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18/03/2024 | FRANCE | N°21/14380

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 18 mars 2024, 21/14380


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:


â– 


18° chambre
1ère section


N° RG 21/14380
N° Portalis 352J-W-B7F-CVQAR

N° MINUTE : 1

contradictoire

Assignation du :
17 Novembre 2021









JUGEMENT
rendu le 18 Mars 2024


DEMANDERESSE

Société CAREL
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Emilie VERNHET LAMOLY de la SCP SVA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0055




‰FENDERESSE

Société SOGECO
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Bruno BARRILLON de , avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0054





Décision du 18 Mars 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 21/143...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

â– 

18° chambre
1ère section


N° RG 21/14380
N° Portalis 352J-W-B7F-CVQAR

N° MINUTE : 1

contradictoire

Assignation du :
17 Novembre 2021

JUGEMENT
rendu le 18 Mars 2024

DEMANDERESSE

Société CAREL
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Emilie VERNHET LAMOLY de la SCP SVA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0055

DÉFENDERESSE

Société SOGECO
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Bruno BARRILLON de , avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0054

Décision du 18 Mars 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 21/14380 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVQAR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe, statuant en juge unique,

assistée de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal, lors des débats, et de Madame Camille BERGER, Greffière, lors de la mise à disposition au greffe,

DÉBATS

A l’audience du 22 Janvier 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 18 mars 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 5 avril 2012, la société de gestion, d’étude et de conseil Sogeco (ci-après la société Sogeco) a donné à bail renouvelé à la société SAS Carel (ci-après la société Carel) des locaux commerciaux composés, au rez-de-chaussée, d’une boutique et d’une réserve, en entresol, de cinq pièces, d’un bloc sanitaire et d’un dégagement et, au sous-sol, d’une cave. Lesdits locaux sont situés au [Adresse 2].

Le bail a été consenti pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er janvier 2011, moyennant le versement d’un loyer annuel en principal de 110.000 euros hors taxes hors charges. Par un avenant à effet du 1er janvier 2014, le montant du loyer annuel en principal a été fixé à la somme de 116.653 euros hors taxes hors charge.

Les lieux ont pour destination l’activité exclusive de « prêt à porter féminin, habillement féminin en général, commerce de chaussure et de maroquinerie ».

Faisant valoir que les loyers du 4e trimestre de 2019 et du 1er trimestre de 2020 n’avaient pas été réglés et que l’avis d’échéance du 20 mars 2020 était resté sans suite, la société Sogeco a fait délivrer au preneur, par acte d’huissier du 16 juin 2020, un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour une somme totale de 61.361,44 euros au titre des loyers susmentionnés et du coût dudit commandement. Le 22 juin 2020, la société Carel a effectué un virement partiel à hauteur de 30.499,66 euros.

Par acte introductif d’instance du 31 juillet 2020, la société Sogeco a saisi le juge des référés afin d’obtenir que soit constaté la résiliation de plein droit du bail commercial par effet de la clause résolutoire et que soit ordonné l’expulsion du preneur.

Un protocole d’accord a été conclu le 2 avril 2021 entre les parties aux termes duquel il a été constaté :
- L’encaissement, le 15 janvier 2021, du loyer du 3e trimestre 2020,
- L’engagement du preneur à régler, au plus tard le 15 févier 2021, la somme de 15.249,83 euros au titre de la moitié du 4e trimestre 2020,
- La dispense accordée au preneur de régler le solde du loyer relatif au 4e trimestre 2020 s’élevant à la somme de 15.249,83 euros,
- L’engagement du preneur à régler, au plus tard au 31 mars 2021, le montant du loyer relatif au 1er trimestre 2021, à peine de nullité de la dispense susmentionnée.
Ledit protocole a précisé enfin que, « moyennant la parfaite exécution des clauses et conditions du protocole, les parties renonçaient à toute instance ou action ayant pour cause ou origine le commandement de payer du 16 juin 2020 », la société Sogeco renonçant par conséquent à se prévaloir de ce commandement et de ses effets et à poursuivre, sur ses demandes, l’instance actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Paris statuant en référé.

À l’audience du juge des référés du 11 octobre 2021, l’affaire a été radiée.

Par acte d’huissier du 15 octobre 2021, la société Sogeco a fait délivrer à la société Carel un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme de 30.183,01 euros en principal, outre les frais de commandement.

