieur [J] [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PARIS statuant en référé aux fins d'obtenir
la validation du congé qu'elle a fait délivrer à Monsieur [J] [N] le 7 octobre 2022 à effet au 12 août 2023,l'expulsion de Monsieur [J] [N] du logement situé [Adresse 3] ainsi que celle de tous occupans de son chef avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est,la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant le logement aux frais, risques et périls du défendeur afin de garantir la créance de loyers et d'indemnité d'occupation,la condamnation de Monsieur [J] [N] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 13 août 2023 jusqu'à la libération des lieux également au montant du loyer actuel augmenté de 50% outre les charges et taxes,la condamnation de Monsieur [J] [N] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Lors de l'audience du 15 février 2024, Madame [F] [S], représentée par son conseil, a déposé des conclusions qu'elle a soutenues oralement et aux termes desquelles elle maintient l'intégralité des demandes formées dans son acte introductif d'instance, porte le montant demandé au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 3 500 euros et sollicite le débouté de Monsieur [J] [N] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles. Oralement, elle s'est opposée à tout délai qui pourraient être octroyés à Monsieur [J] [N] pour quitter les lieux.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, que le congé qu'elle a fait délivrer est valide au regard des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 en ce qu'il s'agit bien, contrairement aux allégations de Monsieur [J] [N] qui ne sauraient être qualifiées de contestations sérieuses, d'un bail meublé et produit aux fins de démonstration, un inventaire du mobilier ainsi que les factures afférentes aux meubles garnissant le logement. Par conséquent, elle s'oppose à la demande reconventionnelle de réduction des loyers qu'il a formée à hauteur de 4 200 euros. Enfin, elle se défend de tout caractère frauduleux dudit congé et justifie de la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée, suite à son licenciement, de reprendre son appartement. A l'inverse, elle s'oppose aux délais sollicités par le défendeur estimant qu'il n'est pas dans une situation d'urgence et qu'il ne justifie avoir entrepris aucune démarche de relogement.

Monsieur [J] [N], représenté par son conseil, a déposé des conclusions qu'il a soutenues oralement et aux termes desquelles il sollicite :
Décision du 21 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 23/09077 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3LXM

à titre principal :
le débouté de Madame [F] [S] de l'ensemble de ses demandessa condamnation au paiement de la somme de 4 202 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie et des loyers indûment perçus,à titre subsidiaire :
l'octroi d'un délai de 12 mois pour quitter les lieux,le débouté de Madame [F] [S] du surplus de ses demandes,En tout état de cause :
la condamnation de Madame [F] [S] à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
A titre principal, il soutient que la demande de validation de congé de Madame [F] [S] se heurte à plusieurs contestations sérieuses au sens de l'article 835 du code de procédure civile en ce que d'une part, le bail qui lui a été consenti portait en réalité sur un logement non meublé et que dès lors, le congé qu'elle lui a fait délivrer n'est pas valide puisque la durée du bail, eu égard à l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989 ne pouvait être que de trois ans minimum et que d'autre part, le congé délivré est frauduleux, la bailleresse n'ayant pas eu l'intention de reprendre son logement mais seulement de pallier les carences de son locataire qui a perdu son emploi et a rencontré des difficultés liées à sa situation administrative. Compte-tenu de la qualification de bail non meublé dont il entend se prévaloir, il sollicite à titre reconventionnel, la condamnation de Madame [F] [S] à lui verser la somme provisionnelle de 4 202 euros au titre du remboursement de la moitié du dépôt de garantie qui ne pouvait être équivalent à deux mois de loyer et du remboursement de la somme de 100 euros par mois durant toute la durée d'occupation des lieux soit 29 mois.
Subsidiairement, Monsieur [J] [N] sollicite, sur le fondement de l’article L 412-3 du code de procédure civile, un délai de 12 mois pour quitter les lieux au regard de sa bonne foi dune part, de sa situation administrative d'autre part et des diligences qu'il a entreprises pour la régler.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 21 mars 2024, date à laquelle elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Sur la validité du congé et ses conséquences

Sur la qualification du bail
Il résulte des articles 25-4 et suivants de la loi du 06 juillet 1989 qu'un logement meublé est un logement décent équipé d'un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d'y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante.

