La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2024 | FRANCE | N°22/04304

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 21 mars 2024, 22/04304


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître SCOTTO DI LIGUORI


Copie exécutoire délivrée
le :
à : S.A.S.U EASY CONFORT
Maître [S]
Maître MENDES-GIL
S.E.L.A.R.L FHB

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 22/04304 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXCH2

N° MINUTE :
6 JCP





JUGEMENT
rendu le jeudi 21 mars 2024

DEMANDEURS
Monsieur [W] [T],
Madame [R] [H] épouse [T],
demeurant [Adresse 3]
représentés par Maître SCOTTO DI

LIGUORI, avocat au barreau de Marseille

DÉFENDEURS
S.A.S.U. EASY CONFORT,
dont le siège social est [Adresse 5]
représentée par la S.E.L.A.R.L. FHB par Me [V] [U]
en sa qualité d...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître SCOTTO DI LIGUORI

Copie exécutoire délivrée
le :
à : S.A.S.U EASY CONFORT
Maître [S]
Maître MENDES-GIL
S.E.L.A.R.L FHB

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 22/04304 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXCH2

N° MINUTE :
6 JCP

JUGEMENT
rendu le jeudi 21 mars 2024

DEMANDEURS
Monsieur [W] [T],
Madame [R] [H] épouse [T],
demeurant [Adresse 3]
représentés par Maître SCOTTO DI LIGUORI, avocat au barreau de Marseille

DÉFENDEURS
S.A.S.U. EASY CONFORT,
dont le siège social est [Adresse 5]
représentée par la S.E.L.A.R.L. FHB par Me [V] [U]
en sa qualité de mandataire ad’hoc, dont le siège social est sis [Adresse 2]
non comparante, ni représentée
et représentée par Maître [X] [S], en sa qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S.U EASY CONFORT,
demeurant [Adresse 4]
non comparant, ni représenté

S.A. DOMOFINANCE,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P173

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Eloïse CLARAC, Juge des contentieux de la protection
assistée de Laura JOBERT, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 12 décembre 2023
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 21 mars 2024 par Eloïse CLARAC, Juge assistée de Laura JOBERT, Greffier

Décision du 21 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 22/04304 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXCH2

EXPOSE DU LITIGE
Dans le cadre d’un démarchage à domicile, suivant acte sous-seing privé Monsieur [W] [T] et Madame [R] [H] épouse [T] ont commandé le 15 décembre 2014 auprès de la société EASY CONFORT une installation photovoltaïque pour la somme de 24 000 euros.
Afin de financer cet achat, la société DOMOFINANCE leur a consenti une offre de crédit affecté le 15 décembre 2014 d’un montant de 24 000 euros remboursable en 130 mensualités après franchise de 6 mois au taux contractuel de 4,54% et TAEG de 4,64% correspondant à des échéances avec assurance de 259.04 euros mensuels.
Par jugement du 26 juillet 2017, le tribunal de commerce de Béziers a prononcé la liquidation judiciaire à l’encontre de la société EASY CONFORT et désigné Maître [X] [S] en qualité de liquidateur. Par ordonnance du 27 juillet 2023 rendue par le tribunal de commerce de Béziers, la procédure de liquidation ayant été clôturée pour insuffisance d’actifs, la SELARL FHB, prise en la personne de Maître [V] [U] a été désignée en qualité de mandataire ad’hoc.
Par acte de commissaire de justice des 5 et 16 mai 2022, Monsieur [W] [T] et Madame [R] [H] épouse [T] ont assigné la société DOMOFINANCE et la société EASY CONFORT, prise en la personne de Maître [X] [S], liquidateur judiciaire de la société, afin que soit prononcée l’annulation des contrats de vente et de crédit affecté.
L’affaire a été appelée pour la première fois à l’audience du 20 septembre 2022 et a fait l’objet de plusieurs renvois afin de permettre aux parties de se mettre en l’état aux fins notamment de mettre dans la cause la SELARL FHB représentée par Maître [V] [U] en qualité de mandataire ad’hoc de la société EASY CONFORT suite à la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actifs.
Les demandeurs ont assigné en intervention forcée la SELARL FHB représentée par Monsieur [V] [U] par acte de commissaire de justice du 3 octobre 2023. Cette affaire a été jointe à l’instance principale portant le numéro RG 22/4304 à l’audience du 15 novembre 2023.
A l’audience du 12 décembre 2023 à laquelle l’affaire est appelée pour plaidoiries, Monsieur [W] [T] et Madame [R] [H] épouse [T], représentés par leur conseil, ont déposé des conclusions qu’ils ont fait viser, auxquelles ils déclarent se référer et en vertu desquelles il demande au juge de :
* Juger l’action des époux [T] recevable et non prescrite ;
*Juger les époux [T] recevables et bien–fondés en leurs demandes, fins et conclusions.