C’est dans ce contexte que, par assignation en date du 17 novembre 2021, la société Carel a attrait la société Sogeco devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant à celui-ci de :
- Accueillir l’opposition au commandement de payer en date du 15 octobre 2021 du ministère de la SCP Jourdain, huissier de Justice,
Au principal :
- Dire et juger qu’il est procédé pour des sommes non dues,
- Dire et juger que le commandement de payer susvisé ne saurait produire aucun effet,
Subsidiairement, et sous réserve qu’un décompte conforme à la réglementation en vigueur, au bail et au protocole d’accord en date du 2 avril 2021 soit versé au débat :
- Lui accorder un délai de 6 mois pour s’acquitter des sommes dues,
- Suspendre la réalisation des effets de la clause résolutoire étant précisé que la clause résolutoire ne jouera pas si elle se libère dans les conditions fixées par le tribunal,
En toute hypothèse,
- Condamner la société Sogeco à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- Condamner la société Sogeco à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Sogeco aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la société Carel fait valoir, s’agissant de la forme, qu’elle n’a pas reçu de quittance de loyer depuis le 4e trimestre 2020 et la dispense conclue dans le protocole d’accord, et s’agissant du fond, que la somme visée par le commandement de payer du 15 octobre 2020 est indue, ladite dispense n’ayant pas été prise en compte, le loyer ayant été unilatéralement et injustement augmenté, et des charges non stipulées ayant été comptabilisées.

La société Sogeco a constitué avocat mais n’a pas conclu.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et moyens objet du litige, il est expressément renvoyé à l’acte introductif d’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023 et l’audience de plaidoirie fixée au 22 janvier 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT

En application de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur régulièrement assigné ou convoqué ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime recevable, régulière, et bien fondée.

Sur les sommes visées au commandement de payer

Sur la remise de dette

Sur la validité et les effets de la transaction

Les articles 2044 et 2045 du code civil disposent que « la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit ». « Pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction ».
En vertu de l’article 2049 du code civil, « les transactions ne règlent que les différents qui s’y trouvent compris ». L’article 2052 nouveau du même code, applicable au litige, dispose que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet ». L’article 1103 du même code dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

En l’espèce, les parties ont conclu par écrit un protocole d’accord le 2 avril 2021 portant, d’une part, sur un échéancier relatif au paiement du loyer du 4e trimestre 2020 et celui du 1er trimestre 2021 et d’autre part, sur une remise de dette accordée au preneur concernant la moitié du loyer du 4e trimestre 2020, remise de dette conditionnée au paiement, au plus tard le 31 mars 2021, du loyer du 1er trimestre 2021.
Ledit protocole d’accord stipule par ailleurs que « moyennant la parfaite exécution des clauses et conditions [prévues au protocole], les parties renoncent à toute action ou instance ayant cause, objet ou origine le commandement de payer en date du 16 juin 2020, la société Sogeco renonçant par conséquent à se prévaloir de ce commandement et de ses effets et à poursuivre, sur ses demandes, l’instance actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Paris statuant en référé ».

Par conséquent, ladite transaction est régulière d’une part, et est revêtue de l’autorité de la chose jugée du fait de la loi et de la force obligatoire des contrats légalement formés d’autre part. Les stipulations relatives à la remise de dette conditionnelle s’imposent aux parties.

Sur la validité et les effets de la remise de dette

L’article 1350 du code civil dispose que la remise de dette est le contrat par lequel le créancier libère le débiteur de son obligation. Celle-ci n’est soumise qu’aux conditions du droit commun des contrats.
En vertu des articles 1304 et suivants du même code, l’obligation est conditionnelle lorsque son existence est subordonnée à la survenance d’un événement futur et incertain. Néanmoins, « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur ». En d’autres termes et a contrario, celle-ci, bien que potestative, est valide lorsque la réalisation de la condition dépend de la seule volonté du créancier. Enfin, la condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple.

En l’espèce, le protocole d’accord, stipulant la remise de dette susmentionnée, reflète la rencontre des consentements entre les deux parties et démontre l’accord du créancier.
En outre, l’existence de ladite remise de dette est subordonnée au paiement, par le preneur, du loyer du 1er trimestre 2021 au plus tard le 31 mars 2021. D’une part, si la condition est de ce fait purement potestative, la société Carel, dont la seule volonté est nécessaire à la réalisation de la condition, est néanmoins créancière de la remise de dette. D’autre part, il découle des stipulations du protocole que la condition est suspensive, la remise de dette ne prenant effet que lorsque le paiement du preneur est effectué.

Il résulte des pièces versées au débat, et notamment du tableau de comptabilité visé dans le commandement de payer délivré par acte d’huissier du 15 octobre 2021 par le bailleur, que la société Carel s’est acquittée du loyer du 1er trimestre 2021 dans les délais stipulés par protocole d’accord.

À l’aune de ces considérations, la remise de dette est valide, et opère, du fait de la réalisation de la condition, remise de dette à hauteur de 15.249,83 euros, somme stipulée au protocole d’accord.

