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20/03/2024 | FRANCE | N°22/04810

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 20 mars 2024, 22/04810


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :



9ème chambre 1ère section

N° RG 22/04810

N° Portalis 352J-W-B7G-CWXDV

N° MINUTE :

Assignation du :
19 Avril 2022

Contradictoire






ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 20 Mars 2024

DEMANDEURS

Monsieur [Z] [G]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représenté par Maître William BOURDON de l’AARPI BOURDON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0143

Ma

dame [E] [M] épouse [G]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître William BOURDON de l’AARPI BOURDON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

9ème chambre 1ère section

N° RG 22/04810

N° Portalis 352J-W-B7G-CWXDV

N° MINUTE :

Assignation du :
19 Avril 2022

Contradictoire

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 20 Mars 2024

DEMANDEURS

Monsieur [Z] [G]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représenté par Maître William BOURDON de l’AARPI BOURDON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0143

Madame [E] [M] épouse [G]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître William BOURDON de l’AARPI BOURDON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0143

DEFENDERESSE

S.A. SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU LIBAN
[Adresse 11]
[Localité 5]
LIBAN

représentée par Maître Eric DEUBEL de l’ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #T06

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente, juge de la mise en état, assistée de Madame Sandrine BREARD, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 17 janvier 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 06 mars 2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 20 mars 2024.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Susceptible d’appel dans les conditions des articles 83 et suivants du code de procédure civile

