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21/03/2024 | FRANCE | N°22/09092

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 21 mars 2024, 22/09092


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître CALVO

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître [S]
Maître MENDES-GIL

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 22/09092 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYN47

N° MINUTE :
10 JCP






JUGEMENT
rendu le jeudi 21 mars 2024

DEMANDEUR
Monsieur [P] [Y],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître CALVO, avocat au barreau de Paris, vestiaire #E1368

DÉFENDEURS
SARL HABITAT ET SOLUTIO

NS
[Adresse 2]
représenté par la SELARL ALLIANCE MJ, par Me [N] [S], en sa qualité de mandataire liquidateur
non comparante, ni représentée

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, ve...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître CALVO

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître [S]
Maître MENDES-GIL

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 22/09092 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYN47

N° MINUTE :
10 JCP

JUGEMENT
rendu le jeudi 21 mars 2024

DEMANDEUR
Monsieur [P] [Y],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître CALVO, avocat au barreau de Paris, vestiaire #E1368

DÉFENDEURS
SARL HABITAT ET SOLUTIONS
[Adresse 2]
représenté par la SELARL ALLIANCE MJ, par Me [N] [S], en sa qualité de mandataire liquidateur
non comparante, ni représentée

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant au droits de la banque SYGMA
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître MENDES-GIL, avocat au barreau de Paris, vestiaire #P173

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Eloïse CLARAC, Juge des contentieux de la protection
assistée de Laura JOBERT, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 12 décembre 2023

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 21 mars 2024 par Eloïse CLARAC, Juge assistée de Laura JOBERT, Greffier

Décision du 21 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 22/09092 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYN47

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, suivant acte sous-seing privé M. [P] [Y] a commandé le 12 mai 2014 auprès de la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES, une installation photovoltaïque et un chauffe-eau thermodynamique pour la somme de 29 900 euros.

Afin de financer cet achat, la société SYGMA a consenti une offre de crédit affecté le 23 juin 2014 à M. [P] [Y] d'un montant de 29 900 euros remboursable en 144 mensualités après franchise de 12 mois au taux contractuel de 4,80% et TAEG de 4,88% correspondant à des échéances hors assurance de 305,54 euros mensuels.

Par jugement du 17 décembre 2015, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES et désigné Maître [N] [U] en qualité de liquidateur. Par jugement du 10 décembre 2020, la procédure de liquidation a été clôturée pour insuffisance d'actifs et Maître [N] [S] a été désignée en qualité de mandataire ad'hoc selon ordonnance du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare en date du 12 avril 2022.

Par acte d'huissier du 30 septembre 2022, M. [P] [Y] a assigné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA et la SELARL ALLIANCE, prise en la personne de Maître [N] [S], liquidateur judiciaire de la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES afin que soit prononcée l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté.

L'affaire a été appelée pour la première fois à l'audience du 18 janvier 2023 et a fait l'objet de plusieurs renvois afin de permettre aux parties de se mettre en l'état.

A l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle l'affaire est appelée pour plaidoiries, M. [P] [Y], représenté par son conseil, a déposé des conclusions qu'il a fait viser, auxquelles il déclare se référer et en vertu desquelles il demande au juge de :
* déclarer les demandes de Monsieur [Y] recevables et bien-fondés ;
En conséquence,
A titre principal,
* Prononcer l'annulation du contrat de vente liant Monsieur [Y] et la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES conclu le 12 mai 2014;
*en conséquence, prononcer l'annulation du contrat de crédit affecté liant Monsieur [Y] et la société SYGMA aux droits de laquelle intervient désormais la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;

Partant,
*Ordonner le remboursement par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'intégralité des sommes qui ont été versées au titre du remboursement du prêt par Monsieur [Y],
*Débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
*Prononcer la résolution du bon de commande conclu entre Monsieur [Y] et la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES le 12 mai 2014,
*en conséquence, prononcer la résolution du contrat de crédit affecté conclu entre Monsieur [Y] et la société SYGMA aux droits de laquelle intervient désormais la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;
Partant,
*Ordonner le remboursement par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'intégralité des sommes qui ont été versées au titre du remboursement du prêt par Monsieur [Y],
*Débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'ensemble de ses demandes,
A titre très subsidiaire,
* Prononcer la déchéance à l'encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de son droit aux intérêts ;
En tout état de cause,
*Juger que la société SYGMA a commis des fautes qui prive la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de son droit à restitution du capital et des intérêts prêtés, et qui oblige cette dernière à restituer l'ensemble des sommes versées par Monsieur [Y],
*juger que Monsieur [Y] a subi des préjudices,
*en conséquence condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à lui verser 3 000 euros à titre de préjudice moral,
* Condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
* Condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au paiement des entiers dépens.