La liste des éléments que doit comporter ce mobilier est fixée par décret.

Un inventaire et un état détaillé du mobilier sont établis dans les mêmes formes et en autant d'exemplaires que de parties lors de la remise et de la restitution des clés. Ces documents, établis contradictoirement et amiablement, sont signés par les parties ou par un tiers mandaté par elles et joints au contrat de location. Ces documents ne peuvent donner lieu à aucune autre facturation que celle liée à l'établissement de l'état des lieux.

L'article 2 du Décret n° 2015-981 du 31 juillet 2015 fixant la liste des éléments de mobilier d'un logement meublé prévoit que le mobilier d'un logement meublé, mentionné à l'article 25-4 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée, comporte au minimum les éléments suivants :
1° Literie comprenant couette ou couverture ;
2° Dispositif d'occultation des fenêtres dans les pièces destinées à être utilisées comme chambre à coucher ;
3° Plaques de cuisson ;
4° Four ou four à micro-ondes ;
5° Réfrigérateur et congélateur ou, au minimum, un réfrigérateur doté d'un compartiment permettant de disposer d'une température inférieure ou égale à - 6 °C ;
6° Vaisselle nécessaire à la prise des repas ;
7° Ustensiles de cuisine ;
8° Table et sièges ;
9° Étagères de rangement ;
10° Luminaires ;
11° Matériel d'entretien ménager adapté aux caractéristiques du logement.

En l'espèce, il est versé au débat par la requérante un « contrat de location meublée » à effet au 13 août 2021, qualification qui n'a jamais été contestée par le défendeur avant que ne lui soit intentée la présente procédure, y compris aux termes des nombreux échanges de messages litigieux à compter du mois de septembre 2022.

De même, il ne justifie pas s'être plaint avant l'introduction de l'instance en cours d'une quelconque absence d'inventaire ni même de l'absence des éléments mobiliers, pourtant essentiels, dont il fait la liste.

Par ailleurs, force est de constater que le contrat de bail est signé par les parties et dresse, en son article XI, la liste des pièces jointes au contrat, mentionnant l'inventaire du mobilier, sous forme de liste dont chaque tiret prend la forme d'un carré vide, formant ainsi des puces n'ayant pas vocation à être cochées.

L'inventaire du mobilier garnissant logement est, de plus, versé aux débats et il est transmis par l'agence immobilière THIBAULT CHANEL IMMOBILIER le 18 janvier 2024, partie tiers à la procédure et dont l’intérêt de l'établir pour les besoins de la cause, comme avancé par Monsieur [J] [N], est dès lors inexistant.

Bien qu'effectivement non signé par les parties, cet inventaire dresse une liste d'éléments qui correspondent aux dispositions de l'article 2 du décret susvisé et dont la présence effective est corroborée par la production de factures relatives à l'achat, dans les semaines qui ont précédé l'installation de Monsieur [J] [N] au sein du logement, de matériel nécessaire à la pose de dispositifs d’occultation des fenêtres, de couettes et d'oreillers, de vaisselle et d'ustensiles de cuisine, autant d'éléments dont Monsieur [J] [N] déplore pourtant l'absence.

En outre, la requérante verse au débat des photographies envoyées courant juillet et août 2021 d'un appartement dont il n'est pas contesté qu'il s'agit du logement litigieux, montrant la présence d'une cuisine équipée, de vaisselle, d'un lit avec couettes et oreillers, de luminaires et de multiples étagères de rangement.

Enfin, il est produit des échanges de messages entre Madame [F] [S] et Monsieur [J] [N], aux termes desquels il apparaît que Monsieur [J] [N] se montre tout à fait satisfait de l’appartement pris à bail et indique même avoir dormi « comme un bébé » .