EXPOSÉ DE L’INCIDENT

Par acte d’huissier en date du 20 avril 2022, M. [Z] [G] et Mme [E] [M] épouse [G] ont fait assigner la société anonyme de droit libanais Société Générale de Banque au Liban (ci-après la SGBL) devant le tribunal judiciaire de Paris.
Ils demandent au tribunal de :
« Se déclarer territorialement compétent pour connaître du présent litige ;
Déclarer les requérants recevables en leurs demandes ;
Constater que la SGBL est redevable à leur égard d’une créance certaine, liquide et exigible d’un montant en principal de 1.543.390 USD ;
Dire et juger que la SGBL a manqué à ses obligations contractuelles, notamment en s’abstenant d’exécuter l’ordre de virement que Monsieur [Z] [G] lui a adressé le 4 avril 2022 ;
EN CONSEQUENCE :
Condamner la SGBL à payer aux requérants ladite somme de 1.543.390 USD majorée des intérêts moratoires au taux de 9% l'an, par application combinée des dispositions de l'article 265 alinéa 1er du Code libanais des obligations et des contrats et de l'article 257 du Code de commerce libanais, calculés à compter de la date de délivrance de l'acte introductif d'instance et jusqu'à la date du paiement effectif ;
Dire et juger que ce paiement devra intervenir par virement sur le compte référencé [XXXXXXXXXX09] ouvert auprès du LCL (agence [Adresse 8]) au nom de Monsieur [Z] [G], ou à défaut par règlement CARPA ;
Dire et juger que si, pour quelque cause que ce soit, le montant de la créance des requérants n'a pas été versé par la SGBL sur le compte référencé [XXXXXXXXXX09] ouvert auprès du LCL (agence [Adresse 8]) au nom de Monsieur [Z] [G], ou payé par règlement CARPA 8 jours après la signification de la décision à intervenir, la SGBL devra s'en acquitter sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et jusqu'à parfait paiement, en application des dispositions de l'article L.131-l du code des procédure civiles d'exécution ;
Condamner la SGBL à verser à Monsieur [Z] [G] et Madame [E] [G] une somme complémentaire de 2.000.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice qu’elle leur a causé en s’abstenant d’exécuter les ordres de virement qui lui avaient été donnés le 1er et 8 novembre 2019 ;
Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir;
Condamner la SGBL au paiement d'une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.»
Les époux [G] exposent qu’ils détiennent conjointement trois comptes auprès de la SGBL. Ils font valoir qu’ils ont demandé le transfert des avoirs détenus sur ces comptes vers leur compte bancaire ouvert en France par lettre du 4 avril 2022 mais n’ont pu bénéficier de ce transfert.
Demandes et moyens de la société SGBL
Dans ses dernières conclusions sur incident communiquées par voie électronique le 9 janvier 2023, la SGBL demande au juge de la mise en état de :
« - se déclarer incompétent pour connaître des demandes de M. [Z] [G] et Mme [E] [G] ;
- inviter M. [Z] [G] et Mme [E] [G] à se pourvoir devant le tribunal de Beyrouth, Liban ;
- condamner M. [Z] [G] et Mme [E] [G] à payer à la SGBL la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner [Z] [G] et Mme [E] [G] aux entiers dépens. »
La SGBL expose qu’elle n’a pu faire droit aux demandes de transfert présentées par M. [G] en raison des circonstances exceptionnelles intervenues au Liban à compter du 17 octobre 2019, les virements de fonds à l’étranger n’étant plus autorisés.
La SGBL soutient que les juridictions françaises ne peuvent être compétentes en application de l’article 14 du code civil qui permet à un français d’attraire un étranger devant les tribunaux français « pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des français ». Elle observe que les époux [G] ont accepté les termes de la « convention de bienvenue / conditions générales » qui prévoit une clause attributive de compétence en faveur des tribunaux de Beyrouth. Elle ajoute que le litige présente un caractère international et qu’aucune juridiction française n’est impérativement compétente pour en connaître. Elle en conclut que les trois conditions cumulatives de renonciation conventionnelle au privilège de l’article 14 sont remplies. La SGBL s’oppose aux arguments des époux [G] selon lesquels cette clause serait inapplicable en raison de sa potestativité.
La SGBL conteste également la compétence des tribunaux français sur le fondement de l’article R.631-3 du code de la consommation. Elle considère que le présent litige n’est pas né de l’application du code de la consommation, de telle sorte que l’article précité n’est pas applicable.
La SGBL relève ensuite que les époux [G] se fondent, dans leurs dernières conclusions sur incident, sur les dispositions du règlement dit « Bruxelles I bis » pour justifier la compétence des tribunaux français. Elle estime que ces dispositions ne sont pas applicables dès lors que les époux [G] ne démontrent pas être domiciliés en France. Elle remarque que les factures EDF produites par les demandeurs sont d’un montant trop faible pour justifier d’une domiciliation réelle au domicile déclaré et se réfère à des actes authentiques dans lesquels il est mentionné que les époux [G] résident au Liban et ne sont pas des résidents fiscaux français. Elle ajoute, qu’outre la condition liée au domicile des demandeurs, il revient également aux époux [G] de démontrer que la SGBL dirige ses activités vers la France et que le contrat litigieux a été conclu dans le cadre de ces activités, ce qu’elle réfute.