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE, représentée par son conseil, a déposé des écritures qu'elle a fait viser, auxquelles elle déclare se référer à l'audience et en vertu desquelles elle demande au juge de :
A titre principal,
* Déclarer irrecevable la demande de l'acquéreur en nullité du contrat conclu avec la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES sur le fondement d'irrégularités formelles comme prescrite ;
* Déclarer irrecevable la demande de l'acquéreur en nullité du contrat conclu avec la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES sur le fondement du dol comme prescrite ;
*Déclarer en conséquence irrecevable les demandes de Monsieur [Y] en nullité du contrat de crédit conclu avec la société SYGMA BANQUE aux droits de laquelle vient la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et en privation de la créance de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en restitution du capital prêté ; à tout le moins les rejeter du fait de la prescription de l'action en nullité du contrat conclu avec la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES et rejeter toutes les autres demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE car prescrite,
* Dire et juger que la nullité du bon de commande pour une irrégularité formelle n'est pas encourue ;
* Dire et juger subsidiairement que l'acquéreur a renoncé à se prévaloir d'une irrégularité purement formelle du contrat et a confirmé la nullité relative alléguée ;
* Dire et juger que l'erreur alléguée n'est nullement établie et que les conditions du prononcé de la nullité de ce chef ne sont pas remplies ;
*Die et juger que la résolution du bon de commande n'est pas encourue,
* En conséquence, déclarer la demande de nullité ou de résolution des contrats irrecevable ; à tout le moins, DEBOUTER l'acquéreur de sa demande de nullité ou de résolution ;
*Lui ordonner de poursuivre normalement le remboursement du crédit;
Subsidiairement, en cas de nullité des contrats,
* Dire et juger que la société SYGMA BANQUE aux droits de laquelle vient la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE n'a commis aucune faute dans la vérification du bon de commande ni dans le versement des fonds prêtés ;
* Dire et juger, de surcroît, que l'acquéreur n'établit pas le préjudice qu'il aurait subi en lien avec l'éventuelle irrégularité alléguée du bon de commande ou le versement des fonds, et donc avec la faute alléguée à l'encontre de la banque, ce alors même que l'installation fonctionne ;
* Dire et juger, en conséquence, qu'il ne justifie pas des conditions d'engagement de la responsabilité de la banque ;
* Dire et juger que, du fait de la nullité, l'emprunteur est tenu de restituer le capital prêté au prêteur ; condamner, en conséquence, Monsieur [Y] à régler à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE la somme de 29 900 euros en restitution du capital prêté ;
* Très subsidiairement, limiter la réparation qui serait due par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice ;
* Dire et juger que l'acquéreur reste tenu de restituer l'entier capital à hauteur de 29 900 euros et ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence ;
A titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal devait prononcer la nullité des contrats et ne pas ordonner la restitution du capital prêté à charge de l'emprunteur,
* Condamner Monsieur [Y] à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE la somme de 29 900 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable ;
* Lui enjoindre de restituer, à ses frais, le matériel installé chez lui à la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et dire et juger qu'à défaut de restitution, il restera tenu du remboursement du capital prêté ;
En tout état de cause,
* Dire et juger que les autres griefs formés par l'acquéreur ne sont pas fondés ;
*Débouter Monsieur [Y] de sa demande de déchéance du droit aux intérêts de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE;
* Débouter Monsieur [Y] de sa demande de dommages et intérêts ;
* Débouter le demandeur de toutes autres demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE;
* Ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence ;
* Condamner Monsieur [Y] au paiement à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Le condamner aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL.

La SELARL ALLIANCE MJ prise en la personne de Me [N] [S], administrateur ad'hoc de la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES régulièrement convoquée, ne comparaît pas et n'est pas représentée.

Il sera référé aux écritures des parties déposées à l'audience pour un plus ample exposé de leurs moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

À l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et rendue ce jour, par mise à disposition au greffe.

EXPOSE DES MOTIFS

Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, eu égard à l'article 2 du code civil selon lequel " la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ", les contrats demeurent régis par les dispositions légales sous l'empire desquelles ils ont été passés.