A titre principal,
*Juger que le bon de commande signé le 15 décembre 2014 ne satisfait pas les mentions obligatoires prévues en matière de démarchage à domicile,
* Juger que le consentement des époux [T] a été vicié pour cause d’erreur sur la rentabilité économique de l’opération.
En conséquence,
* Prononcer l’annulation du contrat de vente conclu le 15 décembre 2014 entre les époux [T] et la société EASY CONFORT;
*Juger que la nullité du contrat de vente est absolue et ne peut donc être confirmée.

Subsidiairement,
*Juger que les époux [T] n’étaient pas informés des vices, et n’ont jamais eu l’intention de les réparer ni eu la volonté de confirmer l’acte nul,
*Juger que la nullité du bon de commande du 15 décembre 2014 n’a fait l’objet d’aucune confirmation,

*Prononcer la nullité consécutive du contrat de crédit affecté conclu le 15 décembre 2014 entre les époux [T] et la banque DOMOFINANCE,
*Juger que la banque DOMOFINANCE a commis une faute lors du déblocage des fonds au bénéfice de la société EASY CONFORT,
*Juger que les époux [T] justifient d’un préjudice,
*Juger que la banque DOMOFINANCE est privé de son droit à réclamer restitution du capital prêté,
*Condamner la banque DOMOFINANCE à restituer aux époux [T] les sommes versées au titre du capital, les intérêts et frais accessoires liés au contrat de crédit affecté du 15 décembre 2014, soit la somme de 29 347,97 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation.

A titre subsidiaire,
*Juger que la banque DOMOFINANCE a manqué à son devoir de mise en garde,
*Condamner la banque DOMOFINANCE à payer aux époux [T] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudicie lié à la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif,
*Juger que la banque DOMOFINANCE a manqué à son obligation d’information et de conseil,
*Prononcer la déchéance de l’intégralité du droit aux intérêts afférents au contrat de crédit conclu le 15 décembre 2014,