La SGBL affirme enfin que les tribunaux français ne peuvent être compétents en raison d’un risque de déni de justice, ce risque n’étant pas démontré.
Demandes et moyens des époux [G]
Dans leurs dernières conclusions sur incident communiquées par voie électronique le 13 janvier 2023, les époux [G] demandent au juge de la mise en état de :
« In limine litis et avant tout débat au fond :
- SE DECLARER compétent territorialement pour statuer sur les demandes formulées par M. [Z] [G] et par Mme [E] [M] épouse [G] à l’encontre de la SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU LIBAN
- RENVOYER l’affaire à une prochaine audience de mise en état pour les conclusions de la SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU LIBAN au fond.
En tout état de cause :
- DEBOUTER la SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU LIBAN de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER la SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU LIBAN à verser à M. [Z] [G] et à Mme [E] [M] épouse [G] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile »
Les époux [G] se prévalent de leur domiciliation en France pour considérer qu’ils peuvent saisir le tribunal du lieu de leur domicile conformément à l’article 18 paragraphe 1 du règlement du 12 décembre 2012. Ils estiment que la SGBL dirige ses activités vers la France dans la mesure où la Société Générale y détient des actions, la SGBL détient des filiales en France, son site internet est notamment présenté en anglais, ses préposés parlent français et les contrats d’ouverture de compte ainsi que la convention de bienvenue sont en français, la SGBL propose des conventions de comptes dans d’autres devises.
Les époux [G] contestent la validité de la clause attributive de juridiction que leur oppose la SGBL. Ils considèrent que la SGBL ne justifie pas qu’ils aient accepté cette clause ni que celle-ci serait applicable aux trois comptes litigieux. Ils dénoncent le caractère potestatif de la clause attributive de juridiction et son caractère imprévisible, de même que le déséquilibre significatif qu’elle crée en faveur de la banque puisque la banque est la seule à bénéficier d’une option de compétence ouverte devant n’importe quel tribunal.
* * *
L’incident a été plaidé à l’audience du 17 janvier 2024 et mis en délibéré au 6 mars 2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 20 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur l’application du règlement du 12 décembre 2012
Dans le cas d’un litige civil et commercial présentant un aspect international, les règles de compétence sont déterminées par le règlement n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit « règlement Bruxelles I bis »).
L'article 6 de ce règlement indique :
« Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l’article 21 paragraphe 2, et des articles 24 et 25. »
Il s'en déduit que lorsque le défendeur, comme au cas présent, n’est pas domicilié sur le territoire d’un Etat membre, la compétence est déterminée par la loi interne de l'Etat membre. Toutefois, le règlement organise un régime dérogatoire pour les contrats conclus par un consommateur.
En application de l’article 18, paragraphe 1, un consommateur peut saisir la juridiction du lieu de son domicile pour connaître de son action contre l’autre partie au contrat.
Cependant, pour l’application de ce critère, le consommateur doit justifier de sa domiciliation sur le territoire de l’Etat membre dont il a saisi la juridiction.
En outre, le contrat en cause doit également répondre aux critères énoncés à l’article 17 paragraphe 1 du règlement du 12 décembre 2012 :
“ En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6 et de l’article 7, point 5):
a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels;
b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets ; ou
c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.”
Il n’est pas contesté que les époux [G] agissent en qualité de consommateurs au sens du règlement du 12 décembre 2012.
Il résulte de l’article 18 de ce règlement que les règles de compétence protectrices du consommateur supposent que ce dernier ait établi son domicile dans un Etat membre de l’Union européenne. En l’espèce, la justification de la compétence du tribunal judiciaire de Paris implique, sur le fondement de l’alinéa 1 de l’article 18, que M. et Mme [G] aient réellement établi leur domicile en France.