Ainsi, compte tenu de la date du contrat de vente (12 mai 2014), il sera fait application pour l'ensemble de la décision des dispositions du code de la consommation applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, conformément aux dispositions transitoires de cette loi qui prévoient une entrée en vigueur pour les contrats conclus après le 13 juin 2014 (article 34 de la loi du 17 mars 2014).

Concernant le contrat de crédit (23 juin 2014), il sera fait application pour l'ensemble de la décision des dispositions du code de la consommation applicable postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, conformément aux dispositions transitoires de cette loi qui prévoient une entrée en vigueur pour les contrats conclus après le 13 juin 2014 (article 34 de la loi du 17 mars 2014).

De même, s'agissant des deux contrats susvisés les dispositions applicables en l'espèce sont celles du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2016.

I. Sur les demandes de nullité du contrat de vente

La SA BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE invoque la prescription quinquennale des demandes formées par M. [P] [Y] au titre de la nullité du contrat de vente. Elle soutient que l'action en nullité d'un contrat est soumise au délai de prescription quinquennale qui démarre au jour de la signature du contrat, soit le 12 mai 2014, de sorte que l'action introduite le 30 septembre 2022 est prescrite.

Selon, M. [P] [Y], le point de départ de la prescription quinquennale n'est pas la date de conclusion du contrat, interprétation qui violerait par ailleurs le droit à un recours effectif, mais la date à laquelle le consommateur a la connaissance effective de son droit ou des faits lui permettant de l'exercer qu'il s'agisse de la nullité sur le fondement des irrégularités formelles ou du dol.

Pour autant le demandeur n'indique pas quel serait le point de départ de la prescription se contentant d'écarter la date de signature du contrat de vente.

L'article 2224 du code civil dispose, depuis le 19 juin 2009, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

1. Sur la prescription de l'action en nullité fondée sur le non-respect des exigences posées par le code de la consommation

Il résulte des dispositions de l'article 1304 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu'en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l’irrégularité.

M. [P] [Y] fonde à titre principal sa demande de nullité du contrat de vente sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation.

L'acquéreur était toutefois en mesure de vérifier au jour de la remise de son exemplaire du bon de commande, soit le 12 mai 2014 que ce contrat était incomplet au regard de l'absence de certaines mentions qu'il jugeait essentielles pour la validité de celui-ci. En effet, une telle vérification n'apparaît nullement subordonnée à la question de la rentabilité de l'installation, ni même à une information spécifique du professionnel sur ce point dès lors que les dispositions de l'article L. 121-3 du code de la consommation sont reproduites sur le bon de commande et indiquent explicitement quelles mentions doivent obligatoirement figurer au contrat. Aucun report du point de départ du délai de prescription n'est fondé, pour une date à laquelle l'acquéreur "aurait pris conscience du vice en question", lequel est seulement objectif lors de la conclusion de celui-ci.

S'agissant donc de la méconnaissance des dispositions de l'article L.121-23 du code de la consommation, le délai pour agir est expiré depuis le 12 mai 2019 à minuit, de sorte que l'action introduite au visa de ces dispositions par assignation du 30 septembre 2022 est prescrite.

2. Sur la prescription de l'action en nullité pour dol

En l'espèce, le requérant demande que le contrat de vente soit déclaré nul pour cause de dol, le vendeur n'ayant pas permis à l'acquéreur d'être en mesure d'évaluer les coûts et avantages de l'opération.
Il expose en ce sens que :
- le bon de commande lui a été présenté comme un dossier de candidature,
- le bon de commande ne comprend pas toutes les mentions obligatoires,
- les informations relatives au délai de raccordement, à l'assurance obligatoire, à la location obligatoire d'un compteur, au prix d'achat de l'électricité, aux rendements envisageables ne lui ont pas été communiquées (réticence dolosive),
- l'offre de crédit ne lui a pas été présentée comme un engagement ferme, ce qu'il n'a découvert qu'à l'issue du délai de rétractation,
- l'acquisition devait être financée par SOFEMO alors que c'est la société SYGMA qui a prêté les fonds.

En application de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'action en nullité d'une convention se prescrit par cinq ans à compter du jour où l'erreur ou le dol a été découvert. Cette découverte est un fait juridique, qui se prouve donc par tous moyens. Il appartient au juge qui déclare l'action irrecevable comme prescrite de constater la date de la découverte de l'erreur alléguée.