En tout état de cause,
*Condamner la banque DOMOFINANCE à payer aux époux [T] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,
*Débouter la banque DOMOFINANCE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
*Juger n’y avoir lieu à exécution provisoire de droit,
* Condamner la banque DOMOFINANCE, à payer aux époux [T] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.
La société DOMOFINANCE BANQUE, représentée par son conseil, a déposé des écritures qu'elle a fait viser, auxquelles elle déclare se référer à l'audience et en vertu desquelles elle demande au juge de :
A titre principal,
* Juger irrecevable la demande des acquéreurs en nullité du contrat conclu avec la société EASY CONFORT sur le fondement d’irrégularités formelles comme prescrite ;
* Juger irrecevable la demande des acquéreurs en nullité du contrat conclu avec la société EASY CONFORT sur le fondement du dol comme prescrite ;
*Déclarer irrecevable l’ensemble des demandes des acquéreurs du fait du remboursement anticipé du contrat de crédit valant reconnaissance de dette,
* Dire et juger que la nullité du bon de commande pour une irrégularité formelle n'est pas encourue ;
* Dire et juger subsidiairement que l’acquéreur a renoncé à se prévaloir d’une irrégularité purement formelle du contrat et a confirmé la nullité relative alléguée ;
* Dire et juger que le dol allégué n’est nullement établi, ni l’absence de cause et que les conditions du prononcé de la nullité de ce chef ne sont pas remplies ;
* En conséquence, déclarer la demande de nullité des contrats irrecevable ; à tout le moins, DEBOUTER les acquéreurs de leur demande de nullité;
*Leur ordonner de poursuivre normalement le remboursement du crédit ;
Subsidiairement, en cas de nullité des contrats,
* Dire et juger que la société DOMOFINANCE n'a commis aucune faute dans la vérification du bon de commande ni dans le versement des fonds prêtés ;
* Dire et juger, de surcroît, que les acquéreurs n'établissent pas le préjudice qu'ils auraient subi en lien avec l'éventuelle irrégularité alléguée du bon de commande ou le versement des fonds, et donc avec la faute alléguée à l’encontre de la banque, ce alors même que l’installation fonctionne ;
* Dire et juger, en conséquence, qu'ils ne justifient pas des conditions d’engagement de la responsabilité de la banque ;
* Dire et juger que, du fait de la nullité, l’emprunteur est tenu de restituer le capital prêté au prêteur; les condamner, in solidum, en conséquence à régler à la société DOMOFINANCE la somme de 24 000 euros en restitution du capital prêté ;
Très subsidiairement,
* limiter la réparation qui serait due par la société DOMOFINANCE eu égard au préjudice effectivement subi par l’emprunteur à charge pour lui de l’établir et eu égard à la faute de l’emprunteur ayant concouru à son propre préjudice ;
* Dire et juger que les acquéreurs restent tenus de restituer l’entier capital à hauteur de 24 000 euros et ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence ;
A titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal devait prononcer la nullité des contrats et ne pas ordonner la restitution du capital prêté à charge des emprunteurs,
* Condamner les époux [T] à payer à la société DOMOFINANCE la somme de 24 000 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable ;
* Leur enjoindre de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux au liquidateur de la société EASY CONFORT, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d’électricité,
* Dire et juger qu’à défaut de restitution, ils resteront tenus du remboursement du capital prêté,
En tout état de cause,
* Dire et juger que les autres griefs formés par l’acquéreur ne sont pas fondés ;
* Débouter les époux [T] de leur demande de dommages et intérêts;
* Débouter les demandeurs de toutes autres demandes, fins et conclusions formées à l’encontre de la société DOMOFINANCE;
* Ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence ;
* Condamner in solidum les époux [T] au paiement à la société DOMOFINANCE de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Les condamner in solidum aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL ;
La SELARL FHB représentée par Maître Jean-François BLANC, administrateur ad’hoc de la société EASY CONFORT régulièrement convoquée, ne comparaît pas et n'est pas représentée.
Il sera référé aux écritures des parties déposées à l’audience pour un plus ample exposé de leurs moyens en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire susceptible d’appel est réputée contradictoire et a été mise en délibéré au 21 mars 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, eu égard à l’article 2 du code civil selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif », les contrats demeurent régis par les dispositions légales sous l’empire desquelles ils ont été passés.
Ainsi, compte tenu de la date des contrats de vente et de crédit (15 décembre 2014), il sera fait application pour l’ensemble de la décision des dispositions du code de la consommation applicable postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, conformément aux dispositions transitoires de cette loi qui prévoient une entrée en vigueur pour les contrats conclus après le 13 juin 2014 (article 34 de la loi du 17 mars 2014) et avant l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
De même, les dispositions applicables en l’espèce sont celles du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2016.

I. Sur la recevabilité des demandes

Sur la reconnaissance de dette liée au remboursement anticipé du contrat de crédit
La banque DOMOFINANCE soulève l’irrecevabilité de l’action des époux [T] du fait du remboursement anticipé du contrat de crédit valant reconnaissance de dette dans le « Par ces motifs » de ses conclusions, mais ne développe aucun moyen à l’appui de cette demande dans ses écritures.

S’il est possible de renoncer au bénéfice d'une disposition d'ordre public - notamment en droit de la consommation - c’est à la condition qu'une telle renonciation soit non équivoque et qu'elle porte sur un droit acquis.

En l’espèce, les époux [T], en payant les échéances du prêt n’ont fait qu’exécuter les clauses du contrat et n’ont pas manifesté de manière non équivoque leur volonté de renoncer à appliquer les dispositions du code de la consommation.