Par conséquent, le bail signé par Monsieur [J] [N] porte incontestablement sur un appartement meublé.

sur le caractère frauduleux du congé
Selon l'article 25-7 de la loi du 06 juillet 1989, le bail meublé est conclu pour une durée d'au moins un an. Si les parties au contrat ne donnent pas congé dans les conditions prévues à l'article 25-8, le contrat de location parvenu à son terme est reconduit tacitement pour une durée d'un an.

Il résulte de l'article 25-8 de cette loi que lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise.
Le bailleur qui ne souhaite pas renouveler le contrat doit informer le locataire avec un préavis de trois mois et motiver son refus de renouvellement du bail soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant.
A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.
En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

Compte-tenu de la qualification de meublé du bail, la requérante était recevable à délivrer un congé à effet au 12 août 2023, soit un an après la première reconduction tacite du bail signé le 13 août 2021.

Monsieur [J] [N] conteste le motif du congé indiquant qu'il est davantage motivé par la situation d'impayé que par la volonté réelle de Madame [F] [S] de reprendre le logement.

Toutefois, le congé pour reprise a été délivré antérieurement aux commandements de payer et avant la naissance de la dette locative qui, aux termes du premier commandement de payer délivré le 30 mars 2023, s'est formée à compter du mois de janvier 2023.

Dès lors, la délivrance de ce congé ne saurait avoir été motivée par de quelconques impayés.

A l'inverse, Madame [F] [S] justifie de son licenciement survenu le 08 août 2022 et de la perte de son logement de fonction à compter du mois de novembre 2022. De plus, elle produit des échanges de messages avec le défendeur à compter du mois de septembre 2022 aux termes desquels il apparaît qu'elle l'aide à chercher un logement y compris durant le temps du préavis du congé, précisant que s'il n'est pas disposé à déménager avant la fin du délai de préavis, elle trouvera une solution avant le mois d'août.

C'est également le sens du SMS produit par le défendeur en date du 20 septembre 2022.

La contestation tendant à établir le caractère frauduleux du congé pour reprise délivré par Madame [F] [S] le 07 octobre 2022 à effet au 12 août 2023 ne saurait ainsi être qualifiée de sérieuse.

Le congé étant ainsi valide, il apparaît que Monsieur [J] [N], qui ne conteste pas s'être maintenu dans le logement dont Madame [F] [S] est propriétaire au-delà de cette date, en est devenu occupant sans droit ni titre à compter du 13 août 2023.

L'occupation sans titre d'un immeuble appartenant à autrui constitue un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile.
 
Décision du 21 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 23/09077 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3LXM

Il convient par conséquent d’accueillir, dans les termes du dispositif ci-après, la demande d’expulsion.

Enfin, il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.

Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur [J] [N]

Aux termes de l'article 25-6 de la loi du 6 juillet 1989, par dérogation à l'article 22 de la même loi, le montant du dépôt de garantie exigible par le bailleur dans le cas d'un bail meublé est limité à deux mois de loyer en principal.

En l'espèce, le contrat de bail porte sur un appartement meublé. Monsieur [J] [N] n'est donc pas fondé à solliciter le remboursement de la moitié de la somme versée à titre de dépôt de garantie correspondant à deux mois de loyers, conformément aux dispositions légales applicables.

Par ailleurs, sa demande de remboursement de la somme de 100 euros par mois fondée uniquement sur la requalification du contrat de bail qui n'a pas prospéré ne saurait être accueillie.

Par conséquent, Monsieur [J] [N] sera débouté de sa demande tendant à voir Madame [F] [S] condamnée à lui verser la somme de 4 202 euros à titre de provision.

Sur la provision au titre de l'indemnité d'occupation

L'obligation non sérieusement contestable vise aussi bien les créances d'origine contractuelle, quasi contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle, le juge des référés étant cependant tenu de préciser la nature de l'origine de cette créance ou la nature de l'obligation la fondant. Il y a une contestation sérieuse chaque fois que la décision du juge des référés l'obligerait à se prononcer préalablement sur une contestation relative à l'existence d'un droit ou le conduirait à se prononcer sur le fond du litige, par exemple en portant une appréciation sur la validité, la qualification ou l'interprétation d'un acte juridique. Ce dernier apprécie souverainement le montant de la provision à accorder.