Sur la prise en compte de la remise de dette dans le commandement litigieux

L’article 1353 du code civil dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

En l’espèce, il résulte des pièces versées au débat que la société Carel est bénéficiaire d’une remise de dette, la condition suspensive ayant été réalisée, et justifie de ce fait l’extinction de son obligation de paiement de la somme de 15.249,83 euros. Or, le tableau de comptabilité visé dans le commandement de payer délivré par acte d’huissier du 15 octobre 2021 par le bailleur ne révèle pas la prise en compte de ladite remise de dette.

Ainsi, la somme de 30.425,80 euros visée par le commandement de payer délivré par acte d’huissier du 15 octobre 2021 par la société Sogeco doit être réduite de 15.249,83 euros.

Sur la révision du loyer

En vertu des articles L.145-10 et suivants du code de commerce, la modification du loyer prévu au bail n’est possible que lors de la révision ou du renouvellement de ce dernier. De façon dérogatoire, elle est également possible lorsque la perte de la chose louée est constatée en vertu de l’article 1722 du code civil, lorsqu’une « modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative » est démontrée en vertu de l’article L.145-30 du code de commerce ou lorsqu’une clause relative à la fixation du loyer est stipulée au bail considéré.
L’article 1103 du code civil dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
L’article 1353 du code civil dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».


En l’espèce, le bail renouvelé stipule à l’article 6 que « le prix du loyer ci-dessus sera augmenté au début de chaque période triennale […] conformément à la loi et aux textes réglementaires sur les baux commerciaux, en fonction de la variation de l’indice du coût de la construction publiée par l’INSEE ».
Or les augmentations relevées par le preneur concernent les loyers du 1er et 2e trimestre de 2021 et de l’échéance du 1er juillet 2021 au 30 septembre 2021, ceux-ci étant portés respectivement à 39.143,79, 32.945,10 et 34.343,29 euros, soit une hausse de 14.933,2 euros par rapport au loyer trimestriel moyen. De telles modifications ne sont aucunement concordantes avec la révision triennale légale ou le renouvellement du bail et le bailleur n’oppose à la locataire aucun moyen de défense sur ce point.

Ces modifications étant dépourvues de fondement légal et nullement justifiées, la somme de 30.425,80 euros visée par le commandement de payer délivré, par acte d’huissier du 15 octobre 2021, par la société Sogeco sera, par conséquent, réduite de 14.933,2 euros.

Sur la somme générale visée par le commandement de payer

Sous le bénéfice des observations sus visées, la bailleresse n’était pas fondée à inclure dans le commandement de payer visant la clause résolutoire la somme totale de 30.183,03 euros – correspondant au montant visé par la remise de dette (15.249,83 euros) et à celui des augmentations injustifiées des loyers (14.933,2 euros) – est indue.

Or le commandement de payer délivré par acte d’huissier du 15 octobre 2021 par le bailleur vise une dette locative à hauteur de 30.425,80 euros au titre du solde comptable (30.183,01 euros) d’une part, et du coût de l’acte (242,79 euros) d’autre part.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande de la société Carel tendant à juger que ledit commandement de payer est procédé pour des sommes non dues et ne saurait ainsi produire aucun effet.

Sur la demande de dommages et intérêts

L’article 1104 du code civil dispose que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Ces dispositions sont d’ordre public ».
L’article 1231-1 du même code prévoit que les manquements contractuels ouvrent droit au paiement de dommages et intérêts à hauteur du préjudice subi par le co-contractant.

La délivrance du commandement de payer litigieux est en l’espèce survenu seulement quatre jours après l’audience en référé et repose sur une dette locative infondée; elle illustre, de ce fait, la mauvaise foi du bailleur dans l’exécution du contrat de bail.

Pour autant, la SAS Carel ne caractérise, ni même n’allègue, le préjudice qu’elle aurait subi, en lien avec ce manquement de la bailleresse.

La demande de dommages et intérêts de la société Carel ne pourra donc qu’être rejetée.

Sur les autres demandes

La société Sogeco, qui succombe, supportera la charge des dépens. Elle sera condamnée en outre, au regard de l’équité à payer à la demanderesse la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe à la date du délibéré

Dit que le commandement visant la clause résolutoire délivré par la société de gestion, d’étude et de conseil Sogeco à la société Carel n'a pas pu produire d’effets quant à la mise en jeu de la clause résolutoire du bail portant sur les locaux dépendant de l'immeuble sis [Adresse 2],

Condamne la société de gestion, d’étude et de conseil Sogeco à payer à la SAS Carel la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes de la SAS Carel,

Condamne la société de gestion, d’étude et de conseil Sogeco aux dépens,

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 18 Mars 2024.

Le GreffierLe Président

Camille BERGERSophie GUILLARME


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/14380
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;21.14380 ?
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