La banque DOMOFINANCE sa sera donc déboutée de sa fin de non-recevoir fondée sur la reconnaissance de dette.
Sur la prescriptionSur la recevabilité de la demande en nullité fondée sur le non-respect des exigences posées par le code de la consommationLa société DOMOFINANCE invoque la prescription quinquennale des demandes formées par les époux [T] au titre de la nullité du contrat de vente. L'action en nullité d'un contrat est, selon elle, soumise au délai de prescription quinquennale qui démarre au jour de la signature du contrat, soit le 15 décembre 2014, de sorte que l'action introduite le 30 septembre 2022 est prescrite.
Selon les époux [T], le point de départ de la prescription quinquennale n'est pas la date de conclusion du contrat, interprétation qui violerait par ailleurs le droit à un recours effectif, mais la date à laquelle le consommateur a la connaissance effective de son droit ou des faits lui permettant de l’exercer étant relevé que les articles du code de la consommation reproduits dans les Conditions Générales de Vente ne sont pas ceux en vigueur au jour de la signature du contrat de vente.
L’article 2224 du code civil dispose, depuis le 19 juin 2009, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l’article 1304 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu’en cas d’octroi d’un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’erreur (Civ. 1re, 11 juin 2009, n° 08.11-755).
Les époux [T] fondent à titre principal leur demande de nullité du contrat de vente sur la méconnaissance des dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation soulevant le défaut des mentions relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou service (marque, référence, modèle, poids, puissance unitaire des panneaux), aux délai et modalités de livraison et mise en service, au coût total du crédit, aux coordonnées électroniques du vendeur et le défaut de conformité du bordereau de rétractation et du point de départ du délai de rétractation relevant que l’article L.121-23 du code de la consommation qui a été reproduit est erroné.
Les acquéreurs étaient toutefois en mesure de vérifier au jour de la remise de leur exemplaire du bon de commande, soit le 15 décembre 2014 que ce contrat était incomplet au regard de l’absence de certaines mentions qu’ils jugeaient essentielles pour la validité de celui-ci et devant obligatoirement figurer au contrat. En effet, une telle vérification était possible à la lecture même des dispositions de l’article L.121-23, L.121-21 et L.121-26 reproduits au bon de commande, l’article L.121-23 visant une « désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou services proposés », les délai et modalités de livraison, le prix global et les modalités de paiement, le droit de rétractation et ses modalités d’exercice état quant à eux détaillées à l’article L.121-26 du code de la consommation. Quant aux coordonnées électroniques du vendeur, l’article L.111.1 4° imposait la mention des informations suivantes relatives au vendeur « les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ». Or, les acquéreurs pouvaient parfaitement avoir connaissance de l’identité du vendeur dont les coordonnées postales, téléphoniques, fax, et le site internet ressortaient du contexte au travers de leur mention expresse.
Aucun report du point de départ du délai de prescription n’est ainsi fondé, pour une date à laquelle l’acquéreur « aurait pris conscience du vice en question », lequel est seulement objectif lors de la conclusion de celui-ci.
S’agissant donc de la méconnaissance des dispositions du code de la consommation, le délai pour agir est ainsi expiré depuis le 15 décembre 2019 à minuit, de sorte que l’action introduite au visa de ces dispositions par assignation des 5 et 16 mai 2022 est prescrite.
Sur la recevabilité de la demande en nullité fondée sur l’existence d’une erreur sur la rentabilité
La banque estime que les demandeurs ne justifient pas avoir découvert des éléments à même de caractériser une erreur postérieurement à la souscription des contrats, ce qui aurait permis le report du point de départ du délai pour agir étant relevé qu’en tout état de cause, le contrat de vente ne comporte aucun engagement de rentabilité.
En application de l’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’action en nullité d’une convention se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’erreur ou le dol a été découvert. Cette découverte est un fait juridique, qui se prouve donc par tous moyens. Il appartient au juge qui déclare l’action irrecevable comme prescrite de constater la date de la découverte de l’erreur alléguée (Civ. 1re, 14 octobre 2010, n° 09-13.646).
En l’espèce, les requérants demandent que le contrat de vente soit déclaré nul pour cause d’erreur sur la rentabilité de l’opération, au motif que la société EASY CONFORT a présenté l'installation comme étant rentable, voire autofinancée.
S’agissant de la promesse d’autofinancement et de rentabilité de l’installation, celle-ci doit être formalisée par une mention dans le bon de commande, or les demandeurs reconnaissent eux-mêmes dans leurs écritures en page 27 que ce n’est pas le cas précisant que « bien que la rentabilité économique de l’opération-et donc l’autofinancement du prêt -n’ait pas été convenue par écrit dans le cadre du bon de commande du 15 décembre 2014 (…) ».
La preuve de la rentabilité effective ne peut donc résulter que de l'envoi de la première facture de revenus d’électricité de ERDF, seul document pouvant permettre au demandeur d’évaluer la rentabilité de son installation photovoltaïque.

La première facture versée aux débats est datée du 6 mars 2020 (pièce 10). Les époux [T] ne rapportent pas la preuve que la date effective de découverte de l’erreur serait postérieure à la première facture reçue et qu’ils n’avaient pu apprécier l’éventuelle rentabilité de son installation dès le 6 mars 2020. Il y a donc lieu de prendre pour point de départ de la prescription le 6 mars 2020 de sorte qu’à la date de l’assignation soit les 5 et 16 mai 2022, l’action n’était pas prescrite.