Il convient de relever que les travaux prévus au bon de commande ont été réalisés. M. [P] [Y], qui a signé le certificat de livraison du bien le 16 juillet 2014, savait donc à cette date que le bon de commande n'était pas un dossier de candidature mais bien un contrat de vente. Par ailleurs, l'installation a été raccordée et mise en service en avril 2015 et un contrat de revente a été conclu avec EDF tel que cela résulte de la facture de revente produite et datée du 26 avril 2016 portant sur la période du 20 avril 2015 au 19 avril 2016. A la date de réception de cette facture, M. [P] [Y] avait connaissance des coûts relatifs au raccordement, à l'assurance, à la location de compteur, et au prix d'achat de l'électricité. S'agissant de l'offre de crédit, il explique qu'il a compris qu'il avait souscrit un contrat de crédit à l'issu du délai de rétractation soit au mois d'août 2014 et il ne peut soutenir qu'il n'a pas constaté en signant l'offre de crédit, le 16 juillet 2014, qu'elle a été établie par la société SYGMA BANQUE. Enfin, concernant les irrégularités du bon de commande, il sera renvoyé aux paragraphes précédents, et rappelé que M. [P] [Y] était en mesure de vérifier ces éléments au jour de la signature, soit le 12 mai 2014.

Ainsi, le dol allégué repose sur des éléments dont M. [P] [Y] a eu connaissance entre le 12 mai 2014 et 26 avril 2016. Dès lors, l'action introduite le 30 septembre 2022 sur le fondement du dol, vice du consentement est prescrite.

II. Sur la demande de résolution judiciaire du contrat de vente

Le demandeur soutient que la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES, en promettant des rendements irréalisables, comme le démontrent les factures de révente d'électricité et le rapport d'expertise qu’il produit, a commis une inexécution contractuelle suffisamment grave justifiant la résolution judicaire du contrat.

L'article 1184, dans sa version applicable au présent litige, précise que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

En l'espèce, il ne résulte pas des documents contractuels produit que la rentabilité économique constitut une caractéristique essentielle du contrat de vente litigieux engageant le vendeur. Dès lors, aucune inexécution ne peut lui être imputée sur ce point. Il sera en outre relevé que M. [P] [Y] soutient que l'autofinancement de son installation lui a été promis cependant, il ne produit aucun élément en ce sens.

La demande de résolution judiciaire du contrat sera rejetée.

III. Sur les demandes relatives au contrat accessoire de crédit affecté

1. Sur les demandes de nullité et de résolution du prêt

Selon les dispositions de l'article L. 311-32 du code de la consommation, applicable au présent litige, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

La nullité du contrat principal n'étant pas prononcée, il ne saurait y avoir annulation du contrat accessoire de ce seul chef, le tribunal n'ayant de ce fait pas à rechercher si, en raison des effets de la nullité, la banque serait ou non privée de sa créance de restitution à raison d'une faute commise par elle. En l'absence de résolution du contrat de vente, le même raisonnement doit être tenu concernant la demande résolution du contrat de crédit, cette demande sera, par conséquent également rejetée.

2. Sur la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts

M. [P] [Y] sollicite la déchéance du droit aux intérêts conventionnels sur le fondement des articles L311-9 et L311-48 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable aux faits le FICP ayant été consulté le 19 juin 2014 soit un mois après la souscription du contrat.

En application des articles L311-9 et L311-48 du code de la consommation, il appartient au prêteur de justifier de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l'espèce, la banque justifie de la consultation du FICP le 19 juin 2014, alors que le contrat de crédit a été signé le 23 juin 2014. La consultation n'est donc pas tardive. Il n'y a donc pas lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

3. Sur l'action en responsabilité de la banque

M. [P] [Y] soutient que la banque a commis différentes fautes engageant sa responsabilité.

Si l'absence d'annulation et de résolution du contrat principal empêche de considérer que la faute éventuelle de la banque aurait pour effet de priver cette dernière de sa créance de restitution résultant de l'annulation du contrat de crédit affecté, il convient en revanche de considérer qu'une faute de la banque, peut engager sa responsabilité dès lors qu'elle a causé un préjudice né et actuel.

Aux termes de l'article 1147 du code civil applicable à la date de la signature du contrat, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE oppose la prescription de l'action en responsabilité soutenant que le point de départ de la prescription est la date de déblocage des fonds soit le 30 juillet 2014.