Selon l’article 62 du règlement, pour déterminer si une partie a un domicile sur le territoire de l’État membre dont les juridictions sont saisies, le juge applique sa loi interne. Ainsi, l’article 102 du code civil énonce que « le domicile de tout français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement. » La démonstration du domicile suppose celle de l’établissement d’une résidence stable et durable, et se déduit d’élément factuels tels que le lieu de paiement des impôts, l’inscription sur des listes électorales, la réception de la correspondance, le lieu de travail ou d’attaches familiales.
Les époux [G] fournissent :
- leurs cartes d’identité françaises délivrées en juillet 2020 faisant apparaître comme adresse : [Adresse 4],
- des factures EDF de septembre 2023, novembre 2022, mars 2022, novembre 2021, novembre 2020, novembre 2019, sur lesquelles il est mentionné comme lieu de consommation « 03, M [Y] [F], [Adresse 4] »,
- une attestation titulaire de contrat fourni par EDF d’octobre 2023 sur laquelle n’apparaît plus le nom de M. [Y],
- des factures de la société Free de septembre 2023, septembre 2022 et septembre 2021 mentionnant comme « adresse de l’installation » « [Adresse 4] ».
En revanche, la SGBL justifie de la non-inscription de M. et Mme [G] sur les listes électorales du 16ème arrondissement de [Localité 10].
Elle produit en outre deux actes notariés :
- l’un en date du 30 novembre 2021 dans lequel les époux [G] ont la qualité d’acquéreurs,
- le second en date du 6 septembre 2023 dans lequel les époux [G] ont la qualité d’échangistes.
Dans chacun de ces actes, il est mentionné que les époux [G] demeurent à [Localité 5] (Liban), [Adresse 12] et ils sont qualifiés de non-résidents au sens de la réglementation fiscale.
Il ressort de ces différents éléments que les époux [G] justifient de factures EDF et Free qui montrent leur utilisation de l’immeuble situé au [Adresse 4] à [Localité 10]. Cependant, lorsqu’il s’agit de déterminer leur domicile, les époux [G] déclarent demeurer au Liban ainsi que cela ressort des actes notariés. En outre, ils sont non-résidents au sens de la réglementation fiscale, ne justifient pas percevoir de ressources ou exercer un travail en France, et ne sont pas inscrits sur les listes électorales du 16ème arrondissement de [Localité 10].
Il en résulte que le seul fait d’être titulaires de contrats d’électricité et de communication démontre éventuellement l’occupation par les époux [G] d’un immeuble situé dans le 16ème arrondissement de [Localité 10] mais ne suffit pas à justifier qu’il s’agit de leur établissement principal, en l’absence d’autres éléments probants.
Faute pour les époux [G] de justifier de la réalité de leur domiciliation en France, ils ne peuvent se prévaloir des dispositions de l’article 18 du règlement du 12 décembre 2012 pour fonder la compétence des tribunaux français. Par suite, la compétence est déterminée par la loi française, conformément à l’article 6 précité du règlement du 12 décembre 2012.
2. Sur l’opposabilité de la clause attributive de compétence
En l’absence de domiciliation du défendeur et du demandeur sur le territoire français, ou même sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne, il y a lieu de faire application de l’article 6 du règlement du 12 décembre 2012, suivant lequel lorsque le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre.
A cet effet, les époux [G], qui bénéficient de la nationalité française, se prévalent des dispositions de l’article 14 du code civil selon lesquelles, l’étranger même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un français; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des français.
Pour autant, les dispositions de l’article 14 du code civil ne sont pas d’ordre public, et les français peuvent renoncer à ce privilège de juridiction par convention. En effet, l'insertion d'une clause attributive de compétence dans un contrat international fait partie de l'économie de la convention et emporte renonciation à tout privilège de juridiction.
Les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites lorsqu'elles ne font pas échec à la compétence territoriale impérative d'une juridiction française et sont invoquées dans un litige de caractère international.
La SGBL et les époux [G] évoquent différents comptes que M. [G] aurait notamment ouvert avec d’autres membres de sa famille outre les comptes ouverts conjointement avec son épouse.
Il ressort toutefois des écritures et pièces des demandeurs et de la défenderesse que la demande de transfert des époux [G] concernait les comptes suivants :
- current account individuals (compte courant particulier) n°[XXXXXXXXXX01] à hauteur de 1 517 890,27 USD,
- provision account crédit cards (compte provision) n°[XXXXXXXXXX03] à hauteur de 10 000 USD,
- term deposit individual (compte de dépôt à terme) n°[XXXXXXXXXX02] à hauteur de 15 506,91 USD.
La SGBL verse aux débats un document intitulé « Convention Bienvenue / Conditions Générales ». Ce document comprend une clause « G – Droit applicable et règlement des litiges » ainsi rédigée :