En conséquence, l’action en nullité fondée sur le dol n'est pas prescrite.

II. Sur la nullité du contrat principal de vente tirée de l’erreur sur la rentabilité

Aux termes de l’article 1130 du code civil, l’erreur vicie le consentement lorsqu’elle est de telle nature que l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes et le caractère déterminant s’apprécie eu égard à la personne et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L’article 1132 précise que « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celle du cocontractant ».

L’article 1133 dispose que : « les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou l’autre partie (…) ».

Enfin, l’article 1135 du code civil dispose que : « l’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement (…) ».

L’erreur s’apprécie au moment de la formation du contrat et relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

La charge de la preuve de l’erreur sur la rentabilité repose sur les époux [T] aux termes de l’article 1353 du code civil.

La rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d’une installation photovoltaïque au sens de l’article L.111-1 du code de la consommation qu’à la condition que les parties l’aient fait entrer dans le champ contractuel (Civ 1, 21, octobre 2020, n ° 18-26.761).

En l’espèce, d’une part, il ne ressort pas de la nature même de la chose que la rentabilité économique constitue une qualité substantielle autrement dit il n’apparaît pas que l’installation photovoltaïque ait été essentiellement destinée à générer du profit. D’autre part, l’erreur sur les motifs n’emporte annulation du contrat qu’à la condition qu’elle soit entrée dans le champ contractuel. Or, les époux [T] ne rapportent pas la preuve qu’au moment de la formation du contrat, l’autofinancement ou la rentabilité de l’installation constituait une qualité essentielle de l’opération et un élément déterminant de leur consentement convenu expressément ou même tacitement avec le vendeur dès lors que le bon de commande ne comporte aucun engagement en termes de prix de rachat de l’électricité produite et de rendement de l’installation à défaut de mention en ce sens au recto ou verso dans les conditions générales de vente et, qu’aucun autre document tel qu’une simulation soit entré dans le champ contractuel. En tout état de cause, le prix de revente de l'électricité est fixé par EDF et par conséquent, un engagement de rentabilité économique du contrat, apparait de facto impossible de la part du vendeur sur le long terme.
Bien au contraire, les demandeurs reconnaissent eux-mêmes dans leurs écritures en page 27 que ce n’est pas le cas précisant que « bien que la rentabilité économique de l’opération-et donc l’autofinancement du prêt -n’ait pas été convenue par écrit dans le cadre du bon de commande du 15 décembre 2014 (…) ».

En conséquence, l’erreur sur la rentabilité économique de l’installation n’étant pas caractérisée, l’annulation du contrat ne peut être prononcée de ce chef.

Enfin, quant à l’appréciation du droit au recours effectif, il suppose également que le demandeur a une action ne puisse s’affranchir des délais de procédure, la prescription extinctive reposant sur une règle de sécurité juridique dans les contrats.

III. Sur les demandes relatives au contrat accessoire de crédit affecté
Sur la demande de nullité du prêt
L’article L. 311-32 du code de la consommation applicable à la date de la signature du contrat dispose : « En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne seront applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur. »
La nullité du contrat principal n’ayant pas été retenue, il ne saurait y avoir annulation du contrat accessoire de ce seul chef, le tribunal n’ayant de ce ne fait pas à rechercher si, en raison des effets de la nullité, la banque serait ou non privée de sa créance de restitution à raison d’une faute commise par elle quant à l’absence de vérification de la validité du contrat principal.

Sur la responsabilité de la banque et la demande de dommages et intérêts
Si l’absence d’annulation du contrat principal empêche de considérer que la faute éventuelle de la banque aurait pour effet de priver cette dernière de sa créance de restitution résultant de l’annulation du contrat de crédit affecté, il convient en revanche de considérer qu’une faute de la banque, peut engager sa responsabilité dès lors qu’elle a causé un préjudice né et actuel.