L'article 2224 du code civil dispose, depuis le 19 juin 2009, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui s'applique pour les instances introduites à compter de cette date, que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'action visant à engager la responsabilité contractuelle se prescrit par cinq ans à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, c'est-à-dire le moment où la victime prend conscience du manquement de la banque et de son dommage, soit les faits lui permettant d'agir.

M. [P] [Y] soutient que la banque a commis une faute en procédant au déblocage des fonds sans s'être, au préalable, assurée de la régularité de la vente au regard des dispositions impératives du droit de la consommation. Cependant, il convient de préciser à nouveau, que l'acquéreur était en mesure de vérifier au jour de la remise de son exemplaire du bon de commande, soit le 12 mai 2014 que ce contrat était incomplet au regard de l'absence de certaines mentions qu'il jugeait essentielles pour la validité de celui-ci. En conséquence, le point de départ de l'action en prescription doit être fixé au 30 juillet 2014, date de déblocage des fonds par la banque. L'action en responsabilité de la banque, sur ce fondement, est donc prescrite.

M. [P] [Y] met ensuite en cause la responsabilité de la SA BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE, au regard des manquement à ses obligations en qualité de dispensateur de crédits. Il se fonde sur les articles L311-8 et L 311-6 du code de la consommation dans leur version applicable au présent litige.

Au terme de ces articles, le créancier doit justifier de la fourniture à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirer son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement et de la remise de la fiche d'information précontractuelle -FIPEN-, à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (articles L311-48 et L311-33 du code de la consommation).

Sur le devoir d'explication du banquier M. [P] [Y] soutient ne pas avoir été averti des risques liés à l'opération du fait de l'absence de rentabilité. Si la question du contenu du devoir d'explication du banquier se pose, ce dernier étant dispensateur de crédit et non vendeur/installateur de l'installation photovoltaïque, il sera relevé qu’à la réception de la facture de revente d'électricité du 26 avril 2016 portant sur la période du 20 avril 2015 au 19 avril 2016 M. [P] [Y] a été mis en mesure de constater que l'opération n'offrait pas la rentabilité qu'il attendait.

S'agissant de l'absence de remise de la FIPEN, M. [P] [Y] indique que de ce fait, il n'a découvert que deux mois après le démarchage qu'il était engagé auprès de la banque SYGMA. Dès lors, le point de départ de son action, doit être fixé à la date de la découverte des faits permettant de l'exercer, soit au mois de juillet 2014.

M. [P] [Y] reproche à la banque d'avoir libéré les fonds avant l'achèvement des travaux. Or, le point de départ de l'action en responsabilité de la banque sur ce point est la date de déblocage des fonds, le 30 juillet 2014, M. [P] [Y] ne donnant aucun élément sur un éventuel report de cette date. Il avait, en effet, à cette date connaissance que les travaux n'étaient pas achevés.

L'action en responsabilité de la banque sur ces chefs, engagées par assignation du 30 septembre 2022, est donc déclarée irrecevable comme prescrite.

IV - Sur les demandes accessoires

M. [P] [Y], qui succombe en ses demandes, supportera les dépens d'instance en application de l'article 696 du code de procédure civile. La demande de distraction des dépens formée par la banque sera toutefois rejetée s'agissant d'une instance pour laquelle la représentation par avocat n'est pas obligatoire.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. M. [P] [Y] sera condamné à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du CPC.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DECLARE irrecevable comme prescrite les demandes en nullité du contrat de vente conclu le 12 mai 2014 entre Monsieur [P] [Y] et la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES fondées sur la méconnaissance des dispositions du code de la consommation et sur le dol,

REJETTE la demande en résolution judiciaire du contrat de vente conclu le 12 mai 2014 entre Monsieur [P] [Y] et la société HABITAT ET SOLUTIONS DURABLES,

REJETTE en conséquence les demandes subséquentes de nullité et de résolution du contrat de crédit affecté conclu le 23 juin 2014 entre M. [P] [Y] et la SA BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE,

DECLARE irrecevable comme prescrites les demandes formées par M. [P] [Y] contre la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, sur le fondement de la responsabilité du banquier,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE M. [P] [Y] à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [P] [Y] aux dépens, et REJETTE la demande de distraction de ces derniers au profit de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par le juge des contentieux de la protection et le greffier susnommèés et mis à disposition au greffe.

La greffièreLa juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 22/09092
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;22.09092 ?
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