Le maintien dans des lieux sans droit ni titre constitue une faute civile de nature quasidélictuelle ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l’espèce afin de préserver les intérêts du propriétaire, il convient de dire que Monsieur [J] [N] sera redevable, à l'égard de Madame [F] [S], d'une indemnité d'occupation provisionnelle à compter du 13 août 2023 et jusqu'à libération effective des lieux.

Le montant de cette indemnité sera fixé à une somme équivalente au loyer actuel augmenté des charges, rien ne justifiant la majoration de 50% sollicitée par la demanderesse.

Sur la demande de délai pour quitter les lieux

L'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.

Cette disposition n'est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.

Les deux premiers alinéas du présent article ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

En l’espèce, Madame [F] [S] s'oppose aux délais sollicités par Monsieur [J] [N] pour quitter les lieux.

Il n'est pas soutenu que ce dernier est entré dans les locaux par manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, ni qu'il fait preuve de mauvaise foi n'est pas caractérisée.

Il justifie par ailleurs que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales en ce que l'administration française a refusé le renouvellement de son titre de séjour le 16 septembre 2020 et que le tribunal administratif de PARIS a rejeté sa requête aux fins de suspension de cette décision le 13 juillet 2023. Il verse au débat la preuve qu'il a déposé une nouvelle demande de titre de séjour le 09 janvier 2024 en cours d'instruction et que l'autorisation temporaire d'exercer une activité professionnelle qui lui avait été accordée a expiré le 12 février 2024. Dans ces conditions, il ne peut qu'avoir des difficultés à se reloger.

Dès lors, il convient de lui accorder des délais pour quitter les lieux, d'une durée de 8 mois.

 
Sur les demandes accessoires
 
Monsieur [J] [N], partie perdante, supportera les dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile .

Il sera débouté de sa demande de condamnation de Madame [F] [S] à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamné à lui verser la somme de 800 euros.

L’exécution provisoire est de droit et sera rappelée.
 

PAR CES MOTIFS
 
Nous, juge des contentieux de la protection statuant en référé, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
 
Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent, vu l'urgence et l'absence de contestation sérieuse,
 
CONSTATONS que le congé pour reprise délivré par Madame [F] [S] le 07 octobre 2022 à effet au 12 août 2023, portant sur l'appartement pris à bail par Monsieur [J] [N] situé au [Adresse 3], 2ème étage, 2ème porte droite, est valide,

DÉBOUTONS Monsieur [J] [N] de sa demande reconventionnelle de condamnation de Madame [F] [S] à lui rembourser la verser une provision de 4 202 euros,

ACCORDONS à Monsieur [J] [N] un délai de 8 mois à compter de la signification de la présente décision libérer les lieux et de restituer les clés, soit jusqu'au 21 novembre 2023

DISONS qu’à défaut pour Monsieur [J] [N] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Madame [F] [S] pourra deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux qui ne pourra intervenir avant le 21 novembre 2024 et à l’issue de la trêve hivernale, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique,
 
RAPPELONS que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

CONDAMNONS Monsieur [J] [N] à verser à Madame [F] [S] une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle équivalent au montant du loyer actuel augmenté des charges à compter du 13 août 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés à la propriétaire,
 
CONDAMNONS Monsieur [J] [N] à verser à Madame [F] [S] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
CONDAMNONS Monsieur [J] [N] aux dépens,
 
DÉBOUTONS les parties du surplus de leurs demandes,

RAPPELONS que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.
 
 Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par la Juge des contentieux de la protection et la Greffière susnommées.
 

La Greffière,                                   La Juge des contentieux de la protection.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp référé
Numéro d'arrêt : 23/09077
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;23.09077 ?
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