« Tout litige pouvant surgir à l’occasion de l’application ou de l’interprétation de la présente convention de compte SGBL ainsi que des produits et services y figurant sera régi par les lois libanaises et relèvera de la compétence territoriale exclusive des tribunaux de Beyrouth. Toutefois, la SGBL a la possibilité d’ester en justice par devant tout tribunal compétent, au Liban ou à l’étranger. »
Selon ses termes, cette convention de bienvenue fixe les conditions générales qui régissent le fonctionnement des produits et services proposés par la SGBL dans le cadre de l’ouverture de comptes. Elle s’applique ainsi aux conventions de compte courant et aux comptes de dépôt à terme.
Cette convention a été signée le 8 juin 2017 par « [E] et/ou [Z] [G] » et une signature au nom de [G] est apposée à la fin de ce document.
L’absence de paraphes sur chaque page du document comme relevé par les époux [G] est inopérante dès lors qu’une signature en fin d’acte est suffisante pour manifester leur acceptation.
La SGBL produit également deux documents portant le matricule client des époux [G] « [Numéro identifiant 6] ». Chacun de ces documents comporte un chapitre « conditions particulières » qui mentionne en dernier paragraphe : « Nous déclarons avoir reçu, pris connaissance et accepté sans conditions ni restrictions, les Conditions Générales de la Convention Bienvenue référencées ci-dessus ».
L’un de ces documents est signé le 8 mai 2017 par les deux époux [G] et le second est signé le 21 août 2017 par un seul des époux [G].
La « Convention de Bienvenue / Conditions Générales » est applicable aux différents comptes ouverts par les époux [G] de telle sorte qu’ils ne peuvent prétendre qu’elle ne s’appliquerait qu’à un ou plusieurs des comptes litigieux. En outre, l’absence d’identité de date et le fait qu’il n’y ait qu’une seule signature sur certains documents ne peuvent suffire à rendre inopposable cette convention dès lors que les époux [G] ont consenti aux termes de cette convention en signant les conditions particulières le 8 mai 2017. Ils ont dès cette date, et conjointement, reconnu avoir eu connaissance des termes de cette convention et en accepter les termes.
Il en résulte que la clause attributive de compétence est bien opposable aux époux [G].
Les époux [G] contestent la validité de cette clause au motif qu’elle revêt un caractère potestatif et imprévisible et crée un déséquilibre significatif en faveur de la banque.
Cette clause énonce que les litiges qui naissent de l’application de la convention de compte relèvent « de la compétence territoriale exclusive des tribunaux de Beyrouth » mais réserve la possibilité pour la SGBL d’ester en justice devant d’autres tribunaux : « Toutefois, la SGBL a la possibilité d’ester en justice par devant tout tribunal compétent, au Liban ou à l’étranger. »
Il en résulte que la volonté des parties de convenir d’une attribution de compétence à la juridiction libanaise était claire, prévisible et déterminable peu important que celle clause attributive s’impose à une seule des parties au contrat. La lecture de cette clause, nonobstant l’option ouverte à la SGBL, permet aux époux [G] d’identifier la juridiction qu’ils doivent saisir en cas de litige de sorte que cette clause ne saurait être déclarée nulle à raison d’un aspect potestatif.
Les époux [G] relèvent le déséquilibre significatif que crée cette clause sans toutefois se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives. Au demeurant, celles-ci ne sont pas applicables en l’espèce, faute pour les époux [G] d’établir qu’ils résident en France.
Enfin, les époux [G] rappellent le contexte de crise au Liban mais indiquent expressément ne pas se prévaloir du risque de déni de justice pour fonder la compétence des tribunaux français.
Dans ces conditions, le tribunal judiciaire de Paris n’est pas compétent pour connaître du présent litige et les époux [G] seront renvoyés à mieux se pourvoir.
3. Sur les frais de l’incident
Les époux [G] succombant à l’incident supporteront la charge des dépens.
Ils seront également condamnés à payer à la SGBL une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe de la juridiction, susceptible d’appel dans les conditions des articles 83 et suivants du code de procédure civile,

DÉCLARE le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour connaître du litige opposant les parties, lequel relève de la compétence d’une juridiction étrangère ;

RENVOIE M. [Z] [G] et Mme [E] [M] épouse [G] à mieux se pourvoir ;

CONDAMNE M. [Z] [G] et Mme [E] [M] épouse [G] aux dépens ;

CONDAMNE M. [Z] [G] et Mme [E] [M] épouse [G] à payer à la Société Générale de Banque au Liban une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Faite et rendue à Paris le 20 mars 2024.

La greffière La juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/04810
Date de la décision : 20/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-20;22.04810 ?
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