Aux termes de l'article 1147 du code civil applicable à la date de la signature du contrat, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Les demandeurs soutiennent que la banque a manqué à son devoir de mise en garde contre un risque d’endettement excessif, ils précisent qu’ils n’ont pas reçu l’information suffisante de la part du préteur, leur permettant de s’engager en connaissance de cause et notamment du fait que les montants des mensualités des contrats de crédit affecté souscrit par les consommateurs sont fréquemment supérieurs aux recettes ou économies réalisées par les installations photovoltaïques.
L’emprunteur peut solliciter la responsabilité de la banque pour défaut de mise en garde contre le risque d'endettement excessif sur le fondement de sa responsabilité contractuelle en application du droit commun et réparation de son préjudice par l'allocation de dommages et intérêts.
Le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter.
En l’espèce, la fiche de dialogue est bien versée aux débats et fait apparaître des revenus de 3 000 euros, montant corroboré par l’avis d’imposition 2014, pour Monsieur [K] [T] et l’absence de charges, soit un taux d’endettement après souscription du nouveau crédit (pour 293,21 euros mensuels) de moins de 10% environ.
Le prêteur n'étant débiteur du devoir de mise en garde que si les renseignements recueillis auprès de l'emprunteur non averti justifient un avertissement quant au risque d'endettement excessif, sa responsabilité ne saurait être ici engagée. Etant précisé qu’il n’appartient pas au préteur de conseiller l’emprunteur sur l’opportunité de l’achat du bien ou du service financé par le crédit consenti.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels
Les demandeurs sollicitent la déchéance du droit aux intérêts conventionnels sur le fondement des articles L311-48, L311-6, L311-8, L311-9 du code de la consommation.

L’article L.311-48 du code de la consommation, applicable au présent litige, prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté notamment les obligations fixées aux articles L311-6, L311-8, L311-9, du code de la consommation est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

L’article L311-9 auquel ce texte fait référence dispose qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et consulte le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement (FICP).
En l'espèce, la société DOMOFINANCE produit une fiche de renseignement et d’explication mentionnant les revenus et charges des demandeurs signée par Monsieur [W] [T] ainsi qu’un bulletin de paye de ce dernier et l’avis d’imposition du couple sur les revenus 2013 confirmant ces éléments. En revanche, le justificatif de consultation du FICP produit ne mentionne aucune réponse de la Banque de France ce qui, équivaut à une absence de consultation.
La société DOMOFINANCE sera, en conséquence, intégralement déchue de son droit aux intérêts contractuel sans qu’il ne soit nécessaire d’étudier la question de la vérification de la justification de la formation de l’intermédiaire de crédit.

IV. Sur la demande relative au préjudice moral
Les demandeurs exposent avoir subi un préjudice moral qu’ils caractérisent par le fait d’avoir perdu toute perspective d’investissement de leurs économies après avoir utilisé leur épargne pour rembourser le crédit par anticipation.

Cependant, aucune pièce versée aux débats ne vient étayer ces déclarations et il ressort de la lecture de la pièce n°11 que les époux [T] ont contracté un crédit de 55 000 euros auprès du CFCAL pour regrouper six crédits dont celui contracté pour le paiement des panneaux photovoltaïques. Dès lors, cette demande sera rejetée.
V - Sur les demandes accessoires

Les demandeurs, partie perdante, supporteront les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

La demande de distraction des dépens formée par la banque sera rejetée s’agissant d’une instance pour laquelle la représentation par avocat n’est pas obligatoire.

L’équité justifie de ne pas faire droit aux demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société DOMOFINANCE, tirée du remboursement anticipé du contrat de prêt,

DECLARE irrecevable comme prescrite la demande en nullité du contrat de vente, conclu le 15 décembre 2014 entre Monsieur [W] [T] et Madame [R] [H] épouse [T] et la société EASY CONFORT, fondée sur la méconnaissance des dispositions du code de la consommation,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société DOMOFINANCE tirée de la prescription de l’action en nullité du contrat de vente, conclu le 15 décembre 2014 entre Monsieur [W] [T] et Madame [R] [H] épouse [T] et la société EASY CONFORT, pour vice du consentement,

REJETTE la demande de nullité du contrat de vente conclu le 15 décembre 2014 entre Monsieur [W] [T] et Madame [R] [H] épouse [T] et la société EASY CONFORT,

REJETTE la demande de nullité du contrat de crédit consenti le 15 décembre 2014 par la société DOMOFINANCE et les demandes subséquentes de restitution,

REJETTE la demande de dommages et intérêts formulées par Monsieur [W] [T] et Madame [R] [H] épouse [T] au titre de la perte de chance de ne pas contracter,

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la société DOMOFINANCE au titre du crédit souscrit le 15 décembre 2014,

REJETTE la demande de dommages et intérêts formulées par Monsieur [W] [T] et Madame [R] [H] épouse [T] au titre du préjudice moral,

REJETTE les demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes des parties,

CONDAMNE Monsieur [W] [T] et Madame [R] [H] épouse [T] aux dépens,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

LA GREFFIERELA JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 22/04304
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;22.04304 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award